108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1790. Ces petits livrets étant ainsi dressés pour toutes sortes de mesures, tant linéaires que solides ou de poids, on les distribuera dans chaque canton six mois avant que les nouvelles ne prennent la jplace des anciennes : ainsi il ne se fera aucun changement brusque; et dans cet intervalle chacun aura tout le temps nécessaire pour connaître parfaitement ou par soi ou par autrui, à quel prix chacune de ces mesures devra répondre. De plus, il sera fait aux dépens du Trésor public un certain nombre de ces mesures qui seront envoyées aux différentes municipalités pour qu’elles soient distribuées gratuitement et d’après la connaissance locale des besoins, à ceux pour qui ce changement occasionnerait des dépenses trop au-dessus de leurs forces. Cela doit paraître juste aux yeux de la nation et c’est ainsi que s’appla-niront toutes les difficultés. L’acquittement des redevances féodales en nature eût peut-être été le seul obstacle véritablement à craindre par la foule de discussions que le changement de mesure eut fait naître entre les seigneurs et les vassaux. On veut même que cette crainte ait arrêté quelques administrateurs au moment d'entreprendre cette réforme. Heureusement cette difficulté ne subsiste plus. Voici donc le projet de décret que je soumets à l’Assemblée. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale désirant faire jouir à jamais la France entière de l’avantage qui doit résulter de l'uniformité des poids et mesures, et voulant que les rapports des anciennes mesures avec les nouvelles soient clairement déterminés et facilement saisis, décrète que Sa Majesté sera suppliée de donner des ordres aux commissaires choisis par elle pour l’établissement des assemblées de départements et de districts afin qu’ils obtiennent de toutes les municipalités comprises dans chaque département et qu’ils rapportent à Paris un modèle parfaitement exact des diflérents poids et mesures élémentaires qui y sont en usage. Décrète ensuite qu’il sera écrit par l’Assemblée nationale une lettre au Parlement d’Angleterre pour l’engager à concourir avec la France à la fixation de l’unité naturelle de mesures et de poids; qu’en conséquence, sous les auspices des deux nations, des commissaires de l’académie des sciences de Paris se réuniront en nombre égal avec les membres choisis de la société royale de Londres, dans le lieu qui sera iugé le plus convenable, pour déterminer à la latitude de 45 degrés la longueur du pendule, et en déduire un modèle invariable pour toutes les mesures et pour les poids ; qu’après cette opération faite avec toute la solennité nécessaire, Sa Majesté sera suppliée de charger l’académie des sciences de fixer avec précision, pour chaque municipalité du royaume, les rapports de leurs anciens poids et mesures avec le nouveau modèle, et de composer ensuite, pour l’usage de chacune de ses municipalités, des livres usuels et élémentaires, où seront indiquées avec clarté toutes ces proportions. Décrète, en outre, que ces livres élémentaires seront adressés à la fois dans toutes les municipalités pour y être répandus avec profusion ; qu’en même temps il sera envoyé à chaque municipalité un certain nombre de nouveaux poids et mesures qui seront distribués gratuitement par elles à ceux que ce changement constituerait dans des dépenses trop fortes; enfin que, six mois seulement après cet envoi, les anciennes mesures seront abolies et seront remplacées par les nouvelles. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’AüTUN. Séance du mercredi 10 mars 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. de Talleyrand, évêque d'Autun, ex-président, annonce que M. l’abbé de Montesquiou, président, se trouvant indisposé, il le remplace au fauteuil. M. de Nompère de Champagny, l’un de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. Il ne se produit aucune réclamation. M. Lanjninais. Vous avez adopté hier cinq articles sur les péages et les minages qui feront partie du décret surl’abolition de la féodalité, et qui prendront placeavantun articlequi porte que ces décrets auront leur exécution du jour de la publication des lettres -patentes du mois de novembre dernier. De là, il résulterait que ceux qui auraient perçu ces droits de péage et de minage, se trouveraient obligés de restituer ce qu’ils auraient reçu depuis ces lettres-patentes. Comme telle n’a pas été sûrement votre intention, je propose d’ajouter que les cinq articles votés hier n’auront d’exécution que du jour de leur publication. (Cette addition est adoptée à ruuanimité.) M. le marquis d’Estourmel, député du Cam - brésis. Je propose d’ajouter deux nouveaux articles à ceux que vous avez déjà décrétés en faveur de la liberté du commerce. Le premier ordonnera que les marchés soient libres à l’avenir, de manière qu’on puisse, lorsqu’on y aura porté des grains, les remporter s’ils ne sont pas vendus ; le second stipulera que les négociants et les bateliers du Cambrésis, ainsi que ceux d’Artois, de Flandre et du Hainaut, pourront charger toute espèce de marchandises, à Condé et même dans les Pays-Bas, sans être soumis à aucun péage pour la navigation sur les rivières et les canaux de ces provinces. (Cette motion est renvoyée au comité d’agriculture et du commerce.) M. Bouche, député d'Aix , expose à l’Assemblée que, suivant l’ancien régime, les consuls et assesseurs d’Aix étaient en même temps chargés de l’administration de la Provence, sous le titre de Procureurs du pays ; mais que, depuis la formation de la nouvelle municipalité, les anciens consuls et assesseurs se regardaient comme dépouillés de ces fonctions ; tandis que, de leur côté, les nouveaux officiers municipaux croyaient que les décrets de l’Assemblée les éloignaient de toute fonction administrative : ce qui, si l’Assemblée différait à s’expliquer sur cet objet, laisserait la Provence sans administration, jusqu’au moment où les départements seraient formés. La réclamation deM. Bouche est accueillie et le décret suivant est rendu : (1) Cette séance est incomplète an Moniteur.