548 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g novembreT703 de toutes ses forces la liberté et l’indivisibilité de la République. « Salut et fraternité. « Les membres de la Société populaire séant à Mmntenon, « Robert, président; Le Gudic, vice-président; Messonnier, premier secrétaire; San-, son, secrétaire en second. Les citoyens de la section de l’Unité, couverts de chapes, chasubles, tuniques, etc., déposent dans le sein de la Convention les vases, châsses d’or et d’argent du ci-devant culte. « Il est temps, dit l’orateur, que le règne de la raison succède à celui de la superstition; une religion d’erreur et de sang est anéantie; depuis dix-huit siècles elle n’a causé que des maux à la terre, et on l’a nommée divine; qu’elle disparaisse de la surface de la terre, et le bonheur va y renaître. Nous jurons de n’avoir d’autre culte que celui de la raison, de la liberté, de l’égalité, de la Répu¬ blique. » Le peuple et les membres de la Convention s’écrient : « Nous le jurons! Vive la République! » Le Président répond : « En un instant vous faites entrer dans le néant 18 siècles d’erreur; votre philosophie vient de faire à la raison un sacrifice digne d’elle et digne des vrais républi¬ cains. L’Assemblée reçoit votre offrande et votre serment au nom de la patrie. Un jeune enfant demande que la Convention s’occupe incessamment de l’organisation de l’édu¬ cation publique et du soin de donner à la jeu¬ nesse un catéchisme républicain. Il demande le baiser fraternel pour le transmettre à tous les jeunes enfants de son âge; il promet en son nom et au leur d’imiter les beaux exemples que lui donnent les défenseurs de la République, et jure qu’ils deviendront à leur tour l’effroi des tyrans, s’il en existe encore. On porte cet en"ant au fauteuil du Président, qui lui donne le baiser fraternel. Le Président dit : « Je dois faire part à l’As¬ semblée de la déclaration que m’a faite ce jeune républicain; il m’a dit que s’il n’eût craint d’abu¬ ser des moments de l’Assemblée, il lui eût récité la Déclaration des droits de l’homme, qu’il sait tout entière et qu’il porte dans son cœur. Il de¬ mande aussi quand l’Assemblée fera faire un petit catéchisme républicain; il brûle de l’ap¬ prendre. » « Sur les propositions de plusieurs membres, la Convention nationale décrète la mention hono¬ rable et l’insertion dans le « Bulletin » des dis¬ cours et des offrandes de la section de l’Unité et des demandes du jeune enfant. « Elle décrète que le Président écrira une lettre de satisfaction aux parents de cet enfant pour la manière dont ils l’ont élevé, et que l’on enverra à cet enfant le premier exemplaire du catéchisme ou de tout autre livre élémentaire qui paraî¬ tra (1). » (1 ) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 345. Compte rendu du Moniteur universel (1). La section de V Unité défile dans la salle ; à sa tête, marche un peloton de la force armée; en¬ suite viennent des tambours, suivis de sapeurs et canonniers revêtus d’habits sacerdotaux, et d’un groupe de femmes habillées en blanc, avec une ceinture aux trois couleurs ; après elles, vient une file immense d’hommes rangés sur deux lignes et couverts de dalmatiques, chasubles, chapes. Ces habits sont tous de la ci-devant église de Saint-Germain-des-Prés ; remarquables par leurs richesses, ils sont de velours et d’autres étoffes précieuses, rehaussés de magnifiques bro¬ deries d’or et d’argent. On apporte ensuite sur des brancards des caüces, des ciboires, des so¬ leils, des chandeliers, des plats d’or et d’argent, une châsse superbe, une croix de pierreries, et mille autres ustensiles de pratiques supersti¬ tieuses. Ce cortège entre dans la salle, aux accla¬ mations des spectateurs, aux cris de : Vivent Aa liberté, la République, la Montagne! aux fan-if ares des instruments guerriers. Un drap noir, porté au