Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 septembre 1791.] juges des pouvoirs et de la capacité des personnes quVlles doivent admettre dans leur sein; vous avez décrété, de plus, que, s’il s’élevait des contestations sur l’état des personnes, elles seraient renvoyé s aux tribunaux. C’est donc très mal à propos que l’on vient taire perdre le temps à l’As�emblee, comme on a déjà fait perdre celui des électeurs, pour nous faire décider une ques? tion qui a été décidé - très bien suivant moi. Je demande q don passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) Deux députés extraordinaires de la ville de Brest sont admis à la barre. L'un d'eux s’exprime ainsi : « Messieurs, la ville de Brest est unie aux colonies par des liens indissolubles, et ces liens ne sont point ceux de l’intérêt particulier. Nous sommes venus le 11 juin dernier, au nom des citoyens de cette ville, rendre un hommage éclatant aux principes qui avaient dicté votre décret du 15 mai, et vous soumettre les moyens d’en assurer la paisible exécution : nous vous exposâmes en même temps l’état de nos colonies; ce sont les ennemis communs de notre Constitution qui y command ni. Est-il donc étonnant que vos décrets deviennent entre leurs mains des semences de trouble et de division? et comment ose-t-on se servir de ce prétexte pour calomnier vos décrets? Oui, si la loi du 15 mai n’est pas accueillie également dans la colonie, croyez que. la dissension est fomentée par ceux mêmes qui devaient la faire exécuter. Cette asœ tion n’est pas hasardée. Depuis 5 mois sont déposées au comité colonial plus de 80 pièces manuscrites qui la prouvent au h "ntiquement. Mais ces pièces ont demeuré sans exa nen, ainsi que la pétition des citoyens de Brest que vous aviez renvoyée à ce comité. En vain avons-nous écrit deux fois à son président, nous n’avons pas même reçu de réponse ; en vain l’avons-nons exhorté à juter un coup d’œil sur ces pièces • il a constamment témoigné la plus froide indifférence. Nous nous sommes adressés alors à M. le président même de l’Assemblée nationale, q i ordonna aux membres du comité de se réunir; mais cet ordre fut aussi inutile que nos instances. Aujourd’hui on veut adribuer à un décret qu’on veut révoquer, des maux qu’on exagère, et que nous avons dénoncés, il y a trois mois, comme le fruit des manœuvres des agents du pouvoir exécutif dans les colonies. « Nous ne nous arrêterons ras plus longtemps sur la conduite du comité colonial. Vous vous rappellerez sans doute que les membres qui y ont été adjoints, ont été obligés de donner leur démission : ces membres n’ont point été remplacés, et ceux des autres comités dont vous avez ordonné la réunion, osent à peine se permettre d’élever quelques doutes sur le mérite de deux ou trois adresses mendiées, et d’après lesquelles une foule d’individus, sans autre mission que celle de leur intérêt personnel, viennent effrayer le comité. « Dans cet état de choses, nous avons recours à vous pour obtenir l'examen de notre pétition : elle est signée individuellement, et si les faits qui en sont la base so >t faux, les calomniateurs sont connus : ils appellent sur eux la sévérité des lois. Nous en sommes ici les garants comme leurs complices et leurs mandataires ; mais, nous vous le répétons, cet examen vous convaincra de plus en plus que, si votre décret du 15 mai éprouve quelques difficultés, c’est qu’on n’a pris aucunes précautions pour l’exécution, et qu’elle est confiée aux ennemis de la chose publique. « Nous dema dons que l’Assemblée nationale veuille bien ordonner à son comité colonial de lui faire incessamment le rapport de la pétition d< s citoyens de Brest, et des pièces y jointes, conformément à son décret du 11 juin dernier. » M. Alexandre de Lameth. Sans le respect que j’ai pour le droit de pétition, je dirais mon opinion sur les personnes qui, dans ce moment, présentent celle-ci, et parmi lesquelles, sur les deux personnes qui se présentent, il en est une qui a sollicité le licenciement de la marine, motion qui, je crois, eût été peu utile pour la chose publique dans les circonstances actuelles. Un membre : Qu’est-ce que cela veut dire ? M. Alexandre de Lameth. Je ne crains pas de prendre à témoin tous les membres de cette