SÉNÉCHAUSSÉE DE DAX OU DES LANNES. CAHIER De remontrances , plaintes et doléances du clergé (1). Les ecclésiastiques de la sénéchaussée des Lannes rendent de très-humbles actions de grâces à Dieu des regards de miséricorde qu'il a bien voulu jeter sur la nation française. Après avoir appesanti son bras sur la France en la livrant aux inquiétudes désespérantes que le mauvais état des finances, les fléaux, les calamités, le trouble et l’agitation des esprits semblaient autoriser, la divine Providence vient de nous rassurer en inspirant au Roi de repousser loin du trône les séductions du pouvoir absolu pour s’entourer de ses sujets, les rappeler tous à la régénération de la chose publique, et ne régner sur eux que par l’amour, la confiance et la persuasion. Quoi de plus propre à rendre à la nation son énergie, à rétablir entre les trois ordres cette concorde, ce concert d’efforts, cette réciprocité de sacrifices, desquels dépend le bonheur de tous ? Les ecclésiastiques de la sénéchaussée des Lan-snes, ministres d’une religion sainte, qui sait mesurer toute l’étendue des droits du citoyen envers la patrie, s’empressent de porter au pied du trône leurs vœux pour le monarque bienfaisant qui l’occupe , et les très-humbles remontrances , plaintes et doléances et avis, qui leur paraissent propres à réformer les abus , à régénérer ce royaume, et à le rétablir dans son ancienne splendeur. Art. 1er. — De la reliqion et des objets qui y ont rapport. La monarchie française doit son établissement, elle doit ses jours de splendeur et de gloire à la religion catholique, apostolique et romaine. C’est sur cette religion qu’elle repose depuis près de quatorze siècles. A-t-elle été ébranlée par des schismes, par des hérésies, l’édifice qu’elle soutenait a éprouvé des secousses qui ont presque causé sa ruine : l’unité du culte, voilà le centre qui réunit, sous une législation uniforme, les citoyens d’un même Etat. En conséquence, le clergé de la sénéchaussée des Lannes supplie Sa Majesté de répondre favorablement aux remontrances que la dernière assemblée générale du clergé lui a adressées sur l’édit concernant les non catholiques, et il demande des lois propres à empêcher toute autre espèce de culte public que celui de la religion catholique, apostolique et romaine. Ce n’est pas seulement sur les restes d’une erreur qui, dans les derniers siècles, déchira le sein de l’Eglise, que le clergé de la sénéchaussée des Lannes doit porter ses alarmes aux pieds du trône. Une secte impie et audacieuse, qui décore sa fausse sagesse du nom de philosophie, paraît acharnée à éteindre toute confiance. En voulant renverser les autels, elle a tenté d’ébranler le trône. La corruption de ses principes entraîne la corruption des mœurs, et précipitera la nation (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. dans l’anarchie et l’indépendance, si le gouvernement ne s’empresse d’opposer à ce torrent destructeur les digues les plus fortes. Le clergé de la sénéchaussée supplie Sa Majesté d’exciter, par les règlements les plus pressants, la vigilance de ses cours de justice contre les écrivains qui attaqueront la religion, les mœurs et le gouvernement. Qu’il soit enjoint au ministère public de ne pas borner ses fonctions à la simple formalité de déférer un livre qui contiendra des principes erronés et licencieux, et d’en requérir la flétrissure, mais de faire informer, par toutes les voies de droit, même celle du monitoire, contre l’auteur, les imprimeurs, libraires et détenteurs. Ledit clergé représente que le gouvernement ne peut se promettre de délivrer la France du fléau qui la désole, qu’en décernant les peines les plus sévères contre les auteurs des mauvais livres ; qu’en déclarant incapables de toutes charges, places dans les académies, les collèges et ' les universités, les auteurs qui auront été convaincus d’avoir écrit contre la religion, les mœurs ou le gouvernement; quelque solennelle que soit la rétractation de la part desdits auteurs, elle ne suffira pas pour les rendre habiles auxdites charges , lorsque les principes qu’ils auront répandus dans leurs ouvrages seront si ouvertement opposés à ceux de la religion, aux bonnes mœurs et au gouvernement, qu’il ne soit pas possible d’attribuer leur erreur à l’ignorance et à la précipitation, et de supposer lesdits auteurs de bonne foi, lorsqu’ils ont écrit que la liberté indéfinie de la presse ouvrirait la porte à un torrent de mauvais livres, si les règlements de. police sur la librairie n’étaient pas maintenus et exactement observés à l’égard des colporteurs. Qu’il serait à désirer que Sa Majesté voulût bien ordonner, conformément aux Etats de Blois, qu’aucun livre sur la religion ne fût imprimé et vendu sans avoir été approuvé par l’évêque diocésain ou ses vicaires généraux dans les villes où il n’y a ni censeurs royaux, ni faculté de théologie! Qu’aucun marchand colporteur ne peut exposer en vente des livres dans les villes ou bourgs du royaume sans en avoir présenté la liste à l’évêque diocésain dans les villes épiscopales, ou aux curés dans les villes éloignées de la résidence de l’évêque, ainsi qu’aux juges royaux, pour ladite liste être visée et approuvée ; que, dans le cas de contravention, lesdits marchands colporteurs seront punis par la confiscation des livres, amendes, ou telles autres peines qu’il plaira à Sa Majesté de décerner. Art. 2. — De la sanctification des fêtes . \ Les fêtes et dimanches furent toujours, dans j l’Eglise catholique, des jours consacrés au Sei-j gneur, des jours consacrés au culte extérieur, et ! sanctifiés par l’hommage public que les vrais fidèles rendent à Dieu. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes représente que les ordonnances royales sur cet objet ne sont pas exécutées de manière à i prévenir toutes les profanations, et à procurer [États gën. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.] l’accomplissement du précepte. 11 supplie Sa Majesté de renouveler lesdites ordonnances ; et pour en procurer l’exécution, d’enjoindre aux maires, échevins, consuls, jurats des villes et bourgs, de veiller à ce que, pendant les offices publics, et après l angélus du soir, les cabarets et lieux d’assemblées publiques soient fermés; de dresser procès-verbal sur papier ordinaire de leurs visites, pour lesdits procès-verbaux être remis chaque fois aux procureurs du Roi des juridictions royales. Art. 3. — Réformation du clergé séculier Le clergé de la sénéchaussée des Landes croit devoir renouveler les instances faites par l’Eglise de France depuis plus d’un siècle pour le rétablissement des conciles provinciaux. Y eut-il un temps où l’Eglise eût plus besoin de rassembler ses forces contre les efforts combinés de ses ennemis? Une conspiration effrayante menace de tous côtés le dépôt sacré de la foi; les maximes de la morale la plus sublime sont presque discrédités; que les conciles provinciaux s’assemblent, le concours des lumières et des vertus rallumera le flambeau de la foi, la morale reprendra sa purelé, la discipline, sa force et son uniformité, la subordination, son empire. Si l’Eglise de France doit jamais espérer le rétablissement de ses conciles provinciaux, ce doit être sous un prince qui, dans ce moment, croit ne pouvoir faire fleurir les différentes branches de son administration politique qu’en les confiant à des assemblées nationales. Art. 4. — Synodes diocésains. Sa Majesté sera aussi priée de susciter le zèle et la vigilance des évêques, afin que les synodes diocésains soient convoqués au moins tous les deux ans. Et comme il arrive souvent que les fondations ne s’exécutent pas et s’oublient, ces synodes offriront un moyen de justifier, aux veux du public, la confiance des bienfaiteurs de l’Eglise par les procès-verbaux, qu’on y dressera, des fondations, de leur exécution , et, dans le cas où elles n’auraient pu être exécutées, de l’emploi des fonds y destinés. Art. 5. — Education. Le clergé des Lannes prie le Roi de considérer que, depuis la destruction des Jésuites, l’éducation de la jeunesse est négligée en France; que si, d’un côté, il existe encore bien des collèges, de l’autre, la plupart des instituteurs qui dirigent ces collèges n’ont pas la confiance générale. Le seul moyen de prévenir, et la perte des lettres, et les suites funestes de l’oisiveté, est, peut-être, celui de faire revivre une société à laquelle Louis XIII, sur la demande des Etats généraux, ouvrit en 1614 les collèges de son royaume ; une société dont le but principal et le bût permanent étaient l’instruction de la jeunesse ; une société qui, pour cette instruction, trouvait, dans la multitude et les talents de ses individus, des ressources que n’ont ni ne peuvent avoir des corps, ou peu nombreux, ou mal organisés ; une société, enfin, qui multipliait les instituteurs, non-seulement dans son sein par une sollicitude constante, mais encore dans les congrégations étrangères par une espèce d’émulation et de rivalité qu’elle leur inspirait. Les restes encore subsistants d’un corps aussi utile suffiront pour produire une nouvelle génération d’autant plus intéressée au bonheur delà France, qu’elle devra son existence à la bonté du prince et aux vœux de la nation assemblée. Art. 6. — Universités et collèges. Parmi les abus qui nécessitent la réforme des universités, un des plus nuisibles au bien de l’Eglise, c’est la facilité avec laquelle on donne des grades à des jeunes gens qui n’ont, quelquefois, d’autre mérite que celui d’avoir fréquenté les classes, et qui, avec des grades, mais sans talents, deviennent aptes à posséder ceux des bénéfices qui exigent le plus de lumières. Le meilleur moyen de rendre aux universités leur ancien éclat, c’est de former une commission composée des personnages les plus vertueux et les plus éclairés, à laquelle sera admis un nombre choisi de ceux qui, par état, se consacrent à l’instruction de la jeunesse; et cette commission s’occupera du plan de réforme, tant pour l’enseignement que pour le régime et l’administration des universités et collèges. Art. 7. — Séminaires. L’intérêt de la religion et celui de l’Etat, qui en est inséparable, se réunissent pour réclamer, dans chaque diocèse, des secours en faveur des séminaires, dont l’établissement tourne à l’avantage de l’un et de l’autre. La plupart se trouvent, par la modicité de leurs revenus, hors d’état de suppléer au défaut de facultés des sujets qu’on est forcé d’y élever pour fournir aux besoins des différentes paroisses ; le clergé de la sénéchaussée des Landes demande : 1° Que les séminaires puissent acquérir, sans être assujettis au droit d'amortissement et de nouvel acquêt, jusqu’à une somme quelconque qui sera déterminée par la prudence de chaque évêque diocésain : 2° Que les fondations de bourses ou de places gratuites, ainsi que les dotations des maîtres, soient exemptes de tout droit de fisc; 3° Que les ecclésiastiques, pourvus de certaines fondations de messes, équivalentes à de véritables prébendes, puissent, en vertu de leurs titres, être promus aux ordres sacrés, sans autre titre patrimonial ; 4° Que la même faveur, sollicitée pour les séminaires, s’étendra sur les collèges, les hôpitaux et autres établissements publics destinés au bien de la religion et de l’humanité, ainsi que sur les fonds qui seront assignés, dans chaque