200 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] qui ne lui laissent rien à envier aux classes les plus distinguées. « Ses privilèges furent le prix et la récompense de la bravoure et de la loyauté. A chaque occasion, mes concitoyens en ont mérité la confirmation ; à chaque règne ils l’ont obtenue. « Jaloux à l’excès de leurs prérogatives, en tout temps ils les ont maintenues avec l’énergie et la fermeté qui les caractérisent. « Mais du moment que la patrie a manifesté ses besoins et sa situation déplorable, ils n’ont considéré leurs privilèges que par la satisfaction qu’ils auraient à les céder. « Ils ont reconnu, ces honnêtes plébéiens, que le citoyen, qui, en tout temps, doit à la patrie le sacrifice de son sang et de sa fortune, lui doit, à plus forte raison, la restitution de ses bienfaits, lorsqu’elle-même est dans la détresse. « Ils ont reconnu qu’ils seraient indignes de succéder à leurs braves prédécesseurs, si, par un esprit d’intérêt particulier, ils retenaient des concessions qui furent la récompense du dévouement et de la générosité. « U’est d’après cette noble et intime conviction que mes concitoyens m’ont donné, non pouvoir, mais charge expresse de déclarer en leurs noms, comme en effet. « Je déclare que la ville de Saint-Jean-de-Losne « renonce, dès à présent, à tous ses privilèges « pécuniaires; et que l’effet de cette renonciation « aura lieu aussitôt que l’Assemblée nationale « aura fixé les bases de la Constitution par une a déclaration expresse des droits de la nation et « de ceux du monarque, et qu’elle aura établi « dans la répartition de toutes les charges et im-« positions l’égalité proportionnelle aux propriétés « et facultés de chaque individu. » Signé : HernoüX, député des communes du bailliage de Dijon , ayant charge des habitants de la ville de Saint-Jean-de-Losne. Ce discours et cette déclaration ont été reçus avec des applaudissements universels et il a été arrêté de les insérer dans le procès-verbal du jour. On a fait lecture d’une déclaration remise sur le bureau par le député de la noblesse du bailliage de la Montagne. M. le Président donne lecture de la liste des trente membres nommés hier dans les trente bureaux pour former le comité chargé de la distribution des matières sur l’objet de la Constitution : [7 juillet 1789.] M. le Président a dit, au nom des membres de ce comité, que, dès hier, ils avaient poussé leur travail assez loin ; qu’ils espéraient pouvoir répondre très-incessamment à l’impatience de l’Assemblée ; qu’ils la priaient de vouloir bien statuer sur toutes les anciennes motions étrangères à la constitution, et n’en plus admettre, d’ici à quelque temps, qui pussent la détourner de ce grand et pressant objet. On a observé que, par le hasard des choix qui avaient été faits séparément dans chaque bureau, d’un seul de ses membres pour former le comité de distribution, il ne se trouvait dans ce comité aucun ecclésiastique. Un cri générai, parti des communes, a déclaré que l’observation ôtait juste, et qu’il fallait nommer à l’instant six commissaires dans l’ordre du clergé, pour les joindre aux trente premiers. MM. du clergé ont répondu qu’ils avaient concouru à tous les choix qui avaient été faits, qu’ils n’en désiraient point d’autres, et que leur satisfaction était entière, ainsi que leur confiance. Les communes ont renouvelé leurs instances; la noblesse s’y est jointe : le clergé a persisté dans son désintéressement et dans son refus. L’Assemblée nationale a retenti d’acclamations et de témoignages réciproques d’union et d’estime. M. le Président a dit que, sous un double rapport, et comme ayant l’honneur de présider l’Assemblée nationale, et comme membre d|u clergé, il jouissait de ce combat d’honnêteté ét de sensibilité; qu’il espérait qu’il n’v en aurait plus jamais d’autres dans cette salle; et les acclamations ont recommencé. 