394 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs. ] d’approcher les matériaux qui ont servi à l’établissement d’un chemin pour le débouché du Gâtinais à Paris. Ce chemin est fait depuis Men-necy jusqu’à Chevannes, distant d’une demi-lieue de Champcueil ; on ignore encore la direction future de ce chemin. Elle serait plus courte si on le faisait passer par Champcueil, Loutteville et Beauvais, hameaux de cette paroisse; et l’on rendrait un grand service à tous les habitants par le débouché facile qu’on procurerait à la vente de leurs denrées. Ils espèrent que le gouvernement voudra bien favoriser leurs vœux pour un objet aussi utile. La milice est un des plus grands fléaux de la campagne; la classe la plus malheureuse, qui souvent ne peut payer une faible taille, lorsqu’il est question de faire tirer ses enfants au sort, emprunte, vend même une grande partie de son nécessaire, pour faire mettre dans la bourse destinée au milicien environ 10 écus à chacun de ses enfants. Cette loterie, qu’aucune autorité ne peut empêcher, est si à charge aux gens de la campagne, qu’il n’est point de garçon en état de tirer au sort, qui ne donnât volontiers au gouvernement 3 livres tous les ans pour s'en affranchir; avec le produit de cette taxe, le Roi aurait des soldats de bonne volon té et n’épuiserait point les campagnes de gens qui, dès leur enfance, sont voués aux travaux les plus pénibles et les plus utiles. Le prix excessif auquel les blés sont portés cette année font désirer que cette nourriture de première nécessité soit fixée dans des années de disette à un taux au-dessus duquel on ne pourrait la vendre. Mais pour cette opération il ne faudrait admettre dans tout le royaume que les mômes poids et les mêmes mesures. Les bontés du Roi pour les gens de la campagne sont si manifestes, qu’ils croient répondre à ses vues paternelles, en exposant aux yeux du gouvernement le sort des mères qui, dans des accouchements difficiles, sont si vivement enlevées à leurs familles, par l’ignorance des sages-femmes, ou qui, si elles ne le sont pas, restent estropiées, infécondes et incapables de travailler. On pense qu’il serait possible de remédier à des pertes si importantes en choisissant dans chaque paroisse une femme ou une fille qui se sentirait disposée à l’état de sage-femme, pour lui faire faire, aux dépens de gouvernement, un apprentissage de six mois à l’Hôtel-Dieu de Paris; après quoi elle gagnerait sa vie en exerçant ses fonctions dans son pays. Il existe encore dans les villages un abus énorme dans ce genre, par l’impéritie des chirurgiens. Il serait bien important que des gens instruits dans cette partie voulussent indiquer les moyens de remédier à un abus dont les conséquences sont si funestes. Depuis plusieurs années les gens de la campagne n’ignorent pas un projet essentiel à leur bonheur, émané de la bonté du Roi, pour opérer une diminution considérable dans le prix du sel ; les habitants de cette paroisse espèrent qu’il ne tardera pas à se réaliser, et demandent avec instance que leurs représentants fassent sentir toute l’importance de cet objet, tant pour eux que pour leurs bestiaux. Les droits des aides pèsent tellement sur tous les citoyens des villes et des villages, qu’il n’est qu’un vœu pour en demander la suppression; et Ton pense que, si la nouvelle forme des impositions n’était pas suffisante pour se passer du produit d’un droit si odieux et si contraire à la liberté des citoyens et du commerce, il serait convenable d’en imposer l’équivalent sur tous les fonds, et non pas, comme quelques-uns l’ont pensé, sur les vignes seulement, qui, chargées d’un impôt trop considérable, deviendraient à charge aux propriétaires, lesquels adopteraient une autre culture, d’où il résulterait les plus grands inconvénients. Les habitants de cette paroisse, témoins des efforts de leur pasteur pour secourir les malades et ceux qui manquent de pain, voient avec peine que son revenu ne peut suffire pour donner à tous les secours nécessaires. Quelques-uns l’ont aidé à procurer les plus indispensables, et font des vœux pour que le gouvernement s’occupe des moyens de diminuer les revenus immenses du haut clergé et de bonifier ceux des curés, qui, connaissant les besoins de leurs paroissiens, gémissent souvent de ne pouvoir donner que des larmes à des