[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENT AIRES. , [Sénéchaussée d’Aix.] 333 solliciter et d’obtenir, avant qu’on prenne aucune délibération, que les suffrages soient recueillis par tête et non par ordre. Inutilement le Roi aurait-il accordé au tiers-état le même nombre de députés qu’aux deux premiers ordres pris ensemble. Ces deux premiers ordres, pour conserver leurs iniques privilèges, la plupart usurpés ou obtenus pour . des causes qui 11'existent plus, seront toujours unis d’intérêt pour faire supporter au tiers, comme ci-devant, toutes les charges de l’Etat. Ensuite les députés du tiers feront tous leurs efforts pour établir sur une base solide, et appuyer que la liberté de l’homme soit assurée et garantie à tous les citoyens indistinctement, puisqu’il n’y a rien qui soit plus glorieux à un monarque que de régner sur des sujets libres et non sur des esclaves. Que tout droit de propriété soit intact et sacré, hors le cas de l’intérêt public, auquel on n’aura égard qu’après un ample dédommagement. Que les lettres de cachet, armes funestes forgées par le despotisme, soient abolies. Que la liberté de la presse soit accordée pour tout ce qui ne sera pas contraire à la religion, au respect dû au Roi et à la famille royale, aux bonnes mœurs et à l’honneur des citoyens. Qu’on s’occupe de la réforme du code civil et criminel, si longtemps désirée et si nécessaire. Qu’on travaille à la suppression de la vénalité des offices, à celle de tous les petits tribunaux inutiles et à charge au public, pour en ériger d’autres qui jugent souverainement jusqu’à une somme déterminée pour le soulagement du peuple, qui n’a pas ordinairement des procès de grande valeur, et qui est écrasé par cette foule de tribunaux où l’opulent les traîne. Qu’il soit accordé à chaque citoyen la faculté de pouvoir remplir tous emplois militaires et surtout ceux de la marine, bénéfices et charges attribués à la noblesse. Que le prix du sel, si onéreux au peuple, soit modéré et rendu uniforme dans tout le royaume. Que tout droit de circulation dans l’intérieur soit aboli, et que les bureaux des traites soient reculés aux frontières ; et en conséquence, que Marseille ne soit plus réputée ville étrangère, pour que la Provence qui tire tout ce qui lui est nécessaire de cette ville ne soit pas assujettie à des bureaux oppressifs pour elle et pour son commerce, où l’on est obligé d’acquitter rigoureusement ce qu’on exige, sans savoir ce que l’on doit payer, puisque aucun tarif n’est jamais exposé aux yeux du public; qu’il est d’ailleurs d’une injustice criante que des marchandises du royaume, qui payent des droits pour entrer à Marseille soient encore assujetties, aux mêmes bureaux, et des nouveaux droits à leur sortie. Que tout impôt sera nul, s’il n’est pas consenti par les Etats généraux qui limitent sa durée jusqu’à la prochaine assemblée desdils Etats, laquelle sera fixée au terme d’environ trois ans, et qu’en cas que les nouveaux Etats ne soient pas tenus à ce terme, l’impôt cessera au même instant. Que tont impôt, de quelque nature qu’il puisse être, soit également réparti sur tous les citoyens de tous les ordres, proportionnellement à leurs facultés, sans que ni rang, ni naissance, ni privilège puisse dispenser qui que ce soit d’être soumis à cette égalité de répartition, puisque nulle distinction ne peut soustraire aucun citoyen, comme sujet du même souverain, à la charge des contributions nécessaires aux besoins de l’Etat. Que les troupes soient maintenues sur un pied suffisant pour que le royaume soit respecté par les Etats voisins, de façon qu'on ne puisse en induire qu’elles sont plutôt destinées à unejusle défense, qu’à faire des. conquêtes ; et en conséquence, qu’il serait nécessaire, vu les besoins de l’Etat, de congédier toutes les troupes étrangères qui sont fort dispendieuses et superflues, puisqu’elles peuvent si aisément être remplacées par des troupes nationales. Que toutes les dépenses de l’Etat soient vérifiées aux Etats généraux et rendues publiques par la voie de l’impression. La présente assemblée donne encore pouvoir aux députés qui la représentent de protester aux Etals généraux contre la constitution inique et abusive des Etats particuliers de la province, où l’ordre du clergé n’est représenté que par les seigneurs évêques, qui ne