SÉANCE DU 18 FLORÉAL AN II (7 MAI 1794) - N° 33 141 « XI. La liberté des cultes est maintenue, conformément au décret du 18 frimaire. « XII. Tout rassemblement aristocratique et contraire à l’ordre public sera réprimé. «XIII. En cas de trouble dont un culte quelconque seroit l’occasion ou le motif, ceux qui les exciteroient par des prédications fanatiques ou par des insinuations contre-révolutionnaires, ceux qui les provoqueroient par des violences injustes et gratuites, seront également punis selon la rigueur des lois. «XIV. Il sera fait un rapport particulier sur les dispositions de détail relatives au présent décret. «XV. Il sera célébré, le 20 prairial prochain, une fête en l’honneur de l’Etre Suprême. « David est chargé d’en présenter le plan à la Convention nationale (1). COUTHON : On demande l’impression du rapport qui vient d’être présenté et sa distribution à chaque député, au nombre de 6 exemplaires. Je crois que cela ne suffit pas : la Providence a été offensée et la Convention outragée par des hommes infâmes qui, pour porter le désespoir dans le cœur du juste, proclamaient le matérialisme et niaient l’existence d’un Etre suprême. La justice humaine a déjà frappé ces hommes corrupteurs et corrompus; mais la Convention doit plus faire, elle doit frapper leurs abominables principes; elle vient de le faire, par le rapport qui vient d’être lu et par le projet de décret qu’elle a adopté. Mais la Convention ayant été outragée, calomniée partout, il faut que le rapport soit non seulement imprimé dans le format ordinaire et envoyé aux armées, à tous les corps constitués et à toutes les sociétés populaires, mais qu’il soit imprimé en placard et affiché dans toutes les rues; il faut qu’on lise sur les murs et sur les guérites quelle est la véritable profession de foi du peuple français. (On applaudit .) Je demande enfin qu’attendu que la morale de la représentation nationale a été calomniée chez les peuples étrangers, le rapport de Robespierre et le projet de décret qui vous a été présenté soient traduits dans toutes les langues et répandus dans tout l’univers. (On applaudit ) (2). « La Convention nationale décrète que le présent décret et le rapport qui l’a précédé seront imprimés et envoyés, en format ordinaire et en placard, à toutes les communes, armées et sociétés populaires de la République, pour être lus et affichés sur toutes les places publiques et dans les camps; elle décrète pareillement que le rapport et le décret seront traduits dans toutes les langues, et distribués au nombre de six exemplaires à chacun des membres de la Convention » (3). (1) P.-V., XXXVII, 45. (2) Mon., XX, 411. (3) P.-V., XXXVII, 49. Pas de minute de la main de Robespierre. Décret n° 9046. Reproduit dans Bin, 18 flor.; Débats, nos 595, p. 226 et 596, p. 239; J. Sablier, nos 1304 et 1305; Rép., nos 139 et 141; J. Paris, nos 493, 494 et 495; J. Mont., n° 12; Feuille Rép., nos 309, 312 et 314; M.U., XXXIX, 315-318; 328-335; 347-351; 354-367; J. Per-let, n° 593; J. Univ., nos 1626, 1627; J. Sans-Culottes, 33 La Convention nationale adopte le plan présenté par David pour la fête du 20 prairial et en décrète l’impression et la distribution (1). [Plan de la fête à l’Etre suprême ] (2). L’aurore annonce à peine le jour, et déjà les sons d’une musique guerrière retentissent de toutes parts, et font succéder au calme du sommeil un réveil enchanteur. A l’aspect de l’astre bienfaisant qui vivifie et colore la nature, amis, frères, époux, enfans, vieillards et mères, s’embrassent, et s’empressent à l’envi d’orner et de célébrer la fête de la Divinité. L’on voit aussitôt les banderoles tricolores flotter à l’extérieur des maisons; les portiques se décorent de festons de verdure; la chaste épouse tresse de fleurs la chevelure flottante de sa fille chérie, tandis que l’enfant à la mamelle presse le sein de sa mère, dont il est la plus belle parure; le fils, au bras vigoureux, se saisit de ses armes : il ne veut recevoir le baudrier que des mains de son père; le vieillard souriant de plaisir, les yeux mouillés de larmes de joie, sent rajeunir son