[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.1 751 Je reprends l’exposé de l’exercice des droits du souverain sur la discipline ecclésiastique. Si depuis les faits que j’ai cités, les rois de la terre ont accordé aux ministres du culte, sur les matières de police et de discipline, une attribution qui ne dérive évidemment ni du droit naturel, ni du droit divin, ils n’ont pas pour cela renoncé au droit imprescriptible de statuer sur tout ce qui n’est pas de foi et de doctrine ; et nous voyons au contraire qu’ils ont, dans différentes occasions, exercé leur autorité dans toute sa plénitude. Ainsi la nation, sous Charles VII, a rétabli les élections et aboli les réserves et les expectatives. François Ier ayant depuis attiré à lui la nomination aux prêlatures, la nation rétablit les élections en 1560, et leur donna une forme nouvelle. L’ordonnance de Blois a de nouveau concentré dans la personne du roi la nomination aux préta-tures. Je supprime d’autres exemples pour arriver à notre siècle. De nos jours, l’autorité temporelle a déclaré en 1764, par un édit solennel, qu’un corps religieux et trop puissant cesserait d’exister en France. Comment pourrait-on encore prétendre que dans le moment d’une régénération universelle, la nation ne peut pas statuer sur des objets qui, n’étant point de dogme et de foi, ne tiennent qu’à la police et à la discipline ? Gomment pourr&it-il exister une seule personne qui pût croire qu’il suffira du refus d’un prélat séduit, intéressé ou prévenu, pour suspendre l’exécution de décrets dont la sagesse est manifeste? Je m’arrête; je ferais injure aux membres de l’Assemblée si j’insistais plus longtemps pour prouver que vous avez le droit de décréter les changements qui vous sont proposés. Lorsque ces réformes seront ordonnées, il n’existera que les établissements par vous conservés ; ils n’existeront que de la manière qui vous aura paru convenable ; il y aura des évêques dans tous les lieux où il vous aura paru nécessaire d’en établir, et il sera pourvu aux évêchés ainsi que vous l’aurez voulu. L’Eglise, n’en doutons pas, l’Eglise qui ne doit jamais consulter, et qui finit toujours par ne consulter que le plus grand intérêt de la religion, s’empressera d'ordonner les prêtres, d’instituer les évêques et les curés partout où leur institution sera requise. C’est l’objet de son ministère ; voilà l’exercice de la juridiction toute spirituelle qu’elle tient de Jésus-Christ, qu’elle doit toujours exercer pour le plus grand bien de l’Etat, et que vous n’avez certainement jamais voulu lui contester. Vos décrets, loin de porter atteinte à cette religion, la ramèneront à sa pureté primitive ; vous serez alors en effet les chrétiens de l’Evangile; vous serez chrétiens comme l’étaient les apôtres et leurs premiers disciples. Ne craignez pas que l'intérêt temporel et passager de quelques évêques entraîne de leur part une opposition à des réformes salutaires, et une résistance qui serait opposée au véritable esprit de la religion. Je sais que des motifs profanes ont quelquefois influé sur des déterminations prises dans les matières les plus religieuses ; que dans le siècle dernier, par exemple, le pape mécontent de la déclaration du clergé de France, se permit de refuser des bulles aux sujets nommés par le roi ; qu’il y eut plus de trente évêchés vacants, et que ce refus scandaleux s’est enc ore reproduit sous la Régence. Mais cette résistance à l’autorité temporelle ne venait que du pape, c’est-à-dire d’un étranger, d’un ennemi de Louis XIV et de la gloire de la nation : gardons-nous de redouter de semblables écarts de la part d’ecclésiasliques français : ils ne sont pas, je le sais, ils ne sont pas plus que les autres hommes à l’abri de cette espèce de prévention que l’intérêt et l’habitude élèvent quelquefois dans les âmes les plus pures et les plus privilégiées ; mais la réflexion, mais l’autorité irrésistible de la raison, mais l’exemple de tant d’ecclésiastiques vénérables qui se sont hautement expliqués dans cette Assemblée, feront bientôt sentir à tous ceux qui portent dans leur cœur une étincelle de patriotisme et de vertu, qu’ils ne peuvent servir la religion qu’en concourant à l’exécution de vos décrets. C’est alors, Mesieurs, c’est alors que la régénération sera en effet consommée, qu’il n’existera plus réellement de privilèges et de distinctions, qu’on ne trouvera parmi nous que des français, des frères, que nous n’aurous tous qu’un cœur, une âme, une volonté; la volonté d’établir la félicité publique sur des fondements inébranlables ; et ce jour qui n’est pas éloigné, j’ose le dire, ce jour sera pour tous les vrais citoyens le jour le plus beau de leur vie. Je conclus à ce que l’on délibère sur le plan du comité ecclésiastique. {On applaudit vivement à ce discours que des marques d'approbation ont souvent interrompu.) M. Goupil de Préfeln. Je demande l’impression de cette opinion religieuse et patriotique. Cette demande est fortement appuyée. L’impression est ordonnée. M. le Président, à la tête de la députation envoyée au roi, rentre dans la salle. Il rend compte de la réception qui lui a été faite et l’Assemblée ordonne que le discours de son président et la réponse du roi seront insérés au procès-verbal. Discours du président av roi. « Votre Majesté, qui a marqué sa place parmi les plus grands rois, en invitant les Français à la liberté, se montre aujourd’hui le meilleur des pères, en les rappelant à la paix et à des sentiments fraternels. Quels cœurs ne seraient pas touchés par ses exhortations, et conquis par ses exemples! Un enthousiasme général d’admiration, d’attendrissement et de reconnaissance, a saisi l’Assemblée nationale à la lecture de la proclamation de Votre Majesté ; et les expressions de son profond respect et de son inviolable fidélité ont retenti dans tous les cœurs ; toutes les bouches les ont répétées. Nous venons porter à Votre Majesté l’hommage de ces sentiments. Jamais nous n’avons été plus fidèlement les interprètes de la volonté générale de la nation. » Le roi a répondu : « J’emploierai toujours mes soins à procurer la « tranquillité générale, et le bonheur de chaque « citoyen eu particulier. » M. le baron de Rathsamhansen, député de Hagueneau, demande, pour raison de santé, an congé qui lui est accordé.