[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 3 qui en auront la distribution; il en sera de même pour des pensions gratuites au séminaire en faveur des pauvres ecclésiastiques. Art. 32. L’instruction de la jeunesse ayant toujours été la base des vertus sociales et religieuses, Sa Majesté sera suppliée de jeter un regard attentif sur l’état déplorable des collèges, et d’ordonner qu’il soit pourvu à leur prompt rétablissement par les administrations provinciales, de concert avec les seigneurs évêques, et l’on pense qu’il serait avantageux de ne confier l’instruction qu’à des corps permanents, tels que les réguliers, en les assujettissant à la juridiction de l’ordinaire; et alors, pour prévenir l’extinction de ces corps, il serait à désirer, qu’en dérogeant à l’édit qui a fixé à vingt et un ans la profession religieuse, il fût permis de la faire à dix-huit ans ; et, relativement au collège d’Angoulême, Sa Majesté sera suppliée de considérer que depuis l’extinction du corps qui l’administrait, les écoles sont désertes, et les pères de famille obligés d’envoyer à grands frais leurs enfants dans les collèges éloignés. Art. 33. Et attendu qu’en vertu des lettres patentes de François Ier, le collège des études de la ville d’Angoulême avait été érigé en titre d’université, la province désire tenir de Sa Majesté le rétablissement du même privilège, ou l’agrégation du collège d’Angoulême à quelque université. Art. 34- Pour obvier à l’abus qui règne depuis longtemps, de conférer des bénéfices à des sujets dont la vocation pour l’état ecclésiastique n’est pas encore décidée, il sera statué qu’à l’avenir aucune personne ne pourra être pourvue des bénéfices simples et canonicats, sans préalablement être engagée dans les ordres sacrés. Art. 35. Les ordonnances sur la sanctification des fêtes et dimanches, ainsi que les règlements de police relatifs à cet objet, seront renouvelés, pour être exécutés rigoureusement. Art. 36. Enfin ledit ordre du clergé, en considération du sacrifice de ses privilèges pécuniaires, demande que la dette nationale du clergé, qui n’a été faite que pour le bien-de l’Etat, fasse partie de la dette nationale, et qu’il soit maintenu d’ailleurs dans ses honneurs et prérogatives, ainsi que dans le droit de voter par ordre, et celui de préséance dans les assemblées où il sera convoqué ; il demande aussi que les agents généraux du clergé soient/pareillement maintenus dans le droit d’assister aux Etats généraux. Fait, lu, et arrêté en l’assemblée de l’ordre du clergé, tenue en l’église cathédrale, sous la présidence de Monseigneur l’évêque, le 25 mars 1789. CAHIER sommaire des très-humbles remontrances faites et dressées par l’ordre de la noblesse de la province d’Angoumois, en l'assemblée tenue en la ville d’Angoulême les 16, 17, 18, 19, et jours suivants du mois de mars 1789, par ordre du roi , suivant la lettre de Sa Majesté à M. le Sénéchal d' Angoumois, en date du 24 janvier dernier , et de l'ordonnance dudit sieur sénéchal du 14 février, sur le sujet de la convocation des Etats généraux en la ville de Versailles, assignés au Tl avril dudit an, et mises entre lesmains de MM. le marquis de Saint-Simon et le comte de Culent, député s par ladite noblesse pour assister auxdits Etats généraux, et représenter les articles desdites remontrances qui s'ensuivent (1). Art. 1er. Proposeront en premier lieu lesdits dépu-(1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. tés d'adresser de très-humbles remercîments au roi d’avoir bien voulu assembler la nation, et d’assurer Sa Majesté du profond respect, parfaite obéissance et inviolable fidélité de la noblesse de sa province d’Angoumois. Art. 2. Ladite noblesse prescrit à ses députés de ne délibérer que par ordre, avec le veto d’un ordre sur les deux autres, en observant que si la pluralité des députés de l’ordre de la noblesse «tait d’avis de délibérer par tête, ils y accéderont dans le seul cas de la pluralité de voix des députés de la noblesse de France, avec protestations, sans scission. Art. 3. Quoique le droit de la nation de consentir seule les impôts soit authentiquement reconnu par le roi lui-même imprescriptible, cependant les altérations que ce droit a