[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790.] des étendues telles, qu’elles vaudraient une province à la France, si elles étaient livrées à la culture, M. l’abbé Grégoire, Le mode de répartition que nous propose le comité n’est peut-être pas le meilleur, mais il donnera une émulation salutaire et c’est pour cela que nous ne devons pas le repousser. Quant au terme de cinq ans fixé par le comité pour le remboursement des avances, il est trop court: aussi je propose de le porter à douze années. M. de Virien. Avant d’imposer à l’Etat une charge bien lourde pour nos ressources actuelles, je demande quele comité des finances soit appelé à donner son avis. (Cette motion est adoptée.) L’article 5 est ajourné et renvoyé aux comités réunis des finances et d’agriculture. M. Vieillard, député de Coutânces, fait remarquer, sur l’article 6, que les primes graduées pour les dessèchements deviendraient infiniment onéreuses pour l’Etat, sans encourager réellement l’agriculture; que, d’ailleurs, la distribution des primes entraînerait toujours une foule d’abus et d’inconvénients inévitables. Divers membres proposent la question préalable sur l’article 6. La question préalable est adoptée et l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, M. Ileurtault-Lamerville, rapporteur , donne lecture de l’article 5 du projet de décret primitif: « Art. 5. Si les propriétaires renoncent à faire eux-mêmes le dessèchement de leurs marais, ou s’ils ne remplissent point l’engagement qu’ils auront contracté de les dessécher aux termes convenus, l'assemblée de département fera exécuter le dessèchement, en payant aux propriétaires la valeur actuelle du sol du marais, à leur choix, soit en argent, soit en partie du terrain qui sera desséché: le tout à dire d’experts, dont un sera nommé par le propriétaire. » M. de Lachèze. Ce projet d’article exige une sérieuse discussion en ce qu’il me semble porter atteinte à la propriété individuelle. J’en demande l’ajournement. (Cette motion est adoptée.) M. le Président lève la séance à neuf heures du soir, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS.) Séance du mercredi 25 août 11% (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. le Président rend compte à l'Assemblée de la députation envoyée hier au roi , à l'occasion 259 de sa fête. Le discours adressé à Sa Majesté est ainsi� conçu : « Sire, l’Assemblée nationale nous a chargés de vous présenter son hommage et ses voeux, à l’occasion de la fête du grand roi, du grand homme, dont vous descendez, dont Votre Majesté porte le nom, et qui fut comme vous protecteur courageux du peuple. « A Taillebourg, il repoussa les Anglais avec son épée, et dans tous les temps les entreprises de la cour de Rome avec son génie. « Sa main révérée, en diminuant la puissance des barons, et en établissant quelques lois générales et bienfaisantes, a donné les premiers coups au régime féodal, détruit sous votre règne mémorable. « Il vous était résprvé, Sire, de voir consommer, sous vos auspices et avec votre concours, les grands travaux dont le cœur de saint Louis pressentait l’utilité, et dont les siècles qui se sont écoulés depuis lui jusqu’à vous, n’avaient pu encore faire concevoir la possibilité. « Restaurateur delà liberté française, la reconnaissance de la nation vous couvrira de palmes plus honorables que celles que saint Louis fut chercher en Afrique et en Asie. « Sire, la France entière ne peut songer sans attendrissement à la sagesse, à la noblesse, à la loyauté avec lesquelles vous vous êtes identifié à la Constitution ; et l’Assemblée nationale sent avec délices combien elle représente parfaitement le peuple, à qui vous êtes si cher, lorsqu’elle peut offrir à Votre Majesté des témoignages de respect et d’amour. » Réponse du roi. « Je suis vivement touché des sentiments que vous m’exprimez au nom de l’Assemblée nationale ; c’est surtout par mon amour pour le peuple, par mes soins constants pour son bonheur et par ma confiance dans ses représentants, que je me flatte de m’assurer des droits sur leur affection. » • M. Malouet. Une lettre que je viens de recevoir de Toulon m’annonce que les ouvriers de l’arsenal se sont réunis, qu’ils ont reconnu la nécessité de la subordination et demandé eux-mêmes la poursuite des assassins de M. du Cas-telet: ils ont présenté un acte signé d’eux où ils professent ces septiments et renouvellent leur serment de fidélité à la nation, à la loi, au roi et à la Constitution. Je demande que le procès-verbal en fasse mention. Us se sont plaints au ministre de la marine de ce que les ouvrages sont donnés par entreprise. Il n’a pas cru devoir les écouter, lorsqu’ils étaient en insurrection; mais aujourd’hui qu’ilssont rentrés dans l’ordre, je vous propose d’ordonner que les entreprises D’aurontplus lieuquantaux radoubs, mais qu’elles seront conservées pour les constructions. (Cette dernière motion est renvoyée au comité de la marine.) M. de Noailles, ci-devant prince de Poix, remet là lettre suivante : « J’ai eu connaissance d’une adresse présentée par le département de Seine-et-Oise. J’y réponds que l’Assemblée a ordonné que les plaisirs du roi seraient respectés et qu’en conséquence les garde-chasses ont arrêté ceux qui ne s’y sont pas conformés. Le directoire ose dire qu’on a tiré à balle sur les citoyens ; je demande qu’il en four-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur , 260 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1790] nisse la preuve et qu’il en soit puni comme ayant avancé une calomnie. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités des rapports et de féodalité réunis.) Un de MM. les secrétaires lit la note suivante des décrets dont les expéditions en parchemin ont été envoyées par le garde des sceaux, pour être déposées dans les archives de l’Assemblée nationale : « 1°. De lettres patentes sur le décret des 3, 6, 7, 10, 14, 15, 19 et 21 mai, pour l’organisation de la municipalité de Paris. « 2°. De lettres patentes sur le décret du 21 juillet, relatif à la suspension de différents offices et places. « 3°. De lettres patentes sur le décret du 26, relatif aux droits de propriété et de voirie sur les chemins publics, rues et places de villages, bourgs ou villes et arbres en dépendant. « 4°. D’une proclamation sur les décrets des 10, 16, 23, 26 et 31, concernant les pensions, gratifications et autres récompenses nationales. « 5°. De lettres patentes sur le décret du 2 août, présent mois, portant qu’il ne pourra être dirigé aucune poursuite pour les écrits publiés jusqu’à ce jour sur les affaires publiques, à l’exception néanmoins du libelle intitulé : C'en est fait de nous. « 6°. De lettres patentes sur ledécret du 4, portant que les octrois continueront d’être perçus dans tous les lieux où il s’eu trouve d’établis, et notamment dans les villes de Noyoo, Ham, Chauny et paroisses circonvoisines. « 7°. D’une proclamation sur 1e décret du 6, portant que la municipalité de Paris sera chargée, jusqu’à ce que l’administration du département de Paris et ses districts, ainsi que leurs directoires, soient en activité, de toutes les ventes de domaines nationaux situés dans la ville et le département. « 8°. De lettres patentes sur le décret du 7, portant que les procedures criminelles qui s’instruisent à l’occasion de dégâts et voies de fait commis le 6 ou le 7 janvier dernier, par plusieurs habitants du lieu de Cabris, au canal de Moulins, de leur ci-devant seigneur, seront regardées comme non-avenues. « 9°. De lettres patentes sur le décretdu même jour, relatives aux charges qui concernent des représentants de la nation, s’il en existe dans la procédure faite par le Châtelet sur les événements du 6 octobre dernier. « 10°. De lettres patentes sur le décret du 10, qui autorise les emprunts faits ou à faire par la ville de Gaillac jusqu’à la concurrence de deux mille quatre cents livres. « 11°. D’une proclamation sur le décret du même jour, qui improuve la municipalité de Saint-Aubin, pour avoir ouvert des paquets et fait arrêter le courrier porteur de ces paquets, adressés tant à M. Dogni qu’au ministre des affaires étrangères, et aux ministres de la cour de Madrid. « 12°. D’une proclamation sur le décret du 11, concernant le sieur Metlé, officier au régiment des chasseurs de Flandres, et le nommé Leblanc. » 13°. D’une proclamation sur le décret du même jour, qui autorise les habitants du duché de Bouillon à extraire en nature et à importer chez eux le produit de leurs fermes ; comme aussi ne continuer à l’approvisionner de toutes sortes de grains sur les marchés de Sedan. » 14°. D’une proclamation sur le décret du 14, portant qu’il sera informé par devant la munici-9 lité de Strasbourg, ayant la juridiction criminelle, des troubles, émeutes et violences qui ont en lieu à Schelestadt depuis le 8 juin dernier, et notamment le 13 juillet et jours suivants; et portant défense au sieur Herren berger et autres, se prétendant élus officiers municipaux de ladite ville, d’y exercer aucune fonction publique. « 15°. Et enfin, d’une proclamation sur le décret du 17, concernant les mouvements qui ont eu lieu à Carcassonne et dans ses environs le3 7, 8, 9 et 10, à l’occasion de la circulation des grains. » L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'ordre judiciaire. (1). M. Thouret, rapporteur. Le comité de Constitution m’a chargé de vous proposer un article additionnel au décret sur l’ordre judiciaire, qui serait ainsi conçu : « Les ecclésiastiques ne peuvent être élus aux places de juges dont les fonctions sont déclarées incompatibles avec leur ministère .» Un membre à droite. Le comité vient tardivement nous proposer une exclusion, sans en donner les motifs. Je demande la question préalable sur l’article. M. Buzot. Il y a une raison politique pour justifier l'incompatibilité proposée. S’il est dangereux de cumuler dans les mêmes mains plusieurs pouvoirs, il serait bien plus dangereux de confier les fonctions de juges aux ecclésiastiques. Il faut craindre leur influence religieuse et si les ecclésiastiques qui disposent souvent par la nature des fonctions de leur ministère de lacon-fiancé cies peuples, surtout des peuples des campagnes et des petites vides, réunissaient encore les fonctions de juges, ils auraient un pouvoir réellement redoutable : il est donc d’une sage prévoyance, d’une bonne politique de ne pas laisser aux prêtres trop' d’autorité. En second lieu, si autrefois il y avait trop d’ecclésiastiques, il est à présumer que dorénavant il n’y en aura que ce qu’il en faut ou à peu prés; il ne faut donc pas sVxposer à en multiplier le nombre en leur laissant l’expectative d’être nommés aux places de juges. Il est encore une raison majeure, c’est de ne pas les distraire des fonctions de leur ministère. M. Robespierre. Je crois aussi qu’il faut exclure les ecclésiastiques des tribunaux, mais cette exclusion doit être fondée sur un principe vrai et constitutionnel. Or, le motif par lequel on l’a justifié jusqu’ici ne l’est pas. Le véritable motif ne peut pas être le danger de l’influence des ecclésiastiques. Dans toute Constitution sage et libre, il ne peut pas exister une classe de citoyens ou de fonctionnaires publics, redoutables à la société par son esprit et par son organisation , si l’état ecclésiastique présentait encore parmi nous ces inconvénients, la conséquence nécessaire serait qu’il faut changer son organisation. pour réformer son esprit et faire que les ecclésiastiques ne soient plus que des citoyens. Quelle est donc la raison constitutionnelle qui doit vous déterminer à les exclure des fonctions judiciaires? Ce n’est point une raison particulière (1) Toute eette partie de la séance a été omise au Moniteur.