sont que partie d’icelui, et d’où tout autre membre est exclu, où l’ordre de la noblesse n’est point représenté par le corps de la noblesse, mais par les seuls possédant fiefs, qui n’en sont que partie, et d’où tout autre noble est exclu, où le tiers-état n’a ni le nombre de représentants suffisant, ni liberté, ni pouvoir de faire seulement des protestations. Ainsi, rien ne prouvant mieux l’illégalité de cette constitution, que son injustice, et le souverain l’ayant reconnue telle, elle doit être abolie ou réformée. Le pouvoir donné auxdits députés s’étendra encore à voter pour établir une constitution plus légale et plus représentative de tous les droits des citoyens, pour que chaque ordre ait des députés dé tous ses membres, pour que le tiers-état ait autant de représentants que les deux premiers ordres réunis, et qu’il puisse se nommer un syndic, pour que la nouvelle constitution n’ait plus à sa tête ni président, ni procureur de pays nés et à naître, pour qu’il leur soit substitué-des présidents et des commissaires pris dans les trois ordres en nombre égal, qui seront changés tous les ans ou tous les deux ans, et qui seront nommés par les suffrages libres de toute l’assemblée, et enfin pour que l'administration de la province soit réglée par l’assemblée des Etats, après qu’elle aura été sanctionnée et approuvée par le Roi. Et finalement, la présente assemblée de la communauté de Plandhaups laisse à son député la liberté d’opiner selon ses lumières, la conscience et le vœu qui lui a été manifesté par les ■ communes sur tous les objets dont il n’a pas été fait mention dans le présent état. Signé Raymond , viguier; Guitton; François André; P. Plumié ; François Guis; Bernard; Le-guerru, greffier. CAHIER Des doléances de la communauté du Puy-Sainte-Re-parade et Saint-Canadet , viguerie d’Aix (1). Cette communauté charge ses députés qui seront élus de présenter à l’assemblée qui sera tenue le second avril prochain dans la ville d’Aix en vertu de l’ordonnance de M. le lieutenant général en date du 12 du courant mois, le présent cahier pour requérir que les articles de réclamation y contenus soient insérés dans le cahier général qui doit être remis à MM. les députés qui seront élus pour assister aux Etats généraux convoqués à Versailles le 27 avril prochain, et les faire valoir dans Rassemblée assignée audit jour comme ten-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. 334 [Etats gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] dant au service du Roi, au soulagement de ses sujets et à la prospérité du royaume. Art. 1er. MM. les députés requerront que, rassemblée des Etats généraux soit convoquée de trois en trois ans, sauf les cas pressants. Art. 2. Que, pour parvenir a acquitter les dettes de l’Etat et pour subvenir à l’avenir aux impositions ordinaires avec plus de justice, les deux premiers ordres seront en égalité totale de contributions avec le tiers. Art. 3. Que les fermes soient supprimées dans l’intérieur du royaume ainsi que les billets à caution dans les quatres lieues fron tières, pour écarter les maux qu’elles causent au commerce et aux particuliers. Art. 4. Que l’on pourvoie à la diminution du prix du sel, dont it se fait une plus grande consommation en Provence, attendu son terrain sec et aride. Art. 5. Que le commerce étant intercepté le tiers de l’année par les crues de l’eau qui dérangent les bateaux sur la rivière de Durance, lesquels n’ont aucun port sûr et solide, il en soit établi un entre la communauté du Puy où il y a un port invariable, et celle de Vïllelaure. Art. 6. Que l’assemblée générale prenne en considération les dégradations et les pertes que la rivière de Durance a faites au Puy, afin que la province accède à nos réclamations" souvent présentées à l’administration sans succès pour garantir son terrain, déjà emporté en partie. Art. 7. Que l’on obvie aux moyens propres à empêcher l’accaparement des blés, qui occasionne souvent la disette et capable de causer la famine. Art. 8. Que la vénalité des charges de justice soit abolie, et que les droits royaux soient ou supprimés ou modérés. Art. 9. Que la législation civile et criminelle soit réformée. Art. 10. Qu’il ne sera plus permis aucune espèce de défrichement sur les penchants ardus et difficiles. Art. 11. La congrue des sieurs curés et