diocèse, pour servir de retraite aux prêtres invalides. Art. 8. — Des réguliers. Les ecclésiastiques de la sénéchaussée des Lannes portent au pied du trône leurs justes doléances sur l’état de langueur qui menace les ordres religieux d’une dissolution prochaine. Il n’est aucun ordre dans l’Etat qui ne doive .s’intéresser à la conservation d’un institut qui, dans les beaux jours de la religion, contribua à sa loire et fut sa consolation dans ses jours de euil ; d’un institut qui, dans les siècles de trouble, d’ignorance et de barbarie, conserva à l’Eglise sa tradition, sa discipline, ses rites, ses usages, et à la nation ses mœurs et ses annales. Tant de titres pourraient-ils être méconnus dans un siècle qui réunit tant de lumières 1 Ces monuments augustes, élevés à l’ombre de la protection et de la bienfaisance de nos rois, quelque ébranlés qu’ils soient, se soutiendront contre tous les efforts de la calomnie, si le monarque trouve dans sa sagesse les moyens de les raffermir. Il en est principalement que le clergé [Étais gén. 178?. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax on des Lannes.] 89 de France croira devoir proposer à Sa Majesté dans l’assemblée de la nation. C’est la révocation de la loi qui lixe les vœux à vingt et un ans pour les religieux. A vingt et un ans, on a respiré l’air de la contagion; l’innocence a eu des assauts terribles à soutenir. Une loi pareille, rendue sans doute dans de bonnes vues, ne peut, par conséquent, produire d’autres effets que de dépeupler les monastères. Le clergé des Lannes observe qu’il serait pareillement convenable de donner aux religieux mendiants des moyens de subsister moins onéreux au peuple que la ressource de la mendicité. Il reste encore dans le royaume une grande quantité de terres en friche, dont une partie pourrait servir à leur dotation; et dans les provinces totalement cultivées, les Etats particuliers trouveront, dans leur propre générosité des ressources suffisantes pour l’entretien de ces hommes utiles. Mais le clergé supplie le Roi de ne pas permettre qu’on dépouille les monastères déjà dotés pour subvenir aux besoins de ceux qui ne le sont pas. Une nation juste respectera la volonté des fondateurs et les droits sacrés de la propriété. Bien au contraire, pour remplir l’esprit de l’Eglise et les désirs constants des conciles, ainsi que pour tarir les sources des procès qui s’élèvent journellement entre les abbés et les religieux, le Roi est supplié d’ordonner l’exécution du concordat passé entre Léon X et François Ier, relativement à la suppression des commendes, vacances arrivant; de remplir, à cet égard, les vœux du concile de Trente, ceux de la nation assemblée aux Etats de Tours, en 1483, sous Charles VIII, les ordonnances et les romesses de nos souverains , renouvelées par harles IX, en 1571, par Henri III, en 1579, et enfin par Louis XIII dans rassemblée des notables, tenue à Rouen en 1617. Un moyen très-efficace de ramener l’état reli-ieux à ses plus beaux jours, serait de rendre aux ifférents ordres leur première règle. Tous les maux qui existent dans les cloîtres ne viennent que des changements qu’on y a introduits; en faisant disparaître la nouveauté, on ramènera le bon ordre. Mais si les Etats généraux ne pouvaient s’occuper de conserver à l’Eglise les instituts reli-Êieux par les règlements sages que le clergé des annes se donnera la liberté de leur proposer, ledit clergé supplie Sa Majesté de renvoyer la décision de leur sort au premier concile national qu’il lui plaira de convoquer. Art. 9. - — Delà nomination aux premières dignités de VEglise. Le clergé des Lannes prie Sa Majesté de ne nommer aux premières dignités de l’Eglise, que des ecclésiastiques qui, dans les places inférieures, aient donné des preuves non équivoques et soutenues de l’esprit de leur état, et d’un zèle véritable pour les fonctions de l’autel et l’administration des sacrements. Art. 10. — Oppositions aux mariages. I e clergé de la sénéchaussée des Lannes demande que les oppositions aux mariages, autres que celles des pères, mères, tuteurs et curateurs, soient sujettes à une amende, selon l’exigence des cas, et par corps, lorsqu’on en sera débouté. Art. 11. — Mariages des mineurs. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes remontre que l’exécution des lois relatives aux mariages des mineurs expose la classe des cultivateurs et des artisans à des frais que la plupart ne sont pas en état de supporter, et demande, en conséquence, qu’il leur suffise d’être assistés de leurs parents, et, à leur défaut, de leurs voisins, à l’effet de contracter mariage, sans qu’il soit besoin de tuteurs curateurs, ou qu’il leur en soit donné sans aucune formalité de justice, et seulement par-devant les jurats ou officiers municipaux. Art. 12. — Des unions et des suppressions. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes ne peut voir d’un œil indifférent les difficultés sans nombre qui retardent les unions et les suppressions, justifiées par l’intérêt public et autorisées par lettres patentes. Il ose solliciter, avec tout le clergé de France, une loi qui simplifie les unions, et qui renvoie à l’enregistrement des lettres patentes toutes les oppositions qui seraient formées dans le cours de la procédure. Art. 13. — Duel. La sévérité des lois contre le duel rend ces lois entièrement inutiles dans ces circonstances. Le Roi sera supplié d’en faire de plus douces, et d’en assurer l’exécution en refusant toutes les lettres de grâce, et en n’admettant pas de distinction entre duel prémédité et duel de rencontre. Art. 14. — Régents, chirurgiens , et sages-femmes de campagne. Les campagnes ont besoin de toute la vigilance du gouvernement; elles sont dépourvues de tout secours, soit pour l’instruction de la jeunesse, soit pour les soulagements ordinaires de l’humanité. On s’ingère dans les fonctions de régent et on s’y maintient sans approbation, et souvent contre la volonté des supérieurs. La plupart des chirurgiens ignorent les premiers éléments de leur art; il suffit de savoir manier un rasoir pour s’ériger en maître en chirurgie; enfin, c’est la témérité qui fait les sages-femmes, puisqu’elles osent exercer un art dont elles ne connaissent pas mêmes les principes. Sa Majesté sera priée : 1° De renouveler les ordonnances sur les régents, et d’ênjoindre à ses procureurs dans les bailliages de tenir la main à leur exécution; 2° D’ordonner aux lieutenants et à son premier chirurgien de visiter les chirurgiens de son district, de recevoir les plaintes qu’on portera contre eux, et d’interdire ceux qui ne seront pas capables de cette profession ; tout cela, sous peine d’être interdits eux-mêmes; enfin, de ne donner le titre de lieutenant de son premier chirurgien qu’à condition que, dans la ville principale du .bailliage, le pourvu ouvrirait, pendant quatre mois de l’année, une espèce de cours où pourraient se rendre les sages-femmes des environs; et pour exciter l’émulation de celles-ci, Sa Majesté leur accordera une diminution dans les impositions. Art. 15. — Des portions congrues des curés. La portion congrue, fixée par l’édit de 1768 à la somme de 500 livres, et augmentée jusqu’à la somme de 700 par l’édit de 1786, est insuffisante pour un honnête entretien. Il est donc nécessaire de venir au secours de ces curés; et tandis qu’on ne les payera qu’en argent, on n’améliorera jamais leur sort, parce qu’on ne saurait établir une proportion constante entre la valeur de l’argent et le prix des denrées. Le seul moyen de prévenir tous ces inconvénients est de leur assigner une partie de la dîme de leur paroisse, ou de fixer la quantité de grains et de vin que les décimateurs seront obligés de leur passer tous les ans; et dans 90 [Élats gén. 1789. Cahiers.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. do Dax u& dos Lannes. les paroisses où toute la dîme ne serait pas suffisante pour l’honnête entretien des curés, comme sont plusieurs dans les Lannes, Sa Majesté sera priée d’autoriser les évêques à pourvoir au sort des curés de ces paroisses par l’union de quelques bénéfices simples, ou par l’attribution d'une partie de la fabrique, s’il y en a. Art. 16. — Portion congrue des vicaires. Sa Majesté sera aussi priée d’augmenter la portion congrue des vicaires, et de leur assigner la moitié de la congrue qu’elle adjugera aux curés, en statuant que la pension des vicaires d’un curé congruiste sera, dans tous les cas, supportée par les gros décimateurs, et que la pension de tout vicaire d’un curé, fruit prenant, sera supportée par tous les décimateurs ensemble, chacun en proportion des dîmes qu’il perçoit. Art. 17. — Des novales. Sa Majesté sera priée de révoquer l’édit de 1768 sur les novales, parce que cet édit, surtout si on le rapproche de l’édit de 1786, est entièrement opposé aux vues bienfaisantes du Roi pour les curés, puisqu’il accorde aux gros décimateurs un dédommagement qui ne leur est pas dû dans les paroisses où il n’y a pas de vicaire, et où le curé n’est pas à portion congrue ; puisqu’il transporte aux gros décimateurs un dédommagement dû aux curés dans les paroisses où les vicaires sont payés par les curés ; puisque, dans les paroisses où la population augmente, les peines du curé augmentent aussi et que son revenu n’augmente pas ; puisque enfin les nouvelles terres ne se cultivent presque jamais qu’en abandonnant les anciennes ; et ainsi le revenu des curés diminue dans la même proportion que le revenu des gros décimateurs augmente. Art. 18. — De la liberté de s'assembler. Les religieux, les corps réguliers, les chanoines jouissent du privilège de s’assembler et de nommer un syndic pour poursuivre leurs affaires. Le corps seul des curés est privé de cet avantage. Et combien de fois n’aurait-il pas voulu porter ses vœux au pied du trône ! Mais personne n’était autorisé à le représenter. Il prie le Roi de lui permettre de s’assembler, toutes les fois que les circonstances le requerront, sur la convocation et sous la présidence des évêques, ou bien sous la convocation et la présidence du plus ancien d’entre eux, lorsque le syndic qu’il leur sera aussi permis de choisir aura prié l’évêque de convoquer l’assemblée, et que l’évêque l’aura refusé sans expliquer les motifs de son refus. Art. 19. — Des bureaux diocésains. On se plaint généralement de l’organisation des bureaux diocésains. Sa Majesté sera priée d’ordonner qu’elle soit réformée; que les curés, ainsi que les autres bénéficiers, aient une influence proportionnelle, à raison de leur nombre, de leurs charges, et de l’intérêt qu’ils peuvent y avoir ; que les députés ne soient point perpétuels, et qu’ils soient choisis, non par les bureaux, mais par les personnes qu’ils représentent. Art. 20. — Députation du deuxième ordre à l'assemblée générale du clergé. Le Roi sera prié d’ordonner : 1° Que le clergé en corps soit assemblé pour nommer un député à l’assemblée provinciale, et que cette élection se fasse par scrutin ; 2° Que les députés à Rassemblée provinciale nomment encore, par la voie du scrutin, le député à l’assemblée générale ; qu’ils puissent élire tout ecclésiastique bénéficier dans la province, et y résidant, à condition toutefois que cet ecclésiastique possédera un bénéfice au moins de la valeur de 400 livres, et aura son domicile habituel dans la province, au moins