[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mai 1791.] 3� l’exécution de l’article 8 du titre I« de la loi du 14 octobre précédent. Art. 4. « Si, parmi les maisons ci-dessus désignées pour retraite, il s’en trouvait qui ne pussent pas contenir tous les ci-devant religieux appelés à les habiter, ceux qui ne pourraient pas y être reçus seraient répartis par le directoire du département du Nord dans celles desdites maisons où il y aurait excédent de places. » M. l’abbé Breuvard. Messieurs, vos décrets relatifs aux religieux ont donné à ceux-ci la liberté de sortir du cloître ou d’y rester pour continuer la vie commune, à condition toutefois que, dans ce dernier cas, ils seront toujours en nombre suffisant pour < élébrer l’office avec décence et majesté. Vous crûtes en conséquence ne pouvoir conserver que les maisons où il y aurait plus de 15 religieux et, lorsque les maisons seraient réduites à un nombre inférieur, vous avez décidé de les réunir à d’autres maisons du même ordre et de la même règle, autant que possible. Que vous propose-t-on aujourd’hui? On veut vous faire décréter que des communautés composées, les unes de 20, d’autres de 30, de 40 et de 50 religieux seront réunies 5 ou 6 ensemble. On vient troubler la paix de ces maisons tranquilles, le repos dont elles jouissent depuis longtemps. Ces communautés qu’on vous propose de réunir sont, pour la plupart, à la campagne. Quel si grand parti Ja nation pourrait-elle tirer à présent de tant de grandes maisons abandonnées? Remarquez, Messieurs, qu’il n’en est pas de ces communautés religieuses de nos provinces belgiques comme d’une foule d’autres communautés du royaume où l’esprit de relâchement n’a fait que trop de progrès. Nos communautés religieuses sont encore aujourd’hui très régulières et très considérées ; aussi n’y a-t-il que très peu de religieux qui aient profité de la liberté que vous leur avez offerte de quitter le cloître. Je ne sais même pas si de tous les religieux de l’abbaye de Saint-Vaast, composée d’environ 80 religieux, il y en a un seul qui ait abandonné son état. Pourquoi troubler aujourd’hui la paix dont jouissent ces communautés et les priver de la consolation de continuer d’y remplir tranquillement les saints devoirs auxquels elles se sont vouées? Pourquoi leur faire abandonner, en quelque sorte, l’état religieux? Car la vexation qu’on exerce aujourd’hui sur eux ne peut tendre à d’autre but. En voici la raison, Messieurs ; et votre comité ne la cache pas. 11 n’y a dans les provinces belgiques que très peu de curés qui aient cru pouvoir prêter serment. . . M. Bouche. Tant pis ! M. l’abbé Breuvard. Vous avez raison de dire que c’est tant pis, si ces curés troublent la paix, si ces curés portent à la révolte; mais si ces curés sont des gens fidèles à vos décrets d’ailleurs, pourquoi donc veut-on aujourd’hui troubler ces communautés, dont la plupart sont à la campagne? C’est parce qu’on espère avoir par là des gens pour remplacer les curés. Voilà la raison que donne votre comité ecclésiastique, et si le département du Pas-de-Calais n’envoie pas cette semaine la répartition des maisons qu’on lui a demandées, votre comité le fera lui-même d’office. Voilà la raison que l’on donne, et pourquoi? Pour exécuter un décret que beaucoup de personnes regardent comme vexatoire. Je demande donc, Messieurs, que vous laissiez jouir les communautés du Nord de la faveur de votre décret. Je demande que ce communautés, étant la plupart très nombreuses, les religieux restent dans leurs maisons |usqu’à ce qu’ils soient réduits au nombre de 15, et qu’alors les religieux en soient réunis à la maison qui est leur chef-lieu. Vous sentez combien il est rigoureux pour des vieillards attachés depuis 50, bO années à ces maisons, de les quitter; et soyez persuadés que cela va affliger les villages où ces communautés sont placées et qu’elles nourrissent encore aujourd’hui. Je demande donc l’exécution du décret. M. Trellhard. Il ne s’agit nullement ici de savoir s’il y a eu plus ou moins de fonctionnaires publics ecclésiastiques qui aient prêté leur serment dans le département du Nord ; ce projet de décret est la suite de l’exécution des décrets que vous avez rendus sur les ordres religieux. Vous avez voulu conserver, à ceux qui désireraient la vie commune, la faculté de vivre en commun ; mais vous avez en même temps dit, et avec beaucoup de sagesse, que vous indiqueriez aux re'igieux, qui voudraient vivre en commun, la maison dans laquelle ils seraient tenus de se retirer, à la différence des religieuses, à qui vous avez permis de rester dans la maison où elles étaient. Vous avez eu égard à la faiblesse de leur sexe, à leurs habitudes et à beaucoup d’autres considérations ; en conséquence, vous avez ordonné aux corps administratifs de vous représenter l’état des religieux de leur département , pour rendre le décret qui assignerait la maison où ils seront tenus de se retirer. 11 n’y a pas de département où ce travail soit plus avancé que dans le département du Nord et dans le département du Pas-de-Calais ; et cela n’est pas étonnant : il y a dans ces départements beaucoup d’abbayes, à la tête desquelles se trouvent des abbés réguliers, c’est-à-dire les plus despotes de tous les hommes. Or, il faut que vous sachiez que ces abbés ont trouvé le secret d’en imposer aux religieux qui sont encore sous leur joug, au point que plusieurs d entre eux nous ont écrit qu ils ne pouvaient pas jouir de la liberté que vous leur aviez donnée par vos décrets, parce qu’ils étaient retenus encore par l’autorité de l’abbé régulier, dont cependant vous avez détruit tout le pouvoir. 11 faut aussi que vous sachiez que vous avez décrété que dans toutes les maisons on nommerait un supérieur, et ce supérieur pouvait être un autre que l’abbé ; et cependant dans aucune de ces maisons on n’a changé le régime qui existait; l’abbé exerce partout son despotisme. Les religieux attendentavecla plus grande impatience le moment où vous pourrez briser le joug sous lequel ils ont vécu jusqu’à ce moment-ci. Tout doit donc vous inviter , Messieurs, à adopter ce décret, qui est concerté avec les corps administratifs, qui n’est qu’une conséquence des décrets que vous avez rendus, qui accélérera la vente des biens nationaux. Je demande donc que vous mettiez le décret aux voix. (L’Assemblée ferme la discussion et adopte, sans modification, le projet de décret du comité.)