Î52 [Etats gen. 1789. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.! dans des cours séculières et fassent jugés autrement que par l’évêque assisté de son presbytère, ou par des officiaux revêtus de ses pouvoirs. C’était la suite de cet esprit de paix qui a toujours distingué le christianisme. Diverses causes ont changé cet usage respectable, et il n’en reste plus que la procédure conjointe déterminée dans certains cas par les lois. Ce ne serait pas intervertir l’ordre établi dans le royaume, que de demander à Votre Majesté de rendre aux évêques une partie de cette juridiction que votre confiance leur déférait encore, en érigeant, dans chaque diocère, un tribunal de conciliation qui serait présidé par eux, et devant lequel seraient tenus de comparaître, avant de se présenter aux tribunaux séculiers, les ecclésiastiques qui auraient des procès les uns avec les autres. Nous soumettons cette idée à Votre Majesté avec d’autant plus d’empressement qu’une pareille institution exciterait la confiance publique et présenterait, en tous lieux, aux personnes de bonne foi un moyen de terminer à l’amiable tous leurs différends. 26° L’édit du mois de mai 1765 associa les ecclésiastiques à l’administration des villes. Les motifs qui déterminèrent à cette association se trouvent consignés dans une lettre d’un des ministres du feu Roi. Sa Majesté, disait cette lettre, a appelé les membres du clergé à l’administration des villes, parce qu’elle les a regardés comme des citoyens éclairés, sur le zèle patriotique et sur les lumières desquels elle pouvait compter. Son objet a été de multiplier les coopérateurs en qui elle pouvait raisonnablement placer sa confiance, et s’assurer d’autant plus de l’exacte observation des règles qu’elle établissait. Le clergé justifiera toujours, par son zèle, une opinion si flatteuse, qu’il en est d’autant plus touché d’avoir été exclu de la municipalité de Nevers ; sous le frivole prétexte que les ecclésiastiques ne pouvaient pas être officiers municipaux, on a tiré contre eux d’un princice faux une conséquence injuste. Le clergé de ce bailliage en demande le redressement, et ce vœu est fondé sur la loi même qui a déterminé la constitution actuelle des municipalités. 27° Les dernières assemblées du clergé ont fait connaître à Votre Majesté combien devenaient fréquentes les aliénations des biens de l’Eglise, malgré la sévérité des lois ecclésiastiques et la multiplicité des formes civiles pour empêcher ces sortes de spoliations. Les lettres patentes, portant permission d’aliéner, s’obtiennent facilement au conseil. Les cours souveraines homologuent sans enquêtes, Ou sur des enquêtes fort légères, les actes d’arrentement , les baux emphytéotiques, les baux à cens, les échanges. Jamais les évêques ne sont consultés , quoique chefs des diocèses , quoique premiers administrateurs des églises qui les composent. Nos lois ont défendu aux gens de mainmorte d’acquérir , et des considérations assez fortes ont pu inspirer cette prohibition . Mais on s’égarerait en pensant que les mêmes motifs doivent conduire à laisser dépouiller les églises ; la société doit subsistance aux ministres des autels ; ils retomberaient à sa charge, si les dotations devenaient insuffisantes. L’intérêt commun demande donc que les mesures les plus exactes soient prises pour maintenir les lois canoniques èt les formes civiles touchant l’inaliénabilité des biens d’Egiise : les assemblées du clergé en ont indiqué les moyens. Le clergé de ce bailliage, animé du même esprit , supplie Votre Majesté d’ordonner que, dans le cas où des vues de bien public imposeraient à quelques églises la nécessité de sacrifier des parties de biens-fonds, le remplacement soit fait en biens de même nature, et que, dans aucune circonstance , il n’y soit subtitué des rentes en argent qui dépérissent par leur nature. Il a cru même de son devoir de donner, sur ce sujet, à ses députés les instructions les plus positives. Signé Damas, doyen ; f