[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juin 1790.] 193 M. Fréteau combat les réductions proposées par le comité comme étant trop modiques. Un grand nombre d’objets de recette ayant été supprimés, il doit y avoir une réduction considérable de la dépense. M. Lebrun répond qu’on ne peut faire les réductions demandées que d’après le plan qui sera fourni par le premier ministre des finances. M. le Président met successivement aux voix les quatre articles proposés par le comité des finances. Ils sont décrétés. M. Lebrun, rapporteur, passe ensuite à la dépense de la régie générale des domaines. La régie générale des domaines a commencé au 1er janvier 1787 et doit durer six années. Elle embrassait les domaines et bois ; les droits féodaux, même ceux dépendant des domaines engagés, la recette du prix de la vente des bois des communautés et gens de mainmorte; droits de franc-fief, d’amortissement et nouvel acquêt; droit de contrôle des actes; de centième-denier; d’insinuation; contrôle des exploits; formule; droits de greffe ; quatre deniers des ventes des meubles ; petit scel ; revenus casuels; marc d’or ; amendes de consignation et de condamnation. Vingt-huit administrateurs ont fourni chacun 1,200,000 liv. portant intérêt à 5 0|0. Chacun d’eux avait un traitement de 45,000 liv. ; leur capitation est de 375 liv. ; ils ont un tiers dans le produit net. qui excède 50 millions ; c’est sur ce tiers que les administrateurs ont remis 200,000 liv., et non sur leur traitement. Celte régie, comme toutes celles qui datent de la même époque, présente un produit fixe exagéré. Le ministre voulait montrer un grand accroissement dans les revenus, et il les diminuait par des déductions qui ne paraissaient pas. Il faut soustraire des 50 millions les intérêts des fonds d’avances portés ailleurs. Le traitement ........ 1,260,000 liv. Les étrennes, de ....... 124,323 Le loyer de l’hôtel des domaines, et d’un dépôt, maison desMinimes. 40,600 Les réparations d’entretien, évaluées à ............ 20,000 Les honoraires du conseil. . . 12,700 Les frais de procédure à la charge du roi, ci ........ 10,000 Les pensions et gratifications que le roi jugerait à propos d’accorder, et qui excéderaient la somme des retenues ordonnées sur les appointements de quelques employés. Aux principaux employés, pour leur tenir lieu d’une place de régisseur général ........ 34,000 Au sieur Rasclé,restede9,000 liv. de gratification, pour le dictionnaire des eaux et forêts ..... 3,000 Pour la législation des hypothèques .............. 3,000 Aux ingénieurs et inspecteurs généraux des domaines de la généralité de Paris ........ 29,610 Gages des gardes des bois du roi . 207 , 67 5 Aux grands-maîtres des eaux et A reporter. . . . Série. T. XVI. Report .......... 1,744,908 liv. forêts, un 1/2 0[0 de leurs finances, pour leur tenir lieu de journées et de vacations ...... 79,200 Aux maîtres particuliers, pour journées et vacations ...... 240,707 Habillement des gardes des bois du roi ............. 15,804 Ports de lettres et paquets. . . 228,000 Fournitures de papier et parchemin .............. 340,000 Frais de recouvrement des amendes ............ 9,006 Régie des revenus casuels. . . 25,000 Régie du droit de marc d’or. . 25,000 Receveurs de l’ordre de Malte . 2,800 Des consignations et saisies réelles .............. 2,000 Commis du pont de Ghatou . . 1,412 Total .......... 2,71,3837 liv. La régie des domaines a éprouvé déjà une grande altération, et ses frais ne sauraient diminuer dans la même proportion. Avec des perceptions affaiblies, il faut le même nombre de contrôleurs, de directeurs, de commis. S’il eatre dans les vues de l’Assemblée de conserver, en titre d’offices à finance, quelques offices ministériels; si elle les laisse assujettis à la casua-lité, si elle les laisse soumis au droit de marc d’or, il faudra encore pour ces deux parties à peu près une égale dépense. Le nombre des administrateurs pourrait être diminué, et alors moins de traitement ; mais il faut rembourser ces énormes fonds d’avances, et il faut les rembourser de manière que l’administrateur puisse