depuis six ans. Art. 21. — Bénéfices simples fondés pour le service du chœur. Sa Majesté sera priée d’ordonner que tout possesseur d’un bénéfice simple, fondé pour le service du chœur, soit tenu à la résidence, ou à se demettre d’un titre oisif sur sa tête, et qu’il ne retient qu’au détriment du service divin. Le même motif engage à demander que les bénéfices simples réguliers soient réunis aux monastères dont ils dépendent. Art. 22. — Réparations des églises. Pour réveiller le zèle de plusieurs bénéficiers, qui sont obligés de réparer les églises, et qui ne les réparent pas, le Roi sera prié de renouveler les ordonnances sur ce point, et d’enjoindre à ceux qui ont déjà transigé pour ces réparations, et se sont chargés de les faire, d’acquitter leurs obligations au plus tôt. Art. 23. — Droits honorifiques dans les églises. , Les curés ne refuseront jamais de rendre aux seigneurs des terres les honneurs qui leur sont dus dans les églises ; mais, parce qu’il n’est pas de lois qui déterminent en quoi consistent ces honneurs, le clergé des Lannes supplie le Roi de donner un règlement qui explique ce qu’on doit entendre par droit honorifique dans l’église. Art. 24. — Droits des évêques en cours de visites. La déclaration de 1698 donne aux évêques le pouvoir d’envoyer les curés au séminaire pour trois mois sur un simple verbal, sans qu’il leur en soit donné aucune connaissance, et par conséquent sans qu’ils puissent opposer une défense légitime contre la calomnie et la malignité d’une dénonciation secrète. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes supplie Sa Majesté de révoquer cet article de la susdite ordonnance, et de rétablir les curés dans la faculté, commune à tout citoyen, de ne pouvoir être poursuivis que par les voies de droit. Art. 25. — Des baux à ferme devant notaires. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes espère que Sa Majesté voudra révoquer la loi qui impose aux bénéficiers l’obligation de n’affermer leur revenu que par contrat devant notaire, et de les assujettir, dans le cas de la régfe, d’en faire la déclaration, sous peine d’une grosse amende; d’autant que cette loi n’est que le fruit du génie fiscal, qui ne cherche que l’oubli et la négligence des bénéficiers. Art. 26. — Des économats. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes réunit ses très-humbles remontrances à celles que plusieurs assemblées du clergé ont portées au pied du trône contre l’administration vicieuse et ruineuse des économats, et propose un moyen beaucoup plus simple pour remplir la tâche imposée relativement à l’entretien des objets dépendant des bénéfices consistoriaux : c’est d’attribuer au syndic du clergé de chaque diocèse le pouvoir de séquestrer les revenus du bénéfice vacant, et de remplir, à cet égard, tout ce qui est actuellement à la charge des économats. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén.de Dax ou des Lannes.] 9i Art. 27. — Des monitoires. Les abus multipliés des monitoires, demandés et obtenus pour les causes les plus légères et les moins importantes, tandis qu’aux termes de l’article 26 de l’édit de 1695, on ne devrait les accorder que pour des crimes graves et des scandales publics, excitent des plaintes générales d’autant plus justes que cette facilité, en énervant cette arme spirituelle, l’expose au mépris. C’est pourquoi le clergé de la sénéchaussée des Launes renouvelle, avec les plus vives instances, les remontrances qui furent faites à Sa Majesté par l’assemblée générale du clergé de 1775, et demande : 1° Que les juges ne puissent permettre la demande d’aucun monitoire que dans le cas où il leur sera évident que les voies ordinaires de droit ont été inutilement employées, et que les officiaux ne soient pas tenus, sous peine de la saisie de leur temporel, d’en accorder aucun qu’autant qu’il leur constera aussi de l’insuffisance des moyens ordinaires; 2° Qu’il soit défendu aux juges d’ordonner, et aux officiaux d’accorder des monitoires dans d’autres cas que ceux prescrits par les ordonnances, et notamment par l’édit de 1695. Art. 28. — Des dévolutions. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes, en renouvelant les différentes remontrances qui ont été faites à Sa Majesté par l’assemblée générale du clergé, sur la facilité qu’ont les dévolutaires d’obtenir, des tribunaux supérieurs, la possession des fruits des bénéfices dévolutés, au grand scandale de la religion et des fidèles, et sur les inconvénients sans nombre qui résultent d’une pareille jurisprudence, supplie Sa Majesté d’opposer à l’abus contre le clergé de France, réclamé depuis si longtemps, un règlement qui défende les maintenues en possession jusqu’à ce que le dévolutaire prouve qu’il a épuisé tous les degrés de juridiction pour obtenir un visa, et qui exclue de la jouissance des fruits ceux qui, dans le délai de six mois, à dater de la publicatiou dudit règlement, n’auront pas fait toutes les diligences de droit pour faire juger le refus de l’ordinaire. Art 29. — Des domaines , péages et cizes. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes représente ; 1° Que les droits de contrôle et d’insinuation soient établis sur des principes qui ne soient susceptibles d’aucune interprétation et d’aucune extension ; que la moindre peine qui puisse être infligée aux commis ou receveurs qui auront K des droits plus forts que ceux fixés par if, soit d’être destitués, et que les parties intéressées puissent les prendre à partie, lorsque l’excédant de la somme perçue passera un louis; 2° Qu’il soit défendu aux fermiers de faire des recherches après l’expiration de leur bail ou de leur régie, et que toutes les recherches soit pour de prétendues fausses déclarations, soit pour des suppléments ou des omissions de droit, soient défendues après trois ans que les droits auront été acquittés; 3° Que toutes les contestations qui pourront naître à raison desdits droits domaniaux, soient attribuées aux sénéchaussées, présidiaux ou cours supérieures, suivant les cas de compétence ; 4° Que les droits de péage, cizes et octrois librement engagés mettent des entraves au commerce. Les Etats particuliers seront autorisés à rembourser lesdits droits; et dans le cas où le remboursement ne pourrait pas avoir lieu, les syndics desdits Etats poursuivront l’exécution des conditions auxquelles lesdits droits ont été engagés ou aliénés. Art. 30. — Des impôts. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes supplie Sa Majesté d’arrêter par une loi constitutionnelle, qu’il ne sera perçu aucune espèce de subside sans le consentement libre de la nation représentée par les Etats généraux; que les impôts, ainsi établis, ne seront levés et perçus que par les Etats particuliers, qui en seront garants et responsables au trésor royal, auquel ils verseront par les moyens qu’ils trouveront moins onéreux ; et que le retour périodique des Etats généraux sera le terme de la durée desdits impôts. Art. 31. — De la mendicité. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes représente qu’il est, surtout dans les provinces éloignées, dans les provinces frontières, un genre de fléau, dont la nation assemblée ne peut pas trop s’occuper, c’est la mendicité. La Flandre et là Hollande nous prouvent que chaque paroisse peut se charger de ses pauvres, sans qu’ils soient infiniment à charge. 11 n’est pas de paroisse en France qui n’ait quelque ressource, soit dans le résidu des fabriques, soit dans les fondations faites pour les pauvres dans les revenus des communaux, et dans la bienfaisance des décima-teurs, pour pensionner les pauvres chez des particuliers. Si, sous l’inspection des Etats provinciaux, qui surveilleraient l’emploi des fonds ou suppléeraient à leur insuffisance par des impositions particulières, on renvoyait chaque pauvre dans sa province , et si ce règlement avait son exécution dans tout le royaume, la France serait bientôt délivrée de tous ces mendiants, de tous ces vagabonds qui désolent la campagne, et qui, chaque jour, sont à la veille de se rendre coupable de crimes qui entraînent les derniers supplices. Art. 32. — De la liberté individuelle. Le clergé des Lannes supplie Sa Majesté d’assurer la liberté personnelle de chaque citoyen, et de fixer les cas où le grand intérêt de l’ordre public demandera que Sa Majesté prive quelques individus d’une liberté dont ils ne pourraient qu’abuser. Art. 33. — De la législation. Demande ledit clergé que les lois bursales, ainsi que les lois générales, soient établies à l’avenir au sein des Etats généraux, et par le concours de l’autorité du Roi et du consentement de la nation, et que, pour prévenir les obscurités et les fausses interprétations qui résultent souvent de la rédaction des lois les plus salutaires et les plus désirées, lesdites lois soient publiées dans les termes et de la manière qu’elles auront été rédigées par l’assemblée, et sanctionnées par le Roi. Demande ledit clergé qu’aucun citoyen ne puisse être enlevé à ses juges naturels, et qu’en conséquence, on abolisse toute commission particulière, ainsi que les évocations au conseil, hors le cas où elles seront demandées par les parties ; et que les Etats généraux s’occupent des moyens de prévenir la suspension de la justice dans tous les cas et dans tous les temps. Demande aussi ledit clergé que la réformation de la justice, l’examen des lois civiles et crim- 92 [Etats gén. 1789. Cahiers. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax on des Lannes.] nelles, l’étendue des ressorts, l’augmentation ou suppression de plusieurs tribunaux, ainsi que leurs attributions, soient renvoyées à une commission, afin qu’il soit statué sur tous les articles, d’après le rapport que ladite commission en fera aux Etats généraux. La même commission pourrait aussi s’occuper de l’administration des intendants et de la forme qu’ils observent dans les jugements qu’ils rendent. Art. 34. — Des Etats generaux. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes, persuadé que le retour périodique des Etats généraux offre au Roi le moyen le plus sûr de prévenir les maux qui accablent la nation; que la source en sera bientôt tarie lorsqu’il aura plu à Sa Majesté de la découvrir à ses sujets; que la confiance renaîtra bientôt, parce qu’alors le dépôt précieux de l’intérêt public étant dans leurs mains, iis n’adopteront pour mesure de l’impôt que celle du besoin qui l’aura rendu nécessaire; qu’ils pourront surveiller à l’emploi des fonds destinés à la conservation de la chose publique, et les mettre à l’abri de tout divertissement ; sollicite le retour périodique des Etats généraux, qui seront fixés par le Roi, d’après le vœu unanime des trois ordres. Remontre ledit clergé que la députation accordée à la sénéchaussée des Lannes est insuffisante ; qu’elle n’est pas proportionnée ni à l’étendue, ni à la population du pays , et que, d’après les bases adoptées par le gouvernement, sa population, s’élevant à plus de deux cent mille âmes, lui donne droit au moins à deux députations. Art. 35. — Des Etats particuliers du pays des Lannes. Le clergé des Lannes sollicite de la justice et de la bonté du Roi la restauration de ses anciens Etats particuliers, Etats que la nature du sol et la situation d’une province, séparée de la Guyenne par d’immenses déserts, lui rendent nécessaires ; Etats qui ont