âme et son courage en présentant l’épée aux défenseurs de la liberté. Cependant l’airain tonne; à l’instant les habitations sont désertes : elles restent sous la sau-ve-garde des lois et des vertus républicaines; le peuple remplit les rues et les places publiques : la joie et la fraternité l’enflamment. Ces groupes divers, parés des fleurs du printemps, sont un parterre animé, dont les parfums disposent les armes à cette scène touchante. Les tambours roulent; tout prend une forme nouvelle. Les adolescens, armés de fusil, forment un bataillon quarré autour du drapeau de leurs sections respectives. Les mères quittent leurs fils et leurs époux : elles portent à la main des bouquets de roses; leurs filles, qui ne doivent jamais les abandonner que pour passer dans les bras de leur époux, les accompagnent, et portent des corbeilles remplies de fleurs. Les pères conduisent leurs fils, armés d’une épée : l’un et l’autre tiennent à la main une branche de chêne. Tout est prêt pour le départ; chacun brûle de se rendre au lieu où doit commencer cette cérémonie qui va réparer les torts des nouveaux prêtres du crime et de la royauté. Une salve d’artillerie annonce le moment désiré; le peuple se réunit au jardin national : là, il se range autour d’un amphithéâtre destiné pour la Convention. Les portiques qui l’avoisinent sont décorés de guirlandes de verdure et de fleurs, entremêlées de rubans tricolores. n°» 447 et 448; Ann. patr., nos 492 et 494; J. Lois, n° 588; Ann. RE., n0B 159, 160; J. Matin, n08 686, 687; C. Eg., nos 628 à 634 et 639; Mess. Soir, nos 628, 629, 632 à 637; Audit, nat. n° 592; J. Fr., nos 591, 592 et 595; J. Mont., 27. (1) P.-V., XXXVII, 49. Minute de la main de David. Pas de décret. Mention dans J. Sablier, n° 1305; Rép., n° 139; J. Mont., n° 12; Feuille Rép., n° 309; Mess. Soir, n° 628; Ann. R.F., n° 160; J. Lois, n° 588; Audit, nat., n° 592. (2) Débats, n° 597, p. 271. 11 SÉANCE DU 18 FLORÉAL AN II (7 MAI 1794) - N° 33 141 « XI. La liberté des cultes est maintenue, conformément au décret du 18 frimaire. « XII. Tout rassemblement aristocratique et contraire à l’ordre public sera réprimé. «XIII. En cas de trouble dont un culte quelconque seroit l’occasion ou le motif, ceux qui les exciteroient par des prédications fanatiques ou par des insinuations contre-révolutionnaires, ceux qui les provoqueroient par des violences injustes et gratuites, seront également punis selon la rigueur des lois. «XIV. Il sera fait un rapport particulier sur les dispositions de détail relatives au présent décret. «XV. Il sera célébré, le 20 prairial prochain, une fête en l’honneur de l’Etre Suprême. « David est chargé d’en présenter le plan à la Convention nationale (1). COUTHON : On demande l’impression du rapport qui vient d’être présenté et sa distribution à chaque député, au nombre de 6 exemplaires. Je crois que cela ne suffit pas : la Providence a été offensée et la Convention outragée par des hommes infâmes qui, pour porter le désespoir dans le cœur du juste, proclamaient le matérialisme et niaient l’existence d’un Etre suprême. La justice humaine a déjà frappé ces hommes corrupteurs et corrompus; mais la Convention doit plus faire, elle doit frapper leurs abominables principes; elle vient de le faire, par le rapport qui vient d’être lu et par le projet de décret qu’elle a adopté. Mais la Convention ayant été outragée, calomniée partout, il faut que le rapport soit non seulement imprimé dans le format ordinaire et envoyé aux armées, à tous les corps constitués et à toutes les sociétés populaires, mais qu’il soit imprimé en placard et affiché dans toutes les rues; il faut qu’on lise sur les murs et sur les guérites quelle est la véritable profession de foi du peuple français. (On applaudit .) Je demande enfin qu’attendu que la morale de la représentation nationale a été calomniée chez les peuples étrangers, le rapport de Robespierre et le projet de décret qui vous a été présenté soient traduits dans toutes les langues et répandus dans tout l’univers. (On applaudit ) (2). « La Convention nationale décrète que le présent décret et le rapport qui l’a précédé seront imprimés et envoyés, en format ordinaire et en placard, à toutes les communes, armées et sociétés populaires de la République, pour être lus et affichés sur toutes les places publiques et dans les camps; elle décrète pareillement que le rapport et le décret seront traduits dans toutes les langues, et distribués au nombre de six exemplaires à chacun des membres de la Convention » (3). (1) P.