[Assemblée nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 avril 1790.1 65 Le papier qui arrive déshonoré par des pertes entre les mains des créanciers, et que vos décrets ordonnent de recevoir, n’a plus que cette valeur déshonorée. Mais alors d’autres auront mis un prix en argent à ces biens. Le propriétaire de papier-monnaie sera donc obligé de proportionner le prix qu’il donnera au discrédit de son papier. Eh! de quel droit forcerions-nous un papier qui perdrait 20 0/0? qu’arrivera-t-il? Il est dans les qu’elle ne peut consacrer. Voila ce qui aura lieu entre le créancier et le débiteur. Voyons entre le manufacturier et l’ouvrier. L’argent ne peut pas exister partout où il n’a pas la préférence. Dans cette guerre le peuple meurt de faim ; celui qui n’a que sa journée a besoin d’argent, et non pas de papier. Entre le consommateur et le propriétaire, le propriétaire ne suivra pas le taux que vous avez fixé : il se créera des règles de proportion; il augmentera ses denrées dans le rapport du discrédit du papier. Il viendra un jour où le peuple ne pourra atteindre à ces denrées, et ce jour il maudira les illusions, il maudira l’instant où il a demandé un papier-monnaie qui n’est autre chose qu’une banqueroute. Entre le Français et l’étranger, votre change deviendra plus funeste qu’il n’a jamais été ; vous verrez l’argent ne vous arriver que pour subir une perte d’un neuvième... Entre le sujet et le souverain, dites-moi si c’est avec des impôts payés en papier qu’un Etat peut se soutenir?... Ces raisons n’ont rien de recherché; ce sont des souvenirs qu’elles retracent, c’est l’expérience qui nous les a découvertes. Nos provinces, après soixante-dix ans, n’ont pas oublié leur détresse et les malheurs dont la génération présente gémit encore... S’il fallait juger d’après les intérêts des villes, je dirais que la ville de Lyon, qui fait un commerce de 150 millions, ne veut point de papier-monnaie, parce qu’il deviendrait stérile entre ses mains. Les villes de Rouen et de Bordeaux, qui en demandent, n’en voudront plus dans trois mois. Quelques villes de commerce, deux ou trois provinces, qui n’en voudront pas, suffiront pour l’anéantir. Mais qu’avons-nous besoin de tous ces témoignages? Qui n’est pas certain que l’intérêt du propriétaire et du négociant est de vendre au comptant? Le papier s’amoncellera donc dans la capitale; que deviendra cette malheureuse ville? Par ces considérations, je conclus que le papier-monnaie avec intérêt est une absurdité politique; que le papier-monnaie sans intérêt est une calamité; et je m’oppose, autant qu’il est en moi, et au nom de ma province, à tout papier-monnaie. M. Bégonen, député du bailliage de Gaux, demande à s’absenter pendant quinze jours, pour ses affaires. L’Assemblée le lui permet. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. LE MARQUIS DE BONNAY. Séance du ieudi 15 avril 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des nouvelles municipalités des communautés de Vobles et Mougeffond en Franche-Comté; de Bel-pech, de Sollies-lès-Toucas, de Ghâteaumur, district de la Châtaigneraie ; de Plazac, de Grenay en Champagne; de Fontenay, près Charolles; de Gressigny, de Fichons, de Guq, de Toulza, de Fraisse et de la ville de Galonné en Anjou. Des communautés de Saint-Léger en Angou-mois ; de la baronnie de Gonches en Bourgogne, et de la ville de Trévoux : elles font le don patriotique du produit de la contribution des ci-devant privilégiés. De la communauté de Foulquemont; elle demande d’obtenir la préférence, pour le tribunal de district, à la communauté de Mouhauge. De la ville de Sales; elle demande la conservation d’un tribunal dans son sein, comme il a été décrété par l’Assemblée nationale. De la ville de Négreplisse en Quercy; elle fait le don patriotique d’une constitution de rente sur l’Etat, de la somme de 1,260 livres et des intérêts arriérés. Elle annonce que les habitants, par une imposition réelle et une contribution volontaire, ont pourvu, jusqu’au terme de la récolte