324 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 17901 Voici, Messieurs, le projet des articles de l’instruction, que nous jugeons suffisants pour Saint-Domingue, comme les plus convenables aux circonstances, et les plus propres à remplir le but que vous vous êtes proposé. Art. 1er. Aussitôt que le décret et l’instruction de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, seront parvenus au gouverneur général de la colonie de Saint-Domingue, il les remettra à l’assemblée coloniale. Art. 2. L’assemblée coloniale en fera faire la proclamation nécessaire dans toute la colonie, et procédera sans délai au travail de la constitution et autres objets qu’elle est autorisée d’arrêter et de faire provisoirement exécuter. Art. 3. Si l'assemblée coloniale n’est point encore formée, et que le mode de convocation des paroisses pour la nomination des députés à 1’assemblée coloniale n’ait point encore été arrêté ni proclamé, le gouverneur général adressera aux trois assemblées provinciales du nord, de l’ouest et du sud des expéditions du décret et de l’instruction de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. Art 4. Les assemblées provinciales se concerteront sur le mode et l’organisation de l’assemblée coloniale; et lorsqu’elles l’auront définitivement arrêté entre elles, elles eu adresseront copie au gouverneur général, et feront faire les proclamations nécessaires pour 1 élection des députés à l’Assemblée coloniale, et leur réunion la plus prompte dans le lieu convenu entre les trois assemblées provinciales. Art. 5. Le décret du 8 de ce mois, ensemble la présente instruction de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, seront enregistrés purement et simplement aux conseils supérieurs du Port-au-Prince et du Cap. Plusieurs membres demandent à la fois l’impression du projet d’instruction tenu par M. Bar-nave et l'impression du discours de M. de Rey-naud. L’impression de l’instruction est décrétée, celle du discours de M. de Reynaud est rejetée. La discussion est ensuite ajournée. M. le Président. M. le garde des sceaux m’adresse un arrêt du conseil et une clause ou stipulation secrète qui concernent le privilège de la compagnie des Indes, privilège sur lequel M. Her-noux vous a fait un rapport le 18 de ce mois. L’Assemblée décide que ces pièces seront imprimées à la suite du rapport et elle fixe la discussion à la séance du mercredi 31 mars. M. le Président. M. le ministre de la guerre m’a adressé une lettre relative aux appointements des officiers-majors des places frontières. En voici la teneur : v Paris, le 20 mars 1790. Monsieur le président, les sollicitations instantes que je reçois de toutes paris me déterminent à vous prier de nouveau de me faire l’honneur de répondre à la lettre que j’ai eu celui de vous écrire le 14 février dernier, pour avoir une connaissance exacte de ce que l’Assemblée nationale entend par arriéré et par dépenses courantes. Dans le nombre des objets dont le paiement se trouve indistinctement suspendu, se trouvent compris les appointements des officiers-majors des places frontières ; et ces appointements, étant traitements d’activité, semblaient devoir mériter une exception. Indépendamment de cette considération, qui me paraît d’un grand poids, il y en a encore une aulre qui n’est certainement pas d’une moindre importance : c’est que ces appointements forment toute la fortune de la majeure partie, pour ne pas dire de tous les ofîiciers-majors, à qui ils ont été réglés, et que la cessation de paiement qu’ils éprouvent, les met dans le cas de mourir de faim, dans le plein exercice de l’emploi que le roi leur a confié, qui intéresse également la sûreté et lu tranquillité de l’empire. Je vous conjure donc. Monsieur le président, par tous les motifs de justice et d’humanité qui déterminent les résolutions de l’Assemblée nationale, de vouloir bien m’honorer d’une réponse, quelle qu’etle soit, qui me servira au moins de décharge auprès de ces fidèles serviteurs de l’Etat, ou de provoquer un décret de l’Assemblée nationale qui ordonne que tout ce qui peut être du en traitements ou appointements d’activité pour l’année 1789, sera compris dans les dépenses courantes et acquitté sous ce rapport par le trésor royal. Je suis avec respect, etc. Signé : La Tour-du-pin. M. le marquis de Bonnay. J’ai l’honneur de vous soumettre le projet de décret suivant : L’Assemblée nationale décrète que, nonobstant toute suspension de traitements ordonnée par elle, les appointements des officiers-majors des places frontières, étant en activité et chargés de fonctions effectives, continueront d’être payés au trésor national, sans que, dans le nombre desdits ofliciers-majors puisse être compris aucun de ceux qui n’auraient pas une activité réelle de service. M. Prieur. Je propose de renvoyer la lettre du ministre et la motion de M. le marquis de Bonnay, au comité des finances pour en faire rapport le plus promptement possible. Plusieurs membres demandent la discussion immédiate. M. l’abbé Grégoire. Il est essentiel de se procurer préalablement le relevé détaillé des traitements et appointements qui existent sous le nom d’état-major des places. J’ai bien peur qu’on n’y comprenne des gouvernements inutiles. Nous avons en Lorraine le gouverneur de la Malgrange, c’est-à-dire d’une maison de campagne, dont le traitement est de 12,000 livres. M. Camus. 