SÉANCE DU 17 PRAIRIAL AN II (5 JUIN 1794) - N° 18 339 18 La société populaire et tous les Montagnards de la commune de Bussang, canton de Thillot, département des Vosges, félicitent la Convention nationale sur ses immortels travaux, et l’invitent à rester à son poste jusqu’au moment où tous les despotes lui demanderont la paix à grands cris et à ses genoux, et qu’elle aura purgé le sol de la liberté et des vertus de tous les monstres qui les déshonorent. « Des mœurs, » législateurs, s’écrient-ils, des mœurs ! faites >» retentir cette maxime dans toute la Républi-» que; déclarez indignes de la confiance pu-» blique les hommes immoraux qui se ven-» droient même à vil prix, si on daignoit les » acheter; faites épurer les autorités constituées. » Les débauchés, les égoïstes ont cela de » commun avec les despotes, ils corrompent et » portent à les imiter; les vrais montagnards, » au contraire, sont inaccessibles à la corrup-» tion, parce qu’ils sont vertueux, mais d’une >» vertu austère et républicaine. » Ils donnent connoissance des dons que cette commune, toute petite qu’elle est, a faits à la patrie depuis la Révolution; ils consistent en 5,515 liv. à différentes époques, 153 liv. 5 s. en numéraire, 11 paires de souliers, 23 paires de bas, 63 livres de charpie et 106 chemises, le tout pour les braves défenseurs. Ils terminent par demander des subsistances. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de salut public (1) . [Bussang, s.d.] (2) . « Législateurs, Les citoyens des Vosges qui habitent le sommet de ces montagnes et qui sont de vrais montagnards de noms et d’effets, vous félicitent sur vos immortels travaux, vous invitent à rester à votre poste jusqu’au moment où tous les despotes humiliés vous demanderont à grands cris la paix. C’est alors que vous serez vraiment grands et que vos noms illustreront les annales de notre siècle. Prévoyez le danger qu’il y aurait à confier à des mains neuves et peut-être corrompues le dépôt sacré de notre liberté. Puisque dans ce moment que vous êtes tout à elle et que vous connaissez les manœuvres tortueuses et criminelles de ses ennemis, ils osent conspirer, mais c’est en vain, ils périront tous, nous l’avons juré avec vous. S’il y a encore quelque Catilina, vous serez tous des Cicerons, voilà notre attente, elle ne sera pas vaine. Le crime fut toujours l’appui des trônes; la vertu, l’amour du bien public sont les soutiens d’une république. Le crime passera et la vertu restera aussi immobile que les rochers de nos montagnes. Des mœurs, Législateurs, des mœurs ! Faites retentir cette maxime dans toute la République. Déclarez indignes de la confiance les immoraux. Ils se vendraient même à vil prix si on daignait les acheter. Faites épurer les autorités constituées. Les débauchés, les égoïstes ont cela de commun avec les despotes, ils corrompent et portent à les imiter. Les vrais montagnards, au contraire, sont inaccessibles à la corruption parce qu’ils sont vertueux, mais d’une vertu austère et républicaine. Aucun sacrifice ne leur coûte lorsqu’il s’agit de servir leur patrie. Les citoyens de Bussang qui habitent un sol ingrat et qui ne sont riches qu’en patriotisme, pourraient servir d’exemple, s’il nous est permis de le dire. Depuis la révolution cette petite commune a fourni 102 hommes qui se sont dévoués volontairement à la défense de la patrie; elle leur a donné à leurs différents départs une somme de 5515 liv. 4 s; elle a fait don à la patrie en différentes époques de 153 liv. 5 s., 11 paires de souliers, 23 paires de bas, 63 livres de charpie et 106 chemises. Nous avons fait volontiers tous ces dons pour notre chère patrie, nous sommes même disposés à les réitérer lorsqu’à la voix de nos représentans, nous saurons qu’elle en a besoin. Mais en reconnaissance de notre bonne volonté, nous vous prions, Législateurs, de jeter sur nous un œil de compassion. Les droits sacrés de l’homme nous disent que nous sommes tous frères. Est-il donc juste que