SÉANCE DU 13 FLORÉAL AN II (2 MAI 1794) - N°s 34 ET 35 555 34 Un membre du Comité des finances [CAM-BON] rend compte des difficultés survenues dans la comptabilité des sommes mises à la disposition des inspecteurs de la salle, pour les frais de la salle, des comités, de l’imprimerie et autres de cette espèce; il fait adopter sur le tout un décret en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, décrète : Art. I. — La trésorerie nationale ouvrira un crédit d’un million au comité des inspecteurs de la salle, pour être employé au paiement des mandats ou états émargés que ce comité fera expédier pour les dépenses dont il est chargé de régler le montant. Art. II. — Les sommes provenant des mandats ou états qui ont été payés depuis le premier floréal, seront imputées sur le million mentionné en l’article précédent. Art. III. — Les paiemens qui seront faits en vertu des mandats ou états fournis par le comité des inspecteurs de la salle, seront assu-jétis aux mêmes règles que ceux qui seront fournis par les commissions. Le comité préviendra la trésorerie nationale de tous les états ou mandats qu’il fera dresser; et les parties prenantes fourniront les pièces justificatives de la dépense dont elles viendront réclamer le paiement. Art. IV. — Sont exceptés des dispositions de l’article précédent les mandats ou états qui seront fournis pour les paiemens des indemnités dues aux représentans du peuple, ou de frais de voyage des représentans du peuple qui seront envoyés en commission, lesquels continueront d’être payés comme par le passé. Art. V. — La trésorerie nationale enverra au comité des inspecteurs de la salle, les trois premiers jours de chaque mois, un préposé pour y acquitter les indemnités dues aux représentans du peuple. Art. VI. — Le comité des finances présentera un projet de décret pour régler le mode de comptabilité à établir pour la réddition et vérification des comptes qui sont rendus par les représentans du peuple envoyés en commission » (1). 35 Un membre du Comité de législation [PONS (de Verdun)] fait rapport des pétitions de plusieurs citoyens mis mal à propos dans la liste des émigrés, et qui prétendent n’avoir pu remplir les formalités prescrites par la loi du 28 mars, ou pour avoir été aux frontières, ou pour (1) P.V., XXXVI, 284. Minute de la main de Cam-bon (C 301, pl. 1069, p. 21) . Décret n° 9003. Reproduit dans Mon., XX, 367; Débats, n» 590, p. 167; J. Perlet, n° 589; mention dans J. Sablier, n° 1294; J. Matin, n° 681; J. Lois, n° 582; J. Fr., n° 586; Rép., n° 134. avoir été détenus, ou pour avoir ignoré la loi; il propose de surseoir les ventes de leurs biens, séquestre tenant, jusqu’au rapport général à faire sur la loi des émigrés. Plusieurs membres combattent ce projet de décret; d’autres soutiennent et proposent des amendemens (1). PONS (de Verdun) a rappellé l’attention de l’assemblée sur les réclamations de plusieurs citoyens qui, n’ayant jamais quitté la commune de leur résidence ordinaire, ont cependant été portés sur la liste des émigrés pour n’avoir pas, conformément à la loi du 28 mars, envoyé leur certificat de résidence dans les communes où ils ont des biens et qu’ils n’habitent point ordinairement. En conséquence de plusieurs arrêtés de départemens, on a ordonné la vente de leurs biens meubles et immeubles. Le rapporteur propose d’accorder un sursis provisoire aux ventes de biens de ceux qui se trouvent dans ce cas, jusqu’à ce qu’ils aient fourni leur certificat de résidence; néanmoins le séquestre mis sur ces mêmes biens sera maintenu jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. THURIOT veut qu’on fixe au moins le délai dans lequel ces certificats de civisme devront être exhibés. CHARLIER pense qu’il seroit utile que la commission chargée de la révision de la loi des émigrés fasse un rapport général de son travail, dans la huitaine. CARRIER croit que ceux qui n’ont pas fourni le certificat de civisme exigé par la loi du 28 mars, sont coupables d’incivisme. Il allègue l’exemple des Chapelier, des Bailly, et d’une infinité d’autres contre-révolutionnaires, qui, sans sortir du territoire de la République, ne s’en sont pas moins soustrois long-tems à l’œil de la justice nationale, en quittant la commune de leur domicile ordinaire, où ils étoient le mieux connus. Il craint enfin que le projet de décret que les comités ont véritablement voulu fonder sur la justice, ne devienne par le fait très favorable aux malveillans, et ne leur conserve l’espérance criminelle de recouvrer leurs biens; il termine en demandant le renvoi à un nouvel examen. Le