Pierre , évêque de Nevers, président ; Delarue, prieur ; Boury, chanoine ; Maugin de Gautrières, chanoine ; Decray, curé, archiprêtre deDécise; Malaprat, curé, ar-chipêtre ; Pimantron, chantre, curé de Glamecy ; Rogelet, prieur ; Fouques,curé de Saint-Laurent; F. -Augustin Gogois; Garouge, curé de Monceau; Després, vicaire général; Trouflant, secrétaire; Panier, curé d’Ourouer-aux-Moigne, secrétaire. CAHIER GÉNÉRAL De la noblesse du bailliage de Nivernais et Don-ziais, et pouvoirs par elle donnés à ses députés (1). Cejourd’hui, 22 mars 1789, la noblesse du bailliage du Nivernais et Donziais, légalement assemblée en vertu des lettres du Roi données à Versailles, le 24 janvier dernier, pour la convocation et assemblée des Etats généraux de ce royaume, et de l’ordonnance de M. le bailli dudit siège, rendue en conséquence, le 14 février suivant, donne aux députés qui seront élus par elle par la voie du scrutin, pour représenter ledit bailliage aux Etats généraux du royaume, tous les pouvoirs généraux et suffisants" pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous les sujets de Sa Majesté. ’ A ces pouvoirs, tels qu’ils sont prescrits par les lettres même de convocation, la noblesse du Nivernais croit devoir ajouter les instructions suivantes, et elle enjoint expressément à ses députés de s’y conformer littéralement. Art. 1er. D’après les formes constitutionnelles du royaume et l’intentiou expresse de la noblesse du Nivernais, l’opinion par ordre sera maintenue et conservée. Art. 2. Avant toute délibération sur l’objet des finances, les droits de la nation seront reconnus, avoués et constatés par un acte synallagmatique, et déposés dans une charte solennelle, revêtue de tous les caractères de l’authenticité. Art. 3. Ces droits sont : 1° Le pouvoir législatif en toute matière, de telle sorte que toute loi ait besoin d’être demandée ou consentie par la nation. 2° Le droit de consentir, répartir et percevoir des impôts. 3° La liberté individuelle et sacrée de tous les citoyens. 4° Le droit de propriété reconnu également sacré. Art. 4. De même et avant toute délibération, la périodicité fixe et assurée des Etats généraux sera obtenue. Art. 5. Il sera établi des Etats provinciaux dans toutes les parties du royaume qui n’en ont point encore. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PA Art. 6. Après l’obtention des articles précédents, les députés vérifieront la situation des finances ; ils se feront représenter tous les états de recette et de dépense (états de la fidélité desquels les signandaires répondront sur leur honneur et sur leur tête). Ils examineront la dette nationale et les intérêts des divers emprunts ; ils mettront dans toutes ces parties la réforme et l’ordre convenables. Art. 7. A ces conditions la dette légitime de l’Etat sera consolidée. Art. 8. A ces conditions l’impôt sera consenti ; mais seulement jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, laquelle venant à ne pas avoir lieu, pour quelque cause que ce fût, tout impôt cesserait. Art. 9. Les ministres seront comptables aux Etats généraux de l’emploi des fonds qui leur seront confiés, et responsables auxdits Etats de leur conduite en tout ce qui sera relatif aux lois du royaume. Art. 10. Les députés porteront aux Etats généraux le vœu que la noblesse du Nivernais a solennellement exprimé par son arrêté du 17 mars dernier, de partager avec les deux autres ordres, et dans la proportion exacte de sa fortune, toutes les impositions générales de la province, et de renoncer formellement à tout privilège pécuniaire , en se réservant expressément les droits qui font partie de ses propriétés et les honneurs et distinctions nécessaires dans toute constitution monarchique, honneurs qu’elle tient de ses ancêtres et qui, en lui rappelant sans cesse leurs vertus, lui imposent plus rigoureusement le devoir de les imiter. Art. 11. Mais en même temps, et pour répondre aux vues paternelles de Sa Majesté qui désire que Von montre