-V., XXXVII, 45. (2) Mon., XX, 411. (3) P.-V., XXXVII, 49. Pas de minute de la main de Robespierre. Décret n° 9046. Reproduit dans Bin, 18 flor.; Débats, nos 595, p. 226 et 596, p. 239; J. Sablier, nos 1304 et 1305; Rép., nos 139 et 141; J. Paris, nos 493, 494 et 495; J. Mont., n° 12; Feuille Rép., nos 309, 312 et 314; M.U., XXXIX, 315-318; 328-335; 347-351; 354-367; J. Per-let, n° 593; J. Univ., nos 1626, 1627; J. Sans-Culottes, 33 La Convention nationale adopte le plan présenté par David pour la fête du 20 prairial et en décrète l’impression et la distribution (1). [Plan de la fête à l’Etre suprême ] (2). L’aurore annonce à peine le jour, et déjà les sons d’une musique guerrière retentissent de toutes parts, et font succéder au calme du sommeil un réveil enchanteur. A l’aspect de l’astre bienfaisant qui vivifie et colore la nature, amis, frères, époux, enfans, vieillards et mères, s’embrassent, et s’empressent à l’envi d’orner et de célébrer la fête de la Divinité. L’on voit aussitôt les banderoles tricolores flotter à l’extérieur des maisons; les portiques se décorent de festons de verdure; la chaste épouse tresse de fleurs la chevelure flottante de sa fille chérie, tandis que l’enfant à la mamelle presse le sein de sa mère, dont il est la plus belle parure; le fils, au bras vigoureux, se saisit de ses armes : il ne veut recevoir le baudrier que des mains de son père; le vieillard souriant de plaisir, les yeux mouillés de larmes de joie, sent rajeunir son âme et son courage en présentant l’épée aux défenseurs de la liberté. Cependant l’airain tonne; à l’instant les habitations sont désertes : elles restent sous la sau-ve-garde des lois et des vertus républicaines; le peuple remplit les rues et les places publiques : la joie et la fraternité l’enflamment. Ces groupes divers, parés des fleurs du printemps, sont un parterre animé, dont les parfums disposent les armes à cette scène touchante. Les tambours roulent; tout prend une forme nouvelle. Les adolescens, armés de fusil, forment un bataillon quarré autour du drapeau de leurs sections respectives. Les mères quittent leurs fils et leurs époux : elles portent à la main des bouquets de roses; leurs filles, qui ne doivent jamais les abandonner que pour passer dans les bras de leur époux, les accompagnent, et portent des corbeilles remplies de fleurs. Les pères conduisent leurs fils, armés d’une épée : l’un et l’autre tiennent à la main une branche de chêne. Tout est prêt pour le départ; chacun brûle de se rendre au lieu où doit commencer cette cérémonie qui va réparer les torts des nouveaux prêtres du crime et de la royauté. Une salve d’artillerie annonce le moment désiré; le peuple se réunit au jardin national : là, il se range autour d’un amphithéâtre destiné pour la Convention. Les portiques qui l’avoisinent sont décorés de guirlandes de verdure et de fleurs, entremêlées de rubans tricolores. n°» 447 et 448; Ann. patr., nos 492 et 494; J. Lois, n° 588; Ann. RE., n0B 159, 160; J. Matin, n08 686, 687; C. Eg., nos 628 à 634 et 639; Mess. Soir, nos 628, 629, 632 à 637; Audit, nat. n° 592; J. Fr., nos 591, 592 et 595; J. Mont., 27. (1) P.-V., XXXVII, 49. Minute de la main de David. Pas de décret. Mention dans J. Sablier, n° 1305; Rép., n° 139; J. Mont., n° 12; Feuille Rép., n° 309; Mess. Soir, n° 628; Ann. R.F., n° 160; J. Lois, n° 588; Audit, nat., n° 592. (2) Débats, n° 597, p. 271. 