RAPPORTEUR répond qu’on ne peut sans injustice exiger que le certificat de résidence dont il s’agit, ait été fourni en personne; par exemple, par les défenseurs de la patrie qui se trouvent aux frontières et qui peuvent ignorer la loi, par des citoyens détenus qui peuvent n’être point coupables. R observe encore que les biens, dont il est question dans le projet, se trouvent dans un cas douteux, et que la nation s’expose en ne l’adoptant point, à se voir forcée d’indemniser les propriétaires des biens qui auroient été vendus sans raison. CAMBON et quelques autres ne voyent dans le projet de décret qu’une exception dangereuse. Il croit que toute exception tue la loi; il conclut à la question préalable. BOURDON (de l’Oise), observe que plusieurs bon citoyens ont été injustement inscrits sur la liste des émigrés. Il se cite lui-même pour (1) P.V., XXXVI, 286. Ann. patr., n° 487; J. Fr., n° 586; J. Perlet, n° 588; J. Mont., n° 171; Débats, n08 530, p. 168 et 623, p. 258; J. Paris, n° 488; J. Matin, n° 681; J. Lois, n° 582; Rép., n° 134. SÉANCE DU 13 FLORÉAL AN II (2 MAI 1794) - N°s 34 ET 35 555 34 Un membre du Comité des finances [CAM-BON] rend compte des difficultés survenues dans la comptabilité des sommes mises à la disposition des inspecteurs de la salle, pour les frais de la salle, des comités, de l’imprimerie et autres de cette espèce; il fait adopter sur le tout un décret en ces termes : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, décrète : Art. I. — La trésorerie nationale ouvrira un crédit d’un million au comité des inspecteurs de la salle, pour être employé au paiement des mandats ou états émargés que ce comité fera expédier pour les dépenses dont il est chargé de régler le montant. Art. II. — Les sommes provenant des mandats ou états qui ont été payés depuis le premier floréal, seront imputées sur le million mentionné en l’article précédent. Art. III. — Les paiemens qui seront faits en vertu des mandats ou états fournis par le comité des inspecteurs de la salle, seront assu-jétis aux mêmes règles que ceux qui seront fournis par les commissions. Le comité préviendra la trésorerie nationale de tous les états ou mandats qu’il fera dresser; et les parties prenantes fourniront les pièces justificatives de la dépense dont elles viendront réclamer le paiement. Art. IV. — Sont exceptés des dispositions de l’article précédent les mandats ou états qui seront fournis pour les paiemens des indemnités dues aux représentans du peuple, ou de frais de voyage des représentans du peuple qui seront envoyés en commission, lesquels continueront d’être payés comme par le passé. Art. V. — La trésorerie nationale enverra au comité des inspecteurs de la salle, les trois premiers jours de chaque mois, un préposé pour y acquitter les indemnités dues aux représentans du peuple. Art. VI. — Le comité des finances présentera un projet de décret pour régler le mode de comptabilité à établir pour la réddition et vérification des comptes qui sont rendus par les représentans du peuple envoyés en commission » (1). 35 Un membre du Comité de législation [PONS (de Verdun)] fait rapport des pétitions de plusieurs citoyens mis mal à propos dans la liste des émigrés, et qui prétendent n’avoir pu remplir les formalités prescrites par la loi du 28 mars, ou pour avoir été aux frontières, ou pour (1) P.V., XXXVI, 284. Minute de la main de Cam-bon (C 301, pl. 1069, p. 21) . Décret n° 9003. Reproduit dans Mon., XX, 367; Débats, n» 590, p. 167; J. Perlet, n° 589; mention dans J. Sablier, n° 1294; J. Matin, n° 681; J. Lois, n° 582; J. Fr., n° 586; Rép., n° 134. avoir été détenus, ou pour avoir ignoré la loi; il propose de surseoir les ventes de leurs biens, séquestre tenant, jusqu’au rapport général à faire sur la loi des émigrés. Plusieurs membres combattent ce projet de décret; d’autres soutiennent et proposent des amendemens (1). PONS (de Verdun) a rappellé l’attention de l’assemblée sur les réclamations de plusieurs citoyens qui, n’ayant jamais quitté la commune de leur résidence ordinaire, ont cependant été portés sur la liste des émigrés pour n’avoir pas, conformément à la loi du 28 mars, envoyé leur certificat de résidence dans les communes où ils ont des biens et qu’ils n’habitent point ordinairement. En conséquence de plusieurs arrêtés de départemens, on a ordonné la vente de leurs biens meubles et immeubles. Le rapporteur propose d’accorder un sursis provisoire aux ventes de biens de ceux qui se trouvent dans ce cas, jusqu’à ce qu’ils aient fourni leur certificat de résidence; néanmoins le séquestre