des égards pour cette partie de la noblesse qui cultive elle-même ses champs, et qui souvent , après avoir supporté les fatigues de la guerre, après avoir servi le Roi dans ses armées , vient encore servir l’Etat , en donnant V exemple d'une vie simple et laborieuse et en honorant par ses occupations les travaux de V agriculture, les députés de la noblesse du Nivernais solliciteront vivement auprès de la nation et concerteront avec elle les moyens d’indemnité et les secours que la justice réclame pour cette classe si intéressante de la noblesse; secours auxquels lui donne spécialement droit le sacrifice généreux qu’elle fait en ce moment des privilèges antiques qui semblaient faire partie de son patrimoine. Art. 12. 11 est encore une classe précieuse, et que les députés prendront sous leur protection spéciale : c’est celle du simple habitant des campagnes, celle du cultivateur dont les nobles furent toujours les soutiens et les défenseurs, et dont ils veulent être à jamais les pères. C’est à ce peu d’articles de rigueur que la noblesse du bailliage du Nivernais et Donziais borne les instructions de ses députés ; elle ne doute pas qu’ils ne répondent par leur zèle et par leur intégrité à la confiance qu’elle a mise en eux. Ils n’oublieront pas qu’ils appartiennent à la France avant d’appartenir à leur province, et qu’ils sont citoyens avant d’être nobles. Ils n’oublieront pas que la noblesse qu’ils sont chargés de représenter ne veut se distinguer que par l’esprit de paix et de concorde, l’amour de la justice et du bien, le respect et rattachement à son Roi et le dévouement à sa patrie. Certifié par nous, commissaires nommés pour la rédaction des cahiers, lesquels sont signé : Du Quesnay ; Forestier ; comte de Pracontal ; comte LEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] 253 de Damas de Grux ; comte de Damas d’Anlezy ; Desprez ; marquis de Saint-Phal ; marquis de Bon-nay ; Pelletier, comte d’Aunay ; chevalier de Damas de Crux ; Maubranches ; comte de Sérent. Lu, approuvé, arrêté et certifié par la noblesse du bailliage de Nivernais et Donziais, en l’assemblée tenue à cet effet en l’une des salles du château ducal de la ville de Nevers, le 22 mars 1789 ; et ont signé M. le bailli faisant l’office de président de ladite noblesse, et M. Maubranches faisant les fontions de secrétaire. Leroi de Prunevaux, président. Maubranches, secrétaire. INSTRUCTIONS PARTICULIÈRES Que la noblesse de Nivernais et Donziais donne à ses députés. Dans les instructions que la noblesse du bailliage de Nivernais et Donziais a jointes aux pouvoirs de ses députés, elle a cru devoir se borner aux articles de rigueur, de l’exécution desquels elle n’entend se départir dans aucun cas, et n’a pas voulu s’étendre sur une infinité d’objets qui, sans être aussi indispensables, méritent cependant toute son attention. Elle les a réservés pour un cahier d’instructions particulières, lequel contiendra : 1° Les mandements et injonctions qu’elle a cru devoir donner à ses députés, sur des points qui leur sont relatifs ; 2° Le détail plus circonstancié de quelques objets qu’elle n’a fait qu’énoncer sommairement dans son cahier général, et l’indication de quelques autres qui sont d’une nécessité moins absolue, ou qui peuvent être renvoyés à une seconde tenue d’Etats généraux ; 3° L’exposé de quelques demandes et remontrances particulières à la province du Nivernais. En conséquence, cejourd’hui 22 mars 1789, la noblesse du bailliage de Nivernais et Donziais, légalement assemblée en vertu des lettrés du Roi, du 24 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. le bailli, du 14 février suivant, a arrêté les chapitres et articles suivants, en forme d’instructions particulières, pour ses députés aux Etats généraux du royaume. CHAPITRE PREMIER. Mandements relatifs aux députés. Art. 1er. Les députés de la noblesse du Nivernais et Donziais seront tenus de venir lui rendre compte de leur conduite à leur retour des Etats généraux ; à l’effet de quoi ils demanderont une nouvelle convocation des trois ordres du bailliage. Art. 2. Elle leur défend de se relâcher jamais sur l’opinion par ordre ; et si l’opinion par tête vient à être admise,. ils déclareront, qu’en se réservant le droit de délibérer et d’opiner sur différentes matières qui seront soumises à l’examen et à la décision des Etats généraux, ils s’interdiront de donner leur voix dans une autre forme que celle prescrite par leur cahier. Art. 3. Sur tous les autres articles dudit cahier général , ils s’astreindront rigoureusement à leurs instructions ; ils les soutiendront constamment et de tout leur pouvoir ; et si, forcés par la majorité, en quelque article que ce soit dudit cahier, l’avis opposé vient à prévaloir, ils protesteront contre ledit avis et prendront acte en forme de ladite majorité, de leur résistance et de leur protestation. 254 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage dn Nivernais. Art. 4. 11 sera nommé pour le bailliage de Nivernais et Donziais, un député de remplacement pris dans l’ordre de la noblesse, auquel il sera enjoint de ne pas s’écarter du lieu où se tiendront les Etats généraux. Les députés du bailliage entretiendront avec lui une communication habituelle, pour qu’il soit toujours au courant de toutes les opérations de l’assemblée. Art. 5. L’un des deux députés nobles du bailliage venant à manquer, pour cause de mort, maladie, affaires ou autre raison légitime, le député de remplacement sera appelé par l’ordre de la noblesse, pour venir occuper la place vacante. Art. 6. Il sera statué par les Etats généraux sur le traitement à accorder aux députés. CHAPITRE II. Commentaire sur l'instruction jointe au cahier général , et objets secondaires. Art. 1er. Grande charte. Les députés aviseront entre eux aux sûretés et précautions que la nation devra exiger pour l’authenticité de la charte qui contiendra ses droits Art. 2. Consentement et répartition de l'impôt. L’impôt sera généralement et également réparti par les trois ordres, d’abord aux Etats généraux pour la répartition entre les provinces, ensuite aux Etats provinciaux pour la répartition entre les individus. Il portera, sans distinction d’ordres, sur toute espèce de propriétés, foncières ou mobilières ; tout privilège pécuniaire sera aboli. La dépense de chaque département sera fixée, la reddition de compte en sera exigée ; tout acquit de comptant sera supprimé. On s’assurera qu’aucune somme ne puisse être détournée de l’emploi qui lui aura été assigné par la nation. Tout impôt ou emprunt, création d’offices ou supplément de finance, ne pourront être consentis ou établis que par la nation librement assemblée aux Etats généraux, et non par aucuns Etats particuliers. Art. 3. Liberté individuelle des citoyens. Il sera pris des mesures justes et certaines pour garantir la liberté individuelle de tous les ordres de citoyens par la suppression des lettres de cachet, des prisons d’Etat et des tribunaux de commission. Nul ne pourra être jugé que d’après les lois, et par ses juges légaux et naturels. Aucune cause ne pourra être évoquée, hors les cas prononcés ou prévus par la loi. Tous arrêts de surséance, tous arrêts de propre mouvement seront supprimés. Aucun citoyen ne pourra être constitué prisonnier qu’en vertu d’un décret décerné par les juges ordinaires. L’élargissement provisoire sera toujours accordé en fournissant caution suffisante, excepté dans le cas où le détenu serait prévenu d’un délit qui entraînerait une peine corporelle. Les rapports de l’armée, et ceux des corps de justice avec la nation, seront déterminés par les Etats généraux, de manière à ce que l’une ne puisse devenir dangereuse à la liberté des citoyens, ni les autres porter atteinte aux droits que la nation s’est réservée, et notamment au pouvoir législatif. La liberté de la presse sera accordée avec les restrictions que les Etats généraux jugeront convenables. Art. 4. Droit de propriété. Tout droit de propriété