11 est très juste de payer les officiers réellement en activité, mais H faut aussi empêcher les abus, Il a été payé, jusqu’au 4 de mars, pour 600,000 livres de traitement sur l’extraordinaire des guerres. Je m’étonne que M. de la Tour du Pin consulte aujourd’hui l’Assemblée. Ces paiements sont pour les six derniers mois de 1788 et les six premiers de 1789. On lit dans ce compte les noms de MM. de Condé, de Bourbon et de Lambesc. Il y a une multitude de gouvernements, les uns généraux, les autres particuliers. Il est défendu aux gouverneurs généraux d’aller dans les provinces ; la plupart des gouverneurs particuliers sont sans fonctions : je citerai, par exemple, le gouverneur de la Samaritaine, qui a des appointements en valeur de 6,000 livres. Il serait inconséquent de prendre un parti [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. sans aucun examen et sans aucune réserve. J’adopte l’amendement de M. Prieur, et je demande que le comité des finances fasse son rapport demain matin. M. le duc du Châtelet. Jamais les gouverneurs n’ont été considérés comme des officiers en activité, et c’est uniquement des officiers en activité que parle M. de la Tour du Pin. M. Camus. Je demande à M. le duc du Châtelet pourquoi il se trouve compris pour une une somme de 3,000 livres dans les traitements qui ont été payés. M. le duc du Châtelet. Je n’ai rien louché que ce qu’on a bien voulu me payer. Vous avez décrété qu’on donnerait sur les traitements, pensions et appointements arriérés, une somme de 1,000 écus : j’ai peut-être été compris dans cette règle générale. Mon homme d’affaires peut avoir reçu cette somme; mais je donne ma parole d’honneur que je n’en ai pas été instruit, et que je n’en ai rien demandé. Si par hasard on avait fait une exception en ma faveur, je m’empresserais d’y renoncer, et de rendre la somme que j’aurais reçue. M. de Mouilles. II n’est, dans aucun cas, de la sagesse de l’Assemblée de prendre une délibération sur la lettre d’un ministre. Lorsqu’on parle de l’état-major d’une place, il s’agit du gouvernement, de la lieutenance de roi, de la majorité et de l’aide-majorité. Ces places sont ordinairement données comme retraites et récompenses uniques à de bons et anciens militaires qui n’ont pas d’autres ressources pour exister. J'excepte cependant les gouvernements qui sont accordés à la faveur, et qui n’exigent aucun service. J’adopte le renvoi au comité et l’ajournement à demain. MM. Lévls de Alirepoix, de Moncorps, d’Ambiy, etc. s’opposent en tumulte à ce renvoi. M. le Président obtient un moment de silence; il pose la question, et l’Assemblée décrète que la lettre de M. de la Tour du Pin sera renvoyée au comité de liquidation, qui fera demain malin son rapport. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du mardi 23 mars 1790, au soir (1). La séance commence par l’annonce de plusieurs dons patriotiques. La paroisse de Couzon en Lyonnais offre le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de l’année 1789, sans préjudice de la contribution du quart des revenus. La paroisse de Fenoyl, de la même province, offre pareillement le montant des impositions [23 mars 1790.] « 32g des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois de l’année 1789. M. llaupeiit fait part d’une délibération de la municipalité deSaint-Marc-sur-Colmont, du 20 de ce mois, par laquelle cette municipalité a arrêté qu’elle s’occuperait de trouver, soit par emprunt ou autrement, la somme de 1,778 livres, montant du premier quartier des impositions de la présente année, pour être envoyée incessamment à l’As-sembiée nationale, comme le gage du dévouement inviolable de la commune de ce lieu, à la nation, à la loi et au roi. Le même membre a remis au trésorier des dons patriotiques une lettre de change de ia somme ci-dessus. L’Assemblée, touchée des sentiments patriotiques qui respirent dans cet arrêté, en ordonne l’impression et l’insertion dans le présent procès-verbal, ainsi qu’il suit; Extrait du registre de la municipalité de Saint - Marc-sur-Colmont. « Aujourd’hui 20 mars 1790, la municipalité assemblée, l’un d’eux a représenté que la juste proportion que l’on désirait mettre dans la répartition des impôts de la paroisse, exigeait des recherches et des opérations qui occasionnent absolument des retards dans la perception déjà trop reculée, ce qui inet dans la plus grande gêne le Trésor royal ; que c’était par des effets, et non par des mots et des phrases fleuries que l’on manifestait son patriotisme, et la reconnaissance que l’on doit à l’Assemblée nationale du zèle infatigable qu’elle montre pour la régénération et le bonheur de la France. * La preuve la moins équivoque que peut donner dans ce moment la municipalité de son patriotisme, serait d’envoyer provisoirement, avant la confection des rôles, le quartier des impositions de la paroisse. « En conséquence, il a été arrêté à l’unanimité des voix que, dès ce jour, on s’occuperait de trouver, soit par emprunt ou autrement, la somme de 1,778 livres, à quoi monte le premier quartier de l’imposition principale, capitation et accessoires de la paroisse, pour être envoyée incessamment à M. Maupetit, l’un des députés aux états généraux, ainsi que copie de la remontrance ci-dessus, et du présent arrêté, en le priant de faire agréer le tout à l’Assemblée nationale, comme le gage du dévouement inviolable de notre commune pour la nation, la loi et le roi, et ont signé : « Guillaume, l’huissier-maire; le Bourdays, de la Troterie, J. Corbin, Ant. Police, H. Roche, Ant. Pais, Julien Durand, procureur de ia commune, et par nous secrétaire-greffier soussigné ; signé : P. Rocli. » Une députation des districts réunis du Val-de-Grâce et de Saint-Jaeques-du-Haut-Pas présente un don patriotique, en représentant que cette offrande est médiocre, mais que la médiocrité même la rend précieuse. « L’or que répand le riche (disent les députés) n’est que le sacrifice du superflu ; l’obole que donne le pauvre est le sacrifice du nécessaire. » Les citoyens de la ville de Brest font remettre au bureau des dons patriotiques, des eifets d’or et d’argent, des diamants et autres objets précieux de la valeur d’environ 20,000 livres. Les canonniers-matelots de la même ville, qui (I) Cette séance est fort incomplète au Moniteur.