11 142 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les sections arrivées, les autorités constituées, le peuple, annoncent à la représentation nationale que tout est préparé pour célébrer la fête de l’Etre suprême. La Convention nationale, précédée d’une musique éclatante, se montre au peuple : le président paroit à la tribune élevée au centre de l’amphithéâtre, il fait sentir les motifs qui ont déterminé cette fête solennelle; il invite le peuple à honorer l’auteur de la nature. Il dit : le peuple fait retentir les airs de ses cris d’alégresse. Tel se fait entendre le bruit des vagues d’une mer agitée, que les vents sonores du Midi soulèvent et prolongent en échos dans les vallons et les forêts loitaines. Au bas de l’amphithéâtre s’élève un monument où sont réunis tous les ennemis de la félicité publique : le monstre désolant de l’athéisme y domine; il est soutenu par l’ambition, l’égoïsme, la discorde et la fausse simplicité, qui, à travers les haillons de la misère, laisse entrevoir les ornements dont se parent les esclaves de la royauté. Sur le front de ces figures on lit ces mots : Seul espoir de l’étranger. Il va lui être ravi. Le président s’approche, tenant entre ses mains un flambeau : le groupe s’embrase; il rentre dans le néant avec la même rapidité que les conspirateurs qu’a frappés le glaive de la loi. Du milieu de ces débris s’élève la sagesse au front calme et serein; à son aspect, des larmes de joie et de reconnaissance coulent de tous les yeux; elle console l’homme de bien que l’athéïsine vouloit réduire au désespoir. La fille du ciel semble dire : Peuple, rends hommage à l’auteur de la nature; respecte ses décrets immuables. Périsse l’audacieux qui oseroit y porter atteinte ! Peuple généreux et brave, juge de la grandeur par les moyens qu’on emploie pour l’égarer. Tes hypocrites ennemis commissent ton attachement sincère aux lois de la raison; et c’est par-là qu’ils vouloient te perdre; mais tu ne seras plus dupe de leur imposture; tu briseras toi-même la nouvelle idole que ces nouveaux Druides vouloient relever par la violence. Après cette première cérémonie, que termine un chant simple et joyeux, le bruit des tambours se fait entendre, le son perçant de la trompette éclate dans les airs. Le Peuple se dispose; il est en ordre, il part... Des colonnes s’avancent; les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, marchent sur deux files parallèles. Le bataillon quarré des adolescens marche toujours dans le même ordre. Le rang des sections est déterminé par la lettre alphabétique. Au milieu du peuple paroissent ses représentans : ils sont environnées par YEnfance, ornée de violettes; YAdolescence, de myrthe; la Virilité , de chêne; et la Vieillesse aux cheveux blancs, de pampre et d’olivier : chaque représentant porte à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits, symbole de la mission qui lui a été confiée; mission qu’ils rempliront en dépit des obstacles sous leurs pas. Au centre de la représentation nationale, quatre taureaux vigoureux, couverts de festons et de guirlandes, traînent un char sur lequel brille un trophée composé des instrumens des arts et métiers, et des productions du territoire français ! « Vous qui vivez dans le luxe et dans » la mollesse; vous dont l’existence n’est qu’un » pénible sommeil, peut-être vous oserez jeter » un regard de mépris sur ces utiles instrumens : » ah ! fuyez, fuyez loin de nous; vos âmes cor-» rompues ne sauroient goûter les jouissances » simples de la nature ! Et toi, Peuple laborieux » et sensible, jouis de ton triomphe et de ta » gloire; dédaigne les vils trésors de tes lâches » ennemis; n’oublie pas sur-tout que les héros » et les bienfaiteurs de l’humanité conduisoient » la charrue de la même main qui avoit vaincu » les rois et leurs satellites. ». Après avoir, durant la marche, couvert d’offrandes et de fleurs la statue de la Liberté, le cortège arrive au Champ de la Réunion. «Ames » pures, cœurs vertueux, c’est ici que vous at-» tend une scène ravissante; c’est ici que la » Liberté vous a ménagé ses plus douces jouis-» sances ». Une montagne immense devient l’autel de la Patrie; sur sa cime s’élève l’arbre de la liberté; les représentans s’élancent sous ses rameux protecteurs; les pères avec leurs fils se groupent sur la partie de la montagne qui leur est désignée; les mères avec leurs