BAILLIAGE LE SENS. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances du clergé du bailliage de Sens (1). Le premier ordre du royaume donnera des témoignages éclatants du zèle patriotique dont il est enflammé, 'en offrant les plus grands sacrifices. Le clergé ne perdra point de vue les devoirs que lui impose le sacerdoce, et il n’oubliera jamais les obligations du citoyen. Ministres de l’Eglise, les prêtres sont les dépositaires de sa foi et les conservateurs de sa discipline. Citoyens et sujets soumis et fidèles, ils doivent partager le fardeau pénible des charges de l’Etat et participer aux avantages des autres membres de la nation. C’est sous ces deux rapports que le clergé du bailliage de Sens va former son cahier, et exposer les réclamations que les circonstances exigent de son zèle. RELIGION. Le clergé ne doit son rang qu’au respect qu’ont eu, dans tous les temps, les peuples pour la religion, et qu’ils ont naturellement rendu commun à ses ministres. C’est par là que, dans les Etats monarchiques surtout, la religion est devenue un des plus fermes appuis du trône, et que ses ministres, répandus de toutes parts, en sont devenus les plus utiles soutiens. De là aussi cette conséquence que les monarques n’ont jamais oublié qu’un de leurs premiers devoirs comme un de leurs plus chers intérêts est de maintenir dans le royaume l’unité de la doctrine et l’uniformité du culte. Mais c’est sur les premiers pasteurs de l’Eglise et sur leurs coopérateurs que le prince doit se reposer d’un soin aussi important; à eux appartient le droit de surveiller la croyance commune et de régler les pratiques du culte religieux; devoir bien sacré sans doute, puisqu’ils en sont responsables tout à la fois à Dieu, au Roi et à la nation. CONCILES PROVINCIAUX. Art. 1er. C’est d’après ces vérités et d’autres aussi reconnues que le clergé général n’a point cessé, depuis plus d’un siècle, de réclamer auprès du Roi la tenue régulière des conciles provinciaux; c’est d’après ces mêmes principes que nous jugeons nécessaire et plus pressant peut-être que jamais il le fût de supplier Sa Majesté de rétablir dans ses Etats ces anciennes et salutaires assemblées. Les matières dont ces conciles auraient à s’om cuper seraient préparées par des synodes diocésains; leur composition serait telle que les pas-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. teurs du second ordre s’y trouvent, en nombre suffisant, rapprochés des premiers pasteurs, qu’ils éclaireront par la connaissance plus intime que leur expérience leur donnera des abus et des moyens de les réparer. Ce rapprochement, d’ailleurs, entretiendrait l’harmonie dans les différents ordres de l’Eglise, et le bien qui en résulterait se communiquerait sans doute à toutes les autres classes des citoyens. MAUVAIS LIVRES. Art. 2. Ils renouvelleraient ces saints décrets qui proscrivaient la fureur des productions licencieuses en tous genres, et surtout en matière de religion, qui, de la capitale, vont inonder les provinces, percent jusque dans les campagnes, y corrompent en même temps l’innocence et la foi de leurs simples habitants ; et des germes d’impiété qu’ils y répandent, y font naître cet esprit d’indépendance capable de soulever les empires et de préparer pour le dernier des malheurs celui d’une affreuse anarchie. SANCTIFICATION DES DIMANCHES ET FÊTES ET RÉDUCTION DES FÊTES. Art. 3. Là serait sanctionné, solennellement et pour toujours, la célébration uniforme des fêtes dans une province. Là s’opérerait, pour le bien même et l’honneur de la religion, la réduction de ces mêmes fêtes si vivement sollicitée aujourd’hui, devenue peut-être nécessaire à l’indigence des campagnes et aux pauvres artisans des villes. Alors ces règlements, dictés par la sagesse et la religion tout ensemble, consacrés par une loi du prince, maintenus par une police sévère, recevraient de ce concours des pouvoirs le degré d’autorité et de force dont ils auraient besoin pour n’être plus violés aussi impunément qu’ils le sont aujourd’hui. Là s’épureraient toutes les vaines observances, et se détruiraient ces pratiques superstitieuses qui affligent tout à la fois la raison et la religion. Le rapport de ces conciles provinciaux entre eux, préparerait les moyens