Assemblée, quelle q ie soit leur opinion, que cette pétition n’est pas dans le style qui convient. Quant à l’objet de la pétition et à l’opinion que l’on voudrait former sur l’état actuel des colonies, je me crohais criminel si je vous dissimulais la vérité. Messieurs, parmi toutes les nouvelles qui nous arrivent des colonies, il n’y en a pas une qui ne soit affligeante. Celui qui oserait dire le contraire, trahirait la vérité. Dernièrement, on vous a parlé ici d’une lettre arrivée de B r-deaux, dans laquelle on citait l’opin on d’une paroisse de Saint-Domingue, de la Croix-des-Bouquets. J’ai dit à celui qui lisait cette lettre, que .je désirais que ce qu’il disait fût vrai, mais que je craignais bien, vu la naiure des choses, que cela ne fût pa<. Eh bien, qu’est-il arrivé à laCroix-des-Bouquets? Votre décret y est arrivé, y a excité une grande fermentation dans les ateliers, y a mis les jours de tous les propriétaires dans le plus grand danger. Ils ont pris les armes pour la défense de leurs personnes, et 22 personnes en ont été les victimes. Voilà la paroisse dont vous avez cité l’assentiment au décret que vous avez rendu. Messieurs, il y a ici des adresses de plusieurs villes de commerce qui expriment leur opinion sur le décret du 15 mai; et je puis vous certifier qu’on manquerait à la vérité que l’on vous doit, si l’on vous disait que ce décret p ut être soutenu et exécuté dans les colonies. Si la pétition qu’on vous présente pouvait être renvoyée à un Cumité et prise en considération, d’une manière formelle, je vous déclare que vous jetteriez l’inquiétude la mieux fondée dans toutes les villes de commerce et principalement dans les colonies. Ce que vous devez faire, c’est de vous occuper sérieusement, franchement, de l’examen du décret que vous avez rendu. (Murmures.) Un membre : Oui I oui I franchement de son exécution. M. Alexandre de Lameth. On parle de IVxé-cution du décret. Il y a ou une insigne ignorance ou une insigne mauvaise fui dans ceux qui parlent. M. Salle. Je demande que Monsieu# soit rappelé à l’ordre. 236 [Assemblée nationale.) M. Coroller du Aloustoir. Je demande que M. de Lameth soit rappelé à l’ordre pour avoir manqué de respect à l’Assemblée eo taxant un de ses membres de mauvaise foi. M. Alexandre de Lameth. Je dis, Monsieur le Président, que lorsqu’on se plaint des mesures prises, il y a une profonde ignorance. Le décret a été rendu le 15 mai; il a été imprimé dans le Postillon le même jour; le même jour il est parti pour la poste de France; il est arrivé avec la célérité du courrier à Nantes; il a été aussitôt embarqué que connu; il est arrivé à Saint-Domingue en 37 jours. C’est le trente-huitième que des courriers ont été envoyés dans toutes les parties de la colonie; que tous les colons se sont ralliés; que tous les partis se sont réunis; que les troupes ont contracté l’engagement de ne pas exécuter le décret. On l’a dit dans le temps à l’Assemblée, je le répète maintenant, les événements prouveront toujours... (Murmures.) Les cris, les interruptions ne répondent pas aux faits ; les faits ne prouveront que trop que lorsqu’on décide dans une chose que l’on ne connaît pas, on décide mal. (Murmures.) Maintenant je dis qu’il y a une profonde ignorance à attribuer la non-réussite du décret, à ce que les mesures n’ont pas été prises pour son exécution. D’abord, c’est M. Dupont, ce sont les membres qui avaient fait prévaloir le fatal decret du 15 mai, qui ont été chargés de rédiger les instructions (Mttmwm.,), les instructionsdeM. Dupont et la b ttre très apostolique de M. Grégoire (M. Robespierre applaudit.) Je remercie M. Robespierre de ses applaudissements d’improbation. Rien n’est plus flatteur pour moi. M. Robespierre. Ce sont des traits de génie, Monsieur Alexandre. M. Alexandre de Lameth. Les instructions ont été rédigées par ceux qui avaient fait prévaloir le décret du 15 mai. Or, lorsqu’on se plaint que les mesures n’ont pas été prises pour son exécution, ce n’est pas au comité colonial qu’il faut s’en prendre, c’est à ceux qui en étaient chargés. Ce n’est pas que je les attaque, car il n’y avait pas de mesures possibles à prendre aussi promptes que l’impression d’un décret de 6 lignes. Les mesures ne seraient arrivées que 6 