166 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j bases établies par celle du 23 novembre 1790, relative à la contribution foncière-Art. 5. « Le maximum des meubles meublants, dont on pourra être indemnisé, demeure fixé au double du revenu net, sans que néanmoins il puisse excéder une somme de 2,000 livres, les bestiaux et les instruments aratoires exceptés (1). » Suit le texte du rapport de Roger-Ducos, diaprés le document imprimé (2). Rapport et projet de décret sur les obser¬ vations FAITES PAR LE MINISTRE DE L’INTɬ RIEUR RELATIVES A L’EXÉCUTION DE LA LOI DES 27 FÉVRIER ET 14 AOUT 1793 (VIEUX STYLE), CONCERNANT LES INDEMNITÉS A ACCORDER AUX CITOYENS QUI ONT ÉPROUVÉ OU QUI ÉPROUVERONT DES PERTES PAR L’iN-VASION DE L’ENNEMI; PRÉSENTÉS AU NOM DU COMITÉ DES SECOURS PUBLICS PAR LE citoyen <1 Roger'! Ducos, député par le DÉPARTEMENT DES LANDES A LA CONVEN¬ TION nationale. ( Imprimés par ordre de la Convention nationale.) Citoyens, vous avez déclaré au nom de la République, qu’elle indemnisera tous les ci¬ toyens des pertes qu’ils ont éprouvées ou qu’ils éprouveront par l’invasion de l’ennemi sur le territoire français, ou par les démolitions ou coupes qu’exigerait notre défense commune. En proclamant cet engagement national, vous avez montré à tous les peuples la différence des guerres du despotisme avec celles d’un peuple qui se gouverne. Dans celles du despotisme, la gloire et les avantages ne se rapportent qu’aux tyrans ; les ravages et les malheurs en sont tout entiers pour le peuple; au contraire dans les guerres du peuple, la gloire et les avantages deviennent communs à chaque membre de la société; les malheurs en sont réparés à tous ceux qui les ont soufferts. Cependant ce grand acte de loyauté, de la part d’une nation qui fonde son gouvernement sur l’éternelle sagesse, sur la justice, ne devait point porter sur l’arbitraire, ne devait surtout s’exercer qu’en faveur du citoyen fidèle, qui, par son dévouement et son courage, mérite que la patrie vienne à son secours; car celui qui trahit son pays n’en mérite que l’animadversion ; en conséquence, vous décrétâtes, les 27 février et 14 août 1793 (vieux style), un mode juste et régulateur d’après lequel ces sortes de pertes seraient constatées et l’indemnité répartie. Mais, avant cette loi, et dans l’intervalle qui s’écoula jusqu’à ce qu’elle fût terminée, les besoins pressants auxquels l’implacable guerre de nos ennemis avait réduit une partie des ci¬ toyens de nos frontières, vous avaient déter¬ minés à mettre plusieurs sommes à la disposition du ministre de l’intérieur; vous prescrivîtes en (1) Proces-verbaux de la Convention, t. 26, p. 172. (2) Bibliothèque nationale s 11 pages in-8° Le38, n°, 581.; Archives de la�Chambre député ‘�Assemblée nationale, t. 16, p. 21.“ même temps des mesures partielles de réparti¬ tion que les circonstances critiques vous firent adopter pour venir plutôt au secours des ci¬ toyens en souffrance; enfin, l’impossibilité de reporter plus loin votre règlement définitif, à raison des variations qu’ont dû éprouver les fonds dévastés vous décida à décréter, le 19 juillet, que les secours seraient distribués d’après les procès-verbaux dressés antérieure¬ ment à la promulgation, de ce règlement, c’est-à-dire tels que vous aviez précédemment décrété que les pertes seraient constatées. Il est survenu des doutes au ministre de l’in¬ térieur sur l’exécution de ces lois, notamment sur celles des 27 février et 14 août; il vous les a soumis. Vous avez chargé votre comité des secours publics de les méditer, de vous en rendre compte: je viens m’en acquitter en son nom. 1° Le ministre remarque que l’article LV de la loi des 27 février et 14 août porte que chaque district nommera un commissaire qui s’ad¬ joindra à ceux du conseil exécutif, pour procéder tous ensemble aux opérations relatives à son ter¬ ritoire; il ajoute que cet article en suppose un précédent qui aurait enjoint au conseil exécutif de nommer des commissaires; que néanmoins l’article supposé ne se trouve pas dans la loi. 2° Il demande si le mode d’évaluation que la loi prescrit pour les indemnités doit seulement servir pour les dommages effectués depuis le 14 août, ou s’il doit s’appliquer à ceux qui ont eu lieu avant cette époque, même en 1792, lors de l’invasion des ennemis dans les départe¬ ments de la Meuse, de la Moselle, des Ardennes et du Nord. 3° Il ne lui paraît pas que la loi soit aussi claire pour procéder à l’évaluation de la perte éprouvée par le fermier, qu’elle l’est dans l’in¬ térêt du propriétaire; il demande des explica¬ tions sur l’article 10. 