d’établir l’uniformité d’enseignement et du culte extérieur. CONSTITUTION DE L’ÉTAT. Art. 4. L’ordre du clergé, ainsi que tous les autres ordres de l’Etat, a toujours senti le bonheur de vivre sous le gouvernement monarchique ; la bonté paternelle du Roi, et le zèle de ses ministres actuels pour seconder ses intentions bienfaisantes, rendent cette forme de gouvernement encore plus précieuse à tous les Français ; mais les vertus particulières du souverain n’assurent que momentanément le bonheur d’une nation ; il ne peut être immuable qu’autant qu’il sera établi sur des lois constitutionnelles qui règlent, d’une manière claire et précise, les droits du monarque et ceux des sujets ; en sorte que l’autorité et l’obéissance connaissent, dans toutes les circonstances, la règle qui doit les guider. [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] 749 La monarchie française n’aurait rien à désirer, ' à cet égard , si ces lois constitutives avaient conservé leur vigueur. Tous les monuments de son histoire attestent que la nation représentée, sous les deux premières races, par les deux premiers ordres, délibérait sur ses intérêts les plus importants, et que ses délibérations étaient sanctionnées par le Roi; que le troisième ordre réuni, vers le commencement du quatorzième siècle, aux deux premiers, a formé avec eux le corps de la nation. Ces trois ordres, toujours distincts malgré leur réunion, ont la même immunité pour leurs biens, la même liberté pour leurs personnes ; que ces droits naturels et imprescriptibles sont la base du droit public français ; que les impôts ne peuvent être établis que du consentement des trois ordres, et que l’indépendance respective dont ils jouissent ne permet pas à l’un d’engager l’autre. CONNAISSANCE DE LA SITUATION DES FINANCES. Art 4 bis. L’état actuel des finances devant être la base des sacrifices que la nation doit faire, le député du clergé du bailliage de Sens devra s’assurer des dettes communes qui sont à acquitter, et, autant qu’il se pourra, des charges ordinaires et annuelles auxquelles la nation doit fournir, et ne devra consentir aucune imposition avant cette connaissance préliminaire. CONTRIBUTION DU CLERGÉ. Art. 5. Le clergé s’est toujours regardé comme tenu de contribuer aux charges de l’Etat; les dettes dont il s’est grevé en sont une preuve. Si les circonstances exigent de lui de plus grands sacrifices,. il offre volontairement et librement de les faire dans la proportion de ses propriétés ; il observe cependant que le bien de la répartition semble exiger qu’il demande à conserver ses formes, c’est-à-dire à s’imposer lui-même. La répartition de l’imposition des revenus ecclésiastiques ne doit pas être faite comme celle des biens laïques, simplement en raison des revenus respectifs, mais encore eu égard aux fonctions plus ou moins pénibles, plus ou moins dispendieuses, et aux différentes charges qu’impose aux bénéficiers la nature de leurs bénéfices : aux curés, par exemple, l’étendue de leurs paroisses et la qualité de leurs paroissiens, qui souvent attendent des secours de la charité et de la bienfaisance de leurs pasteurs ; il suffit, pour consacrer cette administration vraiment paternelle, de dire qu’elle a mérité les éloges du plus grand administrateur de nos jours. En confiant l’imposition du clergé au peuple, comme celle des autres contribuables, les curés seraient exposés aux recherches et à la discussion des paroissiens, souvent à la haine et au ressentiment lorsqu’il serait question du recouvrement; et, dans tous les cas, ce pasteur serait en butte à la malveillance de ses paroissiens. Quelle gêne, quelle contrainte dans l’exercice des saintes rigueurs du ministère ! DETTES DU CLERGÉ. Art. 6. Les dettes du clergé intéressent la nation entière; tous ses biens-fonds sont hypothèque des prêteurs ; il ne peut donc consentir à aucune distraction de ses revenus, même particuliers, qu’autant que la dette générale sera assurée ; la masse en est connue, elles ont été uniquement contractées pour les besoins de l’Etat, sous l’autorisation du souverain et de la sanction ordinaire. Le clergé ne doit-il pas demander, pour la sûreté même de ses créanciers , qu’en offrant de payer dans la proportion des autres contribuables, les