1 M. le Président annonce que depuis longtemps M. l’évêque d’Autun a demandé la parole sur la question relative aux mandats impératifs. [ L’Assemblée ayant témoigné qu’elle l’entendrajt avec plaisir M. l’évêque d’Autun monte à la trf-bune. M. de Talleyrand-Périgord, évêque d' Autan. La question des mandats impératifs, qui h été indiquée plutôt qu’approfondie dans une de vos dernières séances, et sur laquelle j’ai osé me permettre un projet d’arrêté, ne pouvait manquer d’exciter une grande agitation dans les esprits. A cette question semble naturellement attachée la solution d’un grand problème; elle touche à la fois aux points les plus délicats de la morale et aux principes constitutifs des sociétés. Il importe de l’analyser avec attention, même avec scrupule, afin de prévenir toute équivoque, et jusqu’au plu;? léger prétexte d’une fausse interprétation. Le:s personnes de cette Assemblée les plus accoutumées à l’éclairer par d’éloquentes et profonde;? discussions, ne manqueront pas sans doute d’ap- 201 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789-1 peler tout leur talent sur un sujet d’une si haute importance; pour moi, je dois me borner à vous faire un exposé simple et analytique des différents motifs qui ont parlé à ma raison et à ma conscience, lorsque je me suis déterminé pour la motion que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, et dans laquelle je persiste. Je me suis fait à moi-même toutes les questions qui m’ont paru appartenir à ce sujet. Et d’abord : qu’est-ce qu’un bailliage ou une portion de bailliage? c’est, non pas un état particulier, un état uni à d’autres par quelques liens seulement, comme dans tout corps fédératif; mais une partie d’un tout, une portion d’un seul état, soumise essentiellement, soit qu’elle y concoure, soit qu’elle n’y concoure pas, à la volonté géné-: raie, mais ayant essentiellement le droit d’v concourir. Qu’est-ce que le député d’un bailliage? c’est l’homme que le bailliage charge de vouloir en son nom, mais de vouloir comme il voudrait lui-même, s’il pouvait se transporter au rendez-vous général, c’est-à-dire après avoir mûrement délibéré et comparé entre eux tous les motifs des différents bailliages. Qu’est-ce que le mandat d’un député? c’est l’acte qui lui transmet les pouvoirs du bailliage, qui le constitue représentant de son bailliage, et par-là représentant de toute la nation. Les mandats doivent-ils être entièrement libres? voici ma réponse : On conçoit deux sortes de mandats que l’on pourrait appeler limitatifs, et les mandats qui gênent la liberté: les mandats qui sont vraiment impératifs. Les premiers peuvent exister. Ces deux mots semblent se rapprocher beaucoup, mais les exemples vont les séparer. Je m’explique : On conçoit trois sortes de mandats limitatifs. Un bailliage peut limiter les pouvoirs de son député, par rapport à leur durée, par rapport à leur objet, et enfin par rapport à l’époque où ils seront exercés. Par rapport à leur durée ; c’est ainsi que plusieurs bailliages n’ont délégué leurs pouvoirs que pour un an; ce terme expiré, le pouvoir du député expire ; il ne peut plus être exercé par lui qu’autant qu’il lui est accordé de nouveau par le même bailliage. Par rapport à leur objet; ainsi un bailliage peut très-bien dire à son député : Jevons envoie pour cette chose, et ne vous envoie que pour elle. A l’égard de cette chose, qui sera le but de la députation, l’objet de la mission, le député aura tous les pouvoirs qu’aurait le bailliage lui-même s’il était là, sans quoi il ne serait plus son représentant; mais, hors de cette chose, iln’en aura aucun; bien entendu pourtant que si la majeure partie des députés ont des pouvoirs pour un autre objet, ils pourront le remplir sans qu’il puisse y mettre d’obstacle ; car le bailliage dont il est député étant, suivant le principe qu’il ne faut jamais perdre de vue, une partie d’un tout, soumise à la volonté du tout, et par conséquent de la majeure partie, si son député Va pas le pouvoir de faire telle chose, il n’a pas non plus le pouvoir de l’empêcher : les députés la feront sans lui, et cependant la feront pour lui. — Dans cette Assemblée il y a bien peu de pouvoirs limités par rapport à l’objet; ils sont à cet égard de la plus grande étendue, puisqu’il n’existe aucun cahier d’après lequcd ii ne soit évident que les bailliages ont envoyé leurs députés pour régler la constitution, la législation, l’impôt, et porter la réforme dans tous les abus de l’administration. Dans la suite, lorsque la constitution aura été bien affermie, et qu’il existera une déclaration des droits qui pourra servir de boussole