4° L’article 11 indiquant la contribution fon¬ cière pour base de la fixation des indemnités à accorder pour les maisons des villes, le mi¬ nistre observe que si la contribution foncière donne aisément le produit annuel de la maison, elle n’en donne pas la valeur, d’où il infère une nouvelle difficulté pour l’exécution de la loi. Il applique la même observation sur l’ar¬ ticle 12, relativement aux fabriques, manufac¬ tures et moulins. Tels sont les doutes proposés par le ministre. Voici les résultats des réflexions de votre comité. A l’égard de l’ article qui ne se trouve pas dans la loi, et qui est supposé enjoindre au conseil exé¬ cutif de nommer des commissaires pour procéder avec ceux des districts à l’évaluation des pertes ou indemnités, le ministre est fondé dans son observation; cependant, il a paru au comité que ce n’est là qu’une omission dans la réim¬ pression des articles qui ont été décrétés à plu¬ sieurs époques, et qu’il est essentiel que la con¬ vention nationale rétablisse. Le 27 février, il fut décrété neuf articles, dont le troisième était ainsi conçu: «Le conseil exécutif enverra sans délai, dans chaque département où l’ennemi a pénétré, deux commissaires pris dans les départements de |1’ intérieur, à. l’effet de dresser procès-verbal des dégâts qui y ont été commis, et constater la perte�que chaque citoyen a faite ». Cet article manque en effet dans la dernière rédaction de la loi qui eut lieu le 14 août; et il (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j K™ emVe 1193 est d’autant plus important de lui redonner l’existence, que le cinquième, rappelé par le ministre, n’aurait pas son entière exécution. La Convention nationale dut se pénétrer d’un grand motif d’équité, lorsqu’elle décréta ces deux articles. En chargeant, par l’article 5, les dis¬ tricts de nommer des commissaires pour cons¬ tater les pertes, il fallait bien balancer l’intérêt personnel et le localiser par d’autres commis¬ saires qui surveillassent celui de la République entière. La République est juste et généreuse; mais elle ne doit pas être lésée. Vous ne deviez pas abandonner aux habitants des localités dévas¬ tées l’exclusive faculté de faire constater et fixer des indemnités immenses, sans que la na¬ tion, qui doit les acquitter, fut représentée aux opérations. Votre prévoyance a même été telle, que vous avez enjoint au conseil exécutif de prendre ses commissaires hors les localités dévastées, hors du cercle des citoyens intéressés. Cet article 3 doit donc être rétabli et exécuté. Le ministre n’a pas paru aussi fondé sur le second doute. Le comité y répond par votre décret du 19 juil¬ let, rendu précisément pour les départements que le ministre désigne. « Ce décret porte que les indemnités seront payées sur la production des procès-verbaux dressés antérieurement à la promulgation de la loi du 27 février précédent, par des experts nommés contradictoirement par les conseils généraux des communes et les directoires de district; lesquels procès-verbaux, après avoir été certifiés fidèles par les conseils généraux: des communes seront, sur l’avis des directoires de district, arrêtés par ceux de dé¬ partement »; et ce premier mode d’appréciation des pertes, vous l’aviez déterminé par trois dé¬ crets des 8 octobre, 27 novembre et 14 février, d’après lesquels un grand nombre de procès-verbaux estimatifs ont été dressés. Il serait impossible, et peut-être plus dispen¬ dieux que profitable à la République, d’entre¬ prendre de nouvelles estimations. La plupart des premières dévastations sont déjà effacées; on a réparé des maisons; on a rétabli des cultures aux dépens des secours qui ont été successivement distribués depuis un an. Il paraît donc plus convenable et plus utile de fixer le ministre sur le décret du 19 juillet, et de ne pas faire remonter l’exécution de celui des 27 février et 14 août, avant l’époque de la promulgation. Vous ne faîtes d’ailleurs que maintenir des opérations que vous aviez ordon¬ nées. Le seul objet à considérer, c’est que l’époque du dommage ne doit pas fixer l’époque de l’exécution de votre dernière loi; car les dom¬ mages qui n’auraient pas été expertés lors de la promulgation de cette loi, d’après le mode déterminé par les précédentes, doivent sans contredit être soumis aux règles prescrites par la dernière loi. Les lois doivent atteindre