[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �no�mb�næ ' 083 Sur la proposition du même membre [Mon-nel (1)], au nom du même comité, « La Convention nationale décrète que son comité de sûreté générale retirera de dessous les scellés apposés chez le citoyen Basire, les mi¬ nutes de décrets et autres pièces qu’il avait entre les mains comme secrétaire de la Convention, et qu’elles seront déposées de suite au bureau des procès-verbaux (2). Un membre [Bezard (3)], au nom du comité! de législation, propose de décréter, sur la pétition de la citoyenne Jeannet, qu’elle sera autorisée à recevoir, sur sa quittance, une rente viagère assise sur sa tête et celle de son mari, en justi¬ fiant, par une attestation du ministre de la guerre, que le citoyen Jeannet sert dans les armées de la République, et qu’il est à Landeau. Un autre demande l’ajournement jusqu’à ce que la pétitionnaire ait produit l’attestation dont il s’agit. Cette dernière proposition est adoptée (4). Un membre [Piorry (5)] donne lecture d’une lettre d’ingrand, représentant du peuple dans le département de la Vienne. Cette lettre, en faisant part du nombre prodigieux de contre-révolution¬ naires qui sont renfermés dans les prisons de la ville de Poitiers, annonce la nécessité indispen¬ sable d’y établir un tribunal révolutionnaire. La Convention nationale décrète que le comité de Salut public lui fera incessamment son rap¬ port sur les mesures à prendre contre les contre-révolutionnaires de la ville de Poitiers (8). Suit la lettre cV Ingrand, représentant du peuple dans le département de la Vienne (7). Ingrand, représentant du peuple dans le dépar¬ tement de la Vienne, aux représentants du peuple composant la Convention nationale. « Poitiers, le 27 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. La liberté, V égalité ou la mort ! « Citoyens mes collègues, « Votre décret du 14 brumaire, en me donnant des témoignages bien précieux de la confiance de la Convention nationale, m’impose de grandes obligations à remplir, et qui seraient infini¬ ment au-dessus de mes forces si votre indul¬ gence ne suppléait à mon peu de talents, et si (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 9. (3) D’après la minute qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786. Le texte com¬ plet de la proposition ainsi que la demande d’ajour¬ nement sont de la main de Bézard et signés de lui. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 9. (5) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 282, dossier 786, c’est Piorry qui-fit la proposition de décret. (-6) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 10. (7) Archives nationales, carton AFii 152, pla¬ quette 1227, pièce 3. Aulard ; Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 507. un dévouement entier à mes devoirs ne tenait lieu de tout mérite personnel. « Le département de la Vienne me présente d’autant plus de difficultés à vaincre que je suis né sur son territoire, et que l’ancienne maxime : Nul n’est prophète en son pays, peut s’appli¬ quer plus particulièrement à moi qu’à tout autre. Aussi, pour ne laisser aucun prétexte, même à la malveillance, je me suis entouré des mem¬ bres de la Société populaire, des patriotes reconnus purs et fortement attachés aux prin¬ cipes révolutionnaires par mes collègues Ri¬ chard et Choudieu, et comme j’ai perdu mon secrétaire par suite de l’événement qui a man¬ qué nous enlever la vie à l’un et à l’autre à Morterol, j’ai demandé à la Société des sans-cu¬ lottes de Poitiers de m’en choisir un, pris dans son sein, ce qu’elle a fait avec empressement. J’ai arrêté de même, pour mettre toutes mes actions en évidence, que je ne recevrais de réclamations individuelles et personnelles que dans la salle des séances de la Société populaire et en présence du peuple. Cette mesure rendra mes opérations plus utiles, et me préservera de l’égoïsme des importuns, et de la malveillance des hommes injustes. « La commune de Poitiei’s recélait dans ses murs une foule d’hommes suspects et de contre-révolutionnaires. La surveillance des sans-culottes et l’activité du comité révolutionnaire, nommé par Richard et Choudieu, ont mis tous les malveillants hors d’état de nuire. La