284 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 n vernbre #93* Bourdon (de l'Oise). Cette commission serait absolument inutile. Je compte, ainsi qu’un grand nombre de nos collègues, demander la question préalable sur ce code, qui ne tend qu’à recréer un état-major forestier. Chaque arpent ne rapportait au roi que 2 sous et demi. Il faut que par des aliénations bien combinées cette partie des richesses nationales rapporte à la République ce que naturellement elle peut et doit rapporter. Selon le plan de l’Assemblée constituante, cette partie des domaines natio¬ naux devait rapporter 2 1/2 0/0, et la nation paie 5, 6 et 7 0/0 de l’argent qu’elle doit. Serait bien fou qui emprunterait à 5 0/0, et ne ferait valoir son bien que 2 1/2. Je demande donc que le plan du comité soit discuté dans l’Assemblée avant de nommer une commission de révision. L’Assemblée ne prend aucune décision. ANNEXE A la séance de la Convention nationale du 14 brumaire an Kl (lundi 4 novembre 1903). Rapport sur le projet d’an Code fores¬ tier, présenté au nom des Comités des Domaines, dMliénation, d’ÂgricuUtire, de Commerce, des JCinances et de la Guerre, par Poullain-Grandprcy, dé¬ puté des f'osges. Imprimé en exécution d'un décret de la Convention nationale (2). Tous nos projets sur les bois doivent se réduire à tâcher de conserver ceux qui nous restent, et à renouveler une partie de ceux que nous avons détruits. ( Ency-clop., vol. 2, lettre B.) Citoyens, La plus précieuse et la moins respectée des propriétés nationales appelle depuis longtemps les regards du législateur. Les progrès effrayants des dégâts dont les forêts sont la proie présagent leur ruine prochaine., C’est à vous à proposer promptement une digue au torrent dévastateur qui se grossit de nos pertes, et menace d’anéantir l’espoir de la génération qui nous suif. Vous aurez assuré son bonheur si, ajoutant au bien¬ fait d’une Constitutioirpopulaireet républicaine, d’un plan d’éducation fondée sur l’égalité et la raison, d’une législation simple et prévoyante, vous assurez aux siècles futurs une ressource contre un besoin que ne pourrait satisfaire toute l’industrie humaine. Ce n’est pas seulement sous les rapports d’une spéculation financière, qu’il faut envisager les forêts; il ne suffit pas de comparer les revenus qu’elles peuvent produire, à la dépense qu’occa¬ sionnerait leur conservation. Le calcul exact d’une économie sévère ne doit pas être l’unique base du système régénérateur que vous allez établir : c’est sur l’utilité politique de ces pro-(1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 283, la mo¬ tion de Beffroy et la note n° 3. (2) Bibliothèque nationale : 32 pages in-8°, Le38, n° 533; Bibliothèque de la Chambre des députés : Collection Portiez (de l'Oise), t. 164, n° 7. priétés importantes, qu’il faut surtout méditer; et l’œil de l’observateur apercevra sans peine la marine, l’artillerie, la défense des places, la na¬ vigation intérieure, l’architecture, le commerce et les arts liés à leur état de prospérité. Les besoins éprouvés par les trois quarts des citoyens français ne lui échapperont pas; et quelle que soit l’heureuse contrée qu’il habite, la fraternité, ce sentiment si intimement lié au principe sacré de l’unité et de l’indivisibilité de la République, la fraternité fera disparaître toutes les affections locales, et le déterminera à mettre sur la même ligne que les subsistances le bois, dont l’usage est indispensable pour repousser les rigueurs de l’hiver; il n’oubliera pas surtout que cette pro¬ duction de la terre, si nécessaire à tous les arts, à tous les usages, à la vie même, est le lent ouvrage des siècles, et que des vues trop pré¬ cipitamment adoptées peuvent plonger la France dans une disette affreuse, dont plusieurs générations ne verraient pas cesser la cause. C’est en jetant cet intérêt sur l’examen des questions relatives à l’administration des forêts, qu’on se prémunira contre le système désastreux de leur aliénation. Si ma tâche était de le combattre, il me serait facile de démontrer qu’il entraînerait la ruine totale des bois, et nous enlèverait, sous l’appât d’un soulagement passager, les ressources que nous et nos descendants devons attendre de leur possession. Qui ne connaît le désastre que peut causer dans les forêts l’ardeur d’une jouissance prématurée? Ce sentiment suivrait de près la possession dans l’âme de celui qui ajouterait dès bois à ses propriétés. Une exploitation arbitraire, guidée par le caprice, les besoins et les circonstances du moment, anéantirait bientôt les plus belles espérances, en faisant disparaître l’unité des principes, si nécessaire en administration. Il est rare que l’homme, pressé de jouir, fasse entrer l’intérêt public dans ses spéculations, aux dépens de son intérêt personnel, et se voue à des sacrifices dont il ne recueillerait pas même le mérite. La vie d’un homme est plus courte que celle d’un chêne. La conservation d’un arbre dont il ne doit pas jouir le séduira peu; il se lassera de payer des contributions pour un objet qui ne lui procure aucun revenu, et il se hâtera d’en tirer avantage, aux dépens de son accroissement. Il n’appartient qu’à la nation, qui ne meurt pas, de faire entrer dans ses plans d’économie l’inté¬ rêt de tous les lieux et de tous les âges. Cet intérêt national veut que chaque arbre soit conservé jusqu’à sa parfaite maturité; celui du propriétaire particulier est, au contraire, de multiplier les coupes, pour avoir un profit plus souvent répété. La possession des bois n’offre aucun avantage au petit propriétaire. La difficulté et les frais de la conservation, la lenteur des produits l’effraye¬ ront; la perspective d’une jouissance éloignée le découragera et lui fera rejeter une spéculation qui ne lui offrirait pas un produit proportionné à ses besoins journaliers : mais s’il n’est pas arrêté par ces considérations; s’il acquiert des bois, comment préservera-t-il sa faible possession des attentats des malveillants? Lorsque la réunion des forces publiques suffit à peine pour arrêter le brigandage, comment assujettira-t-il à des règles d’aménagement une propriété qui, par la mé¬ diocrité de son étendue, se refuserait à toute espèce de sous-division?