sera inviolable, et nul ne pourra en être privé, même à raison de l’intérêt public, qu’il n’en soit dédommagé au plus haut prix et sur-le-champ. Art. 5. Périodicité des Etats généraux. Il sera fixé une série perpétuelle d’Etats généraux périodiques, dont la première tenue aura lieu dans le plus court délai possible ; et pour assurer ce retour périodique : 1° les Etats s’ajourneront d’eux-mêmes, pour leur prochaine convocation ; 2° les formes des convocations et élections seront déterminées d’une manière si précise que rien ne puisse en retarder l’époque. Dans les cas de guerre imprévue, de changement de règne ou de régence, les Etats généraux seront assemblés extraordinairement et sur-le-champ ; et les députés des Etats précédents y seront appelés sans nouvelle élection. Hors ces cas de convocation extraordinaire, aucun député ne pourra être appelé deux fois de suite aux Etats généraux, sans avoir été élu de nouveau, et dans les formes stipulées pour les tenues d’Etats périodiques : nul ne pourra être réélu trois fois de suite. Toute commission intermédiaire entre les tenues d’Etats généraux sera rejetée. Les députés demanderont que dans les élections à venir, les procurations (sauf celles dès veuves, des mineurs et des personnes légitimement empêchées, selon les cas prévus par le règlement qui sera fait à cet égard) ne donnent point droit de suffrage. Art. 6. Etals provinciaux. Les députés feront tous leurs efforts pour obtenir promptement l’établissement des Etats provinciaux dans tout le royaume ; et quant à leur organisation, ils se conformeront à celle qui sera généralement adoptée. Quant à la circonscription des Etats provinciaux du Nivernais, les députés s’efforceront de réunir toutes les parties de la province qui en seront détachées et qui dépendent d’autres généralités, pour en former, avec les deux élections de Nevers et de Ghâteau-Ghinon, des Etats particuliers. Sinon ils se concerteront avec les députés des deux autres ordres et ceux du bailliage de Saint-Pierre pour former un plan d’association, soit avec le Berry, soit avec le Bourbonnais, soit avec ces deux provinces réunies, suivant ce qui sera à la fois le plus possible et le plus avantageux. Quel que soit l’arrondissement de ces Etats, les députés tâcheront d’obtenir pour eux unité d’administration, unité de ressort, et surtout, unité pour la convocation aux Etats généraux, afin d’éviter l’enchevêtrement qui résulte des arrondissements entremêlés de bailliage et d’élection, et d’empêcher qu’il ne soit convoqué dans les provinces des personnes qui sont étrangères à leurs intérêts. Le Roi ayant déjà permis aux paroisses de campagnes de nommer elles-mêmes leurs municipalités, il paraît naturel et juste que les villes nomment aussi les leurs. Art. 7. Vérification des finances. Les députés sont chargés de vérifier la situation des finances ; cet article comprend : 1° La dette de l’Etat, en ce qui est légitime, ou ce qui ne l’est pas. 2° Les aliénations, échanges ou acquisitions ruineuses. 3° Les domaines du Roi. — (La noblesse du Nivernais pense qu’ils sont aliénables, et elle enjoint à ses députés de se concerter avec les Etats [États gèn. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais. généraux pour en tirer le parti le plus avantageux à la nation.) 4° Toutes les charges et emplois inutiles, desquels ils demanderont la suppression. 5° Les appointements énormes, l’abus des grâces en tout genre, l’abus des survivances, les grâces de la cour ou bénéfices cumulés sur la même tête, les dons, gratifications et leurs différents titres. (Les députés demanderont que la liste des pensions et autres grâces pécuniaires soit imprimée et publiée chaque année.) 6° Les différents emprunts, leurs intérêts usu-raires, l’abus des anticipations, l’abus de l’agiotage. 