bruit de l’air Malborough est mort et enterré, figure la destruction du fanatisme. La musique exécute ensuite l’hymne révolution¬ naire. On voit tous les citoyens revêtus d’habits sacerdotaux, danser au bruit de l’air de Ça ira, \la Carmagnole, Veillons au salut de V empire, etc. �L’enthousiasme universel se manifeste par des acclamations prolongées. La troupe se range; les citoyens vêtus des habits sacerdotaux se placent sur les bancs du côté droit, et garnis¬ sent tout de ce côté. Dubois, orateur de la députation à la barre. La raison vient de remporter une grande vic¬ toire sur le fanatisme; une religion d’erreur et de sang est anéantie; depuis dix-huit siècles, elle n’a causé que des maux à la terre, et on la nommait divine ! Les guerres des Croisades, des Albigeois, des Yaudois, des Cévennes, les Vêpres siciliennes, le massacre de la Saint-Barthélemy, voilà son ouvrage; voilà ses trophées. Qu’elle disparaisse de la surface de la terre, et le bonheur va y renaître ; les hommes ne seront plus qu’un peuple de frères et d’amis. Ce jour n’est pas loin, j’ose le prédire ! Muse de l’Histoire, brise tes pinceaux; tu n’as eu jusqu’à ce jour que des crimes à peindre; tu n’auras désormais que des vertus à célébrer. Nous jurons (Tout le monde lève la main.), nous jurons de n’avoir d’autre culte que celui de la raison, de la liberté, de l’égalité, de la République. Un cri unanime part de tous les coins de la salle : Nous le jurons ! Vive la République ! Le discours et le serment sont accueillis par les transports d’uen joie universelle. Le Président. En un instant, vous faites en¬ trer dans le néant dix-huit siècles d’erreur. Votre philosophie vient de faire à la raison un sacrifice digne d’elle, et digne des vrais répu¬ blicains. L’Assemblée reçoit votre offrande et votre serment, au nom de la patrie. Toutes les voix : Nous le tiendrons. On élève un jeune enfant, il demande le' baiser fraternel, pour le transmettre à tous les jeunes (1) Moniteur universel [n° 62 du 2 frimaire an IL (vendredi 22 novembre 1793), p. 252, col. 1]. Voy. d’autre part, ci-après, annexe n° 1, p. 556, le compte rendu de l’admission à la barre de la sec-tion'de l’ Unité, d’après divers journaux. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fj novembFeTvoS 549 enfants de son âge; il promet en son nom et au leur d'imiter les beaux exemples que lui don¬ nent les défenseurs de la République, et jure qu’ils deviendront à leur tour l’effroi des tyrans, s’il en existe encore. Ce discours, écouté avec intérêt, est suivi par des applaudissements et par les signes de la plus vive sensibilité. On porte l’enfant au fau¬ teuil du Président, il en reçoit le baiser fraternel. Le Président. Je dois faire part à l’Assem¬ blée de la déclaration que m’a faite ce jeune républicain : il m’a dit que, s’il n’eût craint d’abuser des moments de l’Assemblée, il lui eût récité la Déclaration des droits de l’homme, qu’il sait tout entière, et qu’il porte dans son cœur. Il demande aussi quand l’Assemblée fera faire un petit catéchisme républicain; il brûle de l’apprendre. L’Assemblée et les spectateurs témoignent, par des applaudissements redoublés, leur satis¬ faction de cette ingénuité républicaine. Un membre : Je demande l’insertion de ces demandes au Bulletin. Hamel. Je demande que, dès qu’il paraîtra un livre élémentaire, on en envoie le premier exemplaire à cet enfant. Gouly. Et moi, que le Président soit chargé d’écrire une lettre de satisfaction à ses parents, pour la manière dont ils l’ont élevé. Un membre : Il faut faire connaître la céré¬ monie qui s’est passée ici aujourd’hui. Je de¬ mande que tous les discours et tous les détails de cette journée soient insérés en entier au Bul¬ letin, et envoyés à tous les départements. Un membre : Et qu’on n’oublie pas que jamais le côté droit n’a été si bien garni. (On rit