sommes nécessaires pour les arrérages et les amortissements soient prélevées chaque année jusqu’à l’acquittement total de la dette générale, et le surplus versé dans le trésor de la nation? PRIVILÈGES DU CLERGÉ. Art. 6 bis. Le clergé du bailliage de Sens, en. offrant les sacrifices que les besoins de l’Etat attendent de sa générosité patriotique, ne peut perdre de vue les privilèges, honneurs, préséances et distinctions dont il jouit depuis le commencement de la monarchie, et qui font partie de son existence légale. Ce ne sont point de nouvelles prérogatives qu'il sollicite, mais le maintien de celles dont il ne peut se départir, et qui sont nécessaires pour maintenir le respect et la vénération qui sont dus aux ministres d’une religion divine et aux fonctions saintes qu’ils exercent au milieu des peuples. ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES AUX ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 7. Le clergé du bailliage de Sens voit avec douleur que les évêques, premiers pasteurs de l'Eglise, peuvent, par la forme de la constitution des élections, n’être point appelés à cette assemblée nationale et ecclésiastique en nombre suffisant pour y représenter le corps épiscopal. Il supplie Sa Majesté de prendre cet objet en considération, et sans diminuer le nombre des ecclésiastiques du second ordre qui ont droit et intérêt de voter aux Etats généraux, d’ordonner qu’il y aura désormais, en outre, un évêque par chaque province ecclésiastique du royaume député par ses coprovinciaux, que le métropolitain assemblera à cet effet, et que, dès cette fois, les agents généraux du clergé de France auront entrée aux-dits Etats, sans autre pouvoir que leur qualité d’agents, conformément aux anciens Etats généraux. DOTATION DES CURÉS ET VICAIRES. Art. 8. Le clergé demande aussi que les curés à portion congrue soient dotés à raison de la population de leurs paroisses, afin de leur procurer une subsistance honnête et conforme à la dignité de leur état. En conséquence, que les curés des paroisses les moins nombreuses soient dotés de 1,200 livres, et ainsi par gradation, et que les vicaires soient aussi dotés de manière qu’ils jouissent au moins de 700 livres dans les campagnes et de 800 livres dans les villes. PRÉSÉANCE DES CURÉS AUX ASSEMBLÉES MUNICIPALES. Art. 8 bis. La considération que l’Etat accordera aux curés influera sans doute beaucoup sur le respect dû à la religion, même dont ils sont les ministres ; il n’est pas ordinairement à craindre qu’un curé abuse de la préséance qu’on lui donnera sur ses paroissiens dans les assemblées municipales, et il le serait au contraire que le bien ne s’opérât pas uniformément , et que l’administration provinciale ne fût privée d’une partie des ressources d’activité et d’intelligence que lui offrent les curés, si on ne leur rendait pas le droit de présider, conjointement avec les seigneurs, ou en leur absence, aux assemblées municipales, 750 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] comme ils l’ont à celles provinciales et de département. SUPPRESSION DU CASUEL FORCÉ. Art. 9. Cette demande ne paraîtra ni indiscrète ni exagérée, si les Etats généraux veulent bien observer que les trois ordres réclament unanimement la suppression du casuel pour l’exercice des fonctions du ministère. UNION DES BÉNÉFICES. Art. 10. Les unions de bénéfices ont paru à Sa Majesté le moyen le plus efficace d’améliorer promptement l’existence de cette portion du clergé pour laquelle on a déjà plusieurs fois sollicité sa tendresse paternelle ; mais le clergé du bailliage de Sens prend la liberté de lui observer que ses vues bienfaisantes ont éprouvé et éprouveront encore de grands obstacles par les procédures interminables qu’exigent ces unions. Il supplie en conséquence très-humblement Sa Majesté d’affecter des pensions sur les abbayes dans les différents diocèses à mesure qu’elles vaqueront, lesquelles pensions s’éteindraient à proportion que s’effectueraient ces unions. DESTINATION DES CANONICATS AUX CURÉS. Art. 10 bis. L’ordre des curés devant mériter l’attention du gouvernement, le député du clergé du bailliage de Sens s’occupera des moyens de faire réserver à cet ordre un nombre do canonicats dans le églises cathédrales et