semaines au plus tôt après le décret; il est beaucoup plus difficile q'i’on ne pense d’embarquer 4,000 hommes, 6,000 hommes; disposition, au reste, qui eut été très funeste pour la nation et pour ceux qui y eussent concouru. Messieurs, si j’ai rappelé ces laits, c’est que je vois avec douleur que l’on cherche à tromper l’Assemblée. Plusieurs membres: Oui! oui! C’est vrai. M. Alexandre de Lameth. Comme l’on dit sans cesse à l’Assemblée que c’est la faute des mesures, il est essentiel de relever ces faits; l’on n’a encore ue nouvelles de Saint-Domingue que de 3, de 4, 8, lOjours après l’arrivée du décret. Or, il est évident qu’à cette époque il ne pouvait y avoir aucun moyen d’exécution mis eu mouvement. Messieurs, je vous invite, je vous conjure, et soyez sûrs que c’est l’intérêt de l’Assemblée comme celui delà nation, car ils ne peuvent pas êire séparés, à réfléchir au décret du 15 mai. (Murmures.) Je somme, au nom de la patrie, chaque mem-[5 septembre 1791.] bre de l’Assemblée de ne pas répondre par des clameurs qui ne peuvent remplacer les raisons, de descendre dans sa consciente, de consulter son jugement avec méditation avant de prendre un parti qui intéresse essentiellement, d’où dépend le sort de toutes les villes de commerce de France, de toutes les villes d’industrie, et de 4 millions de citoyens. Certainement vous n’êtes pas obligés de nous croire, mais vous êtes obligés de peser des considérations d’une aussi haute importance, et je déclare que, si l’on refuse d’exa-mrner profondément la situation actuelle des colonies et les moyens de les sauver, je déclare que tous ceux qui ont soutenu mon opinion, placeront la responsabilité des malheurs qui arriveront, sur ceux qui ont soutenu l’opinion contraire. (Oui ! oui ! Applaudissements.) M. Robespierre. S’il était question, en ce moment," de discuter l’affaire des colonies, il serait très facile de répondre à M. Alexandre de Lameth aussi longuement qu’il a parlé ; maisil nes’agit que d’une pétition présentée à l’Assemblée nationale par les citoyens de Brest. Je ne me permettrai pas d’entrer dans le fond de la question, comme M. Alexandre de Lameih, et je vous dirai que je ne crois pas qu’une pétition présentée à l’Assemblée nationale sur un tel objet, ait besoin d’apologie, encore moins qu’elle puisse être attaquée en elle-même par aucun membre de l’Assemblée nationale. Et certes, si l’on pouvait dire, en parlant de citoyens qui usent du droit de pétition : tel pétitionnaire ne mérite pas la confiance de l’Assemblée nationale; il serait permis de dire de tel membre de l’Assemblée législative qui se permet, avant tout examen de la pétition elle -même, d’inculper ceux qui l’apportent, il serait permis, dis-je, d’adres er aussi, à ce membre d * l’Assemblée nationale, des reproches qui pourraient troubler la gravité et la tranquillité des délibérations du Corps législatif. (Murmures.) Mais je ne m’occupe que du fond de la question, et je dis : Lorsque les députés d’une ville maritime viennent se présenter à vous, et vous parler des colonies, la seule idée qui doit vous frapper principalement, c’est, d’une part, l’importance de l’objet qui est soumis à votre discipline, et de l’autre, l’impartialité que les représentants doivent mettre dans une semblable discussion. Et s’il est vrai que vous deviez peser avec scrupule tous les avis qui vous sont apportés par toutes les parties de l’Empire intéressées à cette grande question, il n’en est pas moins vrai que, dans le moment où ils vous sont présentés, vous devez vous imposer à vour-mêmes le devoir d’entendre tous les citoyens qui vous donnent leur avis. (Murmures.) Si, pour être entendu, il suffit de dire des personnalités, je vous dirai, moi, que ceux qui se sont permis de répandre des soupçons et sur le fond de l’affaire et sur la députation de Brest, je vous dirai que ces hommes-là sont ceux qui trahissent la patrie. (L'extrémité delà partie gauche et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.) S’il est quelques individus, s’il est quelque section de l’Assemblée qui paisse imposer silence à quelques membies de l’Assemblée, lor-qu’il est question des intéiêts qui les touchent de près, je vous dirai, moi, que les trait es à la patrie sont ceux qui cherchent