7° Les droits sur les actes judiciaires et notariés, sur les sous-seings sujets au contrôle, sur les successions collatérales, et l’inquisition qui résulte de la poursuite de ces différents droits, etc., etc., etc. Il sera statué par les Etats généraux sur l’apanage des princes, lequel à l’avenir sera stipulé en argent. Les députés demanderont à connaître les différents traités de commerce et leurs résultats ; et désormais il n’en sera signé aucun qu’avec la ratification des Etats généraux. Ils solliciteront le reculement des barrières aux frontières du royaume et la suppression de tous les droits et entraves qui gênent le commerce. La liberté du commerce des grains, si nécessaire, surtout pour les provinces de l’intérieur, sera prise en considération avec l’importance qu’elle mérite. Art. 8. Dette nationale. Les députés, après avoir consolidé la dette de l’Etat, en ce qui leur sera prouvé légitime, s’occuperont des moyens de la diminuer et de l’éteindre successivement, soit par l’établissement d’une banque nationale ou d’une caisse d’amortissement, soit par tous autres moyens, que l’on choisira toujours parmi ceux qui seront les moins onéreux à la nation. Art. 9. Consentement de l'impôt. L’impôt ne sera consenti que pour peu de mois au delà de la prochaine tenue des Etats généraux. Tout agent du fisc, ou autre, qui se présentera pour percevoir l’impôt au delà du terme fixé par eux, ou delà proportion établie par les Etats provinciaux, sera déclaré concussionnaire et encourra la peine capitale. Art. 10. Réformation de la justice. Il sera nommé une commission de jurisconsultes éclairés, laquelle sera chargée de la réformation du code civil et du code criminel. Elle s’en occupera sans délai et sans interruption, afin que son travail puisse être achevé lors de la prochaine tenue des Etats généraux et sanctionné par eux. Le vœu de la noblesse du Nivernais est que les tribunaux soient rapprochés des justiciables, et que tous ceux d’attribution et exception, notamment celui des eaux et forêts, soient supprimés. Elle charge ses députés de solliciter avec instance une loi désirée depuis longtemps sur les banqueroutiers. Ils prendront aussi des mesures pour assurer l’exécution des lois, et pour qu’aucune ne puisse être enfreinte, sans que quelqu’un en soit responsable. Art. Il .Bourses fondées pour la noblesse pauvre. La noblesse du Nivernais, en recommandant à la nation la classe des gentilshommes qu’il paraît juste de dédommager du sacrifice de ses privilèges pécuniaires, a eu principalement en vue ceux des nobles qui n’ont pour toute propriété que deux charrues et au-dessous, et qui les font va-p55 loir éux-mêmes. Elle a pensé qu’en établissant dans les différents collèges et couvents de la(pro-vince des bourses uniquement destinées aœç fils et filles de ces gentilshommes peu fortunés, on remplirait un double objet : le premier en soulageant les pères ; le second en procurant aux enfants une éducation convenable qui les mettrait à portée de soutenir avec honneur le nom de leurs ancêtres. Le clergé sans doute s’empresserait de concourir à de telles fondations, dont la noblesse du Nivernais recommande à ses députés de solliciter l’établissement, vraiment patriotique, et dont la direction, ainsi que la nomination aux places de boursiers et de boursières, serait confiée aux Etats provinciaux. Art. 12. Education publique. Les députés annonceront aux Etats généraux le désir que la noblesse du Nivernais aurait que l’on s’occupât de la réforme à opérer dans le système d’éducation publique. Ce point est d’autant plus important, que ie nouvel ordre de choses qui va s’établir, appelant un plus grand nombre de citoyens aux détails et à l’ensemble de l’administration, demandera des hommes plus instruits, et des lumières d’un genre différent de celles que l’on acquiert aujourd’hui dans les écoles publiques. Art. 13. Anoblissement. Tous anoblissements vénaux ou par charge seront supprimés à l’avenir. Le Roi jouira seul de l’auguste prérogative de conférer la noblesse à ceux de ses sujets qui se sont rendus dignes de cette distinction. Mais lorsqu’un citoyen aura assez bien servi sa patrie