subsisté au moins jusqu’à l’an 1645, Etats qui sont une partie des privilèges que les peuples des Lannes ont mérités par une fidélité toujours soutenue envers leur souverain ; Etats, par conséquent, que Sa Majesté ne leur refusera pas dans un temps où elle a déclaré vouloir les accorder à des provinces mêmes qui n’en avaient jamais eu. Les peuples des Lannes s’en rapporteront, pour la nouvelle organisation de leurs Etats, à ce qui sera arrêté par la délibération des trois ordres aux Etats généraux, sauf les exceptions particulières qui conviennent à chaque pays, et qu’on ne saurait déterminer que sur les lieux. Art. 36. — Des privilèges du pays des Lannes. Le clergé des Lannes supplie Sa Majesté de conserver à sa province tous ses privilèges et franchises. Elles furent stipulées par le traité de Tail-lebourg du mois de juillet 1451 ; elles ont été renouvelées par des lettres patentes du mois de juillet 1490, du 10 septembre 1533, du 19 juin 1606, et successivement confirmées jusqu’à ce moment. Ledit clergé réunit ses instances et doléances à celle&desdeux autres ordres surtout ce qui peutin-resser le bien général de la sénéchaussée, et le bien particulier de chacune de ses parties. Art. 37. — Des immunités. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes pourrait être alarmé des cris séditieux qu’on fait retentir de toutes parts contre les privilèges et les immunités du clergé. Ce ne sera pas sous un roi aussi religieux que juste, ce ne sera pas sous un roi qui s’empresse de rendre à la nation des droits méconnus depuis trop longtemps, que le clergé perdra ceux que les lois constitutives de l’Etat lui assurent, ceux qui, depuis les premiers empereurs chrétiens jusqu’à nos jours, ont été consacrés d’âge en âge par le consentement libre de la nation, par les ordonnances de nos rois , par leur serment, par les traités les plus solennels, par les décisions des cours souveraines ; enfin des droits dont la possession se perd dans la nuit des temps. Ledit clergé, en défendant ses immunités, défend celles de la nation. Le domaine religieux est sous la sauvegarde de la nation qui en doit la conservation aux générations futures, parce que ce domaine est frappé d’une substitution perpétuelle. Si ledit clergé défend ses immunités, sil revendique le droit de ne contribuer que librement aux charges de l’Etat par des formes qui lui sont propres , il revendiquera pour les autres ordres le même privilège ; il dira que le tiers-état forme dans notre constitution un ordre libre, indépendant des deux autres ordres, un ordre qui a ses franchises, un ordre qui n’est séparé des deux autres que par cette ligne de démarcation qui dut être tracée, dans tous les temps, par la nature des fonctions et des emplois attacnés à chaque ordre ; il dira que le tiers-état n’a jamais pu être dépouillé du droit de ne contribuer aux charges publiques que par des subsides librement consentis. Enfin, ledit clergé, animé de ces sentiments de patriotisme qu’il attache à l’intérêt général par les liens les plus forts, ceux de la religion et de l’honneur, offrira au Roi et à la nation tous les sacrifices, toutes les contributions que la liquidation de la dette nationale rendra nécessaires dans ce moment. 11 les offrira dans une proportion telle qu’elle soit propre à rétablir, entre les trois ordres, cette bonne intelligence, cet esprit d’union et de concorde qui doivent assurer la marche des Etats généraux et le succès de leurs opérations. Art. 38. — Agents généraux. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes demande que MM. les agents généraux du clergé soient appelés à la chambre ecclésiastique desdits Etats, pour y exercer les fonctions qui leur furent marquées aux Etats généraux de 1614 ; que les grands intérêt du clergé étant dans leurs mains, ainsi que toutes les parties de l’administration qui regarde le clergé de France, MM. les agénts ne peuvent être étrangers à une assemblée qui doit s’occuper de tous les objets qui ont rapport audit clergé. Art. 39. — Précautions sur les demandes qu’on pourrait faire contre les intérêts des particuliers. Dans le cas de quelque demande faite aux Etats généraux contre les intérêts de quelques corps ecclésiastiques, de quelques églises, ou de quelques bénéficiers , le clergé des Lannes prie Sa Majesté de ne pas permettre qu’il soit statué sans avoir informé et reçu les moyens de défense des personnes intéressées. Art. 40. — Dons gratuits des villes. Les dons gratuits des villes étaient, dans le principe, une espèce d’octroi, une espèce d’imposition sur les denrées. Le clergé, soit séculier, soit régulier, fut exempté de l’exécution de l'édit du mois d’août 1758, portant établissement de cette imposition. Les lettres patentes d’exemption [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sén. de Dax ou des Lannes.