tout ce qui ne se trouve pas exécuté ou consommé en vertu des lois préexistantes. Le troisième doute que le ministre vous soumet regarde l’évaluation de l’indemnité due au fermier; voici encore les observations du comité. L’article 9 de votre loi fixe l’indemnité du propriétaire sur la proportion de son revenu net porté dans la matrice des rôles et, en outre, les frais d’exploitation et de�semences, sans que cette partie de l’indemnité puisse excéder celle accordée pour le revenu net. L’article 10 veut que le fermier soit indemnisé de la perte qu’il aura éprouvée, sans que néan¬ moins, dans aucun cas, cette indemnité puisse excéder celle du propriétaire, qui toujours, ajoute la loi, sera déterminée par les règles éta¬ blies dans l’ article précédent. Le ministre croit que la mauière la plus simple serait d’évaluer toute la récolte, d’en déduire le prix du bail, et d’envisager la somme restante comme le montant de l’indemnité due au fer¬ mier, pourvu toutefois qu’elle n’excède pas le prix du bail. Le comité, au contraire, a vu que cette mesure, toute simple qu’elle se montre au premier aspect, forcerait l’intention de la loi et les règles im¬ muables de la justice. La loi soumet le fermier à la même base d’éva¬ luation que le propriétaire; il n’y est pas du tout question du prix du bail, mais uniquement de l’évaluation du revenu net, des frais d’ex¬ ploitation etS'de semences, puisque les deux articles 9 et 10 doivent recevoir le même degré d’évaluation. Le propriétaire ne peut donc, dans le cas même de ferme, exiger que le revenu net, ni le fermier, que les frais d’exploitation et de semences, et certes, par ce mode, la nation a bien généreusement satisfait à l’intérêt du fer¬ mier sans blesser celui du propriétaire. Que doit -on au propriétaire? une indemnité juste et non arbitraire. Or, tandis que vous lui en accordez une correspondante aux contribu¬ tions qu’il acquitte, il ne peut prétendre à rien sans injustice, sans compromettre les intérêts de la République. Un bail peut être excessif; mais le proprié¬ taire ne peut se plaindre de la déclaration con¬ signée dans la matrice des rôles, dès qu’il a acquitté les contributions, sans en réclamer d’augmentation; la nation ne doit donc d’autre principal que celui dont le propriétaire a ac¬ quitté le tribut public. Que doit-on au fermier? le prix de son travail et de ses semences; et la loi lui assure l’un et l’autre. Il ne s’agit plus de calculer ces énormes bénéfices qui ont jusqu’ici engraissé les plus forts dépositaires de nos subsistances; il s’agit de concilier l’indemnité avec un acte de géné¬ rosité; il faut indemniser et non prodigaliser Or, � quand l’ouvrier retrouve le salaire de son travail, les frais de ses semailles, il doit être satisfait; et certainement, citoyens vous avez fait un grand avantage au fermier, quand vous lui avez permis d’atteindre à cet égard jusqu’au revenu net du fond affermé, du moins votre comité l’a pensé ainsi. Il vous propose de donner seulement cette explication à votre loi que, dans tous les cas, de ces fortes indemnités, on prendra pour base le revenu net porté dans les matrices des rôles, sans aucune considération pour le prix des baux. Il en est de même à l’égard des maisons des villes, des fabriques, manufactures et moulins : le ministre croit que la base do la contribution foncière peut bien indiquer le produit annuel de la maison, mais non pas la valeur même de la maison; c’est-à-dire qu’il croit que la base décrétée peut préjudicier à l’intérêt du pro¬ priétaire. Mais le devoir du comité a toujours été de considérer l’intérêt de la République, et il s’est dit qu’il ne s’agissait pas d’examiner non plus si la contribution foncière d’une maison, J 68 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fabrique, etc., il s’agit de savoir si la nation est juste, même dans sa générosité. Or, l’affirmative est encore sans difficulté. Quel est le propriétaire qui a pu se plaindre de l’évaluation de son loyer dans la matrice des rôles? Ce n’est pas celui qui aura été taxé d’après une déclaration, une appréciation exacte; ce sera celui dont la taxation plus forte aura mis quelque extrême différence entre son revenu présumé et la valeur inférieure de sa propriété ; mais ce dernier aurait bien moins raison de se plaindre de la base que vous lui assigniez pour son indemnité. Ainsi, citoyens, on ne peut avec fondement repousser la base que vous avez fixée pour éva¬ luer les pertes de toutes