[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1790.] 7S dans des siècles de despotisme, quelle ne sera pas la, durée des vôtres dans des siècles de liberté ? « Vous leur UAtlTÉr ET CONDITIONS QU’ELLES SOIENT, situées en ta basse Alsace , être de la souveraineté dé la frappe (2). Des vives et nombreuses réclamations s’élèvent contre ces jugements. Elles sont portées en 1697 au congrès de Ryswick; mais loin de les accueillir, le congrès lès proscrit, et l’article 4 du nouveau, traité conclu le 30 octobre de cette année, Confirme implicitement les deux arrêts dont je viens de parler» PU ce qu’il n'annulle entre les divers jugements de réunioîi émanés du conseil de Brjsac et déférés au congrès que ceux qui avaient déclaré réunis a la souveraineté de la France, des lieux situés hors de l’Alsace ■ La guerre de {a succession d’Espagne réveille encore les prétentions condamnées par ce traité - Les arrêts ae réunion des 22 mars et 9 août 1680 sont attaqués par des écrits de tonte espèce, notamment par un in-4° ayânt pour titre: Nulliias iniquitasque reunionis Alsaticce, 1708. On oubliait sans doute alors que le traité de Ryswick avait été signé par tout ce qu’il y avait, à cette époque, de plus puissant parmi les princes possessibnnés en Alsace, notamment par l’évêque de Spire et par les comtes du Banc de wetieravic, que représentent actuellement en partie les landgraves de Hesse-Darmstadt et les princes de Linange-Mais, quoi qui) pn spit, le traité de Bade du 7 septembre 1714 fait encore évanouir cette tentative, par la confirmation spéciale qu’il prononce (article 2) du traité dé Ryswick. Depuis, la souveraineté de (a France a été paisiblement reconnue dans ['universalité absolue d’Alsace ; et de tpus les princes d’Allemagne qui ont des possessions en cetfe province, de tous ceux qui réclament aujourd’hui pour ces possessions la réserve stipulée eu leur faveur par l’article 87 du {raité de Munster, il p’en est pas un seul qui pe soit rayé de la. matricule de l’Empire , pour raison qe ces ppssesions elles-mêmes; pas un seul qui qe se soit soumis constamment à plaider au conseil supérieur de Colmar sur toutes les affaires qu’il avait dans ses terres en matière réelle; pas un seul qui n’ait constamment fait recevoir dans ce tribunal, les officiers de sa justice; pas Un seul qui n’ait constamment sollicité par des requêtep dont le premier mot était tpujours supplie humblement, , l'enregistrement des lettres patentes qu’il, obtenait du roi pour la confirmation du l’extension de ses droits; pas un seul, en-1) Ibid. 2) Ibid., page 94. ûn, qui n'ait de cent manières différentes rendu un dommage constant et non interrompu à la souveraineté de la France. Et certes, c’était bien ep souverain que Louis XY s’exprimait, relativement au? terres possédées en Alsace par les évêques dé Spire, prévôts de Wis-sembourg, lorsque par l’article X de ses lettres patentes dn mois de juin 1756, il accordait à ces prélats la faculté ne se faire prêter, lors de leur avènement a l'évêché et à la prévôté, par leurs vassaux habitants des bailliages dépendant de l’un et de l’autre bénéfices. « les foi et hommage en tel « cas requis, à condition que lesdits sieurs évê-$ ques y feraient insérer la clause expresse, sauf Tenons donc pour constant qü’ünè province ne peut pas rompre d’elle-même leiien qui l’attache au corps de l’Etat dont elle fait partie, et que ce lien ne peut être rompu que dû consentement de cet Etat, Ainsij car il est temps de rentrer dans notre hypothèse précise, il semble que l’Alsace n’a pu être détachée de i’Aiiemàgneen 1648, que du consentement du corps germanique. Et comme il est de l’essence d’un consentement de pouvoir se modifier et se fléchif au gré de celui qui le donne, il semble que le corps germanique a pu mettre au sien toutes les conditions qu’il lui a plu , tant pour son intérêt, que pour celui de, ses membres. Il semble, par conséquent, que les conditions et les réserves stipulées par le traité de Munster, en faveur des Etats d’Ëmpire possessionnés en Alsace, sont obligatoires pour la France. Ii semble enfin, et toujours par conséquence des mêmes principes, que l’exécution de ces réserves et de ces conditions étant devenue impossible par leur incompatibilité avec la Constitution française, il faut que la nation les compense par une juste indèmnité. Mais prenons-y garde. Ces raîsonnnemenls qui sont si justes, si exacts, en supposant que l’Alsace eût été avant le traité de Munster, unie à l’Empire germanique, comme la Picardie, la Champagne, l’Anjou, etc., l’étaient dès lors à l’Empire français, perdraient toute leur justesse, toute leur exactitude, si cette supposition n’était pas vraie ; et il est bien à craindre qu’elle ne le soit pas. L’Empire germanique nous présente-t-il, comme la France, comme l’Angleterre, une seule nation, un seul Etat, une seule association d’hommes