} 93 sont du 3 décembre 1758 ; elles ne s’étendent qu’aux denrées du cru de leurs bénéfices, destinées à leur consommation. La difficulté de répartir cette imposition déterminales villes à proposer les abonnements qui furent acceptés et répartis par généralité. La somme, imposée sur la généralité d’Auch, fut arrêtée par un arrêt du conseil et des lettres patentes du 28 février 1761. Il paraît que cette loi n’obtint pas son exécution, puisqu’en 1764 le Roi, par un arrêt du conseil du 5 février, ordonna que la répartition en serait faite sur les contribuables au marc la livre de la capitation. Mais les ecclésiastiques, soit séculiers, soit réguliers, furent exceptés par le même arrêt. Le Roi leur demanda, par forme de don gratuit, une somme qui devait être imposée par les chambres ecclésiastiques de chaque diocèse. Celui de Dax fut taxé à 567 livres, celui d’Aire à 1 ,234 livres, celui de Bayonne à 1 ,131 livres 10 sous. On ignore l’exécution que reçut cette loi ; mais le clergé de la sénéchaussée des Lannes croit être fondé à se plaindre d’une espèce de capitation que certaines villes se sont cru autorisées à établir, non-seulement sur les ecclésiastiques qui habitent les villes ou bourgs, mais encore sur des curés qui n'habitent que des hameaux, qui n’ont ni rapport avec les bourgs ou villes qui les imposent, ni part à leurs privilèges ou charges. Les curés de la vicomté d’Orthe, diocèse de Dax, sont taxés par les officiers municipaux de la ville ou bourg de Peyrehorade, sous prétexte de contribution au don gratuit, à des sommes de 40 ou 50 livres, taxe exorbitante qui a tous les caractères de l’injustice. Le clergé de la sénéchaussée des Lannes prend la liberté de remontrer au Roi qu’il lui sera impossible de suivre les mouvements de patriotisme dont il est animé, et de contribuer, par de nouveaux sacrifices, à la libération de la dette nationale, s’il est livré aux recherches obscures et arbitraires d’officiers de police, et forcé de souscrire à des contributions qui devraient lui être étrangères. Ainsi signé : l’abbé Lallemand, chanoine, commissaire élu par l’assemblée ; Dharander, chanoine , commissaire élu par ladite assemblée ; Lacouture, chanoine , commissaire nommé par l’assemblée ; de Lissale, curé de Bardos ; Desbordes, curé, commissaire nommé par ladite assemblée ; Devios, archiprêtre d’Orgons ; Lanne, commissaire nommé par ladite assemblée ; Vigneau, chanoine, commissaire nommé par ladite assemblée; Teillary, curé, commissaire; Pebarthe, curé, commissaire nommé par ladite assemblée ; Brous-ies, curé de Pimbe, commissaire; Dom Gros, prieur, curé de Saint-Sever, commissaire nommé ar ladite assemblée ; Charles-Auguste, évêque de ax; et Gautin, secrétaire, ne varietur. Signé de Neurisse, lieutenant général. Collationné sur l’original, àDax, le leravril 1789. Domec, syndic du clergé du diocèse de Dax. CAHIER Et pouvoirs de la noblesse de la sénéchaussée des Lannes , pour être remis à son député aux Etats généraux convoqués par le Roi à Versailles , pour le 27 avril 1789 (1). Assemblés pour faire connaître nos plaintes et doléances, nous avons examiné quelles réclamations nous aurions à présenter à la nation ; nous (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénal. avons reconnu que les circonstances et notre amour pour la patrie nous imposaient le devoir de nous occuper plus particulièrement des choses générales, que de celles qui seraient particulières et locales. Pénétrés de ce sentiment, instruits par le passé, espérant pour l’avenir, nous enjoignons à notre député de demander : 1° De voter, dans tous les cas, par ordre, et non autrement, selon l’antique usage essentiel et nécessaire à toute constitution monarchique; prescrivant à notre député de se retirer plutôt que de voter par tête, les ordres réunis. 2° Que deux ordres réunis ne puissent, dans aucun cas, obliger le troisième. 3® Que les Etats généraux soient composés, dans la suite, de douze cents représentants au moins. 4° Que les Etats généraux s’assembleront à des époques certaines, qui seront fixées à la prochaine assemblée. 5° Que, dans le cas où la noblesse se séparera ar gouvernements ou par bureaux, nulle déli-ération ne pourra être prise que par la réunion des deux tiers de ces gouvernements ou bureaux; et, dans les affaires importantes, on votera toujours par tête, tout l’ordre réuni. 6° Qu’il ne soit jamais pris aucune détermination dans l’assemblée des Etats généraux, qu’après ue le sujet proposé aura été mis deux fois en élibération, à des intervalles de temps suffisamment éloignés. 7° Qu’il soit reconnu que la nation a seule le droit de s’imposer, d'accorder ou de refuser des subsides, d’en régler l’étendue, l’assiette, la durée, la répartition et l’emploi, et qu’elle peut seule consentir des emprunts ; que toute autre manière d’imposer ou d’emprunter est illégale, et que, par cette raison, les peuples devront s'y refuser, sous peine d’être poursuivis par les Etats généraux comme contrevenants à une loi du royaume, et tous préposés pour la perception de tels impôts, comme concussionnaires. 8° Que les ministres soient responsables à la nation de leur administration; que les Etats généraux aient le droit de leur en demander compte et de les mettre en jugement. 9° Que les fonds soient réglés et déterminés pour chaque département, dont les comptes seront produits et rendus à chaque tenue des Etats généraux, et que l’emploi de ces fonds soit rendu public chaque année. 10° Que les fonds destinés pour amortir la dette publique ne puissent être détournés de cet objet, sous aucun prétexte. 11° La liberté des citoyens étant inviolable, qu’elle soit spécialement placée sous la sauvegarde des lois. 12° Que le terrible usage des lettres appelées de cachet, et d’emprisonnement par autorité, soit à jamais proscrit ; que nul citoyen ne puisse être privé de sa liberté pendant plus de vingt-quatre heures; que, pendant cet intervalle de temps, il soit remis à ses juges naturels, et qu’il puisse prendre à partie celui qui aura donné l’ordre de l’arrêter. Par une suite équitable de ce principe, et pour prouver que la patrie n’abandonne pas les défenseurs de ses droits, il sera demandé justice pour tous ceux qui auraient été lésés par quelque acte d’autorité, depuis le 1er mai 1788. 13° Que la liberté de la presse soit accordée, avec les bornes convenables pour la décence, les mœurs et le repos des citoyens. 14° Que toute propriété soit respectée et garantie par la puissance des lois.