[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] de faire que les moyens de recettes soient plus honnêtes et moins oppresseurs, quand il s’agit de porter le dernier coup à ces compagnies de finances qui ne peuvent pas exister avec notre régénération, il faut en parler plus d’un jour; mais avant tout, il faut se souvenir que c’est pour le 1er de janvier qu’on vous demande des secours considérables et nécessaires. Je demande qu’on ajourne à demain cette première question préalable, mais essentielle, non de l’ordre proposé par le préopinant, mais des moyens de sortir de l’inextricable labyrinthe où la discussion se perd. C’est perdre un jour pour en gagner cent. Je demanderai aussi que le comité de constitution prépare votre détermination sur la question de savoir si une banque peut être mise sous la garantie suprême de la nation; si son établissement serait constitutionnel et se concilierait avec les principes fondamentaux de toute grande société. M. Pétlon de Villeneuve. Le dernier préopinant a perdu de vue ce qui a été décrété, en vous proposant de décider si une banque nationale est constitutionnelle. Il vous a dit qu’il fallait s’occuper des besoins du moment ; mais, pour trouver les moyens d’v subvenir, il faut obtenir la confiance, et la confiance ne naîtra que quand votre état de situation sera connu; pour accélérer votre opération, vous risqueriez de la manquer. La première chose est donc de présenter cet état, celui du comité des finances est insuffisant. On vous a proposé un plan de travail très-sage; si vous n’adoptez pas un ordre certain, les projets se croiseront et vous marcherez lentement et péniblement. M. le comte de Mirabeau. Le préopinant n’a pas parfaitement répondu à M. Rœderer, il n’a peut-être pas bien entendu sa conclusion. Il faut d’abord relever une erreur de fait ; il n’y a point de décret sur cet objet : M. Fréteau a seulement proposé un arrêté qui a un rapport fort indirect avec la question. Je maintiens que M. Rœderer a lancé parmi vous une grande vérité qui mérite toute votre attention. Il faut voir si une banque tout à la fois commerciale et politique est bonne; il ne serait plus temps d’examiner le principe, quand vous l’auriez violé. Je maintiens enfin que M. Rœderer a dit une chose infiniment raisonnable, et qu’il a fait ce qu’il faut toujours faire, commencer par le commencement. Quand au plan lumineux d’un préopinant, il conviendrait à un lycée; il pourra nous convenir quand nous nous occuperons de la régénération particulière et générale des finances; il ne convient pas au provisoire, et c'est du provisoire que nous sommes étouffés dans ce moment. Je demande que la motion de M. Rœderer soit décrétée. 11 s’élève plusieurs discussions sur l’ordre à donner à la délibération des différentes motions proposées. MM. d’Aïlly et Anson représentent que le comité peut offrira l’instant à l’Assemblée un état détaillé sur les besoins urgents d’ici au 1er de janvier ; il faut délibérer demain sur la manière de trouver les 91) millions qu’il est indispensable de se procurer. Si nous ne pouvons les avoir avant la fin de l’année, il est inutile de faire une constitution. M. le Chapelier. La question se réduit à ceci : 281 Voulez-vous demain vous occuper du plan général, ou du besoin urgent et de la manière d’y subvenir ? L’Assemblée délibère, et décrète qu’elle s’occupera demain des dépenses à acquitter jusqu’à la fin de l’année, et des moyens d’y pourvoir. M. le Président lève la séance à trois heures et demie après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. lre ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 27 novembre 1789. Plan de libération générale des finances proposé par M. le baron de Cernon (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée.) Messieurs, il est si pressant de faire usage des ressources qui restent à la France; il est si important de ne pas se tromper dans le choix des moyens, les conséquences d’une erreur peuvent devenir si funestes, si irrémédiables, les résultats d’une opération mûrement réfléchie, sagement combinée et fidèlement exécutée, paraissent au contraire si avantageux, si nombreux, si prochains, si évidents, que j’ose espérer quelque indulgence et quelque attention pour le travail que je viens soumettre à vos lumières. Je ne perdrai pas le temps à vous démontrer la nécessité d’agir, et d’agir sur-le-champ. L’état actuel de la France, et surtout celui de la capitale, parle trop haut et trop clairement. J’entre en matière, sans vous offrir le tableau des biens immenses dont la France serait privée si nous adoptions une marche fausse, et que nous pouvons lui procurer très-promptement, en réalisant une idée fort simple et que je crois vraie. On a toujours dit qu’il fallait vendre les biens du domaine et du clergé pour payer les dettes de l’Etat. Je crois, au contraire, qu’il faut et que nous pouvons payer les dettes de l’Etat pour vendre les biens de la couronne et du clergé, ou plutôt pour n’étre pas même dans la nécessité de les vendre. L’erreur opposée à la vérité que je veux établir a sa source dans la vieille opinion de l’importance des métaux précieux monnayés; on croit ne pouvoir jamais se passer d’eux. On les regarde comme la réalité dont ils ne sont que le signe. On rabattrait beaucoup de l’importance qu’on leur attache, si l’on voulait bien observer qu’ils ne commencent jamais à être utiles qu’au moment où on ne les a plus. Mettez une pierre à la place , elle vous vaudra tout autant, disait le bon La Fontaine à l’homme au trésor. L’argent-monnaie n’est donc autre chose qu’un signe. Mais on peut le remplacer par d’autres signes, et par d’autres signes qui lui soient constamment préférables. Ces signes lui sont réellement préférables, lorsqu’à l’avantage d’un moindre volume, d’un moindre poids qui les rend plus propres au commerce, plus faciles à transporter, à mettre à l’abri des accidents, ils joignent celui de représenter des valeurs réelles plus solides (1) Le projet de M. Cernon n’a pas été inséré au Moniteur.