[Assemblée nationale.] nent la place des travaux paisibles. Le sang est prêt à couler, et le� hommes de couleur seront les premières victimes immolées à la fureur des colons à cause d’une loi qui a eu pour objet de les favoriser. Tous les partis se réunissent contre une loi qui nous fait regarder la France comme notre ennemie. On veut fermer les ports. Les regards se retournent contre un peuple rival toujours armé. Il est trop pénible pour des hommes sensibles de s’arrêter sur ce tableau funeste; nous transcrirons à la fin de cette pétition des lettres qui nous sont parvenues par les derniers navires : nous n’avons pas encore de nouvelles des parties de l’ouest et du sud de Saint-Domingue, ni des autres colonies, mais tout nous fait croire que l’embrasement sera universel. « Après vous avoir exposé les malheurs des colons, nos frères et nos amis, nous demandons à fixer votre attention sur la France. Il est enfin temps de le dire, Messieurs, nos colonies nous échappent, et avec elles une foule de propriétés nationales et particulières dont elles sont les éléments ; en un mot, tous les moyens de travail dont la société est en possession. Vous nous avez rendus libres, et vous voulez nous rendre heureux : le bonheur d’une société consiste, après la liberté, dans la conservation inviolable des propriétés, si nous perdons nos colonies, et nous en sommes menacés, nos propriétés sont anéanties : le travail du peuple est perdu, et les villes florissantes et peuplées, qui entretiennent l’abondance et la richesse dans l’Empire, qui ont une action immédiate sur la richesse et la prospérité de la capitale, centre commun de Tindustrienatio-nale, qui assure le débouché des productions de la terre, et augmente leur valeur en multipliant à l’infini les consommateurs; ces villes, l’objet de l'admit ation et de la jalousie des étrangers, vont rentrer dans la pauvretéet la misère où elles étaient avant la culture de nos colonies; les citoyens sans occupations et sans pain, travaillés parles factieux, se porteront à tous les excès. Et qui peut, sans effroi, envisager le parti que prendront plusieurs milliers de Français, plusieurs pères de famille, tourmentés par la faim et le désespoir! « Les ennemis de la Constitution n’ont pas perdu Tempérance ; il veillent sans cesse; ils n’attendent qu’une grande calamité, qu’un grand déchirement de l’Empire, pour mettre dans leurs mains les chaînes du despotisme que vous avez brisées; ils compteront avec une fausse pitié, avec une perfide humanité, ce qu’ils appelleront le succès de la Révolution. {Murmures), Votre crédit national perdu, la disparition du numéraire, les embarras de la circulation des assignats qu’il augmente à dessein, l’ébranlement de3 fortunes, les faillites des commerçants qui, parleurs rapports, tiennent à toutes les classes de la société entiu, diront-ils... Plusieurs membres : L’ordre du jour! M. Guinebaud de Saint-Mesme... « l’ancien édifice a été renversé en son entier; ses matériaux sont épars ; les représentants du peuple peuvent seuls les rassembler et les reconstruire; mais vos espérances sont perdues; votre travail que nous avons toujours respecté... M. Lanjuinais. II est bon d’eD tendre des réclamations sur l’humanité, mais on ne peut y passer 3 heures. M. Guinebaud de Saint-Mesme. « A la vue m de tant de maux, un seul espoir nous reste, et cet espoir est en vous. Législateurs, pères de la patrie, ouvrez un port au vaisseau de l’Etat en péril. Hâlez-vous de faire connaître aux colonies que vous suspendez l’exécution d’un décret qui causerait leur ruine et la nôtre ; renouvelez-leur l’assurance que, conformément aux décrets des 13 et 15 mai 1791, vous ne statuerez définitivement rien sur l’état des habitants, qu’après avoir connu le vœu formel de l’assemblée coloniale; cette mesure seule peut ramener le calme dans nos colonies, et serrera indissolublement les liens qui doivent les unir à la patrie. » Plusieurs membres : A Tordre du jpur! M. Lavie. Vous connaissez la marche du comité colonial. Je demande qu’il lui soit enjoint d’être plus vigilant, et de nous faire un rapport quelconque lundi prochain. Je ne préjuge rien; mon opinion n’est pas de revenir sur le décret; par conséquent, je ne suis pas suspect. (L’Assemblée, consultée, ordonqe le renvoi de la