êtres infortunés qu’ils regardent comme leurs enfants. Cette classe du clergé, si utile et si respectable par ses fonctions, pourrait être encore plus respectée et plus chérie si l’on arrangeait les choses de manière que les curés n’eussent point de dîme à lever sur leurs paroissiens, aucuns droits à recevoir d’eux pour les fonctions de leur ministère. Ils seraient alors des pères de grandes familles qui n’auraient rien à demander et tout à donner au besoin. Les habitants de Champcueil ne peuvent ajouter à ce cahier que l’expression des vœux les plus ardents pour la prospérité du Roi et de l’Etat, et adressent par leurs représentants aux Etats généraux, les plus vifs remercîments à M. Necker, le génie tutélaire de la France. Signe Jean Menet, syndic ; Millon; Hautefeuille; Chapuis ; Courrié ; Maréchal ; Pierre Gourlin ; Brierre; Charpentier ; Leroy ; Jauvin ; Goyard, greffier; Blanchard de Boismursas; Louis Millon; Blanchard, curé, et Aubin. CAHIER De représentations et doléances de la paroisse de Champigny-sur-Marne (1). Art. 1er. Supplier Sa Majesté d’établir dans ses finances et dans les charges de l’Etat une administration fixe et économique, afin que son peuple, et particulièrement les cultivateurs et gens de la campagne y trouvent, le plus tôt qu’il sera possible, un soulagement sur les impositions multipliées dont ils sont surchargés sous différents titres, comme tailles, ustensiles, vingtièmes, corvées, droits d’aides, gabelles et autres. Art. 2. S’en rapporter à la sagesse des Etats généraux, pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, la prospérité du rovaumeet le bien de tous et de chacun de ses sujets. Art. 3. Demander que la contribution que chaque paroisse sera obligée de fournir annuellement par la voie d’une seule imposition, soit répartie sur la totalité des biens qui en dépendent, sur le commerce et sur ceux qui vivent de leurs revenus, sans aucune exception, soit à titre de privilège ou autrement, ces privilèges étant au détriment de la classe la plus malheureuse du peuple, particulièrement des cultivateurs et des gens de la campagne. Art. 4. Demander aussi qu’à l’effet de la perception de la somme qui sera imposée sur chaque paroisse, pour tenir lieu de tous droits quelconques, il soit fait une nouvelle et juste réclamation par les propriétaires des biens dont ils sont possesseurs. (1) Archives de l’Empire , 395 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Art. 5. Solliciter avec empressement le renouvellement des lois pour la destruction du gibier qui fait préjudice aux récoltes, et surtout aux lapins qu'il serait à propos de ne laisser exister que dans les lieux clos. Art. 6. Demander qu’il soit accordé aux pro-prétaires et locataires des prés, luzernes ou sainfoins, le droit d'en faire la récolte quand ils le croiront nécessaire. Art. 7. Demander aussi la défense de l’exportation des grains hors du royaume, si ce n’est dans le cas d’une grande abondance, et l’obligation de la part des fermiers et propriétaires cultivateurs de les porter aux marchés les plus prochains de leur résidence. Art. 8. Solliciter des défenses à toutes compagnies de faire, sous le titre d’association, Je commerce de grains dont l’accaparement produit toujours l’augmentation. Art. 9. Solliciter pour qu’il soit établi, dans des temps d’abondance, des magasins de grains dans chaque province, aux dépens des généralités, par les moyens que les Etats généraux croiront devoir aviser jaour subvenir dans les temps de disette au soulagement du peuple. Art. 10. Solliciter pareillement la réforme des lois judiciaires tant au civil qu’au criminel, à cause des formalités ruineuses qui en résultent pour les malheureux plaideurs, dont le droit peut être incertain, faute d’être déterminé d’une manière précise par les coutumes et les ordonnances. Art. 11. Supplier les Etats généraux de prendre en considération la sûreté des villages et des routes, qui ne sont pas suffisamment gardés contre les malfaiteurs, par le peu de maréchaussée qui existe, dont l’éloignement des brigades d’un endroit à l’autre ne permet pas d’en tirer l’avantage qui serait à désirer. Art. 12. Demander l’exemption des droits de contrôle et du papier timbré , pour toutes les poursuites qui pourraient être faites contre les redevables des droits qui se payeront au Roi