filles se rangent de l’autre côté; leur fécondité et les vertus de leurs époux sont les seuls titres qui les y ont conduites : un silence profond règne de toutes parts; les accords touchans d’une musique harmonieuse se font entendre; les pères, accompagnés de leurs fils, chantent une première strophe : ils jurent ensemble de ne plus poser les armes, qu’après avoir anéanti les ennemis de la République : tout le peuple répète la finale; les filles avec leurs mères, les yeux fixés vers la voûte céleste, chantent une seconde strophe : celles-ci promettent de n’épouser jamais que des hommes qui auront servi la patrie; les mères s’énorgueillissent de leur fécondité... Nos en-fans, disent-elles, après avoir purgé la terre des tyrans coalisés contre nous, reviendront s’acquitter d’un devoir cher à leur cœur : ils fermeront les paupières de ceux dont ils ont reçu le jour. Le peuple répète les expressions de ces sentimens sublimes inspiré par l’amour sacré des vertus. Une troisième et dernière strophe est chantée par le peuple entier. Tout s’émeut, tout s’agite sur la Montagne : hommes, femmes, filles vieillards, enfans, tous font retentir l’air de leurs accens. Ici, les mères pressent les enfans qu’elles allaitent; là, saisissant les plus jeunes de leurs enfans mâles, ceux qui n’ont point assez de forces pour accompagner leurs pères, et les soulevant dans leurs bras, elles les présentent en hommage à l’auteur de la nature; les jeunes filles jettent vers le ciel les fleurs qu’elles ont apportées, seule propriété dans un âge aussi tendre. Au même instant et simultanément, les fils brûlant d’une ardeur guerrière, tirent leurs épées, les déposent dans les mains de leurs vieux pères; ils jurent de les rendre par-tout victorieuses; ils jurent de faire triompher la liberté et l’égalité contre l’oppression des tyrans. Partageant l’enthousiasme de leurs fils, les vieillards ravis les embrassent, et répandent sur eux leur bénédition paternelle. Une décharge formidable d’artillerie, interprète de la vengeance nationale, enflamme le 142 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Les sections arrivées, les autorités constituées, le peuple, annoncent à la représentation nationale que tout est préparé pour célébrer la fête de l’Etre suprême. La Convention nationale, précédée d’une musique éclatante, se montre au peuple : le président paroit à la tribune élevée au centre de l’amphithéâtre, il fait sentir les motifs qui ont déterminé cette fête solennelle; il invite le peuple à honorer l’auteur de la nature. Il dit : le peuple fait retentir les airs de ses cris d’alégresse. Tel se fait entendre le bruit des vagues d’une mer agitée, que les vents sonores du Midi soulèvent et prolongent en échos dans les vallons et les forêts loitaines. Au bas de l’amphithéâtre s’élève un monument où sont réunis tous les ennemis de la félicité publique : le monstre désolant de l’athéisme y domine; il est soutenu par l’ambition, l’égoïsme, la discorde et la fausse simplicité, qui, à travers les haillons de la misère, laisse entrevoir les ornements dont se parent les esclaves de la royauté. Sur le front de ces figures on lit ces mots : Seul espoir de l’étranger. Il va lui être ravi. Le président s’approche, tenant entre ses mains un flambeau : le groupe s’embrase; il rentre dans le néant avec la même rapidité que les conspirateurs qu’a frappés le glaive de la loi. Du milieu de ces débris s’élève la sagesse au front calme et serein; à son aspect, des larmes de joie et de reconnaissance coulent de tous les yeux; elle console l’homme de bien que l’athéïsine vouloit réduire au désespoir. La fille du ciel semble dire : Peuple, rends hommage à l’auteur de la nature; respecte ses décrets immuables. Périsse l’audacieux qui oseroit y porter atteinte ! Peuple généreux et brave, juge de la grandeur par les moyens qu’on emploie pour l’égarer. Tes hypocrites ennemis commissent ton attachement sincère aux lois de la raison; et c’est par-là qu’ils vouloient te perdre; mais tu ne seras plus dupe de leur imposture; tu briseras toi-même la nouvelle idole que ces