pétition des citoyens-commerçants de Nantes au comité colonial pour lui faire un rapport sur les colonies, lundi prochain.) M. le Président fait donner lecture d’une note du ministre de la justice contenant l'état des décrets auxquels ce ministre a apposé le sceau de l’Etat. Cette note est ainsi conçue : « Conformément aux décrets des 21 et 25 juin dernier, le ministre de la justice a apposé le sceau de l’Etat aux décrets suivants, qui lui ont été remis, savoir : « Au décret du 1er août, qui autorise le ministre de la guerre à donner les ordres nécessaires pour le rassemblement et le service des gardes nationales. << Au décret du même jour, relatif aux fonds demandés par M. Rochambeau pour la défense des frontières. « Au décret du 2 août, relatif à l’intérêt du montant des liquidations des charges des perruquiers, barbiers et étuvistes. « Au décret du 5 août, relatif à la remise des sommes déposées entre jes mains des huissiers-priseurs, receveurs des consignations, commissaires aux saisies réelles, notaires, séquestres, etc., et au recouvrement des impositions personnelles. « Au décret des 4 et 6 août, concernant Tat}r ministration centrale des ponts et chaussées. « Au décret du 9 août, relatif à la police de la navigation et des ports de commerce. « Au décret du 14 août, portant que la caisse de l’extraordinaire versera à la trésorerie nationale: l°une somme de 29,419,472 livres; 2° une somme (le 6,372,477 livres. « Au décret du même jour, relatif aux événements arrivés dans la 69 division de l’armée, contre Tordre et la discipline militaire. « Au décret du même jour, portant que la caisse de l’extraordinaire ouvrira le remboursement des sommes dues en résultat du tirage fait en juin 1791, de l’emprunt de 100 millions. « Au décret du même jour, concernant les titres des espèces de 15 et de 30 sous. « Au décret du 15, qui fixe les fonds nécessaires aux travaux d’achèvement du monument des grands hommes. « Au décret du 17, portantque la caisse de Tex-ARCH1VES PARLEMENTAIRES. (25 août 1791.1 708 (Assemblée nationale.] traordinaire avancera 800,000 livres à la municipalité de Bordeaux. « Le ministre de la justice transmet à M. le président de l’Assemblée nationale les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est signé de sa main l’ordre d’expédier et sceller du sceau de l’État. < Paris , le 20 août 1791. « Signé: M.-L.-F. Duport. » L’ordre du jour est la suite de la discussion des articles à ajouter dans l’acte constitutionnel (1). M. Démeunier, rapporteur (en l’absence de M. Thouret). Messieurs, avant de reprendre la suite delà discussion sur l’article présenté hier relativement aux droits politiques qui seraient déterminés dans la Constitution à l’égard des membres de la famille royale, les comités de Constitution et de révision m’ont chargé de présenter succinctement à l’Assemblée les motifs qui les ont déterminés. Je prie d’abord l’Assemblée de ne pas perdre de vue le système d ’ royauté héréditaire qu’elle a adopté dans la Constitution. Du moment où l’on consent à recevoir du hasard de la naissance un roi ou un régent, du momentoù l’on choisit une famille pour exercer exclusivement et héréditairement ces importantes fonctions, il est clair que l’on doit environner cette famille d’un grand éclat, que là dignité du trône doit rejaillir sur toute cette famille, et que ses membres ont des droits que n’ont pas les autres citoyens; il est clair que leur naissauce les range dans une classe distinguée ; non-seulementiis ont un droit éventuel à la couronne, mais aussi un droit éventuel à la régence et un droit éventuel à la garde du roi mineur; et ce principe ne contraste pas avec la déclaration des droits, puisqu’il y est dit uniquement qu’aucune distinction ne peut être établie que pour l’utilité commune. Or, c’est pour Futilité commune que vous avez établi un roi héréditaire; c’est encore pour l’utilité commune que vous avez établi une famille dont tous les membres sont successibles au trône par ordre de primogéniture. C’est donc d’après les principes consacrés dans les droits de l’homme que les membres de la famille du roi forment et doivent former une distinction dans l’Empire. Examinons maintenant si les droits politiques qui leur appartiennent exclusivement aux autres citoyens, peuvent être annulés