pour mériter d’être agrégé au rang des nobles, les Etats particuliers de sa province, d’après des formes déterminées, pourront en porter le vœu aux Etats généraux, avec des mémoires justificatifs. Alors, si les motifs d’une telle demande sont jugés suffisants, la noblesse française, réunie aux Etats généraux, suppliera le Roi d’admettre parmi elle le digne citoyen auquel un si beau titre ouvrira avec éclat le temple de l’honneur et de la gloire. CHAPITRE III. Objets particuliers à la province du Nivernais. Art. 1er. Les députés chercheront les moyens de réunir la province en un seul bailliage, fixé â Nevers ; et ils stipuleront que dans les convocations à venir, il conservera pour les députations la proportion qu’ont aujourd’hui, avec le reste de la France, les deux bailliages réunis de Nevers et de Saint-Pierre. Ils exprimeront le vif désir qu’aurait la noblesse d’élire elle-même le bailli destiné à la présfder, après en avoir remboursé la charge, lorsqu’elle viendra à vaquer. Art. 2. Les députés solliciteront vivement : 1° La diminution ou suppression du droit de marque sur les cuirs ou sur lès fers ; 2° L’extinction de ceux que l’on perçoit sur les aciers, d’autant qu’ils ne sont appuyés que sur un titre incertain; 3° L’extinction des droits réservés sur les bois et autres denrées, lesquels se payent à l’entrée de quelques villes de la province, droits onéreux pour tous les citoyens de ces villes et surtout pour les manufactures de faïence ; droits qui se sont établis sans lois enregistrées, et qui, au terme même de leur création, auraient dû être abolis depuis huit ans. Art. 3. Ils insisteront fortement pour que les droits d’aides et gabelles soient simplifiés dans leur perception, en attendant leur totale suppression. 256 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage du Nivernais.] Arst. 4. L’établissement des forges de la Chaus-sade) sera recommandé au gouvernement, vu Futilité dont il est pour la province, et par les bras\ qu’il y emploie, et par les consommations qu’il y fait, et par l’argent qu’il y laisse. Art. 5. On s’assurera si les travaux du canal du Nivernais sont utiles et s’ils sont possibles, avapt de les continuer. Les indemnités auxquelles ils pourront donner lieu ont déjà été recommandées, à l’article des propriétés. Aét. 6. Les députés s’efforceront d’obtenir que le sort des curés de campagne soit amélioré. Ils chercheront les moyens de venir au secours du (peuple des campagnes par l’établissement de chirurgiens, sages-femmes et autres institutions utiles. Ils solliciteront l’établissement d’un conseil de tutelle, qui serait composé, dans chaque paroisse de campagne, du curé et d’un nombre déterminé de notables. Ce conseil serait autorisé à nommer des tuteurs aux mineurs pauvres ; il procéderait sans aucun frais aux inventaires, aux ventes de meubles ; il serait l’appui de la veuve et de l’orphelin. Alors les huissiers-priseurs, qui dévorent si souvent leur substance, deviendraient inutiles et leurs charges seraient supprimées. Si on les souffre encore, il faut du moins que leurs fonctions soient soumises à une police régulière et à une surveillance éclairée; il faut que les charges de notaire de campagne soient supprimées, ou que ceux qui les exercent soient assujettis à des examens qui constatent leur capacité. Art. 7. Les députés demanderont que l’on mette en vigueur les anciennes ordonnances, qui défendent d’enlever aux habitants leurs lits et leurs ustensiles de première nécessité, pour les contraindre au payement des impositions. 