loi du 17 septembre (vieux style) a été scrupu¬ leusement exécutée, et on m’assure que tous les hommes suspects sont dans les maisons de déten¬ tion. Je suis assailli d’une quantité prodigieuse de réclamations qui me sont adressées chaque jour par les détenus, et que je renvoie au comité révolutionnaire. « J’ai déjà épuré les administrations de deux districts : Châtellerault et Loudun. Plusieurs fonctionnaires ont été provisoirement suspen¬ dus d’après les preuves que les Sociétés popu¬ laires de ces districts m’ont fournies de leur fédé¬ ralisme ou de leur incivisme. Si j’ai trouvé des fonctionnaires capables, partout j’ai trouvé le peuple bon, ami des lois, plein d’énergie, et criant avec transport : Vive la Montagne, vive la Convention nationale, vive la République, guerre aux tyrans et à leurs esclaves, paix aux sans-culottes, aux véritables amis de la liberté et de V égalité. Cet attachement aux principes, de la part du peuple, et ces expressions républi¬ caines ne m’ont pas surpris, mais ce qui m’a véritablement étonné, dans un département où la superstition et le fanatisme avaient fait les plus grands progrès, ça été de voir plusieurs prêtres des districts de Châtellerault, Poitiers et Loudun, m’apporter leurs lettres de clérica-ture et de prêtrise, et demander que ces titres de l’ignorance religieuse et de l’orgueil théo¬ logique fussent livrés aux flammes en expiation de tous les maux qu’ils avaient causés aux hommes. Ces prêtres, qui ne méritent plus ce nom entachant pour eux, ces bons citoyens ont dit qu’ils abjuraient franchement leurs erreurs, qu’ils ne voulaient plus être que des prédi¬ cateurs de la morale universelle, qu’ils s’empres¬ seraient de donner des preuves de leur dévoue¬ ment à la République et aux saints préceptes de la nature en prenant des épouses estimables. Enfin, d’après les progrès de l’esprit public et le développement des principes philanthropi- 584 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J? MwSbwfiîSa ues j’espère que dans peu toutes les communes e ce département s’empresseront de venir apporter sur l’autel de la patrie tous les instru¬ ments de la superstition et de la sottise de nos pères; qu’ enfin tous les saints, toutes les vier¬ ges et tous les ostensoirs et ciboires tomberont bientôt dans le creuset national pour nous servir enfin à quelque chose. « Tout serait tranquille dans ce départe¬ ment, si les subsistances n’étaient pas le pré¬ texte de tous les mouvements et de toutes les inquiétudes. Trois à quatre départements avoisinants celui de la Vienne ont obtenu des réquisitions de grains à prendre sur ce der¬ nier; ces réquisitions ont été données par des représentants qui ignoraient l’état positif des subsistances du département, qui, d’après le recensement de ses grains, a uq déficit consi¬ dérable. Je crois que les réquisitions partielles, à moins qu’elles ne soient pour alimenter les armées, sont du plus grand danger, et qu’il faudrait qu’elles ne fussent faites (à moins de besoins extraordinaires), que d’après le tableau et recensement exact de tous les grains de la République. Je ne dois pas vous dissimuler, mes collègues, que je crois que les subsistances devraient être à l’ordre du jour jusqu’à ce qu’on ait trouvé un moyen efficace de prouver et d’assurer au peuple qu’il aura du pain pour sa consommation annuelle. La malveillance tire un grand parti de l’espèce de disette dont sem¬ blent menacés quelques départements, d’après les demandes et les réclamations qu’ils vien¬ nent faire dans les départements qu’ils croient mieux approvisionnés. Il serait peut-être utile d’empêcher, par un décret, ces réclamations partielles, et d’ordonner que les départements qui ont des besoins, s’adresseront à la Com¬ mission chargée de cette partie administrative, ou au conseil exécutif provisoire. Je crois aussi qu’en général les recensements fournis par les départements sont inexacts, et qu’il serait bien urgent de s’assurer du véritable état des grains dans la République. « Je dois vous dire aussi qu’il existe ici, depuis plusieurs mois, dans les maisons de détention un grand nombre d’hommes prévenus de conspiration contre la République, et accusés du crime de contre-révolution. Les