les propriétés territoria¬ les; et il est juste que vous la mainteniez pour tous les propriétaires, parce qu’ils en ac¬ quittent les contributions; cette base résulte de la loi du 23 novembre 1790, relative à la con¬ tribution foncière, datée par erreur du 23 sep¬ tembre, dans l’article 11 de celle des 27 février et 14 août 1793. Citoyens, en discutant les observations du ministre, qui se terminent aux développements que je viens de vous soumettre, le comité a remarqué que l’article 15 de la loi des 27 février et 14 août laisse aux commissaires une lati¬ tude indéterminée sur l’évaluation de la perte du mobilier. Cette disposition ne fut peut-être pas assez réfléchie; car elle peut constituer la Képublique en des dépenses excessives et super¬ flues. Il est sûrement dans votre intention de prévenir cet abus; vous ne voulez pas sûrement réparer ces mobiliers splendides qui vous fe¬ raient partager la prodigalité de leurs proprié¬ taires. Eh bien ! le comité vous propose d’y fixer aussi un maximum. Déjà vous en avez fixé un qui ne peut même excéder 2,000 livres sur le même objet, pour les indemnités accordées à raison des pertes occa¬ sionnées par les incendies et autres accidents imprévus; vous ne devez pas avoir une opinion différente pour les dommages soufferts par l’invasion de l’ennemi. Le comité a donc pensé que vous pouviez borner au double du revenu net, et au plus fort aussi à 2,000 livres, la plus forte indemnité du mobilier dans ce dernier cas, en en exceptant toutefois les bestiaux et les instruments aratoires, dont l’indemnité doit être entière. Un républicain doit avoir son nécessaire; mais il doit abjurer la somptuosité. Vous devez princi¬ palement indemniser le pauvre et le cultivateur qui soutiennent le poids de la révolution. Vous atteignez ce but, même par la modification que le comité a arrêtée; vous êtes justes envers tous. J’ajoute cette dernière réflexion bien impor¬ tante : indemniser entièrement c’est attiédir l’intérêt et l’énergie des propriétaires, puisqu'ils n’auraient rien à perdre : les despotes le savent bien; ils n’indemnisent pas. Indemniser avec économie, c’est encourager les vrais républicains qui savent partager les sollicitudes de la patrie; mais c’est dire au ci¬ toyen lâche ou indifférent : « Tu as » pourtant encore à perdre, tu es intéressé à défendre ta « propriété ». Voici le projet de décret que le comité vous propose. PROJET DE DÉCRET. « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité des secours publics, sur les observations faites par le mi¬ nistre de l’intérieur relatives à l’exécution de la loi des 12 février et 14 août 1793 (vieux style), concernant les indemnités à accorder aux ci¬ toyens qui ont éprouvé ou qui éprouveront des pertes par l’invasion de l’ennemi, décrète ce qui suit : Art. 1er. « L’article 3, omis dans la dernière rédaction de la loi des 27 février et 14 août, sera rétabli en ces termes : « Le conseil exécutif enverra sans délai, dans « chaque département où l’ennemi a pénétré, « deux commissaires pris dans les départements « de l’intérieur, à l'effet de dresser procès-verbal « des dégâts qui y ont été commis, et constater « la perte que chaque citoyen aura faite ». Art. 2. « Les indemnités déterminées par des procès-verbaux dressés en conformité des précédentes lois, et antérieurement à la promulgation de celle des 27 février et 14 août, seront acquittées; mais les pertes ou dommages, à quelque époque qu’ils aient été effectués, qui n’auraient pas été constatés avant cette promulgation, le seront d’après le mode prescrit par la dernière loi des 27 février et 14 août. 1 M ' Art. 3. « La Convention nationale, expliquant l’ar¬ ticle 10 de la même loi, décrète que l’indemnité accordée aux fermiers pour les frais d’exploi¬ tation et de semences ne pourra, en aucun cas, excéder l’évaluation du revenu net de l’hé¬ ritage affermé, tel qu’il est porté dans les matri¬ ces des rôles, sans que les prix des baux puissent entrer en considération, ni dans l’intérêt des fermiers, ni dans celui des propriétaires. Art. 4. « La valeur des maisons des villes, des fabri¬ ques, manufactures et moulins, sera également déterminée ainsi qu’il est prescrit dans les ar¬ ticles 11 et 12 de la même loi, et d’après les bases établies par celle du 23 novembre 1790, relative à la contribution foncière. Art. 5. « Le maximum du mobilier dont on pourra être indemnisé demeure fixé au double du re¬ venu net, sans que néanmoins il puisse excéder