nouveaux Druides vouloient relever par la violence. Après cette première cérémonie, que termine un chant simple et joyeux, le bruit des tambours se fait entendre, le son perçant de la trompette éclate dans les airs. Le Peuple se dispose; il est en ordre, il part... Des colonnes s’avancent; les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, marchent sur deux files parallèles. Le bataillon quarré des adolescens marche toujours dans le même ordre. Le rang des sections est déterminé par la lettre alphabétique. Au milieu du peuple paroissent ses représentans : ils sont environnées par YEnfance, ornée de violettes; YAdolescence, de myrthe; la Virilité , de chêne; et la Vieillesse aux cheveux blancs, de pampre et d’olivier : chaque représentant porte à la main un bouquet d’épis de bled, de fleurs et de fruits, symbole de la mission qui lui a été confiée; mission qu’ils rempliront en dépit des obstacles sous leurs pas. Au centre de la représentation nationale, quatre taureaux vigoureux, couverts de festons et de guirlandes, traînent un char sur lequel brille un trophée composé des instrumens des arts et métiers, et des productions du territoire français ! « Vous qui vivez dans le luxe et dans » la mollesse; vous dont l’existence n’est qu’un » pénible sommeil, peut-être vous oserez jeter » un regard de mépris sur ces utiles instrumens : » ah ! fuyez, fuyez loin de nous; vos âmes cor-» rompues ne sauroient goûter les jouissances » simples de la nature ! Et toi, Peuple laborieux » et sensible, jouis de ton triomphe et de ta » gloire; dédaigne les vils trésors de tes lâches » ennemis; n’oublie pas sur-tout que les héros » et les bienfaiteurs de l’humanité conduisoient » la charrue de la même main qui avoit vaincu » les rois et leurs satellites. ». Après avoir, durant la marche, couvert d’offrandes et de fleurs la statue de la Liberté, le cortège arrive au Champ de la Réunion. «Ames » pures, cœurs vertueux, c’est ici que vous at-» tend une scène ravissante; c’est ici que la » Liberté vous a ménagé ses plus douces jouis-» sances ». Une montagne immense devient l’autel de la Patrie; sur sa cime s’élève l’arbre de la liberté; les représentans s’élancent sous ses rameux protecteurs; les pères avec leurs fils se groupent sur la partie de la montagne qui leur est désignée; les mères avec leurs filles se rangent de l’autre côté; leur fécondité et les vertus de leurs époux sont les seuls titres qui les y ont conduites : un silence profond règne de toutes parts; les accords touchans d’une musique harmonieuse se font entendre; les pères, accompagnés de leurs fils, chantent une première strophe : ils jurent ensemble de ne plus poser les armes, qu’après avoir anéanti les ennemis de la République : tout le peuple répète la finale; les filles avec leurs mères, les yeux fixés vers la voûte céleste, chantent une seconde strophe : celles-ci promettent de n’épouser jamais que des hommes qui auront servi la patrie; les mères s’énorgueillissent de leur fécondité... Nos en-fans, disent-elles, après avoir purgé la terre des tyrans coalisés contre nous, reviendront s’acquitter d’un devoir cher à leur cœur : ils fermeront les paupières de ceux dont ils ont reçu le jour. Le peuple répète les expressions de ces sentimens sublimes inspiré par l’amour sacré des vertus. Une troisième et dernière strophe est chantée par le peuple entier. Tout s’émeut, tout s’agite sur la Montagne : hommes, femmes, filles vieillards, enfans, tous font retentir l’air de leurs accens. Ici, les mères pressent les enfans qu’elles allaitent; là, saisissant les plus jeunes de leurs enfans mâles, ceux qui n’ont point assez de forces pour accompagner leurs pères, et les soulevant dans leurs bras, elles les présentent en hommage à l’auteur de la nature; les jeunes filles jettent vers le ciel les fleurs qu’elles ont apportées, seule propriété dans un âge aussi tendre. Au même instant et simultanément, les fils brûlant d’une ardeur guerrière, tirent leurs épées, les déposent dans les mains de leurs vieux pères; ils jurent de les rendre par-tout victorieuses; ils jurent de faire