j aux bailliages, les mandats seront nécessairement beaucoup plus restreints quant à l’objet. — Enfin, les pouvoirs peuvent être limités par les bailliages, par rapport à l’époque où ils doivent être exercés. Un bailliage a pu très-bien dire à son député : Je ne vous donne pouvoir de prononcer l’impôt qu' après que tel ou tel objet aura été definitivement traite. Si le grand nombre des bailliages a tenu le même langage, alors dans le cas où un député proposerait de traiter l’impôt avant cet objet, le grand nombre des députés dira non, par défaut de� pouvoir dire oui dans ce moment. — Pour cette tenue d’Etats généraux, il paraît que le grand nombre des bailliages n’a permis à ses députés de traiter de ce qui concerne l’impôt qu’après la constitution et le redressement d’une foule de griefs. C’est un fait à bien éclaircir, quoique du reste on ne puisse douter que la simple raison et les motifs d’une saine politique ne déterminassent les députés, dans toute supposition, à adopter cette conduite. Voilà les trois sortes de limites que les bailliages (toujours en se soumettant à la décision de la majorité) peuvent très-légitimement poser aux pouvoirs qu'ils confient à leurs députés; mais ces mandats limitatifs n’ont rien de commun avec les mandats véritablement impératifs ou prohibitifs, tels que ceux qui sont prescrits dans l’arrêté; et je prie les membres de l’Assemblée, qui ont paru ne pas assez les distinguer, et qui ont cru pouvoir conclure des uns aux autres, de bien le remarquer. Il n’y a point de doute que les pouvoirs commis aux députés ne puissent être bornés par tes commettants, et quant à l’objet, et quant au temps pendant lequel ils seront exercés; mais une fois l’objet et le temps bien déterminés, les pouvoirs pour cet objet peuvent-ils être soumis à des clauses impératives ou prohibitives? en un mot, pcut-il y avoir, outre les mandats limitatifs, des mandats impératifs? Je me suis demandé souvent ce qu’était, ce que pouvait être un mandat impératif; je n’en ai pu trouver que de trois sortes : un bailliage aura dit à son député, du moins en termes équivalents : « Je vous ordonne d’exprimer telle opinion, de dire oui, non, lorsque telle question sera proposée; ou bien, je vous défends de délibérer dans tel ou tel cas; ou enfin , je vous ordonne de vous retirer si telle opinion est adoptée. » Voilà tout, car sans doute on ne mettra pas au nombre des clauses impératives les divers articles des cahiers simplement énonciatifs des vœux des bailliages. S’il en était ainsi, t’Assemblée nationale serait parfaitement inutile pour tout ce qui ne concernerait pas l’impôt; on n’aurait qu’à compter un à un les vœux de chaque bailliage sur chaque article, dans un dépouillement général des cahiers; et le commis le moins habile suffirait à cette opération. Or, ces trois mandats impératifs n’ont pas pu, suivant les vrais principes, être donnés par les bailliages ; un bailliage n’a pas pu dire à son député : « Je vous ordonne de manifester telle opinion lorsque telle question sera agitée ; » car, pourquoi envoie-t-il un député? c’est certainement pour délibérer, pour concourir aux délibérations; or, il est impossible de délibérer lorsqu’on a une opinion forcée. De plus, le bailliage ne peut savoir avec certitude lui-même quelle serait son opinion après que la question aurait été librement discutée par tous les autres bailliages ; il ne peut donc l’arrêter d’avance ; enfin , et c’est ce qui constitue les députés véritablement représentants, c’est aux bailliages à leur 202 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.] marquer le but, à leur déterminer la fin; c’est à eux de choisir la route, à combiner librement les moyens. — Au reste, quoique je pense que ce mandat s’écarte des principes, et que toute opinion manifestée d’a rance ne doive être considérée que comme un vœu livré à la discussion, et laissé en quelque sorte à la conscience des députés, j’avoue que je ne proscrirais pas ce mandat avec autant de sévérité que les deux autres, surtout à une première tenue d’Etats généraux, où une sorte d’inquiétude peut-être excusée ; lorsque tout ce qui intéresse à la fois et la constitution, et la législation, et tous les droits des hommes, semble être confié aux