collégiales pour être la retraite et la récompense des anciens curés qui auront travaillé avec édification dans l’exercice des fonctions du ministère, et que ce nombre soit déterminé en proportion de celui des prébendes desdites cathédrales et collégiales. FORMATION DE LA CHAMBRE ECCLÉSIASTIQUE. Art. 11. Que la chambre ecclésiastique soit formée par élection faite tous les trois ans par des représentants de chaque doyenné, et que le nombre des membres qui la composeront soit proportionné à celui de la classe des contribuables séculiers ou réguliers qui sont dans le diocèse, et que les honoraires attribués auxdits membres soient moins une récompense du travail, qu’une indemnité des frais occasionnés par le voyage et le séjour. ASSEMBLÉES GÉNÉRALES. — TABLEAU DES DÉCIMES COMMUNIQUÉ. Art. 12. Le vœu du clergé de ce bailliage est que les dépenses des assemblées générales du clergé soient réduites autant que cela sera possible. Que le tableau des décimes répartis sur chaque bénéfice soit dressé tous les ans ; qu’une expédition soit envoyée à chaque doyenné, et que les ecclésiastiques imposés aient la faculté d’aller se consulter chez celui qui en sera le dépositaire. PRÉVENTIONS EN COUR DE ROME. Art. 13. Les préventions en cour de Rome établies pour prévenir la négligence des coilateurs et assurer des titulaires aux bénéfices, sont devenues une plaie de l’Eglise; tous les ordres en connaissent les abus, le clergé en gémit ; il propose de faire une loi générale qui ne permette la prévention qu’après un mois de vacance des bénéfices. LOI SUR LA DIME ECCLÉSIASTIQUE. Art. 14. Les procès multipliés qui s’élèvent par rapport à la perception de la dîme n’auraient pas lieu, si la déclaration de 1657 avait son exécution ; mais n’ayant pas été enregistrée, elle est restée sans effet. Le clergé supplie donc Sa Majesté de rendre une loi dont les dispositions remédieraient à tous les inconvénients qui depuis longtemps affligent le clergé et ruinent les bénéficiers. SUPPRESSION DES ÉCONOMATS. Art. 15. Il demande aussi que les économats, dont les formalités multipliées absorbent souvent la succession des bénéficiers soumis à cette administration ruineuse, et envahissent quelquefois leurs biens patrimoniaux sous prétexte qu’ils sont hypothéqués aux répartitions des bénéfices, soient supprimés; qu’ils soient remplacés par les chambres ecclésiastiques de chaque diocèse où les bénéfices sont situés, suivant un projet proposé par l’assemblée générale du clergé; que les frais relatifs aux nouvelles fonctions soient simplifiés le plus qu’il sera possible, et que les fonds versés dans la caisse de ces chambres ecclésiastiques soient exactement appliqués à leur destination précise, soit pour assigner des pensions à de nouveaux convertis, à des curés infirmes, ou à subvenir à l’entretien des collèges qui ne seraient pas suffisamment dotés. CONCORDAT. Art. 16. Que le Concordat soit étendu sur le clergé des provinces connues sous le nom de pays d’obédience, et sur les provinces soumises au concordat germanique, afin d’établir l’uniformité sur la collation des bénéfices. ORDRE DE MALTE. Art. 17. L’ordre de Malte ne participe en rien au régime du clergé ; il ne partage aucune de ses fonctions; il prétend partout se soustraire à la juridiction épiscopale; l’administration par le règlement dans l’ordre du clergé doit exciter nécessairement sa réclamation. 11 demande que l’ordre de Malte se soumette .à contribuer aux charges de l’Etat, dans la même proportion que le clergé, et surtout qu’il accorde aux curés de son ordre le même traitement, pour la portion congrue que celui qui sera fixé aux Etats généraux, et que l’abonnement fait entre l’ordre de Malte et le clergé soit annulé, attendu qu’il n’est plus dans la proportion des biens et des charges. CONSERVATION DES TITRES ET DES CHARTES. Art. 18. Demande aussi, le clergé du bailliage, qu’on ne puisse, dans aucun cas, exiger qu’on remette aux abbés commendataires ou aux titulaires des bénéfices les titres en originaux pour en éviter la dispersion ou la perte, également préjudiciable aux bénéfices, à l’histoire et au droit public dont ces monuments sont la source, et aux familles qui souvent ont besoin de ces titres pour la défense de leurs propriétés et la preuve de leur noblesse, et que des expéditions, en forme, de ces titres, soient suffisantes devant les tribunaux dans la poursuite des droits particuliers. EMPLOI DU TIERS-LOT DES ABBAYES. Art. 19. Que le tiers-lot des abbayes soit confié aux religieux comme consommateurs sur les lieux, à la charge par eux de faire les réparations et de remplir les obligations des deux menses, pour le surplus être partagé entre l’abbé et les religieux, ou être employé au bien général de l’Eglise. 