mis sur ces mêmes biens sera maintenu jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. THURIOT veut qu’on fixe au moins le délai dans lequel ces certificats de civisme devront être exhibés. CHARLIER pense qu’il seroit utile que la commission chargée de la révision de la loi des émigrés fasse un rapport général de son travail, dans la huitaine. CARRIER croit que ceux qui n’ont pas fourni le certificat de civisme exigé par la loi du 28 mars, sont coupables d’incivisme. Il allègue l’exemple des Chapelier, des Bailly, et d’une infinité d’autres contre-révolutionnaires, qui, sans sortir du territoire de la République, ne s’en sont pas moins soustrois long-tems à l’œil de la justice nationale, en quittant la commune de leur domicile ordinaire, où ils étoient le mieux connus. Il craint enfin que le projet de décret que les comités ont véritablement voulu fonder sur la justice, ne devienne par le fait très favorable aux malveillans, et ne leur conserve l’espérance criminelle de recouvrer leurs biens; il termine en demandant le renvoi à un nouvel examen. Le RAPPORTEUR répond qu’on ne peut sans injustice exiger que le certificat de résidence dont il s’agit, ait été fourni en personne; par exemple, par les défenseurs de la patrie qui se trouvent aux frontières et qui peuvent ignorer la loi, par des citoyens détenus qui peuvent n’être point coupables. R observe encore que les biens, dont il est question dans le projet, se trouvent dans un cas douteux, et que la nation s’expose en ne l’adoptant point, à se voir forcée d’indemniser les propriétaires des biens qui auroient été vendus sans raison. CAMBON et quelques autres ne voyent dans le projet de décret qu’une exception dangereuse. Il croit que toute exception tue la loi; il conclut à la question préalable. BOURDON (de l’Oise), observe que plusieurs bon citoyens ont été injustement inscrits sur la liste des émigrés. Il se cite lui-même pour (1) P.V., XXXVI, 286. Ann. patr., n° 487; J. Fr., n° 586; J. Perlet, n° 588; J. Mont., n° 171; Débats, n08 530, p. 168 et 623, p. 258; J. Paris, n° 488; J. Matin, n° 681; J. Lois, n° 582; Rép., n° 134. 556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE exemple; il fut rangé sur cette liste par le département de la Somme, où il possède quelques portions de terre. Il appuie le projet des comités, et demande qu’il soit mis aux voix. Après de longs débats, la discussion est fermée. L’assemblée ordonne l’impression et le renvoi du projet aux mêmes Comités. BOURDON (de l’Oise), et LEGENDRE (de Paris), demandent que l’assemblée, en adoptant l’impression et le renvoi, décrète le sursis de la vente, séquestre tenant. Cette proposition est adoptée (1) . TALLIEN prend la parole : La Convention a voulu faire, dit-il, un acte de justice, mais elle ne veut pas que son décret ait plus d’extension qu’elle n’a prétendu lui en donner. Il faut qu’il soit rédigé de manière que l’exception ne porte que sur les biens pour lesquels il y a des réclamations. Il faut aussi que le nouveau rapport soit fait très promptement; car, si le délai n’est pas bien court, les contre-révolutionnaires ne manqueront pas d’en profiter pour mettre des entraves à la vente des biens des émigrés. Il y a dans les départements une foule de ces mauvais citoyens qui ont eu l’art d’obtenir des certificats de civisme ou de résidence à la faveur desquels ils exercent impunément leur malveillance. Si vous ne voulez pas que les défenseurs de la patrie, qui prodiguent aux frontières leur sang pour la cause de la liberté, soient dépouillés de leurs biens, votre intention n’est pas de protéger les conspirateurs. Je demande donc que le délai pour le rapport soit fixé à trois jours; je demande en outre que la commission des émigrés présente incessamment à cet égard un code simple, précis, dégagé de tout fatras, de toute obscurité, enfin à la portée des administrations et de tous les citoyens. Protection aux patriotes, sévérité envers ceux qui trahisent la République ! ISORE : Je demande, afin qu’on connaisse les réclamants, que la liste de leurs noms soit imprimée à la suite du rapport (2). Après ample discussion, la Convention rend le décret suivant : « Sur un projet de décret du Comité de législation pour le sursis de la vente des biens de ceux qui prétendent avoir été mal à propos compris dans la liste des émigrés, « La Convention renvoie le projet aux Comités de législation, d’aliénation et domaines, et commission des émigrés, pour faire son rapport dans trois jours, le séquestre tenant, sur les propriétés qui ont été réclamées; et cependant sur-seoit à la vente desdits objets. « Décrète que la liste des réclamans sera imprimée à la suite du rapport, et que leurs noms, qualités et demeure y seront mentionnés. « Décrété en outre que la commission des émigrés sera tenue de présenter le 20 floréal son travail sur la révision générale des lois relatives aux émigrés » (3) . (1) J. Sablier, n° 1294. (2) Mon., XX, 367. (3) P.V., XXXVI, 287. Minute de la main de Isoré et Tallien (C 301, pl. 1069, p. 22) . Décret n° 9004. Reproduit dans M.U., XXXIX, 219; Feuille Rép., n° 304. 