reçues en différents temps, rendent nécessaire et convenable une démarche authentique des Etats généraux à ce sujet ; en conséquence, l’assemblée a arrêté que la première opération des Etats généraux doit être de déclarer tous les impôts, actuellement existants, nuis et caducs, comme ayant été incom-pétemment établis, étendus, ou continués; mais que dans la même séance ils doivent les recréer tous pour le temps seulement de la durée de la présente tenue, avant la fin de laquelle ils pourvoiront aux besoins de l’Etat par les moyens qu’ils jugeront les plus convenables. Ar. 4. Lesdits députés insisteront à ce que la matière de l’impôt et des autres secours nécessaires, tant aux besoins de l’Etat qu’au payement de la dette, quand elle sera jugée, ne soit traitée qu’après la sanction de la charte nationale. Charte nationale. La succession au trône conservée dans l’ordre consacré. La liberté générale et individuelle des citoyens. La liberté de la presse, sous les modifications que les Etats généraux jugeront convenable d’y prescrire. L’abolition absolue des lettres de cachet, tant pour exil que pour emprisonnement; de l’usage dangereux et illégal de toutes commissions particulières pour juger les délits, et de tous les mandats des cours supérieures aux juges inférieurs, connus sous le nom de veniat. Que la foi publique ne puisse, sous aucun prétexte, être violée dans les bureaux de la poste aux lettres. Que l’on assure la périodicité des Etats généraux, dont la première tenue sera indiquée au plus tard dans trois ans, à compter de la fin des Etats prochains, et les autres tenues seront fixées à cinq ans de distance de l’une à l’autre, s’en référant au surplus au vœu général des députés aux Etats généraux. Que l’assemblée prochaine des Etats généraux détermine toutes les précautions à prendre pour assurer l’exercice du pouvoir souverain, dans le cas où il y aurait lieu à la régence, et jusqu’à ce qu’elle ait été déférée par lesdits Etats généraux. Que les députés aux Etats généraux, comme personnes sacrées, ne puissent, sous aucun prétexte, être troublés dans leurs fonctions. Qu’aucun citoyen, occupant un emploi légal, civil ou militaire, ne puisse être destitué que par ses juges naturels. Que tout citoyen accusé par le ministère public, et renvoyé absous, ait droit à une indemnité qui sera payée par l’Etat. Qu’aucune loi générale ne puisse avoir lieu qu’autant qu’elle aura été consentie ou propo- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.l sée par les Etats généraux, et sanctionnée par le roi, pour être incontinent transcrite sur les registres des cours, sans vérification, publiée et affichée Que nul impôt, emprunt, création ou suppression d’offices ne puisse avoir lieu sans le consentement des Etats généraux. Que les ministres soient responsables envers la nation des fonds qui leur seront confiés pour leurs départements, et des abus de leur administration. Lesdits députés proposeront aux Etats généraux d’autoriser particulièrement le ministère public à poursuivre les ministres prévaricateurs dans l’intervalle d’une tenue à l’autre. Administration. Art. 5. Les députés aux Etats généraux donneront la plus sérieuse attention au travail nécessaire pour constater la dette, par l’examen le plus approfondi de sa légalité ou illégalité, et ne consentiront à la payer qu’après en avoir reconnu la possibilité, sans trop nuire à la fortune publique, et en y faisant contribuer les créanciers de l’Etat et tous capitalistes, comme les propriétaires des terres. Art. 6. L’ordre dans les finances étant une précaution essentielle pour prévenir les abus, les députés proposeront d’établir deux caisses, l’une sous le nom de caisse des revenus du roi, dans laquelle seront versés les fonds nécessaires à la dépense de la maison de Sa Majesté; l’autre sous la dénomination de caisse nationale, pour les revenus de l’Etat destinés à la dépense des différents départements. Art. 7. Les trésoriers de la caisse nationale, ainsi que tous les autres trésoriers publics, seront tenus de rendre compte aux Etats généraux et de fournir chaque année des états de la situation de leur caisse, qui seront rendus publics par la voie de l’impression. Art. 8. Les