574 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Riom. J MM. Barrière-Tailand, marchand tanneur. Gipierre, marchand chapelier. Armand, perruquier. Delalet, tapissier. Frelut, teinturier. Faure fils, serrurier. Dousse l’aîné, maréchal. Morel, boulanger. Collas, charron. Grasset, cordonnier. Conchon, tailleur. Allègre fils, menuisier. Gacon, charpentier. Mallet, maçon, entrepreneur. An net Sauret, marchand boucher. Bonnin père, ferblantier et fontanier. Mayrand, limonadier et cafetier. Gilïe, tisserand. Dubreuil, directeur des postes. Carton, laboureur. Cailhe père, ancien notaire royal. Et Bernard, secrétaire-greffier, garde des archives. Paraphé, ne varietur , après l’avoir coté par premier et dernier, par nous, conseiller du Roi, lieutenant de maire, à Riom, à l’hôte'l-de-ville, le 8 mars 1789. Signé ArchON-ÜESPEROUSES. CAHIER Des plaintes et doléances des habitants du bailliage de Montaigut (1). AU ROI. « Sire, « Plaintes et doléances de vos fidèles sujets habitant la ville et le ressort du bailliage de Montaigut-les-Combrailles en la province d’Auvergne. « Les habitants du bailliage royal de Montaigut désireraient, comme tous ceux de la province, donner au Roi des preuves de la fidélité et de l’amour inviolables qui les attachent à leur auguste souverain ; sensibles aux maux de la France, ils voient avec la plus respectueuse reconnaissance que son cœur paternel s’est ouvert pour tous ses sujets, qu’il veut entrer dans leurs peines, les connaître et les alléger ; et c’est pour cela, sans doute, qu’il les appelle auprès de lui, qu’il les prend pour conseil, et qu’il veut travailler avec eux au bonheur commun de la patrie. « Que de reconnnaissance, que de vénération, le peuple fidèle ne doit-il pas avoir pour un Roi si bienfaisant ! Et que d’efforts, en même temps, une conduite aussi noble, aussi généreuse, n’est-elle pas capable d’inspirer à un peuple de Français, idolâtres de leur Roi, et pour lequel, dans toutes les occasions, ils ont porté le dévouement aux sacrifices de leurs personnes et de leurs biens ! « C’est particulièrement le peuple de votre royaume, le tiers-état, Sire, qui vous a donné des preuves de ses sentiments; soumis à vos ordres, il les a toujours reçus avec respect ; et malgré qu’ils fussent accablants pour lui seul, il n’a pas laissé de les exécuter et de se prêter à vos volontés. Vous l’avez reconnu, Sire, vous avez jugé la fidélité de ce peuple, et, profondément pénétré de ses malheurs, vous avez désiré de les (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. faire cesser, et vous lui en avez facilité les moyens en lui permettant de vous faire entendre ses plaintes, de vous exposer ses doléances. Quelque tableau qu’on vous ait fait de sa malheureuse situation, on ne vous l’aura pas sans doute présenté au naturel; il aurait été trop affligeant pour le cœur d’un bon Roi. « Surchargés par toutes sortes d’impôts, les habitants du bailliage de Montaigut les ont acquittés sans murmure, et ont toujours respecté le souverain au nom duquel ils se lavaient. Devenus excessifs par la facilité des ministres à les demander, et des peuples à les consentir, et frappant essentiellement sur la classe la plus pauvre et la plus misérable, il n’est plus possible de les augmenter» Vos fidèles sujets vous en demandent au contraire la diminution. Oui, Sire, si vous les laissez subsister sur le même taux, votre peuple ne pourra plus les acquitter, et loin de tourner au profit de l’Etat, ils en produiraient infailliblement la ruine ; vous avez conçu, Sire, sans qu’il soit besoin de vous le représenter, cette vérité frappante. Les impôts excessifs, en enlevant aux laboureurs tous les moyens et toutes les avances nécessaires pour la culture , étouffent dans les villes la population, le commerce, les arts et toute espèce d’industries ; et les malheureuses victimes de l’impôt, sans ressources pour les payer, finiraient par