nos voisins jouissent d’une abondance coupable tandis que nous sommes dans la plus affreuse disette ? Vous êtes nos pères, nous sommes vos enfans, pourriez-vous être insensibles à nos maux ? Depuis longtemps nous souffrons sans nous plaindre. L’amour de la liberté nous a fait goûter jusqu’alors des consolations dans nos peines, mais aujourd’hui que nous voyons que nos douleurs ne sont d’aucune utilité publique, que le besoin est plus pressant, que les maladies nous affligent et que nos voisins, enrichis des dons de la liberté insultent orgueilleusement à notre misère, nous ne pouvons plus retenir nos plaintes. Votre collègue, Foussedoire, persuadé de notre nécessité, nous avait accordé un secours de 635 quintaux 70 livres à prendre dans le département de la Haute-Saône; nous n’en avons pu jusqu’alors recevoir que 72, faible secours en comparaison de nos besoins. Par une dernière répartition faite par le district de Libre-Mont, il nous en avait adjugé 30 quintaux, nous avons aussitôt envoyé un voiturier muni de pouvoirs; mais le district de Jussey, sans considérer que temporiser était un crime et qu’un refus était une cruauté, il lui répondit que les greniers étaient vidés et qu’il ne pouvait nous accorder de grain. Voilà, Législateurs, notre situation, nous périssons de fain et de misère, nos voisins oublient que nous sommes des hommes et des républicains. Car le défaut de subsistances ne vient en partie que du défaut de fraternisation. Le nom de frère dans la bouche du riche n’est encore qu’un vain son. L’égoïste préfère s’eni vrer de son abondance que de goûter le doux plaisir de soulager les malheureux. Voilà, Législateurs, les vœux et les besoins de vos frères de la Montagne; écoutez-les, sou-lagez-les, vous sauverez la patrie. » Theveney ( présid.), Parmentier, Dubois, Braison, Philippe, David [et une page de signatures illisibles]. (1) P.V., XXXIX, 37. Bln, 25 prair. (2« suppl‘) et 26 prair. (2e suppl*); Mon., XX, 666. (2) C 306, pl. 1161, p. 8. SÉANCE DU 17 PRAIRIAL AN II (5 JUIN 1794) - N° 18 339 18 La société populaire et tous les Montagnards de la commune de Bussang, canton de Thillot, département des Vosges, félicitent la Convention nationale sur ses immortels travaux, et l’invitent à rester à son poste jusqu’au moment où tous les despotes lui demanderont la paix à grands cris et à ses genoux, et qu’elle aura purgé le sol de la liberté et des vertus de tous les monstres qui les déshonorent. « Des mœurs, » législateurs, s’écrient-ils, des mœurs ! faites >» retentir cette maxime dans toute la Républi-» que; déclarez indignes de la confiance pu-» blique les hommes immoraux qui se ven-» droient même à vil prix, si on daignoit les » acheter; faites épurer les autorités constituées. » Les débauchés, les égoïstes ont cela de » commun avec les despotes, ils corrompent et » portent à les imiter; les vrais montagnards, » au contraire, sont inaccessibles à la corrup-» tion, parce qu’ils sont vertueux, mais d’une >» vertu austère et républicaine. » Ils donnent connoissance des dons que cette commune, toute petite qu’elle est, a faits à la patrie depuis la Révolution; ils consistent en 5,515 liv. à différentes époques, 153 liv. 5 s. en numéraire, 11 paires de souliers, 23 paires de bas, 63 livres de charpie et 106 chemises, le tout pour les braves défenseurs. Ils terminent par demander des subsistances. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de salut public (1) . [Bussang, s.d.] (2) . « Législateurs, Les citoyens des Vosges qui habitent le sommet de ces montagnes et qui sont de vrais montagnards de noms et d’effets, vous félicitent sur vos immortels travaux, vous invitent à rester à votre poste jusqu’au moment où tous les despotes humiliés vous demanderont à grands cris la paix. C’est alors que vous serez vraiment grands et que vos noms illustreront les annales de notre siècle. Prévoyez le danger qu’il y aurait à confier à des mains neuves et peut-être corrompues le dépôt sacré de notre