SÉANCE DU 3 FRIMAIRE AN III (23 NOVEMBRE 1794) - Nos 2-4 71 Salut, Égalité et Fraternité. Arrêté en séance ordinaire le 15 brumaire an 3ème de la République française une et indivisible. Suivent 35 signatures dont celle de GRANDHOMME, président. 2 Le représentant du peuple Opoix demande que son congé soit prolongé (24). 3 Un secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du 18 brumaire; il est adopté (25). 4 Un membre [RAFFRON] demande qu’il soit fait un choix des faits principaux imputés au représentant du peuple Carrier, sur lesquels il soit d’abord tenu de répondre. La Convention passe à l’ordre du jour (26). RAFFRON (27) : Citoyens, je vous prie de fixer votre attention sur l’observation que je vais vous proposer; elle est importante: je ne serai pas long. Le désir d’apporter toute l’exactitude possible dans l’examen de la grande affaire qui occupe la Convention nationale a fait embrasser des moyens qui vous mèneront à la vérité, au but que vous vous proposez, mais avec des lenteurs, en se garantissant toutefois de la précipitation. La séance d’hier a été paralysée par la très grande discussion à laquelle l’Assemblée a cru devoir se livrer sur les moyens de défense que Carrier a apportés. Il a contesté de diverses manières l’authenticité de la copie collationnée d’un ordre signé de lui, rapporté parmi les pièces. Cette objection du prévenu a occupé l’Assemblée pendant trois heures, et a fait rendre un décret qui peut reculer de quinze jours le terme de vos travaux dans cette affaire. Citoyens, vous êtes jurés d’accusation, et non jurés de jugement ; il n’est pas nécessaire que vous ayez la conviction sur chacun des faits énoncés dans le rapport de votre commission; car alors votre prononcé serait un jugement, comme on l’a très bien dit hier, et non une accusation. (24) P.-V., L, 27. (25) P.-V., L, 27. (26) P.-V., L, 27. (27) Moniteur, XXII, 576. Mess. Soir, n° 828; Ann. R.F., n° 63. Il fallait donc, après que Carrier a eu donné tous ses moyens de défense sur l’ordre signé de lui, dont les principes sont : Qu’il n’a pas signé cet ordre qui est invraisemblable, et qui répugne à son humanité ; Qu’il l’aura signé de confiance ; Que l’ordre n’est pas écrit entier de sa main ; Qu’il faut lui représenter la pièce originale, et non une copie, quoique collationnée ; Toutes réponses que peut faire un prévenu pour sa défense, mais qui ne le justifient certainement pas ; il fallait, dis-je, que la Convention, après l’avoir entendu sur ce point, passât à un autre article. Telle est la conduite du jury d’accusation, qui ne doit point entrer en discussion avec le prévenu. J’ajouterai même que la Convention nationale ne doit pas suivre numériquement les articles énoncés dans le rapport de la commission des Vingt-et-Un, lesquels sont au nombre de qua-tre-vingt-deux, et forment un vaste tableau des affreux griefs auxquels personne n’attache certainement pas une égale gravité. Ainsi, la Convention doit faire dans le rapport un choix des faits les plus graves qui y sont continus, et qui sont appuyés de pièces justificatives. Après que Carrier aura répondu ce qu’il pourra répondre sur un article, il doit passer à un autre, et ainsi de suite. Il ne doit y avoir ni accusateur dans l’Assemblée, ni défenseur; les pièces seules, sans commentaire, doivent parler, et Carrier répondre. C’est la force de ses réponses qui doit balancer dans votre esprit le poids des inculpations écrites et de leurs preuves. Les faits principaux ayant été opposés par simple lecture à Carrier, et ses réponses entendues, l’Assemblée doit procéder à l’appel nominal (et je demande que ce soit aujourd’hui), à l’appel nominal, dis-je, dans lequel chacun votera suivant la conviction qu’il aura acquise, laquelle conviction ne peut pas s’accroître par des faits légers ou moins importants. Telle est la marche que vous devez tenir dans cette malheureuse affaire : celle que vous avez suivie jusqu’à présent entraîne nécessairement des longueurs absolument inutiles, et cause la perte d’un temps précieux, qui est une nouvelle plaie pour la République. Cette lenteur peut ébranler la tranquillité publique. Je vous ai dit la vérité, j’ai fait mon devoir. GUILLEMARDET : Les faits doivent être lus l’un après l’autre, et le prévenu doit avoir la faculté d’y répondre. Il est ridicule de proposer une autre manière de procéder. J’espère que la discussion ne se prolongera pas plus longtemps qu’aujourd’hui ; et, quand elle se prolongerait, la manière légère dont on a prononcé jusqu’à présent sur le sort des députés doit faire ouvrir les yeux à la Convention. Ce que vous faites aujourd’hui pour Carrier sera peut-être fait dans un autre temps pour vous. {Murmures.) Je demande qu’on maintienne le décret d’hier. RAFFRON : Je ne veux point de mesure précipitée. On vous a distribué les cahiers des charges pour vous instruire particulièrement, et non pas pour établir un plaidoyer qui peut durer trois