[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. patriotisme en ne voulant pas tirer sur des Français ; ainsi le ministre prenait des mesures différentes de celles que vous aviez ordonnées par votre décret ; ce décret accompagnait la lettre du ministre, mais il n’était pas revêtu des formes constitutionnelles. » « Pour juger de la vérité des allégations de ce député, il suffit de connaître la teneur du décret, la voici : « L’Assemblée nationale, profondément affligée « des désordres qui ont eu lieu dans plusieurs « endroits du royaume, et notamment dans la ville « de Marseille, charge son président de se retirer « vers le roi, pour remercier Sa Majesté des me-« sures qu’elle a prises, tant pour la recherche « des coupables que pour la réparation de ces « excès , et renvoie l’examen de cette affaire et « de ses dépendances au comité des rapports. » « Quelles étaient ces mesures dont on remerciait le roi? Les mêmes dont j’ai rendu compte à l’Assemblée par ma lettredu 11 mai, en lui communiquant ma lettre du 10 à la municipalité de Marseille. Elle porte uniquement « de faire éva-« cuer immédiatement par la troupe nationale « les forteresses où elle s’est introduite, en ie3 « remettant aux troupes qui en avaient ci-devant « la garde exclusive. » Or, le régiment de Vexin seul composait ci-devant la garnison des forts ; l’ordre du roi dit simplement, « pour la garde en « être faite par ses troupes, » sans aucune désignation du régiment d’Ernest. « A l’égard de la forme constitutionnelle qui manquait, a-t-on dit, au décret, j’observe que les décrets n’en sont revêtus que lorsqu’ils contiennent des dispositions exécutoires. Celui dont il s’agit n’en renfermait aucune, ainsi qu’on l’a vu ; si j’en ai envoyé copie à la municipalité de Marseille, ce n’a été que pour lui faire connaître l’adhésion de l’Assemblée nationale aux mesures ordonnées par Sa Majesté. « La harangue du député s’est terminée en ces termes : « Vous ne souffrirez pas que cette ville < intéressante reste sous le despotisme d’un mi-« nistre que nous avons dénoncé, que nous dé-« nonçons encore ; qui, en donnant une extension « arbitraire à votre décret, a fait d’une loi pater-« nelle une loi de sang, qui nous a induits en er-« reur en nous transmettant un décret non re-« vêtu des formes nécessaires pour qu’il fût « authentique, et qui vient nous accuser encore.» « Après les explications que j’ai déjà données, je crois pouvoir me dispenser de répondre à ce paragraphe; on trouvera difficilement dans le recueil imprimé des pièces relatives aux forts de Marseille, à quoi se rapportent les mots : « des-« potismed’un ministre, extension arbitraire des •« décrets, loi paternelle devenue loi de sang : » une loi de sang, grand Dieu ! « On a de plus imputé au ministre, en cette occasion, une marche hâtive et vindicative. Les ordres du roi et ma lettre , quoique signés le 10 mai, ne sont cependant partis que le 13, et parce qu’étant informé que l’Assemblée s’occupait d’un décret à rendre sur le même sujet, j’ai cru plus convenable que le même courrier fût porteur du décret et des ordres de Sa Majesté. « Quant à l’épithète vindicative , j’observe qu’a-près m’être constamment occupé depuis plus de vingt ans de la prospérité de Marseille et de son commerce, j’y ai reçu à mon retour de Constantinople des témoignages peu équivoques de l’affection et de la reconnaissance de ses citoyens. Je ne les oublierai jamais, et je n’effacerai de ma mémoire que les reproches peu mérités que me [2 juin 1790.] fait aujourd’hui la municipalité de ’cette ville, si intéressante sous tant de rapports. » M. le Président lève la séance à trois heures et demie, et renvoie la suivante à ce soir, six heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ-Séance du mercredi 2 juin 1790, au soir (1). M. Chabrond, secrétaire , fait l’énonciation des adresses et délibérations suivantes : Adresses de félicitation, adhésion et dévouement des communautés de Bremur et d’Origny, département de la Côte-d’Or; du conseil général de la commune et de la troupe patriotique des paroisses d’Eraville et de Roquebrune, département de la Charente; des villes de Dôle et de