avec ceux d’éligibilité. D’une part, il est évident que l’influence d’une famille appelée au trône pourrait amener beaucoup d’inconvénients dans les élections. Il est clair que, dans les diverses fonctions déléguées par le peuple, sa prépondérance, son influence dans les temps calmes, son influence très dangereuse dans les temps orageux, doivent empêcher qu’ils ne puissent être admis à la législature. La sévérité du principe irait jusqu’à leur interdire le droit de citoyens actifs, ainsique le comité vous le propose dans le premier article ; mais il est certain que, dans les assemblées primaires l’influence d’un membre de la famille du roi ne serait pas aussi dangereuse que dans une assemblée politique, administrativeetdélibérante. Ainsi vous pourriez, sans vous écarter de la rigueur du principe, réserver aux membres de la famille du roi le droit pur et simple d’aller dans les assemblées primaires, et d’y jouir du droit de citoyens actifs. (Rires.) (1) Voy. ci-dessus, séance du 24 août 1791, page 691 . [25 août 1791] Ce n’est pas là qu’est la difficulté, et j’ose assurer l’Assemblée que les deux comités, se trou-vantaux termes de leurs travaux, croient avoir un devoir à remplir en rendant compte des mo-tils qui les ont déterminés. L’Assemblée nationale prononcera ensuite dans sa sagesse, mais nous n’insisterons pas fortement; la difficulté n|est pas au point qui a paru exciter qm lque difficulté. Il s’agit de savoir si vous conserverez des distinctions particulières aux membres de la famille du roi. Les deux comités insistent de nouveau et appuient de tomes leurs forces la dénomination qui vous a été indiquée hier. Elle convient aux droits politiques qui appartiennent héréditairementaux individus de lafamilleduroi; elle est conforme aux principes de la Constitution représentative et du gouvernement monarchique que vous avez adoptés. C’est d’après ces principes que je discute la question, car s’il fallait la traiter révolutionnai-rement, s’il fallait examiner les circonstances qui vous environnent, il serait aisé de prouver que le point où les principes ont conduit vos comités est aussi d’une utilité évident-dans les circonstances où nous sommes ; que le meilleur moyen s’anéantir toutes les distinctions abusives, c’est de les réserver exclusivement aux membres de. la famille du roi qui peuvent être appelés au trône. Je u 'ajouterai plus que deux mots. Le système du comité peut être combattu par deux classes différentes, et on ne s’aperçoit pasassez, peut-êire, de leurs motifs. Il est clair, d’une part, que ceux qui regrettent des distinctions abusives anéanties, peu\ eut désirer que vous rangiez sur la même ligne qu’eux, les membres de la famille royale, afin de se réserver, par là, quelques espérances, sans doute imaginaires. Il est une au ire classe d’hommes qui sont attachés, il est vrai, par une espèce d’instinct à la royauté héiéditaire, qui ont juré de la maintenir, et qui la maintiendront, mais qui prouvent par leur conduite qu’il est difficile dans une discussion de détail de ne pas se ranger au système qu'on a adopté par opinion, quoi qu’on l’ait rejeté par devoir. Il est évident, par exemple, que ceux qui croient que le sys-îème républicain est préférable, même, à ce système. . . (Murmures.) Un membre : Il n’y en a aucun. M. Lanjuinais. C’est vous qui nous faites haïr la royauté. M. Démeunier, rapporteur. Je suis loin de vouloir inculper persouue;je le dis hautement, j’examine seulement la marche de l’esprit humain, et ce que je dis me paraît clair. Lorsqu’on a intérieurement une opinion différente de celle que l’on a professée publiquement; lorsque l’on désire pour le bonheur de ses semblables, une autre forme de gouvernement, que celle qui a été adoptée, il est certain que, sur les points de détail, on est disposé à préparer à l’avance tout ce qui pourrait assurer aux générations futures le bonheur de la loi. Après ces courtes réflexions, les comités laissent la parole à ceux qui Tout demandée; ils insistent de toute leur force, pour que, sauf l’amendement qu’on pourrait adopter, et qu’ils vous ont proposé, que les membres de la famille du roi aient le nom de prince. L’Assemblée prononcera; les deux comités ont rempli leur devoir. M. GuîElaiiuie. Messieurs, dounerez-vous un ARCHIVES PARLEMENTAIRES.