à vous faire révoquer votre décret, et si, pour avoir le droit de se faire entendre dans ceite Assemblée, il faut attaquer les individus, je vous déclare, moi, que j’attaque ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. personnellement M. Barnave et M. Lameth. (Vifs applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Plusieurs membres de la gauche se lèvent en tumulte et crient vivement. A l’Abbaye! à l’Abbaye l’opinant! M. Chateauneuf-Randon . Attaquez-moi aussi, je vous répondrai. M. Robespierre. Je n’ai pas fini. ( Nouveaux applaudissements dans les tribunes.) (Une grande agitation règne dans l’Assemblée.) M. Gombert. Cette affaire est trop intéressante pour être discutée dans le tumulte; je demande l’ordre du jour. M. Robespierre. Il est question d’un décret rendu; j’en demande l’exécution. M. Muguet de Nanthou. Je demande que M. Robespierre cite des faits. M. Robespierre. Je demande à m’expliquer... ( Nouveaux applaudissements des tribunes.) M. le Président. Les tribunes sont invitées à se mettre à l’ordre. M. Barnave demande la parole avec instance. Plusieurs membres .'Monsieur le Président, levez la séance. M. Victor de Broglle. Je demande que M. Robespierre éclaircisse les faits qu’il vient d’avancer. (Le calme se rétablit peu à peu.) M. Robespierre. Si j’ai nommé des individus dans cette délibération importante, ne croyez pas que ce soit contre eux que je veuille diriger mon opinion; mais il s’agit u’un décret qui, de quelque manière que vous l’eussiez rendu, eût nécessairement éprouvé des difficultés dans l’exécution; et il fallait, pour assurer l’exécution de ce décret. la vigilance, le zèle et la bonne foi de ceux qui ’étai nt chargés de le faire exécuter. Ainsi je dis tout ce que chaque membre de cette Assemblée peut dire sur ceux qui, étant chargés de l’exécuter, n’auraient pas pris toutes les mesures nécessaires pour en assurer l’exécution. Ceci n’est pas étranger au fond de l’affaire; il y est intimement lié, et loin de s’attacher à des Individus, il porte essentiellement sur la cause publique. C’est pour cette raison que je me suis permis de défendre des citoyens patriotes et de faire des réflexions sur quelques membres de cette Assemblée qui, à mes yeux, sont coupables de n’avoir pas concouru de toutes leurs forces à l’exécution de votre décret. ( Nouveaux applaudissements dans l'extrémité de la partie gauche et dans les tribunes.) M. le Président. J’ordonne aux tribunes de se taire. M. Robespierre. Je viens au point fondamental de la question et je délie tout homme de bonne foi, qui n’est attaché à aucun parti, de m’accuser sur ce que je vais dire. Messieurs, vous avez à examiner, non pas seuls septembre 1791.] 237 lement l’état où sont actuellement les affaires, mais les causes antérieures et les personnes qui ont pu influer sur l’exécution de votre décret. C’est en vain que l’on vous adresserait, de la part dn certaines personnes et de certains lieux de l’Empire, d�s pétitions qui vous annonceraient que votre décret est insensé, qu’il était contraire à vos devoirs : je dis qu’il faut vous porter au moment où vous l’avez rendu, et alors je soutiens que les principes de saine politique, de l’équité et de la justice ont dicté votre décision : je dis que votre décret était jusie et sage : je dis qu’il eût été exécuté, si les autorités instituées pour le faire exécuter en avaient secondé la sagesse : je dis que vous devez examiner d’un œil sévère si les personnes chargées de le faire exécuter ont fait tout ce qui était en elles pour ea procurer l'exécution. Rappelez-vous que le ministre de la marine appelé à votre barre, après vous avoir rendu compte de tous les faits, a rejeté sur ceux qui étaient chargés de rédiger les préliminaires, toute la lenteur des mesures d’exécution. Je ne prétends pas prononcer ici entre le ministre de la marine et les membres dont il vous a parlé; mais certes vous devez au moins examiner leur conduite... (Murmures.) M. Gombert. Sans interrompre M. Robespierre... M. Robespierre. Monsieur, ce n’est pas sans m’interrompre. M. Gombert... nous ne devons pas passer notre temps à entendre des inculpations personnelles ni donner une séance entière à une pétition; nous sommes ici pour faire les affaires de la nation. M. Robespierre. Messieurs, vous pouvez ne pas vouloir vous occuper aussi longtemps de la conduite de ceux sur le.