préférer une invertie ruineuse pour l’Etat, plutôt que de se livrer à des travaux infructueux pour leur bonheur et l’amélioration de leur sort. « S’il est reconnu dans toute la France que les impositions à la charge du peuple sont exorbitantes, les habitants de ce bailliage ont plus sujet de se plaindre que qui que ce soit. La ville de Montaigut, chef-lieu pour l’administration de la justice, est, on peut le dire, non-seulement la plus imposée de l’Auvergne, mais encore de toute la France, et on ne trouverait pas une ville où l’excès de l’impôt fût parvenu à un point égal, eu égard à sa population et à ses richesses. « Cette ville pauvre, n’ayant aucun commerce ni genre d’industrie dans son enceinte , qui comprenait autrefois plus de trois cents feux, réduite maintenant tout au plus à deux cents, paye, et vous serez, Sire, étonné de l’apprendre, tarit en taille, impositions, accessoires, capitation, industrie, que don gratuit, la somme de 5,312 livres, et en vingtièmes, sous pour livre et corvées, celle de 1,110 livres 9 sous, en tout 6,422 livres il sous 9 deniers. « Cette imposition, qui frappe simplement sur sur les maisons, et quelques petits jardins faits sur les ruines d’un ancien château, dont les frais de culture surpassent le produit, est supportée entièrement par les habitants de cette petite cité. Les fonds composant ses environs, appelés la Franchise, sont compris dans un cahier à part, et l’imposition en est acquittée indépendamment de cette ville. « Ne croyez pas, Sire, que si l’imposition de la ville de Montaigut est aussi considérable, ce soit en raison de la richesse de ses habitants, et que leurs cotes personnelles soient le rejet du produit de leurs fortunes et de l’étendue de leurs revenus ; non, Sire, ce n’est pas la mesure qui peut avoir servi de base pour la répartition, n’y ayant point de fortunes à Montaigut, point d’états productifs; on ne peut les avoir pris pour règle, et les habitants de cette ville, peut-être la plus malheureuse de votre royaume, vous en convaincraient, Sire, s’il leur était permis de vous présenter les différents rôles où ils sont imposés ; vous y aperce- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Riom.] 575 vriez que, quoiqu’il y ait tout au plus huit privilégiés indépendamment des ecclésiastiques, ces privilégiés ne payent point de taille personnelle, mais bien la capitation et la taille réelle pour leurs propriétés foncières; les onze douzièmes des autres habitants sont journaliers, ouvriers, marchands ou voituriers, n’ayant aucunes facultés personnelles, et ne faisant ces diverses professions fatigantes, auxquelles ils sont obligés de se livrer nuit et jour, que parce qu’ils n’ont pas d’autres ressources, et que leurs moyens ne leur permettent pas de prendre d’autres j états pour se procurer leur subsistance. « Les habitants du bailliage et de la ville de Montaigut ne croiraient pas avoir rempli les intentions bienfaisantes de Votre Majesté, s’ils ne vous avaient fait connaître le taux de leurs impositions, et, en même temps, s’ils ne vous avaient exposé, Sire, combien, loin de vous, les peuples et les provinces gémissent sous le poids de l’oppression; et pour vous former l’idée de l’excès de l’impôt, les habitants de ce bailliage prendront pour terme de comparaison l’imposition de la ville de Montaigut, qui ne devrait pas être la plus considérable de son ressort. « Ils ont eu, Sire, l’honneur de vous le dire, la ville de Montaigut est composée tout au plus de deux cents feux ou maisons ; à peine, dans ce nombre, y en a-t-il cinq ou six qui s’élèvent au-dessus dès autres, ce qui ne doit faire exception pour le taux commun de l’estimation, n’y ayant point de fortunes en cette ville; et ne pouvant répartir l’imposition à raison des facultés d’un chacun, il a fallu nécessairement la rejeter sur les propriétés, qui sont les maisons. Ges maisons, dont la plus grande partie est en