payer ses créanciers. Douze hommes choisis, peut-être moins, conduiraient cette régie, quand elle serait encore plus compliquée. Moins de 25,000 liv. de traitement suffiraient à chacun d’eux, si on n’exigeait qu’un cautionnement modéré. .Mais, en général, il n’v a sur les employés d’autres économies à obtenir que celle qu’on opérera en augmentant leur travail, et, par leur travail, les produits. La partie du contrôle des actes sollicite une réforme ; il faut la soumettre à l’esprit de notre Constitution, et: surtout en écarter le vice de l’arbitraire, qui jusqu’ci en a été inséparable. Mais il en résultera nécessairement un déficit dans les produits ; et ce n’est plus aujourd’hui qu’on peut se faire illusion sur le besoin que nous avons de maintenir le revenu public. Le timbre se présente naturellement pour remplacer les pertes du contrôle. Ce ne sera point ce timbre désastreux et oppressif, calculé par M. de Calonne, qu’adoptera l’Assemblée. Elle le voudra simple, et tel qu’il ne puisse ni gêner les transactions de la société, ni peser sur le commerce. Un tel droit de timbre ne peut s’élever au delà de 12 à 15 millions. Ceux qui nous le présentent comme le remède unique de nos maux, qui l’appliquent au remplacement de la gabelle, au remplacement des aides, à toutes les plaies qu’éprouvent successivement les finances, n’en ont pas calculé les produits ni les inconvénients. Plusieurs travaux avait été offerts au comité, 13 1,744,908 liv. {94 [Assemblée nationale.] ARCRJVES PARLBMENTAIRES. [lâ juin 1790. j relatifs à l’administration générale des domaines; quelques-uns avaient été discutés : il a renvoyé les auteurs au comité de l’imposition, qui, liant dans un plan général toutes les vues particulières, pourra, jusqu’à certain point, organiser régulièrement le système de nos finances. On dit jusqu’à certain point; car, quand à force de malheurs et de dissipation, fine nation en est arrivée au terme où la proportion est rpm-pue entre les ressources et les besoins, il n’est plus de système vraiment régulier. On établit des principes, mais il faut à chaque instant mettre les exceptions à côté des principes; et la Constitution-la plus libre, dans une pareille circonstance, est encore réduite a souffrir quelques restes honteux dp Ig vieille fiscalité. L’esprit public les repousse, ces tristes restes qui �appellent l’ancienne servitude et les anciennes injustices. Des insurrections les attaquent, et la nation froissée entre l’honneur qui l’attache à ses engagements, et l’opinion qui s’élève contre les entraves financières, lutte longtemps, et semble avoir perdu sa consistance et sa force. Mais la régénération est à ce prix. Il faut racheter par une humiliation passagère la gloire et la vigueur de la jeunesse politique. Revenons aux calculs. Les 1,260,000 liv.de traitement sont diminuées, dans l'état des revenus prdinaires et dépenses fixes, de 200,000 liv. ; on a déjà observé que ce n’était point sur cet objet que portait la remise faite par les administrateurs ; mais si elle restait sur le tiers du produit net, elle serait nulle, au moins cette année et l’année dernière, puisque ce tiers, en 1788, ne s’est élevé qu’à 51, 799, 707 liv., et qu’en 1789, il ne s?élèverà, par aperçu, qu’à 48,030,571 liv. Il faut donc porter cette remise sur le traitement, et le comité a pensé que les administrateurs souscriraient sans peine à la réduction à 25,000 livres qui seront partagées selon la nqesure des intérêts. Economie .......... Les étrennes sont supprimées. L’hôtel appartient au domaine; le prix de 1,000,000 livres a été compensé jusqu’à concurrence, avec l’hôtel de feu M. Beaujon, acheté par le roi, et vendu à madame la duchesse de Bourbon . . Le dépôt de la maison des Petits-Pères, qui coûte 600 livres, peut être supprimé. Ge dépôt renferme d’anciens titres qu’il serait à propos de remettre à la Bibliothèque du roi ......... Les réparations d’entretien, portées par évaluation à 20,000 livres ont pu s’élever là dans les premières années; elles doivent être fixées aujourd’hui tout au plus à 10,000 livres .......... Les honoraires des conseils étaient autrefois à 10,000 livres et le comité a pensé qu’ils devaient y être reportés ......... Les frais de procédure sont variables, et on ne peut les détermi-560,0001. 