36 SALLENGROS, au nom du Comité des secours publics : Citoyens, dans le courant du mois d’août dernier (vieux style), le citoyen Vigier, commissaire à l’armement du Nord, requit plusieurs ouvriers de la manufacture nationale d’armes de Maubeuge de se rendre à Arras avec leurs familles, et d’y transporter leurs outils ou ateliers, pour y mettre en état de service les armes qui étaient susceptibles de réparations. Gilles-Vaast CERISIER fut compris dans la réquisition et s’empressa d’obéir. Rendu à Arras avec sa femme et ses enfants, il organisa un atelier de garaisseur, et y travailla, ainsi que sa femme, comme chef d’atelier, jusqu’au 29 frimaire. Il succomba alors à ses pénibles travaux, et y mourut dans le plein exercice de ses fonctions, après plus de trente ans de service dans la manufacture de Maubeuge. Il laisse six enfants en bas âge, puisque l’aîné n’a pas atteint l’âge de 15 ans, et sa veuve reste absolument privée de toute ressource. Elle possédait une maison située à Rousies, près Maubeuge; pendant le blocus de cette place, les Autrichiens l’incendièrent avec les bâtiments en dépendant. Cette femme courageuse a continué, après la mort de son mari, de travailler à la garniture des canons; aujourd’hui cette ressource lui manque, les canons ne se trouvant plus en quantité suffisante dans les ateliers de cette commune pour entretenir tous les ouvriers. Se voyant congédiée, elle a demandé qu’on lui fournit une voiture pour transporter sa boutique à Paris, où elle espérait travailler utilement pour le service de la patrie, et on n’a pu la lui accorder. Ces faits sont attestés par différents certificats joints à la pétition de la citoyenne veuve Cerisier; mais il a paru à votre comité des secours, auquel vous avez renvoyez la pétition, que vous ne laisseriez pas dans la détresse et dans la plus affreuse misère une veuve et six enfants dont le mari et le père a si bien mérité de la patrie qu’il n’a cessé de servir pendant toute sa vie. En conséquence, je suis chargé de vous propo-poser le projet de décret suivant (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SALLENGROS, au nom de] son Comité des secours publics décrète : Art. I. — Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du conseil général de la commune d’Arras une somme de trois cents livres, pour être remise, le plus promptement possible à la citoyenne veuve de Gilles Vaast Cerisier, vivant chef d’atelier de garnisseurs de canons de fusils, dit du collège, établi dans cette commune. Art. II. — La Convention nationale renvoie à son comité de salut public la pétition de la citoyenne veuve Cerisier, avec les pièces y jointes, pour mettre en réquisition, s’il le croit avantageux à la chose publique, cette veuve courageuse et ses enfans, avec les outils et atelier qui (1) Mon., XX, 365. 556 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE exemple; il fut rangé sur cette liste par le département de la Somme, où il possède quelques portions de terre. Il appuie le projet des comités, et demande qu’il soit mis aux voix. Après de longs débats, la discussion est fermée. L’assemblée ordonne l’impression et le renvoi du projet aux mêmes Comités. BOURDON (de l’Oise), et LEGENDRE (de Paris), demandent que l’assemblée, en adoptant l’impression et le renvoi, décrète le sursis de la vente, séquestre tenant. Cette proposition est adoptée (1) . TALLIEN prend la parole : La Convention a voulu faire, dit-il, un acte de justice, mais elle ne veut pas que son décret ait plus d’extension qu’elle n’a prétendu lui en donner. Il faut qu’il soit rédigé de manière que l’exception ne porte que sur les biens pour lesquels il y a des réclamations. Il faut aussi que le nouveau rapport soit fait très promptement; car, si le délai n’est pas bien court, les contre-révolutionnaires ne manqueront pas d’en profiter pour mettre des entraves à la vente des biens des émigrés. Il y a dans les départements une foule de ces mauvais citoyens qui ont eu l’art d’obtenir des certificats de civisme ou de résidence à la faveur desquels