très-mauvais état et menaçant ruine, calculées avec leurs jardins sur le revenu que ce genre de propriété pourrait produire, et à raison de la somme de 35 livres, qui sera l’estimation pour chaque maison, terme qu’elles ne sauraient cependant atteindre dans la plus scrupuleuse exactitude, donneraient un produit de la somme de 7,000 livres, sans déduction de cens et réparations. « En prenant sur ce produit le montant des impositions en taille, capitation, accessoires, industrie, don gratuit, vingtièmes, chemins royaux et autres charges locales et particulières; et en supposant qu’elles dussent être payées sur le taux des propriétés foncières de la province, c’est-à-dire à raison de 12 sous 7 deniers, qui fait le plein tarif, l’imposition de la ville de Montaigut ne devrait s’élever qu’à la somme de 4,050 livres, et non à celle de 6,422 livres il sous 9 deniers qu’elle paye actuellement; mais les impositions des villes d’Auvergne, et du surplus de la France ne se calculant pas ainsi, et les maisons nécessaires à l’habitation ne s’estimant pour l’imposition, tout au plus qu’au mi-tarif des autres propriétés foncières, la ville de Montaigut, où l’impôt ne peut se répartir différemment, à défaut, comme on l’a dit, de facultés personnelles, ne devant payer que sur ce taux, son imposition se réduirait à une somme de 2,025 livres. Gonséquemment cette ville paye les deux tiers et au delà de sa dette et de sa portion contributive aux charges publiques. Donc, il est fait à la ville de Montaigut la plus grande injustice, qui sera encore bien plus frappante, si on joint à cette imposition les cens qui vont près du cinquième .de son revenu; alors on verra que cette ville est accablée d’impôts, qu’elle supporte un fardeau inouï qui va au moins aux 21 sous pour livre du produit. « Vous êtes étonné, Sire, de cet aperçu ; il n’est que trop vrai dans son exactitude, et trop affligeant dans ses effets. Il semble que, jusqu’à ce jour, la ville et le ressort de Montaigut composant la subdélégation, n’ayant été connus des préposés du gouvernement que pour le pavement de l’impôt, jamais cette ville ne s’est ressentie des soins vivifiants et protecteurs que l’œil d’une sage administration est dans l’habitude d’accorder; on a, au contraire, tout négligé à l’égard de cette ville, soit pour son utilité, soit pour son embellissement. Une route de communication entre l’Auvergne et le Bourbonnais, qui pouvait être, et était son unique ressource, est commencée depuis vingt ans, sans qu’elle soit achevée. De cet ensemble de maux, en est résulté la destruction de la ville de Montaigut. Plus du tiers des maisons sont tombées en ruine, les familles les plus aisées ont déserté, et sont allées chercher ailleurs des séjours plus tranquilles et moins onéreux; malgré cela, l’imposition a toujours demeuré et n’a fait qu’accroître. Elle est venue au point que les habitants, ne pouvant plus la payer, ont demandé, lors de la dernière confection des rôles, des commissaires de l’assemblée du département de Riom, pour que la distribution de l’impôt se fît en leur présence; c’est à cette époque.que l’état des contribuables a été mis à découvert, que leurs fortunes ont été discutées, et qu’il a étéjreconnu que l’imposition de cette ville excédait de plus des deux tiers de sa juste proportion, et ce qu’elle était en état de payer pour sa contribution. « Les paroisses et collectes composant ce bailliage ne sont pas moins accablées que la ville de Montaigut, soit en impôt envers vous, Sire, soit en cens envers différentes seigneuries dépendantes de l’élection de Riom, c’est-à-dire étant jointes pour l’imposition à un des pays les plus fertiles de la France ; c’est sur ce taux que les paroisses et collectes ont été taxées, et sans aucun égard pour la différence des sols, et des productions de la terre, étant, en outre, les plus éloignées de l’élection, sans protection, comme sans secours. C’est