députés représenteront aux Etats généraux l’avantage qui résulterait pour la province d’Angoumois de l’établissement d’Etats provinciaux particuliers et indépendants de tous autres. Cette province contient quatre cent soixante paroisses, et une population de deux cent soixante mille habitants, et elle paye une contribution de près de cinq millions sous diverses dénominations. Les Etats provinciaux lui assureraient un régime plus éclairé, une répartition plus égale, et lui donneraient l’espoir bien fondé de toutes les améliorations dont elle peut être susceptible. L es députés insisteront d’autant plus sur cette demande, que de temps immémorial le haut An-goumois éprouve l’inconvénient de son union avec le Limousin, par le peu de part qu’il a dans la distribution du moins impose, annuellement accordée sur les tailles, et dans toutes les autres diminutions accordées à la généralité, par la lenteur avec laquelle on travaille à la confection de ses routes, tandis que les impôts que cette partie de la province paye à ce titre sont presque entièrement portés et consommés dans le Limousin. Ils représenteront également l’inconvénient qu’il y aurait à unir cette province avec toute autre, parce qu’étant toujours éloignée du centre des délibérations, et toujours assurée de la minorité de voix, elle éprouverait avec toutes le même désavantage qu’elle a eu avec le Limousin. Mais si, par des raisons que l’on ne peut prévoir, il n’était accordé d’Etats particuliers à aucune province de même population et de même représentation que l’Angoumois, dans ce seul cas, l’Angoumois préférerait sa réunion à la Sain-tonge, plutôt qu’à toute autre province. Impôts. Art. 9. Les députés représenteront aux Etats généraux que l’Angoumois paye des impôts réels, qui sont la capitation, les vingtièmes, tailles et accessoires, sur des évaluations différentes ; de manière que la même propriété a une évaluation pour l’assiette de la taille, et une autre pour l’assiette des vingtièmes ; ils observeront que la capitation noble est absolument arbitraire et excessive ; la fixation en est déterminée par l’opinion ue les personnes chargéés de ce travail prennent e la fortune des gentilshommes sur des renseignements secrets, souvent suspects et toujours incertains. Ils observeront aussi qu’il demeure entre les mains des intendants une somme considérable, sous la dénomination de fonds libres , destinés à soulager ceux qui, par des pertes de récoltes ou malheurs particuliers, ne sauraient payer leurs impositions. Les modérations accordées n’en consomment qu’une faible partie. L’emploi du surplus est inconnu, et certainement inutile à la province. Il paraît donc de l’intérêt général du royaume, comme de l’intérêt particulier de l’Angoumois, de solliciter la suppression des capitations, vingtièmes, tailles et accessoires, dont le remplacement sera fait par un impôt unique. Art. 10. II est aussi juste que raisonnable que la répartition soit également faite sur toutes les provinces du royaume, en raison de leurs facultés. Les Etats généraux périodiques et successifs s’occuperont sans doute des moyens de parvenir à cette parfaite égalité ; et pour s’en éloigner le moins possible dans un moment aussi pressé, on croit que la base qui présente le moins d’erreurs, est celle qui sert actuellement à l’assiette des vingtièmes de tout le royaume. Les députés insisteront sur ce que ce moyen d’asseoir l’impôt soit provisoirement employé de préférence à tous autres, sans cependant qu’à la faveur des abonnements abusifs, il puisse y avoir d’inégalité frappante dans la répartition. Art. 11. Chaque propriété sera imposée dans le lieu de sa situation, et la taxe ne pourra, sous aucuns prétextes, être distraite d’un rôle et rapportée sur un autre ; par là, on préviendra toute erreur, omission, double emploi, et tous les autres inconvénients qui apportent nécessairement la confusion et l’inégalité dans la manière de répartir les impôts. Art 12. Les députés feront, tant au greffe du conseil que partout ailleurs, les recherches nécessaires pour constater que l’Angoumois est surchargé d’impôts, comparativement à ceux que payent les provinces voisines ; cette surcharge a pour cause principale la distraction d’un grand nombre de paroisses dont on a formé ou augmenté la généralité de la Rochelle, sans avoir diminué l’impôt en proportion. Art. 13. Le sacrifice momentané des privilèges pécuniaires ne coûtera rien à la noblesse d’Angoumois, lorsqu’il sera le vœu de Messieurs lesdé-putésde l’ordre de lanoblessedu royaume aux Etats généraux ; et seront tous les autres droits, privilèges et prérogatives de l’ordre de la noblesse-conservés. Art. 14. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d’agréer qu’aucùne charge ne puisse dorénavant conférer la noblesse, et qu’elle ne soit accordée qu’à ceux présentés par les Etats pro- 5 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] vinciaux pour de grands services rendus à leur pays, ou par des actions d’éclat faites à la guerre, d’après la présentation du général de l’armée ; sans préjudice au droit des titulaires actuels qui ont acquis leurs charges dans la confiance qu’elles leur conféreraient la noblesse. Art. 15. Ils demanderont aussi que les emplois militaires ne soient à l’avenir conférés qu’à ceux qui auront la noblesse acquise et transmissible. Art. 16. Ils observeront que, pour ne point décourager l’agriculture par un impôt trop considérable sur les terres, il serait à propos d’en rejeter une partie sur les droits d’entrée, auxquels seraient seulement assujettis les objets de consommation tenant au luxe, tels que les vins étrangers, liqueurs, sucre, cafés, épiceries, matériaux de construction, etc., etc. Les droits perçus sur ces objets seraient en grande partie supportés par les étrangers et les domiciliés opulents. La surveillance et l’administration en seraient confiées aux Etats provinciaux, comme celle de tous les autres impôts. Art. 17. Les députés demanderont la suppression entière et absolue des aides , comme l’impôt le plus désastreux, le plus vexatoire, le plus décourageant pour l’agriculture, le plus nuisible à la liberté des citoyens. La noblesse réclame depuis quarante ans contre cette inquisition humiliante pour tous, et flétrissante pour elle , et ses réclamations sont encore infructueuses. Il en est de même des droits réservés, perçus dans les gros lieux, désignés sous le nom des petites villes et bourgades, et sur tous les hameaux compris dans le même mandement des tailles ; ces derniers droits ont égalé le montant de l’imposition principale des cultivateurs de la dernière classe. On ne peut voir sans indignation les amendes prononcées en cas de contraventions, et le prix des transactions, arrachées à la faiblesse et commandées par la crainte, tourner au profit des fermiers généraux et de leurs employés. Le roi, afferme des droits, et non des vexations ruineuses. Art. 18. Les droits de contrôle, d’insinuation, centième denier, établis dans le principe sous une apparence de bien public, sont devenus un prétexte de vexations contraires à la liberté et à la propriété des citoyens. Ces droits, qui n’ont point été consentis par la nation, sont fixés sans proportion par des tarifs, et ont été amplifiés de toutes les manières par une foule d’arrêts et de décisions du conseil, qui n’ont eu aucune sanction, même par de simples lettres des ministres des finances. Les commis à la perception de ces droits se permettent de violer la foi publique du dépôt dans les études des notaires, même pour les testaments des personnes vivantes, et de forcer par des amendes les citoyens à représenter des actes privés qui contiennent le secret des familles. Pour multiplier les amendes et doubles droits, on a imaginé des contraventions, sous prétexte de fausses estimations des immeubles, tandis que les droits de centième denier doivent être perçus d’après le prix énoncé aux actes, ou une estimation faite de gré à gré ou par experts. Les députés, pour couper racine à toutes ,ces vexations, requerront que, si les besoins de l’État exigent que ces sortes d’impôts indirects soient continués, il soit dressé, pour la perception, des tarifs simples, dont la connaissance soit facile, et qui ne donnent plus lieu à l’arbitraire, ni de prétexte à la violation du secret des familles. Ils requerront surtout que la connaissance des contestations qui pourront s’élever entre les commis