triompher la liberté et l’égalité contre l’oppression des tyrans. Partageant l’enthousiasme de leurs fils, les vieillards ravis les embrassent, et répandent sur eux leur bénédition paternelle. Une décharge formidable d’artillerie, interprète de la vengeance nationale, enflamme le SÉANCE DU 18 FLORÉAL AN II (7 MAI 1794) - Nos 34 A 37 143 courage de nos républicains; elle leur annonce que le jour de gloire est arrivé. Un chant mâle et guerrier, avant-coureur de la victoire, répond au bruit du canon. Tous les Français confondent leurs sentimens dans un embrassement fraternel : ils n’ont plus qu’une voix, dont le cri général, vive le République , monte vers la divinité. ( Fréquents applaudissements.) Sur la proposition d’un membre, ce plan sera joint au rapport imprimé de Robespierre (1) . 34 BARERE : j’ai demandé la parole pour ajouter aux dispositions du décret qui vient de vous être présenté. Le rapport nous promettoit une disposition en faveur du jeune citoyen d’Avignon dont la Convention et les citoyens présens ont applaudi le dévouement sublime; et cette disposition manque dans le décret. Citoyens, depuis trois mois on a décrété que les cendres de Bara seroient portées au Panthéon. Je demande que le 30 prairial les cendres et l’urne du jeune citoyen d’Avignon soient déposées au Panthéon, et que la Convention assiste toute entière à la fête qui aura lieu ce jour-là. On applaudit. La proposition de Barère est décrétée comme suit (2). Sur le rapport du Comité de salut public, la Convention nationale décrète que les honneurs publics décernés à la mémoire de Bara et Agricola Viala, leur seront rendus le même jour 30 prairial. La Convention nationale accompagnera les cendres de ces jeunes citoyens au Panthéon (3). 35 ETAT DES DONS (suite) (4) a Le quatrième bataillon de l’Aude, au camp de la division de droite de l’armée des Pyrénées Orientales, a envoyé en un bon de la poste, la somme de 469 liv. en numéraire, pour les frais de la guerre. b Le citoyen Lorillon, agent national du district de Sens, a envoyé une décoration militaire. (1) Débats, n° 595, p. 229. (2) Débats, n° 595, p. 229. (3) P.-V., XXXVII, 49. Minute de la main de Barère (C 301, pl. 1070, p. 33). Décret n° 9050. Reproduit dans Bin, 26 flor. (suppl4); J. Sablier, n° 1305; J. Perlet, n° 593; Feuille Rép., n° 309; Mon., XX, 412; J. Sans-Culottes, n° 448; Ann. patr., n° 492; J. Matin, n° 686; Ann. R.F., n° 160; J. Lois, n° 588. (4) P.-V., XXXVII, 38 et 87. c Le citoyen Alluis, commissaire de la société populaire de Brioude, a déposé, pour les frais de la guerre, la somme de 96 liv. en numéraire. d Les employés au parc d’artillerie de l’armée du Nord, sous la dénomination de conducteurs généraux, principaux et ordinaires des charrois de l’artillerie, ont envoyé en un bon de la poste la somme de 742 liv. 10 s. pour les frais de la guerre. La séance est levée à trois heures et demie (1). Signé, CARNOT, président; BERNARD (de Saintes), DORNIER, HAUSSMANN, POCHOL-LE, 1SORE, PAGANEL, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 36 Un vieux militaire qui a servi pendant 30 ans, sous les drapeaux de la France sans jamais la quitter, annonce à la Convention qu’il a été envoyé par ses frères d’armes pour échanger des assignats à face royale de 500 livres et au-dessus, mais que n’ayant pu à cause de l’éloignement arriver avant l’expiration du délai à Paris, il n’a pu remplir la mission dont il étoit chargé. Il demande que la Convention lui permette d’échanger ces assignats démonétisés, en considération du patriotisme de ses frères d’armes. — Renvoyé au Comité des secours publics (2) . 37 [Le comm” des Adm. civiles, police et trïb.; au présid .de la Conv.; Paris, 14 flor. II] (3). « Citoyen président, François Geiler, ci-devant curé à Gerstheim, district de Sélestat, et Marianne Alein, sa femme, tous deux nés en pays avec lequel la République est en guerre, ont manqué de se conformer à l’art. 4 de la loy du 6 septembre 1793, qui assujettit les étrangers à se présenter au conseil général de la commune pour y obtenir sur l’attestation de deux bons citoyens, le certificat d’hospitalité voulu par l’article 6. (1) P.