toujours sur ce bailliage qu’on a reporté le fardeau de l’impôt; ceux qui étaient chargés de sa distribution, croyant avoir rempli leurs fonctions et gagné beaucoup, lorsque par ce moyen •ils pouvaient s’éviter les cris, les réclamations de leurs concitoyens et des personnes avec lesquelles ils pouvaient tous les jours avoir à faire, de manière que les impôts se sont accumulés sur ce bailliage, sans aucune proportion avec le surplus de l’élection ; et les habitants des paroisses et collectes désireraient ardemment, Sire, d’être à même, par une vérification et une estimation des produits, de vous démontrer l’égalité proportionnelle qui a régné jusqu’à ce jour dans la répartition. « Il est incontestable et reconnu, Sire, que la subdélégation de Montaigut, ou le ressort du bailliage, est le moins fertile de l’élection de Riom et cle toute l’Auvergne ; ce petit pays, situé dans les montagnes arides de la basse Auvergne, est, en général, entrecoupé de ruisseaux faisant torrents, et dégradant tous les lieux où ils passent ; la cime de ces montagnes infertiles et couvertes de bruyères ombrageant considérablement les vallons, nuisent à leur fertilité, et les pierres et graviers qui en descendent occasionnent des ravins considérables, encombrent les prés, et enlèvent leurs récoltes pendant plusieurs années. Il est d’autres parties de terrains de nature forte et argileuse, qui craignent beaucoup les influences 576 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Riom.] des temps, et singulièremet la gelée, en sorte que l’estimation commune du produit de ce petit pays, dont les meilleures terres ne rapportent que tous les deux ans, tandis que celles de médiocre qualité sont obligées de reposer au moins douze ans après trois récoltes, ne peut être porté, tout au plus, qu’un grain deux pour les terrains qui sont en valeur; néanmoins, dans une étendue, tout au. plus de six à sept lieues carrées, il se perçoit une somme de 106,962 livres 10 sous 11 deniers, de toute espèce d’impôts. « S’il était permis aux habitants de ce bailliage d’entrer dans quelques détails à cet égard, ils vous prouveraient, Sire, d’après les rapprochements du produit aux charges, combien est grand leur malheur; ils vous feraient voir, bien que ce soit dans les paroisses desservant Virlet ou autres, des biens du produit de 60, 80 ou 100 livres plus ou moins, vérifiés d’après les tarifs, épreuve à laquelle les paroisses de ce bailliage ont passé; ces biens, calculés sur le détail exact des propriétés qui les composent, et qu’on a supposé devoir produire tous les ans des récoltes, acquittent en impositions réelles des sommes égales à leur produit, sans compter celles qui frappent indirectement sur les cultivateurs ; enfin, ils vous démontreraient que les sommes qu’ils payent sont des plus exorbitantes ; qu’elles enlèvent aux habitants de la campagne tout le produit de la terre, et qu’il ne leur reste, après la semence et le payement de l’impôt, aucuns moyens de subsistance, pas même l’acquittement de leur cens. « Si un écrivain de la province vous a déjà démontré cette vérité, elle reçoit plus d’application pour le bailliage de Montaigut que pour tout autre endroit. L’exemple détaillé que les habitants du bailliage vous ont donné de la ville de Montaigut, et qu’ils auraient également pu tirer d’une paroisse ou collecte, explique avec évidence l’espèce de surcharge que souffrent les habitants de ce bailliage. Il prouve en même temps que les impôts y sont montés au dernier période, que les cultivateurs, ne retirant aucune chose des produits de la terre après le payement des charges, et que même étant obligés de fournir pour leur acquittement, c’est sur leur industrie, qu’ils ne peuvent mettre à profit dans le pays, où il n’y a aucun commerce, et qu’ils sont obligés de faire valoir au loin, que roulent tous leurs moyens de subsistance, d’entretien et de leurs familles ; c’est