11 conviendrait aussi de faire cesser un usage abusif et que les curés' de la ville de Nevers ont établi comme un droit, celui d’exiger le lit de tout noble mort sur leur paroisse, ou d’en fixer arbitrairement le prix; droit bizarre, droit cruel, pour une famille pauvre ou désolée ; droit dont le titre est au moins douteux. Art. 8. Les députés représenteront avec force le tort qui résulte, pour la province du Nivernais, de la multiplicité des fêtes qui y sont observées; ils demanderont qu’à l’exception des fêtes annuelles et solennelles, elles soient toutes remises au dimanche. Art. 9. Ils solliciteront une loi précise pour fixer les droits des communautés et des seigneurs, relativement aux usages et aux communes, sans toutefois que cette loi puisse infirmer les*titres authentiques de propriété. Art. 10. Ils solliciteront enfin le rétablissement et l’extension des lois rurales et présidiales; lois si utiles pour la police des campagnes, plus nécessaires en cette province qu’en toute autre, et dont l’abandon nuit à la population comme à l’agriculture. Art. 11. La noblesse du Nivernais, accoutumée à regarder l’honneur comme le premier mobile des Français, et considérant que le soldat, en se dévouant à la patrie, n’a jamais pu renoncer à son titre ni à ses droits de citoyen, supplie le Roi d’écouter son dernier vœu, et de vouloir bien supprimer désormais dans ses troupes les coups de plat de sabre et toute autre punition arbitraire du même genre, Telles sont les instructions que la noblesse du bailliage de Nivernais et Donziais a cru les plus convenables à donner à ses députés. Elle leur enjoint de s’y conformer exactement, et de se �mettre en état de lui prouver à leur retour qu’ilsles ont suivies. Elle leur a montré le tendre intérêt qu’elle prend au peuple des campagnes. Ils ne négligeront rien pour améliorer son sort et pour le recommander à la vigilance et à la protection des Etats provinciaux, si les Etats généraux ne peuvent encore s’en occuper dans cette première tenue. Ladite noblesse ratifie de nouveau tous les pouvoirs qu’elle a donnés à ses députés, et déclare qu’en tout ce qui n’est pas prescrit ou limité par leur cahier et instruction, elle s’en rapporte à tout ce qu’ils croiront en leur honneur et conscience devoir consentir ; ne doutant point que leur conduite ne soit toujours conforme à l’intérêt et à l’esprit de leur province, et dirigée par la justice, la modération et la fidélité envers le Roi et la patrie. Certifié par nous, commissaires, nommés pour la rédaction des cahiers , lesquels ont signé : Du Quesnay; Forestier; comte de Pracontal; comte de Damas d’Anlezy ; comte de Damas de Crux; Desprez; marquis de Saint-Phal; marquis de Bonnay ; Pelletier, comte d’Aunay; chevalier de Damas* de Crux ; Maubranches ; comte de Sé-rent. Lu, approuvé, arrêté et ratifié par la noblesse du bailliage de Nivernais et Donziais, en l’assemblée tenue à cet effet en l’une des salles du château ducal de la ville de Nevers, le 22 mars 1789, et ont signé M. le bailli faisant l’office de président de ladite noblesse, et M. Maubranches, faisant les fonctions de secrétaire. Lejroi de Prunevaux, président. Maubranches, secrétaire. CAHIER DES REMONTRANCES ET DOLÉANCES DU TIERS-ÉTAT DU BAILLIAGE DE NIVERNAIS ET DONZIAIS, A NEVERS (1), Ledit cahier remis à MM. GOUNOT, avocat à Nevers; Parent, avocat au conseil; Marandat-Dol-LIVEAU, avocat à Nevers; Robert, avocat à Saint-Pierre-le-Moutiers , députés aux Etats généraux. CAHIER Contenant les remontrances du bailliage de Nivernais et Donziais , arrêté sur les cahiers des différentes villes et communautés dudit bailliage par nous, commissaires soussignés , nommés a rassemblée générale du tiers-état, le 16 du courant, tenue en l’église des Récollets de cette ville , de Nevers , présidée par M. le lieutenant général dudit bailliage , en exécution de la lettre du Roi, et règlement y annexé, du 24 janvier dernier, et de l’ordonnance de M. le bailli, du 14 février suivant , pour être ledit cahier porté par les députés qui seront nommés pour représenter le tiers-état dudit bailliage aux Etats généraux qui doivent se tenir à Versailles le 27 avril prochain. Le tiers-état du bailliage de Nivernais et Donziais demande : . Art. 1er. Que les Etats généraux aient lieu tous les cinq ans, et qu’attendu h situation actuelle (1) Nous publions co cdtiier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.