-quels le ministre de la marine a éveillé votre attention ; mais au moins vous ne devez pas trouver mauvais que je pense, moi, que ces mêmes personnes sont coupables en inculpant de la manière la plus grave tous h s citoyens qui viennent vous piésenter une pétition à cette barre sur l’affaire des colonies. C’est là où en était la question, lorsqu’on m’a reproché d’inculper certains membres de l’Assemblée nationale. Hé bien, je consens qu’elle se ré mise là; je consens à prendre sur moi toute la charge... Un membre : La bonne cautiou ! M. Robespierre... et si ces membres du comité colonial... Un membre : Finissez donc! M. Robespierre... se plaignent d’avoir été inculpés par moi, d’avoir été calomniés, je demande qu’on use envers moi, non pas de la complaisance, mais de la justice la plus sévère, et qu’on me permette', à tel jour qu’on voudra fixer, de présenter à l’Assemblée les motifs sur lesquels je fonde l’opinion bien déterminée que ce sont ces membres de l'Assemblee nationale qui sont cause de l’inexécution de vos décrets. M. Barnave. Je commence par annoncer que j’accepte et que je désire très vivement l’examen f Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 seplembrè 1701.1 le plus strict, le plus sévère de tout ce qui s’est passé. Après cela, je crois qu’il n’est pas inutile de répandre un peu de jour sur le véritable caractère de la scène ridicule qui vient d’asoir lieu. La seconde députation qui vient d’être présentée à l’Assemblée nationale n’est pas plus relative aux affaires des colonies que la première, car l’une n’est que la représentation et la doublure de l’autre. La question n’est pas de présenter un vœu sur les colonies, vœu qui n’est nullement émis par la ville de Brest, mais de savoir oui ou non, si M. Brissot a contribué aux fâcheux événements qui ont eu lieu dans les colonies. (Rires et murmures.) Plusieurs membres : Ce n'est pas cela l M. Gombert. Mais je demande qu’on passe à Tordre du jour : mettez donc ma motion aux voix, Monsieur le Président. M. Barnave. Je reproche au premier des opinants qui a parlé après la députation d’avoir mis beaucoup trop d’i portance et trop de sérieux à celte affaire. Je crois fermement que tout le commerce de France qui a envoyé ou qui envoie des pétitions à l’Assemblée nationale relativement à ia situation des colonies, a un très grand intérêt et une très grande connaissance des colonies. Je ne crois pas que le club de Brest ait ni une très grande counais-sance, ni un très grand intérêt au commerce des colonies; quant à moi, tout ce que je sais du club de Brest, par lequel les personnes que vous venez d’entendre ont été députées, c’est que, jusqu’à présent, toutes les insurrections qui sont arrivées dans les colonies ont été filées et encouragées par ce club (Exclamations.) et que j’ai toujours mis sincèrement dans ma pensée la conduite du Glub ne Brest, parmi les principales causes des troubles et des insurrections dans les colonies, attendu qu’il u’a jamais cessé de les encourager toutes les fois qu’il ea a trouvé l’occasion... Plusieurs membres : L’ordre du jour ! Un membre :Jene sais pas pourquoi, dans cette discussion, on n’oublie pas et les troubles et le club de Brest. (Murmures.) M. Barnave. Je pourrais peut-être me plaindre de ce que, tandis qu’on a admis sans difficulté une députation qui n’a aucun caractère, on n’a pas encore lu à l’Assemblée les adresses de Rouen, Rennes et d’Honfleur, relativement au decret du 15 mai, et toutes directement contraires à l’adresse qui vient de vous être lue. J’ai donc raison de croire que ce n’est point du tout des colonies, ce que je tr . itérai très clairement et avec beaucoup d’étendue quand on voudra, qu’il s’agit aujourd’hui : c’est uniquement des motifs que j’ai eu l’honneur de vous présenter, motifs qui out déjà fait introduire une question dans le corps électoral de Paris, quand ou a vu que certaines personnes, au lieu de gagner des suffrages en perdaient tous les jours. (Murmures et applaudissements.) M. Delà vigne. Monsieur le Président, veuillez poser une que-tiou sur laquelle on puisse se fixer nous ne savons pas sur quoi