ARCHIVES PARLEMENTAIRES. S '.livô� a" “ { 4 janvier 1j94 698 [Convention nationale.] ■de la terre et les mortels, débarrassés par votre sollicitude de leurs fers, se jureront une paix éternelle sous l’étendard de la liberté et du bonheur, alors cette cage de fer d’où sur l’Eu¬ rope entière se répandaient l’aveugle fana¬ tisme et les préjugés cruels, cette cage qui tenait la raison prisonnière se brisera, et la philoso¬ phie prendra sa place. « L’Hercule des Grecs, au berceau, étouffa deux énormes serpents, et vous, vertueux législateurs, l’Hercule des Français, armé de sa massue, vous ne devez la remettre en d’autres mains qu’ après avoir assuré à la liberté recon¬ quise les succès les plus heureux. « Oui, c’est à toi, Montagne sacrée, le plus ferme boulevard de l’égalité à n’y cesser de travailler pour elle que lorsque le dernier tyran aura laissé sa tête criminelle à côté du dernier esclave. C’est le cri de la vertu républicaine, c’est le vœu unanime de la commune de Brioude, département de la Haute-Loire. o Cette commune, opprimée durant huit siècles par tout ce qu’il y avait de plus redou¬ table dans nos antiques préjugés, vient de fou¬ ler aux pieds tous les hochets de l’orgueil et de la superstition. « Le champ de la fédération, l’autel de la patrie, l’arbre de la liberté, voilà son temple, son culte et ses images, et c’est avec plaisir qu’elle consacre à la défense de la patrie tout l’or et l’argent de ses églises, pour elle désormais inutiles. « Et certes, législateurs, quel ne doit pas être votre espoir dans la guerre que vous avez à soutenir contre les satellites des tyrans, lorsque pour étouffer cette prétendue déreli¬ gion (sic J les saints, sans avoir égard à aucun ordre de réquisition, se sont levés en masse et sont venus se sacrifier pour vous. « Cassius Alluys, commissaire de la commune de Brioude, département de la Haute-Loire. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Une députation de la commune de Brioude, félicite la Convention sur ses glorieux travaux et dépose sur l’autel de la patrie différents dons en or et argent. VII. L’abbé Turban, ci-devant curé constitu¬ tionnel DE SOUPPES, RENONCE A SES FONCTIONS (2). Suit le texte de la lettre de l'abbé Turban, d’après l’original qui existe aux Archives natio¬ nales (3). (1) Moniteur universel [n° 107 du 17 nivôse (lundi 6 janvier 1794), p. 430, col. 3.] (2) La lettre de l’abbé Turban n’est pas mention¬ née au procès-verbal de la séance du 15 nivôse an II mais en marge du document qui existe aux Archives nationales, on lit la note suivante : « Renvoyé au co¬ mité d’instruction publique, le 15 nivôse, Tan II de la République. Thibaudeau, secrétaire. » (3) Archives nationales, carton F‘" 892, dossier Turban. « A Souppes, ce 11 nivôse, l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « Je te prie de vouloir bien annoncer à la Convention nationale que je renonce aux fonc¬ tions ecclésiastiques en donnant ma démission de la cure de Souppes, à laquelle la confiance de mes concitoyens m’avait appelé. « Je ne leur ai jamais prêché d’autre morale que celle de la justice, de la bienfaisance et de la soumission aux lois. Telles ont toujours été à mes yeux les bases de la religion dont j’étais le ministre : elles me serviront également pour remplir en bon républicain les nouvelles obliga¬ tions que je vais contracter dans la société. « Je suis avec respect, ton concitoyen, « Turban, ci-devant curé constitutionnel de Souppes. » VIII. Observations du citoyen F. Comte, mar¬ chand drapier a Trévoux (Ain), sur les successions (1). Suit le texte de ces observations d’après l’ori¬ ginal qui existe aux Archives nationales (2). A la Convention nationale. Législateurs, Admirateur de vos grands travaux pour le bonheur et l’ordre social, j’ai vu avec satisfac¬ tion la loi du 5 brumaire, fondée sur les grands principes de l’égalité. Je ne viendrais pas prendre sur les moments précieux que vous consacrez au bien général de la République, si je ne savais que vos regards sont sans cesse tournés sur l’indigent, et si ma position actuelle ne me mettait