5f2 (Assemblée nationale, j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1790-1 quel serait placée la surveillance du commerce de l’Inde : tout tend à prouver que les yeux du gouvernement ne se sont point tournés totalement de cette partie, et que l’on n’a jamais renoncé au rétablissement d’une compagnie des Indes. La nouvelle naquit en 1785, mais plusieurs nuages couvrirent son berceau ; née dans le moment des abus et dans un climat malsain, elle s’est beaucoup ressentie de l’empire des circonstances. Je ne lui reproche pas la permission qu’elle obtint de traiter avec la compagnie anglaise, et l’espèce de garantie qu’elle obtint pour les deux premières années; je crois que ce fut une grande faute de la part du ministre, et que, quelle que fût alors la défaveur répandue sur ce commerce de l’Inde, que tout le monde veut aujourd’hui s’arracher, elle n’excusait cependant pas cette mesure impolitique et antinationale ; mais enfin, comme l’effet de cette clause n’existe plus, je passe à celles qu’il est possible de réformer. Le roi a dispensé la compagnie du droit d’induit, et a modifié à son égard les droits de traite ; c’est, je l’avoue, la réforme de ces deux concessions que je crois pouvoir demander. L’Etat ne peut ni ne doit faire le sacrifice deses revenus à un intérêt particulier. La compagnie peut subsister sans ce privilège pécuniaire, dont je ne connais pas l’évaluation juste, que les défenseurs de la compagnie présentent comme peu im-ortant, que ceux du commerce assurent l’être eaucoup plus, et qui, quel qu’il soit, doit être irrévocablement détruit. Je n’admets pas l’espèce de remplacement proposé par M. l’abbé Maury; je n’aime pas qu’une grande nation figure dans une spéculation commerciale; qu’elle partage les profits d’une compagnie dont elle ne voudrait, ni ne pourrait certainement partager les pertes. D’ailleurs, je ne vois point la raison qui s’oppose au rétablissement du droit d’induit ; je le regarde, au contraire, comme la sauvegarde de nos manufactures, son effet dans le commerce de l’Inde ne peut être effrayant sous aucun point de vue, puisqu’il existait du temps du commerce libre, et ne l’a point anéanti. J’ajoute que l’on ne doit point accumuler les grftces sur une compagnie exclusive ; que son avantage est dans son privilège même, privilège dont l’existence ne peut être tolérée qu’autantde temps que des circonstances impérieuses en rendent la suppression impossible. Je me résume : on ne peut prononcer une décision raisonnable sur le commerce de l’Inde, sans avoir une multitude de données que nous n’avons pas. Prononcer provisoirement la destruction de la compagnie serait une mesure imprudente, et qu’aucune nécessité ne justifie. Consacrer son privilège exclusif par un décret, serait donner le caractère d’un établissement national à une compagnie fondée sur des principes que les vôtres pourront bien ne pas confirmer, et environnée de ces faveurs dont un min istreabsolu croyait pouvoir disposer à son gré, mais que les représentants d’une nation libre savent ne pouvoir ni ne devoir faire à personne. Dans ces circonstances, je propose le décret suivant : L’Assemblée nationale décrète : 1° Qu’il ne sera rien innové, quant à présent, à la manière dont se l’ait le commerce de la compagnie des Indes ; 2° Que la compagnie paiera derén avant les droits d’induit et de traite, auxquels le commerce libre était assujetti avant 1785; 3® Que le comité d’agriculture et du commerce sera chargé de rassembler et de prendre en considération toutes les notions nécessaires pour mettre, soit l’Assemblée nationale, soit la législature prochaine, en état de statuer définitivement sur le commerce de l’Inde. M. Dccretot, député de Rouen. La France n’ayant ni possessions, ni forces dans l’Inde, je regarde ce commerce comme généralement désavantageux pour la nation ; et c’est parce que je suis persuadé qu’en le rendant libre, il sera plus tôt détruit, ou qu’on en viendra plus tôt au système prohibitif, que je suis d’avis qu’il n’y ait plus de privilège exclusif. Les préopinants me dispensent de vous développer les motifs démon opinion, et je vous avoue qu’en demandant la parole, j’ai eu pour but principal de contredire quelques assertions qui vous ontété faites. M. l’abbé Maury vous a beaucoup exagéré les désavantages de votre commerce ; il n’a pas parlé des draperies, batistes, soieries que la France fournit à l’étran-er. En vous disant que la Suisse vous fournissait eaucoup de ses étoffes, il ne vous a pas observé qu’en décrétant le reculement des barrières vous empêcherez la contrebande que fait l’Alsace ; il a aussi exagéré le patriotisme des négociants anglais, qui non seulement tirent de nos étoffes, lorsqu’ils y trouvent du bénéfice, mais qui font fabriquer en Allemagne des draps, pour les faire passer d’Ostende à Boulogne comme draperies anglaises. Je crois qu’un des préopinants s’est trompé, lorsqu’il vous a dit que nos îles ne pourront nous fournir assez de coton ; il s’est également trompé, lorsqu’il vous a dit que nous n’avions pas en France de machines à. filer ; j’ai concouru avec deux de mes collègues à en établir une à Louviers qui, avec une seule roue à eau, fait déjà marcher deux mille fuseaux, et qui sera portée à six mille fuseaux. Il y en a une à peu près semblable près d’Arpajon, une à Orléans, un grand nombre d’une autre espèce à Rouen. Je ne vous entretiendrai pas plus longtemps, Messieurs, de choses qui ne sont qu’accessoires à la question, et je conclus, en appuyant le projet de décret du comité, comme devant amener plus promptement ou la destruction du commerce de l’Inde ou la prohibition de ses marchandises, dont l’importation en France doit ruiner presque toutes nos manufactures. M. Bégouen (1). Messieurs, le privilège exclusif accordé à une compagnie, pour faire le commerce de l’Inde, par un simple arrêt du conseil du 14 avril 1785, reDdu sur requête non communiquée, vous a été dénoncé par les députés extraordinaires du commerce et des manufactures de France. Cette dénonciation si solennelle et si imposante n’a pu manquer, Messieurs, de vous inspirer le plus grand intérêt et d’exciter votre attention sur la solution de cette grande question. Le privilège de la compagnie doit-il être confirmé, ou doit-il être abrogé? Si j’avais eu la parole hier, Messieurs, avant l’orateur éloquent qui a occupé votre séance presque entière, je me serais livré à des développements qui me paraissaient nécessaires pour réfuter les administrateurs de la compagnie, dans le genre de défense qu’elle a adopté ; mais j’abandonne d’autant plus volontiers leurs objections, que le rapport de votre comité d’agriculture et de commerce que vous avez tous lu, vous en a, je (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de m. Bégouen.