nous parlons. M* Gau liier~Bi*uz ai . Le renvoi de la pétition au comité, et finissons ce scandale. M. le Président. Si l’Assemblée veut me donner la parole, j’établirai la délibération� (Oui t oui! Non! non!) M. CoroIIer du Moustoir. Je demande la parole. (Non ! non !) M. Goupfl-PréfeJn. On a bien entendu M. Robespierre. . M. Barnave. Malgré les interruptions de quelques personnes, il ne faut pas que les honnêtes gens soient dupes d’une cabale qui est uniquement destinée au but que j’ai annoncé. M. Robespierre. Il ne faut pas noù plus qu’ils soient dupes ues traîtres. M. Rœderer. M. Barnave n’a pas besoin de la tribune pour rendre à M. Brissot les flagellations et les stigmates qu’il lui donne dans les journaux. (Bruit.) M. le Président. Monsieur Rœderer, je vous ordonne de vo s taire; la tribune n’est pas faite pour cet usage. M. Barnave. Je suis fâché moi-même d’être oblgé d’entrer dans les ridicules et ennuyeux détails qu’ou a néces ités et qui ont été l’objet et le principe de la scène qui s’est passée, et que je n’ai pas provoquée, scène pour laquelle tout était arrangé et pour laquelle to des les tnbuues ont été garnies. (Applaudissements.) M-Gombert. Je demande àM. Barnave. (Bruit.) Plusieurs membres : Monsieur le Président, levez la séance. M. le Président. Je vais consulter l’Assemblée. (Non! non!) M. Barnave. Il y a longtemps que je suis obligé ne lutter contre tous les obstacles qu’opposent la prévention des uns et la mauvaise foi des autres dans une question qui, si l’on n’y prend garde, finira par être fatale à la France. (Applaudissements.) M. Robespierre a demandé une séance pour attaquer ceux qu’il prétend être les auteurs de l’inexécut on du décret. Quoique les comités n’aient pas été chargés de son execution et que le décret soit inexécutable, je consens tiès volontiers à sa demande; je l’appuie même. Je désire que l’on sache ealin très clairement, très précisém ut, qui mérite l’approbation de l’Assemblée, ou de ceux qui ont lutté longtemps pour le salut public contre des opinions trop naturelles pour n’ètre pas foriemeot soutenues, ou bien des perturbateurs de la France; car c’est là le nom que je donne aux auteurs de ces inculpations. (Applaudissements.) M. Robespierre. Ma motion aux voix ! M. Barnave. Quand la question sera bien éclaircie, l’Assemblée verra que ceux qui cherchent par tant de moyens à terminer la Révolution, sont entraînés par le besoin généralement senti de l’ordre public, et que ceux qui cherchent à porter sur toute l’étendue du royaume le désordre et l’anarchie� spot aus|i peux gui portent lè trouble dans un autre hèmisplïére... [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 septembre 1791.] 289 M. Robespierre. Ma motion aux voix I M. Barnave. Cen’est pasledéfaut de l’exécution impossible du décret, et dont encore une fois nous n’etions pas chargés, ce sont les lettres incendiaires imprimées, envoyées, publiées dans les colonies, connues même dans la capitale; ce sont tous les ouvrages partis d’ici (Murmures, )\ voilà ce qui ajoutera aux suites funestes du décret ; ce sont les lettres où l’on dit formellement « que le soleil qui féconde les colonies n’éclairera bientôt plus que des hommes libres, » ce qui veut dire, en d'autres termes, que la classe la plus nombreuse de ceux qui les habitent exterminera la moins nombreuse. (Applaudissements et murmures.) Plusieurs membres : C’est vrai 1 c’est vrai ! (Mouvement prolongé.) M. le Président. Si vous vous occupiez de discuter le fond, au lieu de vous livrer à des personnalités, l’Assemblée parviendrait plus facilement à un résultat. (Applaudissements.) M. Barnave. S’il ne s’agissait pas d’une question générale, s’il ne s’agissait que d’une question individuelle, je me réjouirais de ces oppositions; car dès à présent tout le commerce et toutes les manufactures de France sont de mon opinion, et bientôt toute la France entière en sera, et alors plus on aura opposé d’obstacles, plus il aura fallu découragé pour les repousser; plus j’aurai, moi, essuyé de défaites, et plus l’opinion publique reviendra à nous. C’est donc uniquement pour l’intérêt national que je dois parler avec fermeté. Je demande donc, Monsieur le Président, pour l’instruction de l’Assemblée et du