à la perception et les contribuables, soit attribuée aux juges royaux dans chaque province, pour être jugées sommairement et en dernier ressort ; l’ordre de la juridiction établie pour ces matières n’étant nullement à la portée des habitants des provinces, dont la plupart n’ont aucun des moyens nécessaires pour y parvenir. Administration de la justice. Art. 19. La vénalité des charges pouvant introduire dans les tribunaux des personnes que l’opinion publique proscrit, et que l’honnêteté désavoue , il est de l’intérêt général d’abolir ce moyen odieux de donner des juges aux citoyens ; ces places honorables doivent être décernées au mérite et à l’instruction nécessaire pour les remplir, et il devrait y être pourvu par les États provinciaux, qui présenteraient au roi un nombre de sujets déterminé. Les appointements doivent être fixes et suffisants, et il doit être défendu à tous juges de rien recevoir des parties, directement ni indirectement, même sous prétexte de rétribution au secrétaire. Art. 20. Les députés observeront que le centième denier imposé sur plusieurs offices est inégalement réparti ; ils en solliciteront la suppression ; et dans le cas où l’impôt serait jugé indispensable, ils demanderont que tous les officiers de cours souveraines, et autres qui en ont été dispensés jusqu’à présent, y soient assujettis. Art. 21. La trop grande étendue du ressort de quelques cours souveraines constitue les citoyens dans une dépense ruineuse; il est essentiel de rapprocher la justice des justiciables, en créant de nouveaux tribunaux souverains où il sera jugé nécessaire, et en augmentant la compétence des présidiaux. Art. 22. Il est important que les Codes civil et criminel soient réformés de manière que la loi soit plus analogue à nos mœurs, que la procédure soit moins longue, les frais diminués, les accusés mieux défendus, et la peine toujours proportionnée au délit. Art. 23. Que le nombre des procureurs et huissiers dans les justices royales soit considérablement diminué, parce que leur multiplicité produit nécessairement la quantité et la prolongation des procès, tout homme voulant trouver dans l’état qu’il a embrassé au moins sa subsistance, s’il n’y trouve pas l’augmentation de sa fortune. Art. 24. Que les procureurs et huissiers soient, par le même motif, réduits dans les justices seigneuriales, à raison de l’étendue et de l’importance de leur ressort. Les offices de notaires et sergents royaux, trop multipliés dans les campagnes, seront également réduits à une juste proportion, parce que leur trop grand nombre excite entre eux une jalousie toujours active, dont le malheureux cultivateur est ordinairement la victime. Art. 25. Que les huissiers priseurs soient supprimés, comme une charge publique superflue, généralement odieuse, comme portant une atteinte manifeste aux droits des justices seigneuriales, et empêchant une infinité d’actes qui seraient utiles aux familles, à cause des frais de leur transport et de leur présence, qui excèdent souvent la valeur des choses qu’il faudrait soumettre à leur ministère; leur service même n’est souvent que fictif, et n’en est pas moins onéreux au public, puisqu’ils en composent pour de l’argent avec des officiers qui sont sur les lieux, et qui se font A [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] payer des droits qui reviendraient à ces huissiers. Art. 26. Des réclamations réitérées, et trop justifiées par l’expérience, ont montré que le délai de deux mois, fixé par l’édit des hypothèques en faveur des créanciers, n’était pas suffisant ; il sera demandé de l’étendre à six mois. Art. 27. Les prisons sont actuellement dans un état qui est à la fois inhumain et indécent ; le crime et l’infortune y sont également confondus, et le mélange de tous les individus des deux sexes y devient une école publique de désordres en tout genre. , Art. 28. Les Etats généraux seront invités à examiner si les évocations, attributions, cassations, committimus, arrêts de surséances, et lettres de répit, n’entraînent que des abus qui doivent engager aies restreindre ou à les supprimer. Art. 29. Qu’il soit ordonné par une loi précise qu’on établira dans chaque sénéchaussée principale et secondaire