en la mettant à toute épreuve qu’ils parviennent, Sire, à se procurer leur nécessaire. Mais cette conduite n’étant pas aussi active et heureuse chez les uns que chez les autres, plusieurs habitants de ce bailliage, ne pouvant supporter les maux qui les accablent, sont forcés d’abandonner la terre qui les a vu naître ; aussi, n’y a-t-il pas de pays où il y ait plus d’émigration que dans ce bailliage, d’abandons de biens aux consuls, de banqueroutes, où il existe autant de familles réduites à la misère, des maisons détruites ; enfin, oseront-ils vous le dire, c’est en transgressant vos ordres, en se livrant à la contrebande, que leur situation leur facilite, qu’ils parviennent à vivre ; c’est en s’exposant aux plus grands dangers, à la honte et à la flétrissure, qu’ils acquittent les impôts qui se lèvent en votre nom. « Si les maux de tous genres que souffrent vos sujets de ce bailliage sont effrayants , il est, Sire, un motif de consolation, c’est qu’ils ne sont pas sans remède. « Ne pouvant supporter les sommes d’impôts qui les accablent, vous ne sauriez leur demander d’augmentation. Ils s’attendent, au contraire, au soulagement quela plus déplorable situation exige. « Vous pouvez, Sire, venir à leur secours. Veuillez commencer par rendre aux habitants de cette province leurs Etats particuliers, et les substituer aux administrations provinciales, formées sur le modèle de ceux de la province du Dauphiné. Les membres de ces Etats, choisis par eux-mêmes et parmi eux, et chargés de l’assiette de l’impôt, s’empresseront, sans doute, de connaître la valeur des fonds de la province, d’en calculer le produit, et, d’après une scrupuleuse estimation, de fixer, dans une juste et équitable proportion, la contribution que chaque propriété doit supporter dans les charges publiques, la capitation séparée du principal de la taille, comme les habitants de ce bailliage se proposent de vous le démontrer, les Etats de la province le taxeront par tête en raison proportionnelle des facultés d’un chacun ; et enfin, mettant à profit toutes les ressources de l’Etat, ils fixeront l’industrie de manière à ne pas la décourager, mais, au contraire, à la rendre plus active. « La base de l’impôt, devenaut tout autre, on ne sera pas longtemps à en apercevoir la différence ; et les contribuables, à portée de se faire entendre et de se garantir de l’influence meurtrière de l’autorité et de la force qui les réduisaient au silence, voyant donc cesser l'arbitraire et l’inégalité de la répartition des subsides, pour laquelle ils ont toujours eu la répugnance la plus marquée, les acquitteront alors sans se plaindre. Ils sauront, Sire, que l’impôt qu’ils vous payent est leur portion contributive pour le maintien de la sûreté J publique et de la tranquillité individuelle ; et lors même que vous n’auriez pas la force pour l’exiger, ils seraient les premiers à vous l’offrir. « Le moment est sans doute venu, où, rendant à chaque espèce d’impôt sa nature et sa destination, vous ne souffrirez pas que la capitation, qui est entièrement à la charge du peuple, continue à suivre les accroissements de la taille, et ose régler, comme par le passé, au marc la livre de ce premier impôt ; destinée dans son origine à être imposée par tête, la capitation n’a conservé que le nom de son établissement, et se trouve confondue par les taillables avec l’impôt qui, jusqu’à ce jour les a conservés en seul. « Le but de la loi et l’intention des législateurs, qui était de faire porter cette taxe sur la nation entière, sur le riche comme sur le pauvre, et sans autre distinction, dans la répartition, que celle provenant des fortunes d’un chacun, se trouvant manqués par l’abus qu’on a fait de cette loi, vous allez à coup sûr, Sire, la ramener à sa primitive origine, et, en chargeant les Etats particuliers de sa répartition, vous ne permettrez pas que votre peuple supporte autant de différentes cotes de