et on applaudit.) Toutes ces propositions sont décrétées. Le cortège défile en chantant un hymne en l’honneur de Marat et de Lepeletier. Une députation des sections de la Montagne, Le Peletier et des Piques, « composant, disent-elles, la paroisse Saint-Roch et son chien », vien¬ nent déposer tous les brimborions qui ont égaré les sots et les fanatiques. La musique du Théâtre-National exécute un hymne en l’honneur des fondateurs de la Répu¬ blique et des soutiens de la liberté, et la chanson connue sous le nom de la Montagne est chantée au milieu des plus vifs applaudissements. Le citoyen Buard, capitaine du 1er bataillon de l’armée révolutionnaire, dépose sur l’autel de la patrie 300 livres pour les frais de la guerre, et fait don de pareille somme annuellement tant qu’elle durera. Une jeune citoyenne dépose une pièce d’argent à l’effigie de Capet. Un membre fait la motion que les discours prononcés par les orateurs des sections de l’Unité, de la Montagne, de Le Peletier et des Piques soient imprimés. Cette motion est décrétée (1). (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 346. Suit V adresse des sections de la Montagne, Le ' peletier et des Piques (1). La section de la Montagne, à la Convention nationale. « Le 30 brumaire. « Citoyens représentants, , ' « La philosophie, la justice et la vérité triom¬ phent enfin sur l’erreur et la superstition. Vous voyez devant vous la section de la Montagne, parties de celles des Tuileries, Lepeletier et des Piques, composant la ci-devant paroisse de Saint-Roch et son chien qui viennent déposer sur l’autel de la patrie les dépouilles et orne¬ ments de toutes formes, qui ont servi à égarer les sots et les fanatiques. Toutes choses qui sont inutiles, et même fort impertinentes dans l’état de pure nature par l’orgueil qu’elles représen¬ taient, et très utiles en ce moment pour com¬ battre les despotes et les tyrans. « Nous sommes indignés d’avoir été si long¬ temps la dupe des apôtres de l’erreur et du mensonge; nous avons arrêté dans notre séance du 25 de ce mois que nous reno'ncions aux prêtres, que l’ église Saint-Roch serait fermée, et qu’elle ne servirait désormais que pour prê¬ cher la pratique des vertus sociales, de la jus¬ tice, de la raison, de la liberté et de l’ égalité. « Nous n’avons qu’un regret, c’est que le chien et le saint que nous vous présentons ne soient pas construits d’une matière aussi utile à la République que les hochets qui les environ¬ nent. En récompense, nous espérons qu’ils ser¬ viront à consolider, par leur disparition, l’édi¬ fice de la justice et de la raison. « La religion d’un peuple fibre, c’est la pra¬ tique des vertus, l’amour de sa patrie, l’huma¬ nité envers ses frères, la justice et l’équité la plus intègre dans l’exercice de ses fonctions. « Citoyens représentants, nous invitons la Convention nationale à rester à son poste jus¬ qu’à l’affermissement de notre liberté, Nous sommes debout, et nous y resterons tant que les satellites des despotes souilleront la terre de la liberté. « Vive la Montagne ! et Vive la République! « J. Lacoste, juge de paix de la section de la Montagne, orateur de la députation. « 377 marcs 5 onces et demie argent ou ver¬ meil. » Compte bendu du Bulletin de la Convention (2). (Suit le texte de V adresse que nous insérons ci-dessus d’après un document des Archives na¬ tionales.) Chanson palriolique chantée dans le sein de la Convention. Air : De la Croisée. On a mille goûts différents, On fait mille choix dans ce monde; L’un veut toujours courir les champs, Et l’autre voyager sur l’onde; (1) Archives nationales, carton G 281, dossier 774; Premier supplément au Bulletin de la Convention du 1er jour de la lre décade du 3e mois de l’an II (jeudi 21 novembre 1793). (2) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 1er jour de la lre décade du 3e mois de