hors d’état de continuer des bienfaits rendus à l’humanité, dont un vrai républicain doit se faire un devoir Je vais donc vous l’exposer. Père de dix enfants, dont trois garçons vivants, seront au moyen de leur éducation de vrais détenseurs de la République. J’ai une mère chez moi âgée de 80 ans, avec la modique pension de 400 livres; n’eût-elle rien, mon devoir serait de lui donner le seul morceau de pain que j’aurais, en reconnaissance des soins qu’elle a donnés à mon enfance. J’ai plus, une tante septuagénaire sans fortune quelconque; mon aïeul n’en ayant laissé aucune en mourant : il ne lui restait que la probité. En 1781, un oncle de ma femme nous fit, par un testament, ma femme et moi, ses légataires universels des fruits de ses travaux, à oharge de legs il avait disposé antérieurement de ses bien patrimoniaux en faveur de sa famille. Dès lors et déjà avant je travaillais à l’augmenta¬ tion de cette hoirie. (1) Les observations du citoyen F. Comte ne sont pas mentionnées au procès-verbal de la séance du 15 nivôse an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit la note suivante: « Renvoyé au comité de législation, le 15 nivôse. Couthon, président. » (2) Archives nationales, carton Dm 2h dossier 78. [Convention ualionale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j janvier *179-4 699 En 1787, le même oncle fit un testament, tou¬ jours en notre faveur, supprimant quelques legs du premier, cela en considération de ser¬ vices rendus, tant en emploi de temps qu’en secours pécuniaires. Une partie de ces sacrifices vont passer en d’autres mains, parce que je ne pourrais pas tous les constater, n’ayant pas eu attention de les faire reconnaître par le défunt, n’en ayant pas même eu ridée, connaissant ses dispositions. S’il vivait, il pourrait le faire et j’en serais sûr. Nous jouissons paisiblement depuis deux ans, pourquoi faut-il que de si sages lois bles¬ sent de si justes intérêts? Combien de milliers de personnes verront comme moi leurs biens légitimes, leurs déboursés, passer dans la main des gens plus fortunés qu’eux; cela n’a pas été l’intention des législateurs; et l’inconvénient n’aurait pas lieu ou serait bien modifié si la Convention décrétait : 1° Que les légataires universels, étrangers ou parents non successibles, en faveur desquels les dispositions auraient été faites avant 1789, le testateur mort avant le 5 brumaire, lequel aurait disposé par autre acte de ses biens patri¬ moniaux en faveur de sa famille, seront assi¬ milés aux légataires particuliers, dans le cas où ils prouveront qu’ils ont été utiles aux biens de la succession, parce que de semblables legs sont des dons purement rémunératoires et par¬ ticuliers, quoiqu’ils aient le titre d’universels, puisque le testateur avait déjà disposé en faveur de sa famille; 2° Que le nombre d’enfants compterait de l’époque de la loi du 5 brumaire; 3° Que ceux qui nourriraient et entretien¬ draient chez eux depuis deux ans au moins des vieillards sans fortune et dans l'impossi¬ bilité de gagner leur vie, seraient comptés pour un enfant, soit pour le légataire universel ou le particulier. Par ce moyen, législateurs, vous encouragez et récompensez les services rendus à l’humanité et mettez les gens peu fortunés à même de continuer l’exercice d’un bienfait si cher à l’âme sensible, vertu d’un vrai sans-culotte, sans qu’il en coûte rien ou presque rien à celui qui n’es¬ pérait rien des objets qui lui rentrent; c’est un 24e qui, divisé entre six co-partageants, n’est qu’un 148e de la chose. Législateurs, prononcez, ces petites modi¬ fications qui ne blessent personne, ne sont rien pour l’avenir et empêchent à beaucoup de gens d’être réduits à perdre les fruits de leurs tra¬ vaux et avances pécuniaires. Quel que soit le sort de ma pétition, je crierai toujours : Vive la Convention ! vive la Montagne ! vive la République! car je croirai toujours que c’est le bien général qui dicte et conduit toutes vos opérations. Paris, le 14 nivôse de l’an II de la République, une et indivisible. F. Comte, marchand drapier à Trévoux, département de l’Ain.