capitation qu’il possède, ou qu'il exploite de corps de biens séparés, indépendamment de sa cote personnelle, fixée au lieu de son domicile, tandis ue le riche, le grand et celui qui est élevé en ignité ne paye qu’une seule taxe qui n’est aucunement en proportion avec ses facultés. « Quoique le peuple paye moins, par les opérations bienfaisantes que vous avez conçues pour l’amélioration de son sort, et qu’il était réservé à votre sagesse de réaliser, l’Etat n’en sera pas moins riche, abstraction faite de la maxime que le peuple est la richesse de l’Etat; le clergé et la noblesse, dont les richesees sont excessives, et qui possèdent, suivant qu’ils en sont convenus, les trois quarts de la France, ue payant rien, ni presque rien, et jouissant de privilèges reconnus 577 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Riom.] abusifs et qui n’ont jamais été consentis par la nation, venant à partager les impôts, comme tous les autres sujets de l’Etat, c’est une nouvelle source de richesses qui lui est ouverte, et qu’il est de votre justice de mettre à profit. « Ces deux corps, jusqu’à présent privilégiés, concevant bien qu’ils n’existent plus dans l’Etat uniquement pour jouir de leurs richesses, tandis que le peuple est dans la souffrance, et que les causes, pour lesquelles ces privilèges leur avaient été accordés ne subsistent plus, de même que les charges que lëur imposait le régime féodal, ont, dans l’Assemblée des Notables de 1787, exprimé leurs�œux, et offert, pour le soulagement de la nation, de sacrifier toutes exemptions personnelles et pécuniaires. « Cet exemple généreux, qui leur avait été donné par les princes de votre sang et les plus grands du royaume, qui ne peut manquer d’être suivi par tous les membres de ces deux ordres, les rendant sujets à l’impôt et à toutes les charges de l’Etat, et y concourant proportionnellement à leurs facultés, vous allez trouver, dans cette offre volontaire, dans ce sacrifice patriotique, et sans établir de nouveaux impôts, les moyens de réparer les maux de la France, de procurer du soulagement à votre peuple, et de parvenir au comble de vos souhaits, en assurant la félicité commune. « Dans cette restauration générale, vos peuples et les habitants de ce bailliage, ne pouvant méconnaître l’insuffisance des lois tant civiles que criminelles, et le peu d’application et de rapport qu’elles ont au caractère moral d’un peuple libre et au temps présent, vous en demanderont de nouvelles, ou que vous vous occupiez, Sire, efficacement avec vos sujets, àla perfection des anciennes. Il est temps, sans doute, que des lois obscures et barbares inspirées par la force, et faites pour d’autres siècles, soient remplacées par des lois sages qui assurent l’honneur et la vie des citoyens, et fixent irrévocablement leurs droits et leurs fortunes , de manière à éviter à l’avenir tout arbitraire et méprise judiciaire, et les garantir des ressources fécondes de la chicane. Ilsvous demanderont aussi que les droits de votre domaine, inintelligible pour votre peuple, et même pour les gens les plus versés dans les affaires, soient restreints et expliqués d’une façon claire et précise à ne plus laisser de doute et d’arbitraire dans la perception qu’en feront vos préposés. « Les habitants de ce bailliage, qui se voient enlever, par les seigneurs décimateurs, les fruits de leurs travaux, par les dîmes immodérées appelées percières, vous en demanderont la suppression, ainsi que de la dîme ordinaire, sous les sou-missio ns* qu’ils font d’acquitter les portions congrues des curés et vicaires, et de fournir à toutes réparations, charges et entretien des paroisses. « Les cens étant pour votre peuple une des charges les plus onéreuses, et les habitants de ce bailliage se voyant dans l’impossibilité d’en demander la suppression par l’offre d’en faire le rachat, vous supplierontnéanmoins de les dégager de l’article de la solidarité, qui