[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 janvier 1791.] « Le tout ainsi qu’il est plus au long porté aux décrets de vente et états d’estimations respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » Il est fait lecture d’une lettre de M. Milandre, par laquelle il demande à l’Assemblée nationale la permission de lui dédier un plan en relief du champ de la fédération, qu’il avait obtenu de placer dans la salle. M. Bouche. Je demande qu’il soit fait mention honorable de cette lettre dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.) M. le Président permet à M. Milandre d’assister à la séance. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Montmorin, relative à une délibération du directoire du département d’Ille-et-Vilaine, tendant à faire autoriser ce corps administratif à employer, sur les pétitions des municipalités, une partie des fonds qui se trouvent dans les caisses de fabrique à des travaux de charité et autres dépenses indispensables. (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre aux comités des finances, ecclésiastique et des secours.) M. Duquesnoy. Il y a des membres de l’Assemblée qui ne viennent pas de bonne heure à l’Assemblée, pour qu’on ne délibère pas ; il faudrait dire sérieusement à tous les membres qu’ils doivent se rendre à l'heure aux séances. M. d’André. Il n’y a qu’un moyen de .faire 415 venir les paresseux, c’est de commencer la séance par l’ordre du jour. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les jurés (1). M. d’André, rapporteur en l’absence de M. Duport, donne lecture de l’article 1er du titre Y relatif aux fonctions de commissaire du roi. Cet article est ainsi conçu : Art. 1er. « Dans tous les procès criminels, soit au tribunal de district, soit au tribunal criminel, le commissaire du roi sera tenu de prendre communication de toutes les pièces et actes, et d’assister à l’instruction. » M. I�avïe. Je crois qu’on ne peut pas décréter l’article; l’Assemblée n’est pas assez nombreuse. M. Duquesnoy. Nous avons déjà rendu des décrets d’aliénation pour près de six millions; si l’Assemblée était en nombre pour cela, elle l’est également pour décréter toute autre chose. M. Lelen de La-Ville-aux-Bois. Messieurs, je ne prétends faire l’apologie d’aucun membre de l’Assemblée; mais je crois que ceux qui ne sont pas encore venus, travaillent aux comités à vous présenter quelques projets de décrets. ( Interruption .) Plusieurs voix : L’ordre du jour ! (L’incident est clos.) Un membre : Messieurs, il arrivera souvent à l’égard des commissaires du roi ce que nous avons vu quant aux procureurs du roi ; ils peuvent être malades, absents. Il faudrait donc un article additionnel qui pût pourvoir à ces cas, et les faire remplacer. M. Regnaud {de Saint-Je an-d’Angely). Il faut que le comité de Constitution présente à l’Assemblée des mesures et qu’elle adopte elle-même un moyen de faire remplacer le commissaire du roi dans ses fonctions, lorsqu’il sera absent ou qu’il sera malade. Mais ce n’est pas dans ce moment-ci que nous devons nous en occuper : les fonctions de commissaire du roi sont différentes de celles dont il s’agit; dans ce moment elles sont infiniment plus généralisées. Déjà plusieurs projets ont été présentés, déjà des personnes ont reconnu la nécessité de nommer un substitut au commissaire du roi, ou au moins, si on ne lui donne pasun membre pour le remplacer, il sera bon de désigner celui qui devra exercer ses fonctions; comme elles portent sur d’autres cas, je demande que l’on ne décide pas à cet instant. Cette question est importante, je demande qu’on la renvoie aux comités de jurisprudence criminelle et de Constitution, pour vous présenter des vues sur cet objet, et qu’il soit fait mention du renvoi dans le procès-verbal. (Ce renvoi est ordonné.) L’art. 1er est ensuite décrété. Art. 2. « Le commissaire du roi pourra toujours faire (1) Le Moniteur ne fait que mentionner cette discussion. 416 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]22 jantiei 1791.] aux juges, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu’il jugera convenables, desquelles il lui sera délivré acte. M. Gaultier-Rïauxat. Je crois qu’il pourrait y avoir un inconvénient à ce que les réquisitions fussent faites verbalement seulement. Je propose de dire : « Le commissaire du roi pourra toujours faire au juge toutes les réquisitions convenables. Ces réquisitions seront faites par écrit et il lui en sera délivré acte. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely).Je crois cet amendement inutile et dangereux. Je le crois inutile, parce qu’il faut nous reporter à la situation où se trouvera le commissaire du roi vis-à-vis du directeur du juré, des juges, des jurés et du public. Un témoin, par exemple, ne suivra pas la loi dans sa manière de déposer; quelque chose se passera de contraire à la loi : si vous voulez que le commissaire du roi fasse sa réquisition par écrit, il faut qu’il dise : « Monsieur le directeur du juré, je vous demande de suspendre le débat pour que je rédige par écrit une réquisition. » Vous voyez l’extrême inconvénient qu’entraînerait la proposition du préopinant. Au lieu de cela, c’est une marche toute simple : le commissaire du roi se lève et fait une réquisition. La proposition du préopinant est également dangereuse, parce qu’elle arrêterait le cours du débat et que, ne voulant pas l’arrêter, le commissaire du roi ne ferait pas de réquisition. L’article dit : « Il sera délivré acte de ces réquisitions. » Or, il est impossible de délivrer acte d’une réquisition sans l’écrire. Ainsi quand le commissaire du roi aura fait sa réquisition, qui sera peut-être un peu prolixe, comme cela arrive toujours quand on parle d’abondance, on réduira sa proposition aux moindres termes; le directeur du juré la fera écrire à son greffier et il dira : « Le commissaire du roi s’est levé, il a demandé telle chose; on lui en a accordé acte et on a satisfait à sa demande de telle ou telle manière.iOn constatera, dans le procès-verbal, et la réquisition du commissaire du roi et la décision du juge. Je demande la question préalable sur l’amendement. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement.) L'article 2 est décrété. Art. 3. « Lorsque le directeur du juré ou le tribunal criminel n’auront pas jugé à propos de déférer à la réquisition du commissaire du roi, l’instruction ni le jugement n’en pourront être ni arrêtés, ni suspendus, sauf au commissaire du roi du tribunal criminel à se pourvoir en cassation après le jugement, ainsi qu’il va être détaillé ci-après. » (Adopté.) TITRE VI. Procédure devant le tribunal criminel. Art. 1er. ? Nul ne pourra être poursuivi criminellement et jugé que sur une accusation reçue par un juré composé de huit citoyens. ». (Adopté.) Art. 2. « Si le juré a déclaré qu’il y a lieu à accusation, le procès et l’accusé, dans le cas où il sera détenu, seront envoyés, par les ordres du commissaire du roi, au tribunal criminel du département, et ce, dans les vingt-quatre heures de la signification qui lui aura été faite de l'ordonnance de prise de corps. » (Adopté.) Art. 3. « Néanmoins, dans les deux cas ci-après : savoir, si le juré d’accusation est celui du lieu où est établi le tribunal criminel, ou si l’accusé est domicilié dans le district où siège le tribunal, l’accusé aura le droit de demander à être jugé par l’un des tribunaux criminels des deux départements les plus voisins. » (Adopté.) Art. 4. « L’accusé ne pourra cependant exercer ce droit, qu’autant que le tribunal criminel, qu’il est autorisé à décliner dans les deux cas ci-dessus, se trouve établi dans une ville au-dessous de 40,000 âmes. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Si M. le rapporteur éiait là, je demanderais pourquoi il a cru devoir faire une exception en faveur des grandes villes? Il est certain que le motif de l’article précédent, qui donne la faculté à un accusé de décliner les juges de son département, est fondé sur le désir qu’a la loi de voir un accusé jugé par des hommes en qui il aura la plus haute confiance et de l’impartialité desquels il sera certain. Il doit avoir la faculté de décliner le tribunal du département où il demeure, ou du département qu’il a quitté, lorsqu’il aura un soupçon de partialité ou un autre quelconque. Les mêmes raisons existent, lorsque la ville a plus de 40,000 habitants comme lorsqu'elle n’en a que 10,000; les juges sont les mêmes. Je ne vois pas de raison pour qu’un individu qui demeure à Paris, par exemple, n’ait pas la faculté de décliner un tribunal, comme un individu qui demeurera à Melun. Cependant, je conçois qu’on pourrait répondre que dans les petites villes on se connaît davantage que dans les grandes, que l’intrigue a plus d’action, que les passions y sont plus actives, que les haines même, lorsqu’il en existe, y sont plus fortes; mais enfin, elles peuvent exister aussi, ces cabales, ces haines, ces intrigues, ces passions, dans une grande ville, et Toulouse nous en a donné l’exemple lors de l’événement malheureux de Calas. Je demande donc la question préalable sur l’article. M. Duport, rapporteur. Nous avons pensé qu’il était utile en général d’établir qu’aucun citoyen ne pourrait être jugé dans le lieu de l’accusation, ni dans le lieu de son domicile. Nous n’avons pas craint de proposer cette exception par la raison que s’il y a un véritable inconvénient, c’est celui qui a été relevé par le préopinant. Mais nous avons cru que dans les villes au-dessus de 40,000 âmes, le danger était infiniment moindre; nous avons pensé que, hors les temps de révolution où un pays entier peut être livré à des différences marquées d’opinion, hors ce cas-là, dis-je, nous avons pensé que dans une ville