un dépôt public, où seront remises les minutes des actes des notaires, tant royaux que seigneuriaux, et que cette remise soit faite par les héritiers desdits notaires après la mort des titulaires, et dans un court délai, sauf l’indemnité légitime due aux héritiers. Un semblable dépôt est établi depuis plusieurs années à Angoulême : toute la province en reconnaît l’utilité ; il ne reste, pour la perfection de cet établissement vraiment essentiel, que d’v assujettir les notaires des justices seigneuriales , et d’obliger tous les notaires de tenir un double répertoire de leurs actes, coté et paraphé par le juge, dont un sera déposé chaque année au dépôt public destiné pour les actes notariés. Il est également utile et intéressant de prendre les mêmes précautions pour la sûreté des greffes des justices seigneuriales, qui sont dans le plus grand désordre. Art. 30. La régie actuelle des domaines do roi étant infiniment dispendieuse, et le produit net presque anéanti, il paraît essentiel de les aliéner our l’acquittement des dettes de l’Etat. Les forêts u roi devant nécessairement être conservées, il importe qu’elles soient à l’avenir surveillées avec plus de soin et à moindres frais. Les Etats provinciaux doivent être chargés de cette administration, et le contentieux doit en être attribué à la justice ordinaire. Art. 31. Les Etats généraux détermineront, d’a-prês les possibilités jugées, le temps et la forme des remboursements de tous les offices qui auront été supprimés, et les Etats provinciaux seront respectivement chargés d’acquitter annuellement l’intérêt de ces finances jusqu’au remboursement effectif. Objets divers. Art. 32. La loi ayant inutilement pourvu aux soins que l’humanité prescrit pour la conservation et l’éducation des enfants trouvés, la négligence barbare avec laquelle on s’en est occupé jusqu’à présent, déterminera sans doute les Etats généraux à soumettre cet objet important au zèle et à la vigilance des Etats provinciaux. Art. 33. L’énormité des impôts et la misère extrême du peuple semblent demander que, pour lui ménager tous les moments de travail si nécessaires à sa subsistance, on réduise le nombre des fêtes à celui qu’exige indispensablement la sainteté et la majesté du culte. Art. 34. La caisse des économats, si funeste aux héritiers des bénéficiers, et si peu fructueuse pour l’Etat, mérite l’attention des Etats généraux, soit pour la supprimer ou en corriger le régime, soit pour la bonifier. Pour en rendre la destination plus utile, ne pourrait-on pas y verser les sommes considérables annuellement exportées pour les expéditions en cour de Rome ? Art. 35. Si, dans une administration bien ordonnée, l’économie est le plus grand et le plus sûr des moyens d’amélioration, combien ne devient-elle pas plus nécessaire encore lorsque le désordre dans les finances menace l’Etat d’une ruine prochaine ; Il est donc indispensable de supplier Sa Majesté de consommer l’exécution du louable et généreux projet qu’elle a formé de diminuer, autant qu’il sera possible, sans nuire à la splendeur du trône, la dépense de sa maison, et de supprimer toutes les places inutiles et sans fonctions. Art. 36. Sa Majesté sera également suppliée de réduire, autant que sa sagesse le jugera nécessaire dans les circonstances actuelles, toutes les pensions au-dessus de 1,200 livres, celles qui sont au-dessous ne devantêtre considérées que comme pensions alimentaires. Art. 37. Sa Majesté sera aussi suppliée de n’accorder à l’avenir aucunes survivances aux emplois, places et dignités ecclésiastiques, militaires, ou civiles. Il est injuste que la récompense précède le service. Art. 38. Les députés observeront également le danger qu’il y aurait d’accumuler sur la même personne des dons ou pensions, gratifications et emplois; cette observation est d’autant plus importante, qu’il en résultera deux avantages inappréciables : celui de pouvoir récompenser tous ceux qui auront bien mérité de la patrie, et celui de diminuer ou du moins de ne pas augmenter inutilement les charges du peuple. Art. 39. La plupart des bénéfices présente les mêmes inconvénients, et leur distribution doit être assujettie aux mêmes principes. Art. 40. Pour montrer à la