députés, et surtout si ce mandat n’était impératif que sur un petit nombre d’objets. Quant aux deux autres, les seuls qui sont dans ma motion, je crois que la clause qu’ils renferment est absolument nulle. Je vous ordonne de ne pas délibérer dans tel cas, n’a pas pu être prononcé par un bailliage à ses députés ; car délibérer lorsque les autres bailliages délibèrent est à la l'ois un droit et un devoir ; et d’ailleurs, comme toute délibération est le vœu de la majorité lorsqu’elle commence, et son résultat qiiand elle finit, ne pas vouloir délibérer lorsque tous les autres délibèrent, c’est contrarier ouvertement la volonté commune et eu méconnaître l’autorité. Enfin, je vous ordonne de vous retirer si telle opinion prévaut est plus répréhensible encore, car c’est annoncer une scission, et c’est plus ouvertement encore vouloir que la volonté générale soit subordonnée à la volonté particulière d’un bailliage ou d’une province. Au reste, en affirmant que ces deux clauses impératives sont nulles, j’ajoute qu’elles le sont par rapport à l’Assemblée; c’est-à-dire qu’elles doivent être pour elle comme si elles n’existaient pas; qu’elles n’autorisent aucune protestation contre elle, qu’elles ne peuvent ni arrêter les opérations de l’Assemblée, ni donner le plus léger prétexte pour en méconnaître tes décisions; que tous les suffrages prononcés dans l’Assemblée sont présumés libres; que tous les membres non délibérants sont présumés absents, et qu’une absence quelconque ne peut atténuer la force d’aucun de ses décrets. Ainsi, je pense sur les mandats impératifs, 1° que tonte opinion commandée par un bailliage est en général contraire aux principes, puisque l’Assemblée nationale doit être librement délibérante; que, si elle n’est pas toujours libre quant à la fin, elle doit l’être toujours quant aux moyens; 2° que l’ordre absolu donné à un député de ne pas délibérer est mauvais en soi ; car d’abord, il est insignifiant dans la supposition où les autres députés ne délibéreront pas ; il est répréhensible si les autres délibèrent, puisqu’alors délibérer devient un devoir; et surtout il est nul par rapport à l’Assemblée, car dans aucune supposition possible il ne peut contarier sa délibération ; 3° enfin, l’ordre de se retirer de l’Assemblée si cette opinion ne prévaut pas, est bien nul encore, s’il est permis de parler ainsi, puisqu’il exprime bien plus positivement le vœu de se soustraire à la décision de l’Assemblée. Mais s’ensuit-il de là que ces clauses soient nulles pour les députés envers leurs commettants? Non sans doute : l’arrêté exprime positivement le contraire ; car il y est dit que l’engagement particulier qui peut en résulter envers les commettants doit être promptement levé par eux; ce qui annonce en même temps, et qu’il existe des engagements en raison des clauses, et que c’est un devoir pour les commettants de les révoquer, non que cette révocation soit nécessaire à la validité des décrets de l’Assemblée ; mais, d’une part, parce qu’ils n’ont pas eu le droit d’assujettir ainsi leurs députés, et, de l’autre, parce qu’il est de leur avantage de concourir à former la volonté générale, puisque, dans toute hypothèse, ils s’y trouveront soumis. Je crois donc fermement que les députés sont liés envers leurs commettants par les clauses de tels mandats. C’est un principe de rigueur, il ne doit pas fléchir ici. Je ne suis pas même arrêté pur le raisonnement que l’on fait, eu disant qu’une clause qu’on n’apascu le droit d’apposer n’est pas obligatoire; car si je pense que les commettants n’ont pas eu le droit d’insérer cette clause, je crois en même temps que le député a eu le droit de s’v soumettre ; et cetle soumission volontaire qu’il ’a exprimée, en recevant les pouvoirs, est le titre véritable de son engagement. Il n’est pas question ici d’une action immorale, qu’on n’a pas le droit d’exiger, ni de promettre, ni de faire quand on l’a promise. Un député a pu promettre qu’il ne délibérerait pas dans tel cas, qu’il se retirait dans tel autre ; qu’il dirait oui ou non sur telle question, puisque c’est le vœu de ceux qu’il allait représenter. Tout le tort est dans ceux qui ont voulu être ainsi représentés ; il n’y a aucune immoralité à promettre cela; il n’y a aucune loi