prochaine, à la subsistance de cinq cent-soixante pauvres individus de tout âge et de tout sexe, par l’établissement d’ateliers de charité. Enfin de la ville de Nîmes; elle envoie une délibération relative à la prétention des officiers du présidial de cette ville, d’occuper à la cathédrale le banc d’honneur pendant la quinzaine de Pâques, et de présenter le pain-béni le jour de Pâques. Elle sollicite de l’Assemblée nationale une décision solennelle qui règle définitivement les droits et les prétentions respectives des corps, et ne permette plus qu’il s’élève à l’avenir de semblables difficultés, toujours préjudiciables à l’esprit de paix et de fraternité qui doit régner entre des concitoyens. Adresse de la ville de Mirepoix, qui exprime avec énergie les sentiments d’admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l’Assemblée nationale. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Cambronne, de Thauvenay, de Gondé, près Gharente; de Huos, de Vielmur,de Pumirol,de Reignac-sous-Barbezieux, de Vias, de Castellon, de Gauve, de Ghizé en Poitou; de Pointis, de Rivière en Languedoc; des villes de Dax et de Preuillv en Touraine. De la communauté de Gournay en Poitou; elle se plaint d’avoir été augmentée, dans ses impositions, par la commission intermédiaire de Saint-Maixent. De la communauté de Sermaize; elle fait des observations sur les formes d’élection des représentants de la nation. De la ville de Mornans en Lyonnais; elle fait (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. iT* SÉRIE, T. XIII. 8 gg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PA le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse delà gard e nation ale de la vill e d’Amiens ; elle proteste contre une délibération prise par la municipalité, par laquelle elle demande la conservation des religieux bénédictins de cette ville. Adresse du conseil général de la commune de Rouen, qui, considérant que de l’exécution du décret rendu le 17 mars dernier, concernant l’aliénation aux municipalités de 400 millions de biens domaniaux et ecclésiastiques, dépend la liquidation de la portion la pi us urgente de la dette publique, la restauration du crédit national et l’affermissement de la constitution, s’empresse d’exprimer à l’Assemblée nationale son vœu de concourir à cette opération salutaire, et lui faire, pour la municipalité de Rouen, la soumission de prendre part pour 40 millions dans les ventes et aliénations décrétées par l’Assemblée nationale, aux termes de son décret, et aux clauses et conditions qui seront définitivement arrêtées par ses commissaires et ceux que la municipalité vient de nommer à cet effet. L’adresse de la ville de Rouen est ainsi conçue : « Messieurs, le décret que vous avez rendu, le ,17 mars dernier, porte qu’il sera vendu et aliéné à la municipalité de Paris, et aux municipalités du royaume, à qui il pourrait convenir d’en faire l’acquisition, une masse de 400 millions de biens domaniaux et ecclésiastiques. « Le conseil général de la commune de Rouen, considérant que, de l’exécution de ce décret, dépend la liquidation de la portion la plus urgente de la dette publique, la restauration du crédit national et l’affermissement de la constitution, s’empresse d’exprimer à l’Assemblée nationale son vœu de concourir à cette opération salutaire, et lui faire, pour la municipalité de Rouen, la soumission de prendre part, pour 40 millions, dans les ventes et aliénations décrétées par l’Assemblée nationale, aux termes de son décret, et aux clauses et conditions qui seront définitivement arrêtées par ses commissaires et ceux que la municipalité vient de nommer à cet effet. « Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les membres composant le conseil général de la commune de Rouen. « Signé : Ribard, Born ain ville, et trente-six autres membres. « Rouen, le 10 avril 1790. » Adresse de la paroisse de Saint-Leu, département de l’Oise et du Terrein ; adhésion et soumission à tous les décrets de l’Assemblée nationale : cette paroisse