751 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] EMPLOI DES AUMONES DES DISPENSES. Art. 20. Que les sommes arbitrées à la cour de Rome et au secrétariat des évêques pour les dispenses soient appliquées aux aumônes des paroisses des impétrants, ce qui désabuserait, d’une manière non équivoque, les peuples de l’opinion fausse où ils sont que les grâces de l’Eglise ne sont pas gratuites de la part de ses ministres. EMPLOI DU SUPERFLU DES FABRIQUES. Art. 21. Que le revenu des fabriques ne puisse ête détourné à d’autres usages qu’à celui qui a été fixé par les lois; que, dans le cas d’un excédant, toutes les charges étant acquittées et remplies, il soitemployé au soulagement des pauvres, pour lesquels le clergé du bailliage de Sens sollicite des bureaux de charité composés des curés et mar-guilliers, et dont tous les comptes seront rendus devant les archidiacres. MONITOIRES. Art. 22. Que toute espèce de monitoires soient abolis, ou, si l’on juge devoir en conserver l’usage dans l’Eglise, qu’il ne soit réservé que pour les ministres et les crimes d'Etat; que dans les autres cas il soit laissé à l’official le droit de les refuser, sans qu’il puisse être pris à partie; car enfin le juge ecclésiastique doit avoir le droit de juger si le crime lui paraît mériter les plus grands châtiments de l’Eglise. CONCOURS. Art. 23. L’émulation seule pouvant développer complètement les talents, le clergé observe que l’espoir d’obtenir des récompenses l’exciterait efficacement, et qu’elle serait soutenue par le concours entre les sujets qui sont sur les rangs pour les cures à obtenir, soit de l’évêque, soit des pasteurs ecclésiastiques ou laïcs. 11 désire, en conséquence, que ses différents collateurs ne puissent nommer que ceux qui auront été jugés dignes au concours, à ce qu’il ne soit admis que les ecclésiastiques qui exerceraient actuellement le ministère dans le diocèse depuis cinq ans au moins. DEGRÉS. Art. 24. Le clergé du bailliage de Sens ne peut se dispenser de supplier Sa Majesté de rendre une loi semblable à celle qui est déjà en vigueur dans plusieurs parlements pour réduire le nombre des villes appelée murées, ayant égard à la population, en exigeant, par exemple, quatre mille communiants et au-dessus Ipour qu’une ville soit au nombre de celles pour lesquelles un curé doit avoir des degrés. UNIVERSITÉS. Art. 25. Les universités méritent sans doute la plus grande faveur; le clergé ne doit point oublier les services qu’elles ont rendus, dans tous les temps, aux sciences; mais il ne peut se dispenser de réclamer contre les abus qui s’y sont introduits, et sur la trop grande facilité d’y obtenir les grades nécessaires pour acquérir les bénéfices même à charge d’âmes, et de solliciter une réforme. COLLÈGES. Art. 26. L’ordre du, clergé, persuadé que l’éducation publique dans les collèges mérite l’attention la plus sérieuse de la nation ; que cet objet important exige un plan d’études suivi et approprié aux différents emplois de la société auxquels la jeunesse est destinée, charge son député de proposer aux Etats généraux que l’exécution en soit confiée à des congrégations régulières, qui, seules, peuvent y mettre l’ensemble et l’uniformité qui assurent les heureux effets de cet établissement. OPINION PAR ORDRE. Art. 27. Cette indépendance est l’appui le plus solide des droits des trois ordres ; elle oppose une triple barrière aux entreprises du pouvoir arbitraire, et procure aux délibérations nationales plus de réflexion et de maturité. On peut inférer de ce principe qu’il serait d’un danger extrême de former ses délibérations en commun, et de les décider à la pluralité des voix. Ce moyen, s’il était adopté, exposerait la nation à tomber dans les horreurs de l’anarchie, d’où elle ne pourrait