[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.] la retenue soit étendue aux actes sous signature privée ayant date certaine. M. Defermon. Cette idée s’était d’abord présentée au comité ; mais deux motifs l’ont déterminé à la rejeter; premièrement, les actes privés n’emportent point hypothèque; en second lieu, on ouvrirait la porte à tous les abus. M. Afougins. La fraude est également praticable dans les actes publics ; mais il me semble qu’en disant que ces actes auront une date certaine tous les inconvénients seront levés. M. Roederer. Le. principe qui a déterminé le comité à proposer la retenue seulement en faveur des propriétaires de rentes en vertu d’actes publics est la certitude acquise que la retenue a été faite sur un capital affecté à une propriété foncière, au lieu que le débiteur de rentes par actes privés ne peut prouver la même chose. M. Démeunier. Je vais présenter une rédaction de l’article qui répondrait peut-être mieux aux vues de l’Assemblée : Art. 9. « A l’égard de tous les contribuables qui justifieront être imposés aux rôles des contributions foncières, il leur sera fait, dans le règlement de leur cote, une déduction proportionnelle à leurs revenus fonciers. « L’Assemblée nationale se réserve de statuer sur les déductions à faire aux étrangers résidant en France, et aux Français propriétaires de biens, soit dans les colonies, soit dans l’étranger. » M. le Président met cet article aux voix. L’article est adopté. M. Defermon donne lecture de l’article 9 devenu le 10e. Cet article est décrété, sauf rédaction, en ces termes : Art. 10. « La cote d’habitation indiquée par le tarif ne sera définitivement fixée qu’après les autres. Elle sera susceptible d’augmentation ou de diminution dans chaque communauté, et la municipalité sera toujours obligée d’établir sur cette cote ce qui, après les autres parties de la contribution personnelle, lui restera à répartir en plus ou en moins de la cotisation générale de la contribution personnelle ; mais, dans tous les cas où la diminution à faire serait plus forte que la cote entière d’habitation, le surplus de la diminution se fera sur la cote des facultés mobilières. » M. Defermon lit ensuite les articles 10, 11, 12, 13, qui deviennent les articles 11, 12, 13, 14 du décret. Après quelques courtes observations, ils sont décrétés ainsi qu’il suit : Art. 11. « Les citoyens qui ne sont pas en état de payer la contribution de citoyen actif, ne seront point taxés au rôle delà contribution personnelle, mais seront inscrits soigneusement, et sans exception, à la fin du rôle. » Art. 12. « Tous ceux qui jouiront de salaire, pensions, ou traitement public, à quelque titre que ce soit, si leur loyer d’habitation ne présente pas une évaluation de facultés mobilières aussi considérable 1“ Série. T. XX. 49 que ce traitement, seront cotisés sur leur traitement public dans la proportion qui sera déterminée. « Toute personne ayant salaire, pensions, ou traitement public au-dessus de 400 livres ne pourra en toucher aucune portion pour 1792 , qu’il ne représente la quittance de la contribution de 1791, et ainsi de suite d’année en année. » Art. 13. « Chaque père de famille qui aura chez lui, ou à sa charge, plus de trois enfants, sera placé dans une classe du tarif qui sera annexé au présent, inférieure à celle où son loyer le ferait placer. Art. 14. « Celui qui aura chez lui, ou à sa charge, plus de six enfants, sera placé dans une classe encore inférieure. » M. d’Ambly, député de Reiras, qui avait obtenu un congé, déclare son retour. M. Wompère ( ci-devant de Champagny) . Le comité de la marine a vu, dans les événements qui ont eu lieu dans la rade de Brest, moins un esprit de licence et d’insubordination que des inquiétudes sur la délicatesse et l’honneur; il a vu que les articles au sujet desquels ces inquiétudes s’étaient élevées ne tenaient pas essentiellement au code pénal; il a pensé qu’on pouvait revenir sur ces dispositions sans inconvénients, et que la justice même permettait cette condescendance pour des hommes rentrés dans l’ordre, et qui veulent vivre et mourir pour défendre la patrie. Il m’a chargé en conséquence, et d’après vos ordres, de vous présenter un projet de décret qui n’est autre chose qu’une rédaction nouvelle de l’article 2 du titre Ier et de l’article 1er du titre II. Dans l’un, le comité a retranché ce qui concernait la liane que les maîtres d’équipage et principaux maîtres étaient autorisés à porter en signe de commandement, et dont il leur était permis de se servir pour punir les hommes de mauvaise volonté dans l’exécution des manœuvres; dans l’autre, il a supprimé les fers avec un petit anneau au pied; les fers avec un anneau et une chaîne traînante; la peine d’être attaché au grand mât et celle d’être à cheval sur une barre de cabestan. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, satisfaite des témoignages d’obéissance et d’une soumission sans bornes qu’elle vient de recevoir des marins de l’escadre; ouï le rapport de son comité de marine, sur les représentations faites par les commissaires du roi actuellement à Brest, au sujet de quelques dispositions du code pénal de la marine, relatives aux peines de discipline, décrète ce qui suit : Art. 1«. « L’article 2 du titre premier du code pénal de la marine sera rédigé de la manière suivante : « Le commandant du bâtiment et l’officier commandant le quart ou la garde pourront prononcer les peines de discipline contre les délinquants; le commandant de la garnison pourra aussi prpnoncer les peines de discipline contre ceux qui la composent, à la charge, par les officiers, d’en rendre compte au commandant du vaisseau après le quart ou la garde. 