public, que vous fassiez entendre à l’Assemblée, non pas des députations controuvées pour des objets étrangers à celui qui doit nous occuper, mais ce qui est le vœu réel de tous ceux qui ont intérêt à la question, c’est-à-dire que vous f issiez lire demain à deux heures, les adresses de Rennes, de Rouen et d’Honfleur; et au surplus j’accepterai quand on voudra, et avec grand plaisir, non pour moi, mais pour l’intérêt national, mais pour la nécessité d’éclairer la nation, le défi de M. Robespierre. M. Robespierre. La priorité pour ma motion. M. le Président. Monsieur, vous n’avez pas la parole. M. Roussillon. Je ne parlerai que sur la pétition déposée par deux individus que je ne connais pas. Ces deux individus se présentent au nom de la ville de Brest; s’il est vrai, comme ils l'ont annoncé, qu’ils soient chargés par cette ville de vous présenter la pétition qu’ils ont remi-e sur le bureau, ils doivent être porteurs d’un mandat qu’ils ont reçu de la municipalité, seule compétente pour leur donner une pétition et je demande que le mandat soit joint à la pétition ; et s députés extraordinaires n’arrivent pas, en effet, directement de Brest pour nous apporter la pétition qu’ils viennent de remettre sur le bureau, il y a plus de 6 mois qu’ils sont à Paris et il faut nécessairement qu’ils aient reçu un mandat de la mu-nicijialité. D’autre part, on dit dans cette pétition que les mémoires adjoints au comité colonial ont été re-pou.-sés par l’opinion adoptée dans le comité et que c'est pour cela qu’ils ont donné leur démission. Or, il est faux que la commune de Brest ait chargé des députés extraordinaires de se plaindre de cette démission, car elle n’a pas encore pu en être instruite et faire parvenir ici son avis, D’ailleurs, j’ai assité aux séances du comité colonial, comme membre du comité d’agriculture et du commerce, avec plusieurs de mes collègues, et il n’eu est aucun qui ose dire qu’ils aient été empêchés de dire leur opinion dans ce comité; tous ont joui de la plus grande liberté. Je ne dis pas cela pour défendre le comité colonial, mais pour rendre hommage à la vérité. Je conclus, vu que la pétition ne contient que des faits faux et des inculpaiions mal ourdies; qu’elle soit rendue à ceux qui l’ont présentée, avec le mépris qu’elle a inspiré, et qu’on passe à l’ordre du jour. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président lève la séance à neuf heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du mardi 6 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Lecture est faite d’une lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Côte-d Or, qui envoient à l’Assemblée nationale le procès-verbal de ce qui s’est passé à la séance du directoire de ce népartement, le 16 août 1791, à l’occasion de l’offrande faite à la patrie par les écuiiers du collège de Dijon, des prffqtFiis ont remportés. G s jeunes citoyens s’expriment ainsi dans la délibération par eux prise le 10 août dernier : « Au moment du danger de la patrie, et quand nos frères aînés volent aux frontières pour la défendre, nous, les élèves du collège de Godran de Dijon, qui ne pouvons encore, vu notre âge, verser utilement notre sang pour elle, mais qui n’en avons pas moins d’impatience de nous montrer ses enfants; persuadés que nous sommes que nos études ne peuvent être plus dignement couronnées qu’en nous procurant l’honneur de contribuer, non avec l’argent de nos parents, mais par nous-mêine�et de notre gloire, àsecourir dans son besoin notre mère commune, nousavons unanimement résolu d’aller tous ensemble, aussitôt après la distribution des grands prix, les déposer sur l’autel de la pairie, pour ea consacrer le produit à multiplier ses défenseurs, en attendant que nous le devenions nous-mêmes. » (L’Assemblée, après avoir témoigné par des applaudissements la satisfaction que lui fait éprouver l’acte de civisme de ces jeunes élèves, ordonne qu’il en sera fait mentioii honorable dans son procès-vei bal.) M. Pougeard du Umbert, secrétaire. Messieurs, hier, à la fin de la séance, M. Gamus vous a rendu compte u’un fait assez grave qui s’est passé à l’imprimerie relativement à l’édition de l’acte constitutionnel ; les papiers publics ontdonné (1) Cette séance est iactoiplëte au Moniteur,