172 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 juin 1789.) « M. le président a déposé sur le bureau une lettre adressée au corps municipal, le 23 de ce mois, par MM. les députés du bailliage de Ver-mandois, par laquelle ils lui font part du résultat de la séance royale tenue à Versailles le même jour, et de l’arrêté de l’Assemblée nationale ensuite d’icelle: à laquelle lettre étaient joints les imprimés des délibérations des 17 de ce mois, et l’extrait du procès-verbal du 20. Lecture faite desdites lettres, délibérations et procès-verbal, et la matière mise en délibération ; « Messieurs, partageant les sentiments de l’Assemblée nationale, et rendant hommage à la fermeté et au patriotisme éclairé qui a dicté ces délibérations, auxquelles ils adhèrent, ont arrêté qu’expédition de la présente délibération serait envoyée à MM. les députés du bailliage de Ver-mandois, avec prière de vouloir bien la présenter à l’Assemblée nationale, comme un témoignage de la reconnaissance de la commune, et ont signé. « Ainsi signé: Mauclaire, leChenetier, Maynon, Forcaul, Régnault, Maréchal et Rossignol. » Pour expédition conforme, signé, Duflos. M. Bailly, président. Messieurs, l’Assemblée nationale invite MM. du clergé et de la noblesse qui se sont réunis à nous samedi dernier à lui communiquer leurs pouvoirs, afin que l’on puisse les soumettre à l’examen de la commission établie pour la vérification des pouvoirs. Cette opération essentielle terminée, l’Assemblée pourra procéder demain à la nomination de nouveaux officiers. Un grand nombre les ont remis à l’instant sur le bureau. Plusieurs, dont les noms sont portés en une liste qui sera annexée au procès-verbal de la présente séance, ont remis sur le bureau di fféren tes déclarations de pouvoirs de leurs commettants. Quelques-unes de ces déclarations contiennent des réserves et protestations. M. Le Pelelierde Saint-Fargeau, l’un des députés de la ville de Paris, a dit qu’il se bornait à déclarer qu’il ne donnerait qu’une opinion consultative, jusqu'à ce qu’il eût reçu de nouveaux pouvoirs. Plusieurs députés de la noblesse nouvellement réunis déposent sur le bureau des actes, des déclarations et des protestations. Première protestation. Les députés de la noblesse du Poitou, forcés par leurs mandats impératifs de ne jamais se départir de la délibération par ordre, déclarent qu’ils ne peuvent participer en rien aux délibérations de cette Assemblée, jusqu’à ce que leurs représentants aient pesé dans leur sagesse s’ils jugent convenable de leur donner de nouveaux pouvoirs, et jusqu’à l’obtention de nouvelles lettres de convocation. Ils font toutes réserves contre les délibérations qui pourraient être prises dans l’Assemblée. Deuxième protestation. « On ne marchande pas avec l’honneur ; je parle aux représentants de la nation française: qui mieux qu’eux peut juger du point d’honneur? « Mes commettants m’ont envoyé vers vous pour les soumettre à l’égalité des charges, pour renoncer à leurs privilèges pécuniaires ; mais ils m’ont astreint, ils m’ont enchaîné à la délibération par ordre; ils révoquent même tous mes pouvoirs, dans le cas où je ne soutiendrais pas de toute ma force cet article de mes cahiers. Il faut être d’accord avec sa conscience. « Signé : le baron de Montagü, député du Limousin. » Troisième protestation. « Je soussigné, député de la haute Auvergne, au bailliage de Saint-Flour, déclare regarder la vérification commune, tenant à l’opinion par tête, commecontraireauxdroitsde la noblesse; euconsé-quence, je ne peux prendre part aux délibérations de l’Assemblée, jusqu’à ce que mes commettants m’aient donné de nouveaux pouvoirs. « Signé le duc de Caylus. » Quatrième protestation. M. le comte de Montfort fait une protestation semblable. Cinquième protestation. Le marquis d’Ambly déclare que jusqu’à ce que ses commettants lui aient donné de nouveaux pouvoirs, il ne pourra en rien prendre part aux délibérations de l’Assemblée. M. le marquis de Sillery, député de Reims, et collègue de M. d’Ambly, n’entend pas cette déclaration sans étonnement. Il demande la parole; il commence par lire les pouvoirs qui lui ont été donnés par la noblesse au bailliage de Reims. M. le marquis de Sillery. D’après cette lecture, l’Assemblée voit bien quer la noblesse de Ghampagne donne une liberté entière d’adopter toute loi proposée par les Etats généraux. Ces mandats ne sont impératifs que sur la constitution. Je suis tout aussi délicat que M. d’Ambly; et si mon mandat eût été impératif, je l’aurais rempli avec une aussi grande exactitude que M. d’Ambly. Sixième protestation. Un député de la noblesse du Nivernais a ensuite exposé que son mandat était impératif; il a dit qu’il n’était pas besoin d’annoncer qu’il y serait fidèle; que l’opinion qu’il a conçue de la probité de tous les membres est garant en quelque sorte de la sienne ; que l’on ne transige pas avec sa conscience ni avec un serment. « Mais je retournerai vers mes commettants, a-t-il ajouté, je leur demanderai des pouvoirs plus étendus, et je me hâterai de venir ensuite m’éclairer dans cette auguste Assemblée. « C’est à vous, Messieurs, à peser dans votre sagesse quelle mesure doit avoir dans vos délibérations une partie de la nation qui va encore se trouver assemblée. » Septième protestation. La députation d’Amiens a fait aussi ses protestations.