4 50 [Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [27 octobre 1790.) Art. 2. « L’article premier du titre II sera ainsi conçu : « Seront infligées aux matelots et officiers, comme peines de discipline, celles ci-après dénommées : le retranchement de vin, qui ne pourra avoir lieu pendant plus de trois jours ; les fers sous le gaillard, au plus pendant trois jours; la prison, au plus pendant le même temps. « La rédaction ci-dessus énoncée de deux articles du code pénal sera incessamment présentée à la sanction du roi, qui sera prié de la faire proclamer et insérer dans le code pénal, à la place de l’article du titre premier, et de l’article premier du titre second. » (Ce décret est adopté sans discussion.) M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur la contribution personnelle. M. Defermon. L’article 14 modifié dans sa rédaction, qui devint le 15° du décret, est ainsi conçu : « Art. 15. Tout contribuable qui occupe son appartement seul, et qui a passé l’âge de 36 ans, sera imposé au rôle de contribution personnelle, dans une classe supérieure à celle où son loyer le placerait. » M. d’Amhly. Un père de famille vient de marier ses enfants; il a des petits-enfants, et vous voulez encore le faire payer? M. Bouche. Je demande que la première rédaction du comité soit adoptée. Pouquoi? parce que les célibataires sont des plantes parasites; qu’en général ils sont corrompus ou corrupteurs. Le célibataire est un poids inutile à la terre qui le nourrit. Ce n’est pas le pauvre qui vit dans le célibat et dédaigne de propager l’espèce humaine, c’est le riche. Une saine politique doit encourager les mariages; en conséquence, je demande que le logement du célibataire soit imposé à une somme supérieure de 4 deniers. M. Befermon. On demande si par le célibataire on entend également les mâles et les femelles. M. Moreau. Il serait immoral d’excepter les personnes du sexe; cela ne serait profitable qu’aux filles entretenues, M. I�e Chapelier. L’article doit porter également sur les célibataires de l’un et de l’autre sexe. Je demande s’il n’y a pas les mêmes motifs pour l’un et pour l’autre. Je n’entends cependant point par là qu’il faille contraindre au mariage : tout le monde doit être libre ; mais le gouvernement doit être assez heureux pour y engager. Je crois cependant que le comité s’est trompé en fixant l’âge de trente-six ans. Le célibataire, garçon ou tille, qui est maître de ses droits, doit payer une imposition plus forte que le père de famille. M. de Foucault. Je combats les principes des préopinants par une seule question : Est-il un seul de vous qui connaisse une fille qui ait refusé le mariage ? (La discussion est fermée.) M. de Croix. Je demande, par amendement, qu’il soit ajouté que les hommes ou femmes veufs et sans enfants seront compris dans la même classe. L’amendement mis aux voix est rejeté. L’article est ensuite adopté en ces termes : Art. 15. (i Les célibataires seront imposés dans une classe supérieure à celle où leur loyer les placerait. » M, le Président Lève la séance à trois heures. M il.'U PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ ASSEMBLÉE NATIONALE Dü 27 OCTOBRE 1790. Opinion et projets de décrets sur la mendicité par M. Savary de Aancosiue, député d'Indre-et-Loire , Messieurs, l’Assemblée nationale avait à peine vaincu les obstacles qui se présentaient sans cesse à ses vues bienfaisantes, qu'elle s’est occupée sans relâche du bonheur et de l’intérêt public. Elle s’est empressée de tourner ses regards vers les maux qui accompagnent toujours ia mL sère dont une partie des citoyens est affligée, elle n’a pu voir, sans la plus profonde douleur, les subsistances manquer presque généralement dans tout le royaume ; le prix des grains parvenir à un degré où il était difficile que plusieurs classes du peuple pussent atteindre longtemps sans tomber dans la plus affreuse indigenee, elle n’a pas pu voir aussi, sans être vivement affectée , les mendiants se multiplier à un point devenu alarmant pour la tranquillité publique. C'est pourquoi, aussitôt que les circonstances l’ont permis, elle a nommé un comité de subsistances pour subvenir aux besoins du moment cruel dans lequel la disette affreuse des grains avait plongé la capitale et plusieurs contrées du royaume. Sa sagesse a fait cesser cette calamité en y apportant les remèdes les plus prompts et les plus efficaces; alors, étendant ses vues, elle a jeté les yeux sur la mendicité entière; et gémissant sur l’état où nos concitoyens sont réduits, elle a été alarmée de leur quantité présente, et de l’augmentation que l’avenir pourrait amener. Ces motifs l’ont engagé à former un comité chargé de faire les recherches et prendre les, renseignements nécessaires, afin de présenter des projets de décrets tendant à assurer les secours publics aux citoyens qui ont droit d’y prétendre, et de leur procurer en même temps des moyens de travail sans lesquels iis tombent dans une pauvreté forcée, qu’il est encore de sa sagesse de les mettre à même d’éviter. Sa prévoyance s’est encore étendue plus loin, en considérant que, dans L’état de mendicité, il pouvait y avoir de faux pauvres qui, accoutumés à ce genre de vie par l’attrait qu’en olfre l’oisiveté, ne voudraient plus le quitter, et deviendraient par là onéreux et nuisibles à la société ; elle a chargé également son comité de présenter les moyens de les réprimer, afin d’assurer totalement la tranquillité publique.