civilisés et réunis par un même pacte ! Non ; il ne nous offre qu’un composé d’Etats indépendants les uns des autres. A la vérité, il existe entr-eux une confédération qui a pour chef Tempe reur, et pour centre la diète de Ratisbonne ; ma cette confédération n’empêche pas que chacuis d’eux ne soit maître de ses alliances, que chacun d’eux ne puisse faire la guerre à. ses co-Etatsn ue chacun d’eux, en ùn mot, ne forme un corps, e nation séparé. Ainsi existent les cantons Suisses ; féüniS sous une seule confédération, ils ne Composent pas pour cela un seul peuple; et chacun d’eiix est indépendant de son voisin. Ainsi existent encore les Proviüces-Ünies des Pays-Bas. Et comme il dêpettdrâit dë la Hollande dé rompre la confédération qui l’attache à là Zéiatidé, à la Frise, au pays d’Utreeht; Comme il dépehdrait du canton de Berne de né plus communiquer avec les autres cantons suisses; Gomme il dépend enfin de tout Etat, Cdhfédêré avec d’autres, de s’isoler quand ii ltii plaît: Il n’est pas douteux que chaque État de l’Empire germanique ne soit maître de renoncer â la confédération générale qui lie entré elles, mais qui ne fond pas ensemble, mais qui n’identifie pas, les différentes sections dê cette grande partie de l’Europe. Et de là, des conséquences très simples. — C’est que les divers Etats dont était composée l’Alsace avant son union, ûü plutôt avant sa fusion avec la France, n’ont Pâs eu plus besoin du consentement de l’Empire pour se rendre français que les Corses n’ont eU besoin, pour le même objet, du consentement des Génois. — C’est que le consentement donné de fait par l’Empire germanique à i Union de l’Alsace à fa France, est pour nous un titre aussi inutile, aussi surabondant, que le traité par lequel la République de Gênes a cédé à Louis XV ses prétendus droits sur la Corse. — C’est que l’inutilité et la surabondance de ce consentement rendent milles et sans effet toutes les réserves, toute les conditions qui le modifient. — C’est que ces réserves et ces conditions étant nulles et sans effet, il ne reste aux princes d’Allemagne aucun titre pour prétendre à une indemnité à raison ue ceüx de leurs droits seigneuriaux qui ont été abolis par les décrets de l’ASsemblée nationale. Voilà, Messieurs, je ne Crains pas de le dire, voilà ce que nous devrioûs prononcer dans fa rigueur des principes. Des traités faits sans le concours des habitants de l’Alsace, n’ont, pas pu assurer une existence légale à des droits que ieS habitants de l’Alsace fixaient pas consentis. Des traités faits sans le Concours du peuple français, n’ont pas pu le soumettre â des indemnités pour raison desquelles il n’a pris aucun engagement. Et en deux mots, ce n’est point par les traités des princes, que se règlent les droits des nations. Mais si tel est, dans la discussion qui nous occupe, le cri d’une raison sévèrement juste, tel n’est peut-être pas le conseil de Cette équité douce et bienfaisante qui doit sur tout être prise pour guide dans les rapports d’une nation avec ses voisins. Déjà l’Assemblée nationale a manifesté hautement son intention de ne pas résilier indistinctement tous les traités faits avant la régénération de. la France, entre les monarques français et les princes étrangers. Déjà, au contraire, elle a ratifié dans tout ce qui n’était pas opposé à ses principes dé paix et de justice envers les autres nations, le célèbre pacte de famille contractés en 1761, entre les rois de France et d’Espagne. Déjà, par conséquent, elle a pféjugé qu’elle pourrait prendre en considération les traités relatifs aux possessions des princes d’Allemagne eri Alsace, qui ne contrarieraient pas ses maximes et pourraient se concilier avec la Constitution française. 84 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 octobre 1790.] Et sans doute, c’est pour ces traités un grand titre de recommandations auprès de l’Assemblée nationale, que la bienveillance et l’amitié qui a toujours uni ces princes à la nation française dans la personne de son auguste chef, et dont les témoignages, cent fois réitérés, vivront à jamais dans une collection nombreuse de lettrés patentes. — Aussi avez-vous déjà annoncé, à cet égard, des dispositions très favorables, puisque, par votre décret du 28 avril, vous avez prié le roi de prendre des mesures, pour qu’il vous fût remis un état des indemnités que les princes d’Allemagne pourraient prétendre leur être dues par suite de l’abolition du régime féodal. Nous ne craindrons donc pas de contrarier vos vues, nous nous flattons même de les seconder, en vous proposant de ne pas refuser à ces princes une indemnité qui, si elle n’est pas rigoureusement commandée par la justice, n’en sera que plus propre à manifester, dans toute l’Europe, l’esprit d’équité, de paix et de fraternité qui vous anime envers les puissances étrangères. Nous ne pensons pas cependant que vous puissiez, dès aujourd’hui, déterminer cette indemnité; les états de prétentions que vous avez demandés, ne vous sont pas encore remis, et il est bien évident que vous ne pouvez rien statuer définitivement sans ces états : Votre comité féodal se borne donc à vous proposer le décret suivant. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu « le rapport de son comité féodal, déclare que « tous ses décrets sanctionnés par le roi, no-« tamment ceux des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, « 15 mars 1790, et autres concernant les droits « seigneuriaux, doivent être exécutés dans les « départements du Haut et du Bas-Rhin, comme « dans toutes les autres parties du royaume. « Et néanmoins, prenant en considération « l’estime, la bienveillance et l’amitié qui depuis « si longtemps unissent intimement au chef et « aux intérêts de la nation française les princes « d’Allemagne qui possèdent dans lesdits dépar-« tements des biens auxquels était autrefois an-« nexée la supériorité territoriale ; et voulant « parvenir à une détermination équitable des « indemnités qu’elle est disposée à leur accorder « pour raison des droits seigneuriaux abolis par « lesdits décrets; « Décrète, en persistant dans son décret du 28 « avril dernier, que le roi sera prié de prendre de « nouvelles mesures pour que les états y mention-« nés soient remis incessamment à l’Assemblée « nationale, pour par elle être statué en consé-« quence ainsi qu’il appartiendra; si mieux n’ai-« ment lesdits princes délaisser leurs terres à la « nation française, pour le prix commun auquel « elles auraient pu se vendre immédiatement « avant le 4 août 1789, en y comprenant les droits « seigneuriaux qui existaient à l’époque de la « réunion de la ci-devant province d’Alsace au « royaume de France. » M. de Mirabean. Je viens vous proposer, au nom du comité diplomatique, une rédaction différente de celle du rapporteur du comité féodal. En voici le texte : « L’Assembiée nationale, après avoir entendu « le rapport de ses comités féodal et diplomatique, « considérant qu’il ne peut y avoir dans l’étendue « de l’Empire français, d'autre souveraineté que « celle de la nation, déclare que tous ses décrets « acceptés ou sanctionnés par le roi, notamment « ci“ux des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, 15 mars « 1790, et antres concernant les droits seigneu-« riaux et féodaux, doivent être exécutés dans « les département du Haut et duBas-Rhin, comme « dans toutes les autres parties du royaume. « Et néanmoins, prenant en considération la « bienveillance et l’amitié qui, depuis si long-« temps unissent la nation française aux princes « d’Allemagne possesseurs de biens dans lesdits « départements ; « Décrète que le roi sera prié défaire négocier « avec lesdits princes une détermination amia-« ble des indemnités qui leur seront accordées « pour raison des droits féodaux et seigneuriaux « abolis par lesdits décrets, et même l’acquisition « desdits biens, en comprenant dans leur éva-« lualion les droits seigneuriaux et féodaux qui « existaient à l'époque de la réunion de la ci-« devant province d’Alsace au royaume de « France; pour être, sur le résultat de ces négo-« ciations, délibéré par l’Assemblée nationale, « dans la forme du décret constitutionnel du « 22 mai dernier. » M. Merlin, rapporteur. J’adopte la rédaction qui vous est proposée par M. de Mirabeau. M. du Châtelet. Il n’est pas de la dignité de l’Assemblée d’avoir deux poids et deux mesures. Les seigneurs et les particuliers qui possèdent des biens en Alsace, ont le même droit que les princes de l’Empire ; je demande donc qu’ils participent aux mêmes indemnités. M. de Broglie. En appuyant l’amendement proposé par M. Du Châtelet, je demande que les ci-devant gentilshommes d’Alsace, qui possédaient au même titre et sous la garantie des mêmes traités que les princes étrangers possessionnés en Alsace, soient associés aux avantages et indemnités qui pourront être accordés auxdits princes étrangers et Etats d’Empire. (La question préalable est demandée sur cet amendement, et l’Assemblée décide qu’il n'y a pas lieu à délibérer.) M. Schwendt, député de Strasbourg. Je demande que l’Assemblée déclare les fiefs d’Alsace libres comme toutes les autres propriétés féodales du royaume (1). M. Cavle. Nous nous y opposons, nous tous Alsaciens. M. de Mirabeau. La proposition de l’anté-préopinant ne tendrait à rien moins qu’à rendre héréditaires 70 millions d’usufruit. La question des fiefs d’Alsace a été séparément ajournée. M. de Foucauld. En ce cas, je demande la question préalable sur le projet du comité; car ce qu’il vous propose est une déférence tout à fait aristocratique. M. d’Kstonrmel. Les motifs qui déterminent l’Assemblée à prendre en considération les demandes des princes d’Allemagne, ayant pour (1) Yoy. aux annexes de la séance, p. 88, le développement de l’amendement de M. Schwendt.