ils exercent impunément leur malveillance. Si vous ne voulez pas que les défenseurs de la patrie, qui prodiguent aux frontières leur sang pour la cause de la liberté, soient dépouillés de leurs biens, votre intention n’est pas de protéger les conspirateurs. Je demande donc que le délai pour le rapport soit fixé à trois jours; je demande en outre que la commission des émigrés présente incessamment à cet égard un code simple, précis, dégagé de tout fatras, de toute obscurité, enfin à la portée des administrations et de tous les citoyens. Protection aux patriotes, sévérité envers ceux qui trahisent la République ! ISORE : Je demande, afin qu’on connaisse les réclamants, que la liste de leurs noms soit imprimée à la suite du rapport (2). Après ample discussion, la Convention rend le décret suivant : « Sur un projet de décret du Comité de législation pour le sursis de la vente des biens de ceux qui prétendent avoir été mal à propos compris dans la liste des émigrés, « La Convention renvoie le projet aux Comités de législation, d’aliénation et domaines, et commission des émigrés, pour faire son rapport dans trois jours, le séquestre tenant, sur les propriétés qui ont été réclamées; et cependant sur-seoit à la vente desdits objets. « Décrète que la liste des réclamans sera imprimée à la suite du rapport, et que leurs noms, qualités et demeure y seront mentionnés. « Décrété en outre que la commission des émigrés sera tenue de présenter le 20 floréal son travail sur la révision générale des lois relatives aux émigrés » (3) . (1) J. Sablier, n° 1294. (2) Mon., XX, 367. (3) P.V., XXXVI, 287. Minute de la main de Isoré et Tallien (C 301, pl. 1069, p. 22) . Décret n° 9004. Reproduit dans M.U., XXXIX, 219; Feuille Rép., n° 304. 36 SALLENGROS, au nom du Comité des secours publics : Citoyens, dans le courant du mois d’août dernier (vieux style), le citoyen Vigier, commissaire à l’armement du Nord, requit plusieurs ouvriers de la manufacture nationale d’armes de Maubeuge de se rendre à Arras avec leurs familles, et d’y transporter leurs outils ou ateliers, pour y mettre en état de service les armes qui étaient susceptibles de réparations. Gilles-Vaast CERISIER fut compris dans la réquisition et s’empressa d’obéir. Rendu à Arras avec sa femme et ses enfants, il organisa un atelier de garaisseur, et y travailla, ainsi que sa femme, comme chef d’atelier, jusqu’au 29 frimaire. Il succomba alors à ses pénibles travaux, et y mourut dans le plein exercice de ses fonctions, après plus de trente ans de service dans la manufacture de Maubeuge. Il laisse six enfants en bas âge, puisque l’aîné n’a pas atteint l’âge de 15 ans, et sa veuve reste absolument privée de toute ressource. Elle possédait une maison située à Rousies, près Maubeuge; pendant le blocus de cette place, les Autrichiens l’incendièrent avec les bâtiments en dépendant. Cette femme courageuse a continué, après la mort de son mari, de travailler à la garniture des canons; aujourd’hui cette ressource lui manque, les canons ne se trouvant plus en quantité suffisante dans les ateliers de cette commune pour entretenir tous les ouvriers. Se voyant congédiée, elle a demandé qu’on lui fournit une voiture pour transporter sa boutique à Paris, où elle espérait travailler utilement pour le service de la patrie, et on n’a pu la lui accorder. Ces faits sont attestés par différents certificats joints à la pétition de la citoyenne veuve Cerisier; mais il a paru à votre comité des secours, auquel vous avez renvoyez la pétition, que vous ne laisseriez pas dans la détresse et dans la plus affreuse misère une veuve et six enfants dont le mari et le père a si bien mérité de la patrie qu’il n’a cessé de servir pendant toute sa vie. En conséquence, je suis chargé de vous propo-poser le projet de décret suivant (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SALLENGROS, au nom de] son Comité des secours publics décrète : Art. I. — Les commissaires de la trésorerie nationale tiendront à la disposition du conseil général de la commune d’Arras une somme de trois cents livres, pour être remise, le plus promptement possible à la citoyenne veuve de Gilles Vaast Cerisier, vivant chef d’atelier de garnisseurs de canons de fusils, dit du collège, établi dans cette commune. Art. II. — La Convention nationale renvoie à son comité de salut public la pétition de la citoyenne veuve Cerisier, avec les pièces y jointes, pour mettre en réquisition, s’il le croit avantageux à la chose publique, cette veuve courageuse et ses enfans, avec les outils et atelier qui (1) Mon., XX, 365.