et à l’Etat. Art. 13. Renouveler les défenses portées par les ordonnances ; en conséquence, faire défense à tous propriétaires de planter des bois taillis sur leurs terres, sans observer au moins une distance de six pieds des propriétés voisines. Le présent cahier a été ainsi fait et arrêté à l’unanimité des suffrages, en l’assemblée des habitants de la paroisse de Champigny-sur-Marne, conformément au procès-verbal de cejourd’hui 16 avril 1789 ; nous, lieutenant de la prévôté dudit lieu, nous étant abstenu de voter, et lesdits habitants ont signé, à l’exception de ceux qui ont déclaré ne savoir écrire ni signer, de ce cn-quis, et notre greffier a signé avec nous. Signé Bénard; Grand-Jean; L.-M. Duval ; L. Pelletier; Nicolas-Louis ■ Duval ; Chenay ; M.-S. Lunés ; J. Pelletier; L.-F. Bénard ; Conveset ; L.-S. Joly; Etienne Bury; P. Le Breton ; Quettis;C. Richard ; G. Périgault ; De Gressac ; Raffy, et Bénard. Le présent cahier, contenant six pages, a été de nous coté, signé et paraphé ne varietur par nous, juge de la paroisse de Champigny-sur-Marne, au désir de notre procès-verbal de cejourd’hui 12 avril 1789. Signé Raffy. CAHIER Des vœux et doléances de la paroisse Saint-Germain de Champlan et instructions qu'ils donnent à leurs représentants députés à l'assemblée générale de la prévôté et vicomté de Paris , indiquée au 18 du présent mois , ledit cahier arrêté en l'assemblée générale desdüs habitants , tenue cejourd'hui 15 avril 1789, présidée par maître Jacques - Charles EüSTACHE , lieutenant civil, criminel et de police du bailliage et marquisat de Palaiseau, Champlant et dépendances (1). Les habitants de Champlan, pressés sous le poids des subsides comme les autres sujets de Sa Majesté dans l’ordre du .tiers-état, ne chargeront point leur cahier de nombreux articles sur toutes les parties d’administration, justice, police, finances, agriculture, commerce, impôts, domaines, et sur les abus innombrables qui se sont glissés dans toutes les parties qui excitent depuis longtemps les réclamations de tous les ordres et singulièrement du tiers-état. Ils joignent leurs vœux à ceux qui seront portés de l’assemblée générale de la ville, prévôté et vicomté de Paris par les villes, bailliages, corps et communautés, en tout ce qui tend au bonheur de l’Etat, à la félicité publique et à la plus grande gloire et puissance de Sa Majesté. Ils se borneront aux articles principaux qui ne peuvent être assez développés ni éclaircis, et qui sont susceptibles d’être étendus ou restreints. Délibération par tête. Art. 1er. Les réclamations qui doivent être faites aux Etats généraux, les réformes et suppressions qui vont être demandées, devant porter principalement sur des corps privilégiés habitués depuis plusieurs siècles à préférer leur intérêt particulier au bien générai, il serait à craindre que ce dernier ne pût être opéré et fût plus que balancé, si on opinait par ordre ; les habitants de Champlan sont donc d’avis, au moins pour cette fois, qu’il soit délibéré par tête. Ou par ordre, s'il devient nécessaire. Art. 2. Si néanmoins, pour le bien commun, les autres députés de tiers-état, de la noblesse et du clergé, s’accordaient dans les première ou seconde assemblées, à délibérer par ordre, ou qu’il fût ainsi ordonné, nos députés sont entièrement autorisés à faire ou consentir tout ce qui seraavisé,- et à adopter les plans de conciliation qui seraient proposés. Impôts. Art. 3. Pour parvenir à l’acquit de la dette nationale et subvenir aux charges publiques et dans les cas de guerre, l’impôt a toujours été nécessaire; mais les impôts réunis sont devenus exorbitants et trop nombreux ; les frais de leur perception immenses, leur répartiton. inégale ou arbitraire, et les moyens employés jusqu’à présent presque toujours insuffisants, pour remédier aux abus ; puisque les impôts seront supportés à l’avenir par toutes les classes, en proportion de leurs biens et facultés, il faudrait que ceux qui seront établis soient de nature fixe et l’assiette si certaine, que les peuples ne soient plus exposés à demander la réformation des erreurs et des abus à l’égard de la propriété ; le classement des terres dans tout le royaume, et l’impôt réel foncier ou territorial sur l’évaluation, d’après le classement, est le seul qui puisse remplir ce but. (1) Archives de l’Empire,