uns sont plus ou moins coupables, mais tous demandent à être jugés, et il me paraît bien difficile qu’ils le soient de longtemps si l’on n’établit à Poitiers un tribunal révolutionnaire pour juger tous ces prévenus. Vous pèserez, dans votre sagesse, toutes ces propositions; comptez sur mon invariable attachement aux principes révolu-tionaires, sur mon entier dévouement à la cause sacrée de la liberté et de l’égalité. <( Vive la République ! Salut et fraternité. « Ingrand, représentant du peuple dans le département de la Vienne. « P. -S. Je viens de recevoir à l’instant une pétition de la Société populaire, et copie d’une lettre de contre-révolutionnaire. Je vous prie de prendre l’une et l’autre en considération; elles nous détermineront sans doute à décréter l’établissement d’un tribunal révolutionnaire à Poitiers (1) » (1) Une copie de cette lettre, collationnée par Ingrand, mais qui ne contient pas le post-scriptum de l’original, existe aux Archives nationales, dans le carton AFn 170, plaquette 1397, p. 26. Pétition de la Société populaire de Poitiers (1). Les amis de la Constitution de 1793, à Ingrand , représentant du peuple dans le département de la Vienne. « Poitiers, 27 brumaire de l’an II de la République, une et indivisible. « Tes collègues Richard et Choudieu n’eurent pas plutôt adopté dans cette ville des mesures salutaires, ils n’eurent pas plutôt établi un comité de surveillance et révolutionnaire que les malveillants se cachèrent d’effroi et n’osèrent de longtemps montrer leurs têtes insolentes et altières. Nous connaissions des coupables, nous nous empressâmes de les dénoncer et d’appeler toute la sévérité des lois sur leurs têtes cri¬ minelles. Déjà trois mois se sont écoulés, nos prisons se sont remplies et le glaive de la loi est immobile. Cependant les membres qui com¬ posent ce comité sont infatigables et ils gé¬ missent avec nous de ne pouvoir envoyer à l’échafaud le royaliste et le contre-révolu¬ tionnaire; en vain ont-ils envoyé les procédures de plusieurs prévenus, soit au tribunal crimi¬ nel de ce département, soit au comité de sû¬ reté générale de la Convention, soit au tribunal révolutionnaire de Paris, soit à la Convention nationale elle-même, la timidité de l’un qui se traîne toujours sur les lois, les grandes occu¬ pations de l’autre qui met de côté pour un temps les affaires partielles pour n’embrasser dans ce moment que des mesures générales, telles sont les causes de l’impunité de quelquc-suns et de l’oubli des autres. « Cependant les ennemis du bien public, en¬ couragés par l’impuissance de nos moyens, com¬ mencent à s’agiter dans les districts de ce dépar¬ tement; non loin de nous on parle de soulève¬ ments au sujet des .subsistances ; les marchés de cette ville ne sont plus approvisionnés et déjà nous craignons de voir s’effectuer une famine factice au milieu de l’abondance, famine prédite par les émigrés depuis plus de dix-huit mois. Aujourd’hui s’est effectué le rassemblement des jeunes gens en réquisition pour former notre contingent des 30.000 hommes de cavalerie. Eh bien ! qu’ont fait les agents de Pitt, Cobourg, etc., ils ont placé, sans être aperçus, entre neuf et dix heures du soir, sur le passage le plus fréquenté par les membres du département une lettre infâme annonçant les nouvelles les plus décourageantes. Nous nous contentons, citoyen représentant, de t’en envoyer copie, tu jugeras quel dangereux effet elle pouvait avoir dans la circonstance. Son adresse à un sans-culotte dont nous attestons tous le ci¬ visme n’échappera pas à ta sagacité; tu seras enfin convaincu qu’il existe encore des traîtres parmi nous, et que nous sommes dépourvus de moyens, et de les punir s’ils nous étaient connus, et de faire tomber la tête de plusieurs autres non moins coupables et qui sont sous notre main. « Tes collègues ont établi, dans plusieurs départements qu’ils ont parcourus, des tri¬ bunaux révolutionnaires. Si tu veux que nous détruisions l’aristocratie dans le nôtre, accorde - nous le même établissement, et nous te jurons d’en arracher la dernière racine. Donne à ceux de nos concitoyens que tu en crois dignes le (1) Archives nationales, carton AFn 152, pla¬ quette 1227, pièce 5.