qui le défende : il peut donc l’exécuter; s’il le peut, il le doit; car il l’a promis en acceptant le mandat; et il est inutile de dire combieti cette obligation se fortifie lorsqu’à la religion delà promesse se joint la religion du serment] Mais il m’est impossible de ne pas remarquer que l’on a exagéré prodigieusement le nombre des mandats impératifs, de ceux surtout que le serment a, dit-on, consacrés. Il y a certainement ici beaucoup d’erreurs de fait. Tout le monde a juré qu’il défendrait avec zèle les intérêts de la patrie et les droi ts de tous les citoyens ; qu’il suivrait dansson opinion l’impulsion desa conscience; mais bien peu, je pense, ont juré qu’ils adopteraient telle opinion en particulier; qu’ils délibéreraient de telle manière ; qu’ils se retireraient dans telle circonstance. Quant aux mandats eux-mêmes, je suis convaincu qu’il y en a très-peu dont les clauses soient véritablement impératives. Il m’a semblé qu’on se plaisait à chaque instant à confondre les articles quelconques des cahiers avec les clauses du mandat, et j’ai déjà observé combien cette erreur était dangereuse ; et pour dire ici eu finissant ce que je pense sur la fameuse question de l’opinion par ordre ou par tête, à laquelle se rapportent presque tous les mandats impératifs, je crois que, même sur ce sujet, on s’est fort exagéré la rigueur des mandats. Voici comme il me semble qu’on doit les entendre, toutes les fois du moins qu’il n’y est pas dit expressément que le député se retirera de l’Assemblée. Lorsqu’un bailljage a dit à un député ; vous opinerez par ordre ou bien par tête, il est impossible qu’il ait voulu lui dire par-là : Vous opinerez par ordre, si les autres opinent par tête ; ni vous opinerez par tête si les autres opinent par ordre; il n’a pu même prétendre décider à lui seul cette grande question; il n’a donc pu vouloir lui dire, dans le mandat le plus impératif, que ceci : lorsque cette question s’agitera, vous serez obligé de manifester mon vœu pour l’opinion par ordre ; et comme en même temps chaque bailliage ou partie de bailliage a dû dire à son député qu’en tout il serait nécessairement soumis à la majorité, il a voulu par-là qu’il adop- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1789.] 203 tût la décision qui serait prononcée, même sur cette question, par la pluralité des suffrages. D’après ces réflexions, je persiste dans le projet d’arrêté que je vous ai soumis par la voie de l’impression ; et je supplie qu’on observe qu’il n’est dans tous ses points que l’expression exacte du principe fondamental, qu’un bailliage ou portion de bailliage, n’étant qu’une partie d’un tout, ejst soumis essentiellement, soit qu’il y concoure ou non, à la volonté générale, dès qu’il a été dûment appelé. Voici, mon projet d’arrêté : «L’Assemblée nationale, considérant qu’unbail-li âge ou une partie d’un bailliage n’a que le droit de former la volonté générale, et non de s’y soustraire, et ne peut suspendre par des mandats ijnpératifs, qui ne contiennent que sa volonté particulière, l’activité des Etats généraux, déclare qjue tous les mandats impératifs sont radicalement nuis-, que l’espèce d’engagement qui en résulterait doit être promptement levé par les bailliages, une telle clause n’ayant pu être imposée, et toutes protestations contraires étant inadmissibles, et que, par une suite nécessaire, tout décret de lj Assemblée sera rendu obligatoire envers tous les bailliages, quand il aura été rendu par tous sans exception. » ! J’ajouterai ces mots, nul radicalement , far rapport à l'Assemblée, car cette nullité n’est vraiment que relative : elle existe pour les mandataires, elle n’existe pas pour l’Assemblée. 