Théobon; des officiers municipaux de la ville et de la garde nationale de Bergerac; du district de Saint-Pierre-de-Lyon; enfin, de la ville deCastelnaudary: toutes ces adresses improuvent expressément la déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, ainsi que tous autres écrits qui tendent à affaiblir le respect et la confiance dus à ses décrets. La municipalité de Castelnaudary envoie en même temps une délibération des officiers du présidial de cette ville, renfermant les mêmes sentiments. Adresses de la communauté de Leguevin, département de la Haute-Garonne'; et de celles de Montevrain et de Veziunes, département de l’Yonne; elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresses des communautés deChaillé-les-Marais, département de la Vendée ; de Saint-Victor et du bourg a’Ornes-en-Verdunois, dont tous les habitants ont prêté, de concert avec les officiers municipaux, le serment civique. Adresses des municipalités des paroisses formant le canton de Dammarie, département d’Eure-et-Loir; elles exposent la misère extrême des habitants affligés par des grêles successives, et implorent la protection de l’Assemblée. Adresses des membres de la fédération du département de la Haute-Vienne et des départements limitrophes, qui a eu lieu à Limoges, le 9 du mois dernier; ils expriment avec énergie la résolution qu’ils ont prise de défendre jusqu’au dernier soupir la Constitution : «Daignez, disent-ils, continuer ce grand œuvre : il immortalisera la nation française, parce que l’univers entier admirera ses lois, et voudra se les approprier ; » ils supplient l’Assemblée de s’occuper de l’organisation des gardes nationales. Adresse de la municipalité du bourg de Ghoisy-le-Roi ; elle annonce que la contribution patriotique des habitants monte à 17,415 livres. Adresses des communautés formant le canton du Sap ; de l’assemblée électorale du district de Lons-le-Saunier; de l’assemblée primaire du canton de Sos, département d’Agen ; de l’assemblée des électeurs du département du Loiret, tenue à Orléans; et, enfin, de celle du département de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 49 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] Iaûrôme, séante à Ghabeuil, contenant uneexpres-sion énergique d’une adhésion absolue aux décrets de l'Assemblée nationale, d’une reconnaissance sans bornes pour ses glorieux travaux, et des prières instantes d’acbever l’heureuse Constitution de la France. Soumissions de la municipalité de Tarare, d’acheter des biens nationaux pour 77,754 livres. Déclaration des ecclésiastiques, nobles et ci-devant privilégiés de la ville et canton de Melle portant qu’ils se soumettent à tous les décrets de l’Assemblée et promettent de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution. L’Assemblée l’a ouïe avec intérêt. , Délibération et adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Tulle, contenant improbation de la prétendue déclaration d’une partie de l’Assemblée nationale, du 19 avril, et adhésion aux principes de l’Assemblée. M. le marquis d’Ambly. Toutes ces adresses nous font perdre du temps qui pourrait être employé bien plus utilement. Je vous en supplie, unissons-nous; une législature suprême ne doit pas s’occuper à lire des adresses qui, au lieu de ramener la concorde, ne tendent qu’à aigrir les esprits. Je demande qu’on n’en lise pas davantage. M. Prieur. Ce n’est que par l’assentiment général des provinces du royaume que nous pouvons déconcerter tous les projets des ennemis de la Constitution, et en connaître les vrais amis. Je demande l’ajournement de la motion deM.d’Ain-bly, jusqu’à ce que les 304 députés qui ont signé la protestation l’aient désavouée. M. le marquis d’Ambly. Dans une législature nombreuse, il est impossible quetout le monde pense de même; lorsqu’on n’agit point, il est indifférent de quelle manière on pense. Vous n’avez aucun pouvoir sur ma façon de penser; ce n'est quepar la douceur, la persuasion, que nous ferons aimer notre Constitution. M. Chabroud reprend la lecture des adresses et délibérations : Déclaration des paroisses de Landreville et Loches de se soumettre à acquérir les biens nationaux