sortir qu’en implorant les funestes ressources du despotisme. Le vœu le plus ardent du clergé du bailliage est donc que ces formes, devenues comme constitutionnelles, et par leur antiquité, et par les avantages qu’elles assurent à la nation, soient conservées avec soin, et il exhorte son député à les maintenir de tout son pouvoir, en cédant toutefois aux modifications que les Etats généraux ju géraient à propos d’y apporter. LETTRES DE CACHET. Art. 28. Si des ministres, oubliant ce qu’ils doivent à la nation et au Roi, venaient jamais à porter atteinte à la propriété des citoyens et à leur liberté, ceux-ci pourront user du droit sacré de réclamer contre ces abus, et en demander la réparation. Cependant si nos préjugés continuent à mettre plus de honte dans la punition que dans le crime, et que, pour soustraire un coupable au désordre ou à la justice, on croie devoir faire une exception à l’abolition totale des lettres de cachet, le vœu de l’ordre du clergé est qu’il soit statué par les Etats généraux avec précision sur les cas dans lesquels les lettres de cachet auront lieu, et la forme dans laquelle elles seront décernées. LÉGISLATION. — RÉFORMATION DU CODE CIVIL ET CRIMINEL. Art. 29. L’ordonnance civile et criminelle faite dans le dernier siècle excite depuis longtemps des réclamations; le vœu de l’ordre du clergé du bailliage de Sens est que ces deux ordonnances soient examinées parunecommission de magistrats instruits pour réformer les inconvénients que l’expérience y a fait découvrir. Un des objets les plus importants pour toutes les classes des citoyens, c’est que la justice soit plus rapprochée de ceux qui sont obligés de l’implorer ; qu’elle soit moins dispendieuse, et qu’en conséquence, le ressort des tribunaux soit plus circonscrit, et que dans aucun cas les justiciables ne soient forcés de poursuivre ou défendre leurs droits ailleurs que dans les tribunaux d’où relèvent leurs biens ou leurs personnes, sans égard au droit de committimus ou autres droits. Il désirerait qu’il fût possible de rendre la législation universelle et uniforme, eu sorte que les citoyens n’eussent à connaître qu’une seule loi et une seule forme, pour maintenir la propriété ou en disposer dans toute l’étendue du royaume. AIDES ET GABELLES. Art. 30. Le clergé n’a pas cru devoir entrer dans de longues discussions des différents points, 752 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES tant de police que d’administration des finances, étant assuré que ces objets seront traités d’une manière plus étendue et plus habile. Instruit cependant des emprisonnements, des procès, de la ruine et du désespoir des familles que le régime des gabelles et des aides occasionne journellement, il recommande à son député de faire les supplications les plus fortes pour obtenir de la bonté du Roi que cette espèce d’impôt désastreux soit supprimé et remplacé par une prestation en argent tellement combinée qu’elle soulage le contribuable sans que le trésor public en souffre aucune diminution. HUISSIERS-PRISEURS. Art. 31. D’après les réclamations continuelles de l’ordre du tiers-état contre les fonctions des huissiers-priseurs qu’on a étendues à toutes les campagnes indistinctement, ce qui devient onéreux et vexatoire, il demandera aussi que cette extension soit retirée. DOMAINE. Art. 32. Rien de plus incertain ni de plus ambigu que les lois domaniales. Les droits de contrôle et d’insinuation s’assignent sur chaque acte et sur chaque clause de l’acte, sur la qualité des contractants, sur le passé, sur le présent, sur l’avenir. Leur effet est trop rétroactif et trouble la tranquillité des possesseurs. Le clergé du bailliage de Sens demande donc que ces abus soient réformés par une loi qui détermine d’une manière üxe les droits qui se percevront sur chaque acte, et qui limite leur effet rétroactif à un an après l’ouverture des successions collatérales. ABUS DE LA CHASSE. Art. 33. La chasse est un privilège de la noblesse; l’ordre du clergé se fera un devoir plus particulier de le respecter ; mais il ne peut se dispenser de charger son député de représenter combien elle devient préjudiciable aux habitants des campagnes; il désirerait que la noblesse elle-même prît des moyens pour eu réformer les