124,323 40,000 600 10,000 40,000 Report .......... ner que sur une qnnée commune qui n’existe pas encore. Les frais de compte peuvent disparaître en entier, et disparaîtront si l’Assemblée nationale établit un comité de comptabilité. . La gratification aux principaux employés de34,000 livres, à supprimer ci .......... . Mais il faut, pour entretenir l’émulation, leur assurer la perspective des places d’administrateurs, et c’est sans doute un principe que l’Assemblée adoptera pour toutes les régies. M. Rasclé a promis le Dictionnaire des Eaux et Forêts. Il ne paraît point, et peut-être serait-il inutile aujourd’hui ; à supprimer. La législation des hypothèques, à supprimer, ci. ....... . Ports de lettres et paquets. Ce U’est ici qu’un revirement entre la pégje d es domaines et la ferme des postes. Dans le fait, la correspondance de cette régie n’est qq’nn objet de 80 à 90,000 livres-, mais il fallait, pour l’honneur du ministre, que le bail des postes parut s’élever à 10,800,000 livres. On imagina cet abonnement pour contenter l’intérêt des fermiers. En changeant les conditions du bail des postes, la dépense de l’administration sera réduite au moins de ............. . . Ingénieurs, inspecteurs-généraux des domaines de la généralité de Paris . ...... ..... La vente projetée du domaine fait évanouir cette dépense. Il restera des bâtiments publics ; mais ces bâtiments rentreront, ou dans la liste ciyile,ou dans l’administration des municipalités, ou dans celle des départements. Les gardes des forêts et bois seront toujours nécessaires.; mais les forêts que le roi conservera seront gardées aux dépens de la liste civile, et de là une réduction éventuelle, soit dans les gages, soit dans l’habillement. . . pour mémoire. Les receveurs de l’ordre de Malte cessent avec les privilèges. Ceux des consignations et saisies réelles peuvent être remplacés gratuitement par les receveurs des districts .......... Les grands-maîtres, les maîtres particuliers, etc., seront suppléés par les directoires de départements et de districts, et cette dépense s’évanouira dans la dépense générale d’administration. ..... Les frais de recouvrement des amendes ne peuvent être fixés que sur une année commune ; ils va-744,923 1. 744,923 liv 142, 34,000 3,000 3,000 138,000 29,650 2,700 2,000 319,937 A reporter, A reporter. 1,419,778 liv. 195 (Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (12 juin 1790.] Report ......... 1,419,778 ÜV* riepont dans un autre système d’administration. Les frais de recouvrement des droits casuels et de perception du droit de marc d’or subsistent encore, quoique les produits soient presque anéantis ; puisque la vé-r nalité des offices de magistrature est supprimée, puisqu’il n’existera plus de charges de finances, les droits casuels ne doivent plus affecter que les officiers ministériels, etc., et il est plus simple, plus économique, de rejeter en impositions annuelles et fixes ce qu'ils payaient en droits casuels, droits de mutation ....... 25,000 Le droit de marc d’or était une branche de revenu d’une perception simple et facile , mais, en supposant que le droit pût exister encore, il serait au moins borné aux provisions du petit nombre d’officiers publics qui seront cpn-r servés avec finance ; on n’y assujettira sans doute ni les magistrats, ni les membres des corps administratifs. Les dons, les pensions, les gratis fications ne seront plus que des récompenses accordées au service, et qui devront l’être gratuitement; il vaut donc mieux supprimer entièrement ce revenu, et le reporter dans la masse des impôts. Ainsi il faudra retrancher encore de la dépense ....... 25,QQQ Les commis du pont de Ghatou rentreront dans l’administration du département de Paris. Les droits qu’ils perçoivent devront lui être abandonnés pour l’entretien. A retrancher, ci ...... 