est la source d’une infinité de vexations et de procès. « Depuis longtemps, votre cœur paternel gémit, Sire, de l’espèce de guerre intestine qui règne parmi vos sujets, et qu’occasionne la gabelle odieuse pour tous vos peuples. Ils vous demanderont la suppression de ce fléau destructeur, qui enlève à l’agricultureles bras les plus nerveux, etoccasionne dans les campagnes les plus grands désordres. Ils espèrent, Sire, que vous aurez égard aux affranchissements acquis par vos provinces, et que les taxes lre Série, T. Y. qui seront faites en remplacement ne porteront que sur ceux de vos sujets en faveur de qui l’exception n’a pas été prononcée. « Les habitants de ce bailliage voient avec peine que son ressort de la plus petite étendue est formé de différentes parties de paroisses ou de collectes, et qu’une même paroisse dépend de deux, même de trois juridictions. Embarrassés dans les réclamations qu’ils ont à faire, ils ignorent souvent à quel tribunal ils doivent s’adresser, et la mauvaise foi, profitant de tout, se sert fréquemment de ce prétexte pour des difficultés, et éloigner sa condamnation : c’est pourquoi ils vous demanderont, Sire, que vous leviez, à leur égard, cet inconvénient. « Les habitants des paroisses et collectes de Peyrousse et Ghassière, dépendant de la justice de Beauvoir, réclamée par le bailliage de Montaigut et la sénéchaussée de Moulins, qui se disputent le ressort, se trouvent dans la perplexité la plus désagréable, formant le patrimoine du bailliage de Montaigut, suivant qu’il est attesté par le père Anselme, qui rapporte la charte de concession de la justice de Beauvoir à la charge du ressort à Montaigut, et encore suivant qu’il a été constaté par M. Follet, commissaire du Roi, pour le relevé général du duché de Bourbonnais fait en 1568, qui comprend expressément cette justice dans le ressort de Montaigut; les habitants de ces paroisses et collectes vous supplieront, Sire, de vouloir fixer leur sort d’une manière irrévocable, et tous les habitants vous demanderont, qu’en vous occupant de cette partie de l’administration de la chose publique, vous vouliez rapprocher les justiciables. de leurs juridictions; et pour cela, qu’il soit formé des arrondissements de justices royales assez considérables pour occuper les juges et les fixer particulièrement à leur état. « Tels sont, Sire, les vœux et les supplications que forment vos fidèles sujets habitant le bailliage royal de Montaigut, et qu’ils déposent aux pieds de votre trône. Puissiez-vous les accueillir favorablement; puissiez-vous les exaucer ; puissent aussi tous les ordres qui vont travailler concurremment avec vous au rétablissement et à la restauration de la chose publique, y porter les vues bienfaisantes qui vous animent ! Vos sujets seront assurés d’en voir naître le plus grand bien, heureux toujours du désir que vous avez, Sire, de faire le bonheur de votre peuple; il doit en concevoir l’espérance, et il vous en décerne par avance le prix, en vous plaçant à côté des rois Louis XII et Henri IV, et en vous surnommant comme eux le Père du peuple. » La minute, déposée au greffe du bailliage royal de Montaigut, est signée Baret du Coudert ; Richard; Thevenin; Panin; Rougeron; Boutin; Rame; Bernard; Jouhet; Gaby; Sinturel ; Sivade; Malleret ; Bidou ; Guiot ; Durin ; Baynal ; Midon ; Audrivon ; Varrin ; Cailher ; Monin“; Nigou-Sole , Labarre ; Moureau et Rondaire , greffier. Expédié et collationné par nous, greffier du bailliage royal de Montaigut, sur la minute déposée en ce greffe, à MM. les députés pour l’assemblée générale de la sénéchaussée de Riom. Signé Rondaire, greffier ; Baret du Coudert; Richard; Thevenin; Panin; Rougeron; Rame; Bidou; Sinturel ; Malleret et Jouhet. Expédié à M. Dufraisse-Duchey, lieutenant général, président de l’assemblée du tiers-état de la sénéchaussée d’Auvergne, par moi, secrétaire greffier de ladite assemblée. Signé FAUCON. 37