abus. ASSEMBLÉES PROVINCIALES OU ÉTATS PROVINCIAUX. Art. 34. Les assemblées provinciales ont fait voir les avantages que la nation peut retirer de l’administration dirigée par le zèle patriotique ; mais les pouvoirs dont elles sont revêtues n’étant pas consentis par la nation, elles n’ont qu’une autorité précaire et insuffisante. Le clergé du bailliage de Sens croit devoir solliciter de la bonté du Roi de rendre ces assemblées vraiment nationales, en les faisant composer de députés choisis, comme ceux des Etats généraux, dans chaque province ou bailliage; ils deviendraient les vrais représentants de la province qui les aurait commis et en formeraient les Etats provinciaux. COMMISSION INTERMÉDIAIRE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 35. Ghacun de ces Etats pourrait députer, chaque année, quatre d’entre eux: un du clergé, un de la noblesse et deux du tiers-état, qui se réuniraient à Paris pendant un temps déterminé, pour y traiter en commun les intérêts de toute la nation ; ils n’auraient d’autres pouvoirs et d’autres fonctions que de vaquer aux affaires qui leur seraient attribuées par les Etats généraux eux-mêmes. Ils formeraient ainsi une espèce de commission intermédiaire qui n’en aurait pas les inconvénients, les membres n’étant pas permanents, mais PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Sens.] éligibles chaque année ; on entretiendrait ainsi, du centre à la circonférence, une correspondance active et une surveillance utile et vigilante ; la nation entière devenant une seule et unique famille, son administration serait une dans sa marche et dans ses principes. RETOUR PÉRIODIQUE DES ÉTATS GÉNÉRAUX. Art. 36. L’ordre du clergé termine les instructions qu’il donne à son député en lui recommandant de se joindre aux deux autres ordres, sur tous les objets de bien public qui auraien t échappé à son attention, et d’insister principalement sur le retour périodique et constant des Etats généraux, au moins de cinq ans en cinq ans ; sur le droit desdits Etats généraux d’hypothéquer aux créanciers de l’Etat des impôts' déterminés ; sur leur droit de fixer et d’assigner librement, par chaque département, les fonds qui seront demandés, enfin sur la responsabilité des ministres. REMERCIMENT AU ROI. Art. 37. Il fera connaître, dans toutes les circonstances, le respect et la reconnaissance dont il est pénétré pour la bonté du Roi d’avoir appelé un plus grand nombre de députés de son ordre, pour nommer son représentant aux Etats généraux, et il emploiera tous ses soins pour en faire parvenir l’hommage à Sa Majesté. Le Roi sera supplié de vouloir bien prendre en considération le désir que le clergé aurait qu’il fût établi un conseil pour la distribution des bénéfices, dont la feuille, signée par ceux qui le composeront, devra énoncer le revenu précis du bénéfice vacant ; et si ce bénéfice est destiné à une personne déjà pourvue, il sera important de rappeler le produit de ce qu’elle possède déjà. Par ce moyen il y aurait une plus juste proportion dans la distribution des grâces ; le vrai mérite aurait plus d’avantage et l’intrigue infiniment moins. Signé sur la minute des présentes : Gou, abbé de Saint-Paul, président; Guyot d’Ussières, abbé de Saint-Michel-sur-Tonnerre ; F. -G. Dubuisson, prieur de Sainte-Colombe ; S.-P. Thérin , chanoine de Saint-Martin de Gbablis, représentant ledit chapitre; Goppin, curé de Fontenay; Bossery, chantre; Beauvais, curé de Yilleroy; Ghoin, curé de Villefo Ile ; Gharton, curé deCham-play, près Joigny; Ghaumard, curé de Saint-Pierre-le-Rond de Sens; Ravaut, chanoine régulier; Cochet, curé d’Armeau; iBoudrot, curé de la Madeleine; Dauby-prieur , curé de Saint-Nicolas, et Longuet, id. Tous avec paraphe, et est le cahier coté conformément au règlement. Délivré par nous, greffier en chef du bailliage de Sens. Robillard. CAHIER Des vœux et remontrances de l'ordre de la noblesse des bailliages de Sens et Villeneuve-le-Roi , re-mis à M. le duc de Mortemart, élu député aux prochains Etats généraux par la noblesse des bailliages de Sens et Villeneuve-le-Roi (1). OPINION PAR TÊTE. Art. 1er. L’ordre de la noblesse du bailliage de Sens a arrêté que son représentant sera chargé (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.