nation entière la justice de Sa Majesté, et pour exciter en même temps l’émulation dans tous les ordres, les députés demanderont qu’il soit annuellement publié, par la voie de l’impression, un état nominatif et motivé de tous les dons, pensions et gratifications existants à l’époque de la publication. Art. 41. En suivant les mêmes principes d’économie, on ne peut s’empêcher de reconnaître l’inutilité des receveurs généraux et particuliers des finances, et d’en demander la suppression. Les trésoriers particuliers des Etats provinciaux, seraient chargés de verser directement, et sans frais, dans la caisse nationale. Art. 42. La liberté étant l’âme du commerce, on doit d’autant plus s’occuper de la lui procurer, que c’est à lui que nous devons nos jouissances et les richesses qui donnent à un Etat la supériorité sur un autre. Il paraît donc nécessaire de supprimer toutes les entraves et les gênes qui lui viennent des droits perçus dans l’intérieur du royaume, tels que les droits sur les fers, les cuirs, les* papiers, et tous les droits qui rendent une province étrangère à l’autre, et de renvoyer tous les droits de traites aux frontières du royaume. Art. 43. Les députés solliciteront particulièrement l’anéantissement des droits connus sous le nom de traites de Charente , qui sont perçus sur les vins et eaux-de-vie d’Angoumois. Art. 44. Il ne paraît pas moins utile pour le commerce et pour les citoyens en général d’encourager la circulation de l’argent, en autorisant par une loi la perception de l’intérêt à cinq pour cent, avec les retenues légales, sur le prêt pur et simple, par billets et obligations. 7 [Etats gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d'Angoumois.] Art, 45. D’après le nouveau plan d’administration proposé par Sa Majesté et demandé avec empressement par la nation, chaque citoyen devra s’occuper à l’avenir de la chose publique. L’éducation nationale devient donc plus intéressante qu’elle ne le fut jamais. Les Etats généraux seront sollicités de rechercher les moyens les plus propres à perfectionner cette branche importante dè l’administration, tant par la réforme de l’enseignement que par le choix des personnes auxquelles il devra être confié. Art. 46. Les établissements de l’École militaire et de Saint-Cyr, et autres faits-en faveur de la noblesse indigente du royaume, doivent tourner au profit de toutes les provinces. Il serait donc juste de répartir le nombre des élèves en raison de la population de chacune. Cette répartition faite, il paraîtrait convenable de s’en rapporter, pour la présentation des sujets, à la partie des Etats provinciaux qui représentera la noblesse. Art. 47. Les chapitres établis en faveur des demoiselles nobles et indigentes, sont un avantage dont jouissent depuis longtemps plusieurs provinces septentrionales; il serait juste d’étendre ce bienfait sur tout le royaume. On le peut facilement en affectant à ces établissements les revenus des bénéfices inutiles, et dont les fonctions n’ont plus d’objets subsistants. La province d’An-goumois, plus que toute autre, a besoin de cette ressource, la noblesse pauvre y étant si multipliée, qu’il est impossible de donner un état à une infinité de demoiselles. Les députés solliciteront avec empressement un établissement aussi précieux, qui ne ferait que ramener à leur véritable destination les revenus de ces bénéfices. Art. 48. Ils demanderont également que les Etats provinciaux soient chargés de veiller à l’administration et à l’emploi des deniers patrimoniaux des villes. Art. 49. Les députés exposeront que l’office de lieutenant des maréchaux de France, qui donne le droit de juger la noblesse sur le point d’honneur, n’est pas de nature à être vénal, moins encore que tout autre office, la noblesse ne pouvant et ne devant être jugée que par ses pairs : et ils demanderont expressément qu’il ne soit accordé qu’au mérite, à la naissance et au service militaire réunis. Art. 50. L’utilité des grandes routes est généralement reconnue; mais leur extrême largeur dans certaines provinces est également nuisible P la solidité de leur construction, à la facilité de leur entretien, à l’intérêt des citoyens dont elle détruit inutilement la propriété. Il