demande d’être chef-lieu de canton, la conservation de la maison conventuelle des religieux bénédictins, consent la suppression du prieuré commendataire de cette maison, dont le titulaire en commende n’a paru dans le lieu que le jour qu’il a pris possession de son bénéfice, et fait l’offre en don patriotique de la somme de 2715 livres, montant de l’imposition des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. La commune de Yillers-sur-Meuse fait le don patriotique de 393 livres 3 sols; savoir, 200 livres en quatre coupons de 50 livres chacun, sur le Trésor royal, et 193 livres 3 sols en espèces chargées à la poste. Adresse de la garde nationale de Limoges ainsi conçue : L.EMENT AIRES. [15 avril 1790.] « La garde nationale de Limoges, pénétrée d’admiration pour les travaux étonnants de l’Assemblée nationale, renfermait dans un silence respectueux les hommages de sa reconnaissance. Elle n’osait pas interrompre les occupations imposantes des mandataires des Français, pour leur adresser les vœux d’un petit nombre de gardes volontaires. Mais, instruite que vous accueilliez avec bonté les adresses des simples particuliers, elle s’est flattée que les acclamations de citoyens, réunis pour former la chaîne delà force publique, pouvaient se mêler aux cris d’allégresse qui vont si agréablement distraire les représentants de la nation. Qu’il est doux de se délasser à recevoir des applaudissements et à fortifier l’énergie d’un peuple qu’on régénère ! « En rappelant les droits de l’homme, vous vous êtes élevés, Messieurs, par ce seul trait, au-dessus de*tous les législateurs. « Sans vous arrêter à des usages antiques, presque toujours introduits par ignorance, et conservés par faiblesse; sans consulter les mœurs des peuples, que pour en montrer les imperfections; mais guidés par vos cœurs, et attentifs aux impulsions de la nature, vous ramenez à sa simplicité les lois majestueuses que vous préparez aux Français. « Chacun de vos décrets renverse des montagnes de préjugés, et, au milieu de ce fracas, élève le Français au-dessus des autres Européens, étonnés de le voir sortir sain et sauf de dessous les ruines de la féodalité. « Chacun de vos décrets porte l’empreinte de cette union fidèle, si bien faite pour atterrer les méchants, toujours isolés, et n’ayant de force que dans la perfidie. « Chacun de vos décrets, discuté avec cette force de l’éloquence que donne le sentiment, en développant les ressources de notre langue, achève de la faire chérir comme l’amie de la pensée, et ouvre à l’esprit des peuples la nouvelle carrière d’un droit public fondé sur l’égalité, la liberté, la volonté et l’intime fraternité des citoyens. « Enfin, la profonde sagesse de chacun de vos décrets fait présager à tous les amateurs de la vérité qu’ils iront de siècle en siècle, et de nations en nations, servir de barrière à l’erreur et aux tyrans. « fiaignez, Messieurs, en accueillant une seconde fois le juste tribut d’admiration de la garde nationale de la ville de Limoges, recevoir l’Almanach qu’elle a l’honneur de vous présenter. Vous y verrez, page 64, qu’au moment de son organisation elle délibéra de vous consacrer son zèle et toutes ses forces. « Elle ose vous supplier, en même temps, de prendre en considération le règlement provisoire qui y est contenu, et d’ordonner que ce règlement soit exécuté jusqu’à ce que la constitution qu’elle attend de votre sagesse la dirige dans ses devoirs. Ce bienfait particulier sera un nouveau titre à la reconnaissance infinie que vous méritez si dignement. » Adresse des officiers municipaux et notables de la commune de Rosoy-sur-Serre; cette commune a éprouvé depuis quelques années une épidémie qui a enlevé une partie de ses habitants, et un incendie qui a réduit en cendres plus de 500 de ses bâtiments : malgré ces accidents et le secours qu’elle n’a cessé de donner à la classe indigente de ses citoyens, la commune de Rosoy s’est empressée de faire les derniers efforts pour venir au secours de l’Etat ; elle lui a fait le don