-V., XXXVII, 49. (2) J. Sablier, n° 1305; J. Fr., n° 591. (3) Dm 211, doss. 2 (Gerstheim). SÉANCE DU 18 FLORÉAL AN II (7 MAI 1794) - Nos 34 A 37 143 courage de nos républicains; elle leur annonce que le jour de gloire est arrivé. Un chant mâle et guerrier, avant-coureur de la victoire, répond au bruit du canon. Tous les Français confondent leurs sentimens dans un embrassement fraternel : ils n’ont plus qu’une voix, dont le cri général, vive le République , monte vers la divinité. ( Fréquents applaudissements.) Sur la proposition d’un membre, ce plan sera joint au rapport imprimé de Robespierre (1) . 34 BARERE : j’ai demandé la parole pour ajouter aux dispositions du décret qui vient de vous être présenté. Le rapport nous promettoit une disposition en faveur du jeune citoyen d’Avignon dont la Convention et les citoyens présens ont applaudi le dévouement sublime; et cette disposition manque dans le décret. Citoyens, depuis trois mois on a décrété que les cendres de Bara seroient portées au Panthéon. Je demande que le 30 prairial les cendres et l’urne du jeune citoyen d’Avignon soient déposées au Panthéon, et que la Convention assiste toute entière à la fête qui aura lieu ce jour-là. On applaudit. La proposition de Barère est décrétée comme suit (2). Sur le rapport du Comité de salut public, la Convention nationale décrète que les honneurs publics décernés à la mémoire de Bara et Agricola Viala, leur seront rendus le même jour 30 prairial. La Convention nationale accompagnera les cendres de ces jeunes citoyens au Panthéon (3). 35 ETAT DES DONS (suite) (4) a Le quatrième bataillon de l’Aude, au camp de la division de droite de l’armée des Pyrénées Orientales, a envoyé en un bon de la poste, la somme de 469 liv. en numéraire, pour les frais de la guerre. b Le citoyen Lorillon, agent national du district de Sens, a envoyé une décoration militaire. (1) Débats, n° 595, p. 229. (2) Débats, n° 595, p. 229. (3) P.-V., XXXVII, 49. Minute de la main de Barère (C 301, pl. 1070, p. 33). Décret n° 9050. Reproduit dans Bin, 26 flor. (suppl4); J. Sablier, n° 1305; J. Perlet, n° 593; Feuille Rép., n° 309; Mon., XX, 412; J. Sans-Culottes, n° 448; Ann. patr., n° 492; J. Matin, n° 686; Ann. R.F., n° 160; J. Lois, n° 588. (4) P.-V., XXXVII, 38 et 87. c Le citoyen Alluis, commissaire de la société populaire de Brioude, a déposé, pour les frais de la guerre, la somme de 96 liv. en numéraire. d Les employés au parc d’artillerie de l’armée du Nord, sous la dénomination de conducteurs généraux, principaux et ordinaires des charrois de l’artillerie, ont envoyé en un bon de la poste la somme de 742 liv. 10 s. pour les frais de la guerre. La séance est levée à trois heures et demie (1). Signé, CARNOT, président; BERNARD (de Saintes), DORNIER, HAUSSMANN, POCHOL-LE, 1SORE, PAGANEL, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 36 Un vieux militaire qui a servi pendant 30 ans, sous les drapeaux de la France sans jamais la quitter, annonce à la Convention qu’il a été envoyé par ses frères d’armes pour échanger des assignats à face royale de 500 livres et au-dessus, mais que n’ayant pu à cause de l’éloignement arriver avant l’expiration du délai à Paris, il n’a pu remplir la mission dont il étoit chargé. Il demande que la Convention lui permette d’échanger ces assignats démonétisés, en considération du patriotisme de ses frères d’armes. — Renvoyé au Comité des secours publics (2) . 37 [Le comm” des Adm. civiles, police et trïb.; au présid .de la Conv.; Paris, 14 flor. II] (3). « Citoyen président, François Geiler, ci-devant curé à Gerstheim, district de Sélestat, et Marianne Alein, sa femme, tous deux nés en pays avec lequel la République est en guerre, ont manqué de se conformer à l’art. 4 de la loy du 6 septembre 1793, qui assujettit les étrangers à se présenter au conseil général de la commune pour y obtenir sur l’attestation de deux bons citoyens, le certificat d’hospitalité voulu par l’article 6. (1) P.-V., XXXVII, 49. (2) J. Sablier, n° 1305; J. Fr., n° 591. (3) Dm 211, doss. 2 (Gerstheim).