dépendants de leur territoire. Soumission du conseil de la commune de Daix contenant son adhésion aux décrets de l’Assemblée, et sa soumission d’acquérir des biens nationaux pour 30,000 livres. Adresse de la garde nationale de Tournon contenant la promesse de soutenir de toutes ses forces la Constitution. Adresse de la ville de Nuits qui demande la conservation de sa collégiale, ou son remplacement par une paroisse. Délibération du conseil général delà commune de Saint-Omer contenant sa soumission d’acquérir pour douze millions de biens nationaux. Délibération de la municipalité et de la garde nationale de Lauzun contenant l’expression de leurs sentiments de patriotisme. Délibération de la municipalité d’Annonay contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée, et promesse de les faire exécuter. Adresse de la paroisse de Breilley, district d’Amiens, qui adhère aux décrets de l’Assemblée, et offre en don patriotique la contribution des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de 1789. Adresse de la municipalité de Corseul, district de Dinan, qui déclare accepter la Constitution, et charge ses représentants de l’achever. I'8 Série. T. XVI. Adresse de la municipalité de la ville de Saint-Sever contenant le témoignage de son adhésion et de son zèle, offre d’acheter des biens nationaux pour douze cent mille livres, et demande de l’établissement d’un collège pour lequel elle a un emplacement salubre et commode. Adresse des curés de l’arrondissement d’Héricy près Fontainebleau, diocèse de Sens, contenant leur protestation de fidélité à la Constitution. Adresse de plusieurs autres curés du département de Lot-et-Garonne qui promettent d’employer les moyens qui dépendent d’eux au maintien de la Constitution. L’Assemblée ordonne l'insertion dans son procès-verbal de ces deux adresses qui sont anisi conçues : « Nosseigneurs, les pasteurs que vous avez honorés d’une considération particulière pourraient-ils refuser à vos travaux infatigables et à la sagesse de vos décrets le tribut de reconnaissance qui vous est dû? Non, Nosseigneurs: dans l’arrondissement d’Héricy, près Fontainebleau, diocèse de Sens, il n’en est pas un qui n’ait pris texte dans vos délibérations pour exhorter son troupeau à mériter vos bienfaits, à ne pas abuser de la liberté que vous lui avez rendue, au maintien de la tranquillité publique. « Comment n’applaudiraient-ils pas au spécifique unique préparé depuis longtemps, et mis à sa perfection pour le bonheur de la France ? Avant sa régénération, elle n’était plus qu’un tableau de prix à qui la vieillesse avait ôté le coloris ; mais il était réservé à de nouveaux Solon de lui redonner de l’éclat. « Si, parmi les Français, partout reconnus à l’empreinte des vertus sociales, il s’en est trouvé quelques-uns coupables d’erreurs, leur vivacité naturelle les rend excusables en quelque sorte : si elles ont atteint jusqu’aux apôtres de la paix, c’est à eux de donner l’exemple du pardon. « Ils abjurent les sentiments de tous ceux qui auraient pu compromettre la Constitution etl’ob-jet de leur mission ; ils n’ont d’autre jouissance que de pouvoir concourir au bien public. « Permettez-leur, Nosseigneurs, de renouveler le serment civique qu’ils ont prononcé à la face des autels. « Nous jurons d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution acceptée et sanctionnée par le roi. « Nous sommes avec un profond respect, « Nosseigneurs, « Vos très humbles et très obéissants serviteurs, « Protat, curé d’Héricy; Daniel, prêtre-vicaire d’Héricy; Vallin de Surges, curé de Samoi-reau; Ollivier, curé de Vernon; Auger, curé de Vulaines ; Toussaint, curé de Thomery ; Daublaine, vicaire , P.-A. Etienne, curé de la Sdle-sous-Moret , Delemotte, curé de Maehaux; Fromentin, curé de Fericy ; Noleau, curé du Ghàtelet-en-Brie ; Chatel, vicaire du Châtelet, Leroy, curé de Champagne; Chaperon, curé de Sivry; Nègre, prieur-curé de Samois; Làir, curé de Fontaine-le-Port. « Ce 24 mai 1790. » « Nosseigneurs, jusqu’ici, en applaudissant à vos décrets, en participant de cœur et d’esprit aux pénibles travaux, aux continuelles sollicitudes que vous coûte la régénération de l’empire, 4