1,422 Total. . , , 1,471,2001. Le comité des finances proposera provisoirement le décret suivant, qui n’embrasse que des économies actuellement possibles: « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : <• Art, 1er Les traitements des administrateurs généraux des domain es demeuront fixés, à compter du 1er janvier 1790, à la somme de 760,000 1. qui seront partagées entre eux à raison de leurs intérêts respectifs. « 2, L’abonnement fait avec la ferme des postes, pour le port des lettres et paquets, demeurera résilié à compter du jour de la publication du présent décret. « 3. Les frais de comptabilité seront supprimés à Gpmpter du Ier janvier dernier. « 4. La gratification de 34,900 livres accordée aux principaux employés, celle accordée au sieur Rasclé, le traitement de 3, 0Q0 livres pour la législation des hypothèques cesseront du jour de la ublication du présent décret, et les honoraires U Gonseil seront réduits à 10,000 livres. « Le contrôleur général des finances mettra incessamment sous les yeux de l’Assemblée l’état des économies qu’il est possible d’effectuer dans les frais de régie et de perception. » M. Fréteau. M. le rapporteur nous a dit dans ses observations que douze hommes choisis, peut-être moins, conduiraient la régie des domaines, quand elle serait encore plus compliquée; que moins de 25,000 livres de traitement suffiraient à chacun d’eux, si on n’exigeait qu’un cautionnement modéré : il est évident, d’après cette observation, qu’il nous faut réduire à 450, Q0Q livres la somme de 700,000 livres à laquelle le comité a porté le traitement des administrateurs des domaines ; ce qui fera environ 15 à 16,000 livres pour chacun des 28 administrateurs, (Le côté droit murmure » le côté gauche applaudit .) M. de Itichier. Le gouvernement a fait un traité avec les administrateurs qui ont donné de l’argent sous telle ou telle condition. Rembour-sez-les et donnez-leur ensuite pour leur travail ce ne vous jugerez convenable; c’est le seul moyen 'être juste, (Le côté droit applaudit.) M. Lebrun. J’ohserve que ce qui fait le sujet des réclamations de M. Fréteau vient d’être accordé tout à l’heure aux régisseurs : c’est donc au nom de l’Assemblée que je demande que le traitement des administrateurs soit porté à 700,000 liv. ainsi qu’il est proposé par le comité. M. Camus. Quelque soit le parti que nous ayons pris eu faveur des régisseurs, cela ne préjuge rien pour les administrateurs des domaines. Ou peut bien changer les dispositions à mesure que la discussion s’éclaire, et ce serait peut-être le cas de demander le rapport du premier décret. On devrait bien, lorsqu’on nous fait un rapport, dévoiler tous les mystères. On ne nous a point du tout parlé des croupes sur tous les revenus des financiers et administrateurs des domaines. J’en tiens un état dans ma main, dont je puis vous donner connaissance, C’est de ces croupes qui existent dans le régime des domaines que je demande la suppression. Du reste, j’adopte la motion de M. Fréteau. M. Frétean. Je reçois, Messieurs, dans l’instant, une lettre dont la lecture pourra peut-être éclairer la discussion. Voici ce qu’elle contient : a Lorsque M ..... acheta sa place, on lui prêta 600,000 livres; le bailleur de fonds exigea, outre le remboursement du capital, la moitié du produit net du bénéfice, de sorte qu’il a reçu en sus de son capital plus de 600,000 livres sec. Dans l’état des choses, l’Assemblée qui a réduit si justement le produit des places à un nécessaire honnête, décrétera l'affranchissement des croupes. » Voilà, Messieurs, ce que le particulier dont je viens de vous lire la lettre serait venu vous demander lui-même, si sa santé le lui avait permis. M. Lebrun. On confond les intérêts des mises avec la recette et les produits. C’est le meilleur moyen de s’embrouiller, sans pouvoir prendre aucun parti. Je propose du moins d’excepter des dispositions de l’amendement de M. Fréteau les octogénaires. M .Camus. Je ne sais pas comment la somme de 16,000 livres n’est pas suffisante aux administrateurs. Nous ne sommes plus sous le régime de l’intrigue, du luxe et de la flatterie, mais sous celui des bonnes mœurs et de la liberté : si la somme n’était pas suffisante, ils réduiront leur