liberté. Puisque dans ce moment que vous êtes tout à elle et que vous connaissez les manœuvres tortueuses et criminelles de ses ennemis, ils osent conspirer, mais c’est en vain, ils périront tous, nous l’avons juré avec vous. S’il y a encore quelque Catilina, vous serez tous des Cicerons, voilà notre attente, elle ne sera pas vaine. Le crime fut toujours l’appui des trônes; la vertu, l’amour du bien public sont les soutiens d’une république. Le crime passera et la vertu restera aussi immobile que les rochers de nos montagnes. Des mœurs, Législateurs, des mœurs ! Faites retentir cette maxime dans toute la République. Déclarez indignes de la confiance les immoraux. Ils se vendraient même à vil prix si on daignait les acheter. Faites épurer les autorités constituées. Les débauchés, les égoïstes ont cela de commun avec les despotes, ils corrompent et portent à les imiter. Les vrais montagnards, au contraire, sont inaccessibles à la corruption parce qu’ils sont vertueux, mais d’une vertu austère et républicaine. Aucun sacrifice ne leur coûte lorsqu’il s’agit de servir leur patrie. Les citoyens de Bussang qui habitent un sol ingrat et qui ne sont riches qu’en patriotisme, pourraient servir d’exemple, s’il nous est permis de le dire. Depuis la révolution cette petite commune a fourni 102 hommes qui se sont dévoués volontairement à la défense de la patrie; elle leur a donné à leurs différents départs une somme de 5515 liv. 4 s; elle a fait don à la patrie en différentes époques de 153 liv. 5 s., 11 paires de souliers, 23 paires de bas, 63 livres de charpie et 106 chemises. Nous avons fait volontiers tous ces dons pour notre chère patrie, nous sommes même disposés à les réitérer lorsqu’à la voix de nos représentans, nous saurons qu’elle en a besoin. Mais en reconnaissance de notre bonne volonté, nous vous prions, Législateurs, de jeter sur nous un œil de compassion. Les droits sacrés de l’homme nous disent que nous sommes tous frères. Est-il donc juste que nos voisins jouissent d’une abondance coupable tandis que nous sommes dans la plus affreuse disette ? Vous êtes nos pères, nous sommes vos enfans, pourriez-vous être insensibles à nos maux ? Depuis longtemps nous souffrons sans nous plaindre. L’amour de la liberté nous a fait goûter jusqu’alors des consolations dans nos peines, mais aujourd’hui que nous voyons que nos douleurs ne sont d’aucune utilité publique, que le besoin est plus pressant, que les maladies nous affligent et que nos voisins, enrichis des dons de la liberté insultent orgueilleusement à notre misère, nous ne pouvons plus retenir nos plaintes. Votre collègue, Foussedoire, persuadé de notre nécessité, nous avait accordé un secours de 635 quintaux 70 livres à prendre dans le département de la Haute-Saône; nous n’en avons pu jusqu’alors recevoir que 72, faible secours en comparaison de nos besoins. Par une dernière répartition faite par le district de Libre-Mont, il nous en avait adjugé 30 quintaux, nous avons aussitôt envoyé un voiturier muni de pouvoirs; mais le district de Jussey, sans considérer que temporiser était un crime et qu’un refus était une cruauté, il lui répondit que les greniers étaient vidés et qu’il ne pouvait nous accorder de grain. Voilà, Législateurs, notre situation, nous périssons de fain et de misère, nos voisins oublient que nous sommes des hommes et des républicains. Car le défaut de subsistances ne vient en partie que du défaut de fraternisation. Le nom de frère dans la bouche du riche n’est encore qu’un vain son. L’égoïste préfère s’eni vrer de son abondance que de goûter le doux plaisir de soulager les malheureux. Voilà, Législateurs, les vœux et les besoins de vos frères de la Montagne; écoutez-les, sou-lagez-les, vous sauverez la patrie. » Theveney ( présid.), Parmentier, Dubois, Braison, Philippe, David [et une page de signatures illisibles]. (1) P.V., XXXIX, 37. Bln, 25 prair. (2« suppl‘) et 26 prair. (2e suppl*); Mon., XX, 666. (2) C 306, pl. 1161, p. 8.