sera sollicité une nouvelle loi qui détermine une largeur uniforme pour toutes les routes principales du royaume, et une largeur moindre pour les routes de communication, qui assure également le payement du terrain des particuliers avant l’ouverture du chemin. Art. 51. Les députés représenteront aux Etats généraux le danger qu’il y aurait à laisser subsister des lieux de refuge qui, presque toujours, conlre l’intérêt des mœurs et du commerce, mettent les débiteurs de mauvaise foi à l’abri des poursuites de leurs créanciers. Ils observeront également combien il serait essentiel de réprimer par une loi sévère la cupidité des marchands qui, abusant de l’inexpérience et de la légèreté de la jeunesse, hâtent par leur perfide facilité .la ruine des fils de famille. H ne s’agit que de renouveler les dispositions de règlements qui déclarent nuis toutes lettres de change ou billets consentis par les mineurs sans le consentement par écrit de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs, et d’en maintenir l’exécutiou. Art 52. Les députés demanderont que les lois contre les banqueroutiers et les usuriers soient remises en vigueur. Art 53. Vu l’impossibilité où se trouvent beaucoup de gentilshommes sans fortune de placer leurs enfants au service, il sera pourvu à ce que chaque grade militaire ait des appointements assez considérables pour fournir de quoi vivre convenablement à ceux qui en seront pourvus, sans avoir besoin de secours de leurs parents. Art 54. Les députés aux Etats généraux seront chargés de solliciter le rétablissement du tribunal héraldique, qui, sous la présidence des maréchaux de France, connaîtra seul des contestations qui s’élèveront sur l’état de la noblesse ; qu’il sera établi, sous la surveillance de ce tribunal, un dépôt d’archives où les titres des familles nobles seront enregistrés : au moyen de cet utile établissement qui existe dans tous les royaumes de l’Europe, et avait lieu autrefois en France, on ne sera plus obligé de faire autant de preuves qu’on a de demandes particulières à former. L’inconvénient, disons même le danger où la noblesse est actuellement exposée de n’avoir pour juge supérieur de son état politique qu’un seul homme, dont les travaux excèdent d’ailleurs les forces physiques et morales, n’existera plus, et elle n’aura point à craindre les décisions arbitraires, les préventions qui obsèdent un généalogiste, et dont un tribunal seul peut se garantir. Art 55. Lesdits députés demanderont l’établissement d’un juge de paix dans chaque paroisse des campagnes, lequel sera choisi par la commune, et amovible tous les trois ans, avec facilité de le continuer, dont les pouvoirs seront fixés par les Etats généraux, et le ministère sera purement gratuit. Art 56. Lesdits députés représenteront que le sort des curés et vicaires à .portion congrue devant être amélioré, il paraîtrait naturel de leur procurer cet avantage, en prenant sur le revenu des cures dont le produit excède l’honorable entretien du pasteur, et subsidiairement par la réunion de bénéfices simples, et qui n’exigent point de résidence. Fait et arrêté en l’assemblée de l’ordre de la noblesse, tenue àAngoulême par ordre du roi, les 16, 17,18, 19 et jours suivants du mois de mars 1789. Signé Le comte de Gherval, Sénéchal, comte Bertrand de La Laurencie, le marquis de Glmuvron, le comte de Jarnac, S. Simon, Regnaud de la Sourdière, le comte de Broglie, Ghérade, comte do Montbron, Lageard, de Jean de Jauvelle, de Lambert, Gussol d’Ures, comte de Montausier, Valleteau de Gbambresy, Arnauld de Ronsenac, le marquis de Regnaud de la Sourdière, Perrier de Gurat, et de Chance!, secrétaire. Ensuite est écrit : « Déposé au greffe de la «'sénéchaussée et siège présidial d’Angoumois, le « premier avril 1789. Signé Resnier ». CAHIER du tiers-état , des sénéchaussées principale et secondaire d’Angoumois , aux Etats généraux (1), remis à Messieurs Augier, négociant à Cognac; Roi, avocat à Angoulême ; Marchais , assesseur à la Rochefoucault ; Dulimbert , procureur du roi , à Confolens. Aujourd’hui, 21 mars 1789, en l’assemblée de tous les députés du ressort des sénéchaussées (1) Nous publions ce cahier d’après pu imprimé delà, Bibliothèque du Sénat,