vicaires sera augmentée avec suppression entière du casuel. Art. 12. Toutes dispositions en ligne directe seront affranchies du contrôle et centième denier et réduites au simple droit des commis, en quel acte que ce soit. Art. 13. Que les péages, soient supprimés n’ayant été établis qu’à des conditions et à des charges non remplies. Art. 14. On réclamera sur les cuirs, à l’effet d’en diminuer l’impôt pour le Français. Art. 15. L’exportation des bestiaux aux pays étrangers sera prohibée pour faire diminuer la viande qui est à un taux excessif et prête à manquer. Art. 16. Tous les droits seigneuriaux deviendront rachetables à dire d’experts, hors les redevances honorifiques. Art. 17. Aucun impôt ne pourra être mis et levé s’il n’a été consenti par la nation assemblée. Art. 18. L’on apportera plus de soin et d’exactitude à l’entretien des routes, surtout aux chemins des vigueries. Art. 19. On sollicitera la réforme des Etats de Provence. Art. 20. La suppression de la mendicité sera demandée avec instance. Art. 21. Qu’il soit fait des représentations à raison de ce que la dîme est excessivement forte dans cette communauté, décourageante pour le cultivateur, désirant qu’elle soit établie au même taux que dans le terroir de Perricard qui est de la dépendance du même seigneur, n’y ayant pas même de termes limitrophes dans les deux terroirs. Dévouant en outre, lesdits habitants , leurs biens, leur vie même pour le service et la gloire d’un Roi le meilleur de tous les rois, chéri de son peuple qui n’ambitionne que sa prospérité. Telles sont les doléances, plaintes et remontrances desdits habitants, lues et publiées dans l’assemblée de ce jour et adoptées universellement par les délibérants ensuite du rapport qui en a été fait au Puy-Sainte-Reparade, dans l’église paroissiale, le 25 mars 1789. Signe Thomassin-Lagarde, premier consul; J.-J. Latil, consul; Luc Thierie; Jean Beneri; Pautet cadet; L. Latil; Jean-Louis Lousel ; J.- Baptiste Roulaud ; Hue; Laurent; Richaud cadet; Niel; Artaud; Descalis ; Ameni ; Jean-Baptiste Ardoin ; Fouque ; Silvestre ; Louis-Léon Desculis ; Yique ; Rei ; Artaud aîné; Féraut ; Roustaùt; Therye ; Yaugier ; Groslad ; Mariaud; Imbriton ; Mariton ; Yaugier; Detiennebruter, fermier; Thoux ; Yaugier ainé , Constant Martialis; Reinaud, juge , et par nous greffier soussigné, Barbezier. CAHIER Des doléances de la communauté de la Roquette , remis aux sieurs députés , pour porter à l’assemblée générale qui doit se tenir à Aix le 2 du mois prochain , par-devant M. le lieutenant général au siège de la sénéchaussée (1). Dans la communauté de la Roquette il y a cinq bastides : deux appartiennent à des particuliers, les trois autres au seigneur marquis dudit lieu; les biens séparés de ces ménageries appartiennent à des habitants de Quinson, village très-voisin dudit la Roquette. Le seigneur dudit lieu perçoit le droit de tarque sur tous les grains qui s’y recueillent, à raison du dixième, et une tarque sur les raisins à la quotité du dix-sept, les lods à raison du six, quelquefois par grâce au neuvième. Lorsque cette communauté était habitée, il y avait un curé qui jouissait de la dîme, mais il y a au delà de deux cents années que cette cure n’est plus desservie, bien que dans tesdites bastides il y ait au moins quarante âmes vivantes qui viennent recevoir les secours et instructions spirituelles dans la paroisse de Quinson, en suite d’une ordonnance d’année rendue par le seigneur évêque du diocèse, et le prieur, à ce que l’on dit, donne au sieur curé de Quinson une modique somme de 36 livres. Ce même prieur ne donne qu’une messe chaque dimanche et fête, depuis la croix du mois de mai jusqu’à celle cle septembre; cette messe est célébrée dans la chapelle appelée Saiute-Thècle, près du château du seigneur; le célébrant est pour l’ordinaire le vicaire de Quinson ou celui de Mont-mezan, à qui le prieur donne 48 livres, et pour raison de ce que dessus, ledit prieur perçoit la dîme des grains à raison de quinze, et pour les raisins au vingt-cinq, et les agneaux sur le pied du vingtième. Cette dime produit année commune au moins 50Ü livres. Les pauvres habitants et forains qui, pour se procurer, un pain, avaient défriché des terres gastes, n’ont pas toujoursjoui tranquillement des (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.