'j’ajouterai encore que l’arrêté est juste dans tous ses points ; qu’un bailliage faisant partie dtun tout est soumis à Ja volonté générale, soit qu’il y concoure, soit qu’il n’y concoure pas. De là tous les articles de ma motion. M. le cardinal de la Rochefoucauld se lève et dit : J’ai reçu un mandat impératif de la part de mes cbmmettants ; puis-je outrepasser mon mandat sjms porter atteinte aux sentiments de probité qui m’animent ? M. Biauzat porte ensuite la parole ; il adopte lès principes de Mgr d’Autun, mais il en tire clés Smsôquences plus étendues.. Il ne veut pas que )n respecte les pouvoirs impératifs, même dans main de ceux qui en sont les porteurs ; il veut l’on les déclare nuis, et pour l’Assemblée et pour s mandataires. En conséquence, il propose d’ajouter l’amendement suivant : « Sans qu’il soit besoin que les députés aient recours à leurs commettants, l’Assemblée nationale autorise tous ses membres et leur enjoint d’opiner en leur âme et conscience, sauf à se conformer aux cas particuliers qui intéressent lpur province. » ' 11 appuie cet amendement par la lecture du serment que prononçaient autrefois les députés aux Etats généraux. Serment fait publiquement par les députés aux Etats généraux antérieurs. , Je promets et je jure devant Dieu, sur les saints Evangiles , de dire tout ce que je penserai en ma conscience être de l’honneur de Dieu, le bien de son Église , le service du Roi et le repos de l'Etat. On allait continuer cette intéressante dissertation, lorsque l’on annonce une députation de la ville de Nantes. M. Ilellinet, orateur de la députation. Nous sommes envoyés par la ville de Nantes pour vous supplier de recevoir dans ce sénat auguste de la nation, les sentiments d’admiration, de respect et de reconnaissance que Ja sagesse et la fermeté que vous avez manifestées nous inspirent. La ville de Nantes s’est assemblée, et il a été arrêté unanimement d’envoyer vers cette auguste Assemblée, pour la féliciter de l’énergie qu’elle a déployée dans les périls dont elle a été environnée. La cité de Nantes croit qu’il est de son devoir de manifester son intention, et elle s’empresse d’adhérer à l’arrêté du 17 juin, et à ceux qui ont suivi. Nous juroDS sur l’autel de la patrie, en présence du juge des rois et de leurs sujets, d’employer nos biens, nos fortunes et notre vie même, à soutenir les principes que vous avez adoptés ; à défendre l’autorité royale contre l’autorité des aristocrates, à maintenir à jamais la couronne dans la maison des Bourbons, qui ne peut avoir d’ennemis que les ennemis de la patrie. Les citoyens de Nantes chargent leurs députés de proclamer leur reconnaissance pour un Roi qui a rendu à la nation un droit qu’elle avait perdu depuis longtemps, leur vénération pour une Assemblée dont le courage ne s’est pas laissé ébranler au milieu des pièges que-ne cessaient de lui tendre la cabale et l’intrigue, etc. lis lèvent les mains au ciel pour lui demander la prospérité de cet empire, le salut de la patrie et le bonheur de tous ceux à qui nous aurons dû le nôtre. Adresse des citoyens de Nantes à l'Assemblée nationale. « Les citoyens de la ville de Nantes, transportés d’admiration pour la sagesse et la fermeté que les députés à l’Assemblée nationale viennent de déployer, ont arrêté d’une voix unanime d’envoyer vers cette Assemblée pour la féliciter sur l’énergie qu’elle a développée dans une occasion aussi importante pour le salut de l’Etat. « La cité de Nantes ayant eu l’avantage d’être une des premières villes qui ont élevé la voix pour réclamer les droits inaliénables des citoyens, se croit obligée de manifester de la manière la plus éclatante, son attachement aux principes dont l’Assemblée nationale vient de faire une profession si noble et si courageuse. Elle s’empresse donc d’adhérer à votre arrêté du 17 juin, et à tous ceux qui l’ont suivi. « Convaincue que l’intérêt du peuple français est inséparable de celui de son souverain, et qu’il ne parviendra jamais à secouer le joug sous lequel il gémit depuis si longtemps, qu’en donnant la plus grande extension au pouvoir exécutif, tous les membres qu’un si pressant motif réunit dans ce moment, jurent sur l’autel de la pairie, en présence du juge redoudable des Rois et de leurs sujets, de maintenir l’autorité royale dans toute son intégrité, et de réprimer de toutes leurs forces les attentats de ceux qui auraient la hardiesse de vouloir la partager. « Remplie de reconnaissance pour cette longue suite de monarques qui ont fait des efforts pour rompre les fers forgés dans les siècles de barbarie, et rappeler l’homme à sa dignité naturelle ; pénétrée des vertus du prince bienfaisant qui a rendu à la nation ses anciennes Assemblées, et qui est persuadé que les droits du Trône et les propriétés des sujets reposent sur la même base ; ils char-