122 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j frimaire an il L 1 } 25 novembre 1793 Les représentants du peuple réduits dans leur nombre, et ramenés au centre du pouvoir; Les états-majors purgés; un gouvernement révolutionnaire, fondé jusqu’à la paix; Lyon ramené violemment au sein de la Répu¬ blique; le parti de l’étranger connu enfin, dé¬ masqué et terrassé par l’opinion publique et par l’accusation nationale; Le Trésor public grossi des richesses du fana¬ tisme et des trésors que l’avarice préférait à la patrie ; L’assignat remonté à la valeur qu’il n’eût jamais dû perdre; Les métaux, ces rivaux funestes de la monnaie républicaine, avilis comme la boue qui a cor¬ rompu l’Europe; les métaux affluant dans la caisse nationale, apportés par la peur et l’ava¬ rice, pour effrayer ensuite les tyrans de l’Eu¬ rope, pour qui nous aurons le dernier écu, le dernier pain, la dernière cartouche et le dernier coup de canon, c’est-à-dire, le droit de com¬ mander la paix et la liberté à l’Europe asservie. Après avoir comparé notre situation au com¬ mencement et à la fin de la campagne, comparons donc avec cette sécurité républicaine, qui nous sied si bien, comparons notre situation avec celle des rois coalisés. Nous avons des armées nombreuses et renou¬ velées. Les rois ont leurs armées décomposées et à renouveler. Nous avons 600,000 hommes de plus par un simple décret. Les rois ne peuvent obtenir des recrues et des milices qu’avec des menaces, des violences et des chaînes. Nous avons de nouvelles troupes qui courent aux frontières en chantant. Les rois sont des prisonniers dans les villes, et traînent les hommes des campagnes pour ren¬ forcer leurs armées. > Nous avons des richesses immenses dans les biens des fanatiques et des rebelles. Les rois ont épuisé le peuple d’impôts. Nous dépensons 400 millions par mois sans impôts nouveaux. Les rois n’osent pas réclamer des subsides des peuples desséchés ou asservis. Nous avons des trésors nouveaux dans les temples et chez les riches avares, et les rois ont épuisé leurs trésors. Notre République est une et indivisible; les rois sont fédéralistes. Nous avons une nation de 27 millions d’hom¬ mes libres, énergiques, se battant pour leurs droits; les rois ont des prêtres, des nobles et des machines à fusil. Quel résultat le comité veut-il tirer de ce rapport? C’est de ramener tout à l’unité, à la centralité du gouvernement. C’est à l’unité de pouvoir que le comité vous propose de ramener fortement, par un décret formel, les représentants du peuple, les ministres, les généraux et tous ceux qui sont chargés de l’exécution des lois ou des arrêtés pris par le gouvernement national révolutionnaire. L’unité est votre maxime fondamentale. L’unité est votre défense fédéraliste. L’unité est votre salut. Nous disons plus : quand même le pouvoir central se tromperait quelquefois, le résultat général de ses opérations serait toujours meil¬ leur que s’il était contrarié, ou arbitrairement tiré en sens contraire par les divers agents d’exécution. Les succès partiels ne pourraient jamais pré¬ senter autant d’avantages que l’inexécution présente de dangers. Jamais des victoires locales ne pourraient compenser les maux résultant de la dissémination des moyens, de l’incohérence des mesures et du croisement des autorités. Le comité croit devoir terminer le tableau de cette campagne par la proposition d’une loi qui assure l’exécution des mesures militaires de la part de tous les agents nationaux qui sont appe¬ lés à les faire réussir. Quant aux délits contre la défense ou la sûreté de la République, le tribunal révolutionnaire est là-. . DÉCRET « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du-comité de Salut public, décrète : « Les représentants du peuple envoyés en commission sont tenus de se conformer exacte¬ ment aux arrêtés du comité de Salut public : les généraux et autres agents du pouvoir exécutif ne pourront s’autoriser d’aucun ordre parti¬ culier pour se refuser à l’exécution desdits ar¬ rêtés. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Barère, au nom du comité de Salut 'public. Le comité de Salut public peu occupé de cette vaine gloire après laquelle courent les courtisans et les ministres des monarchies, a trouvé plus digne d’administrateurs républicains d’ensevelir, pour ainsi dire, tous les intérêts personnels, ceux même du comité, sous le bien public qui devait résulter du secret de ses opérations. Il n’a pas craint les attaques de la calomnie, quand ü a vu le sort de la liberté attaché à la non-publicité de ses arrêtés. Il a mieux aimé que les malveil¬ lants l’accusassent d’être sans surveillance . et sans activité, plutôt que de passer pour orgueil¬ leux ou pour indiscrét. Sauver la patrie avec vous et par vous, voilà sa devise, voilà le but constant de ses travaux. Cependant il doit y avoir un terme à cette modestie nécessaire ; il est des bornes à un silence utile. La campagne touche à son terme; nous pouvons donc vous tracer le tableau rapide de nos opérations. Par la réussite des unes, comme par le non-succès de quelques autres, vous pro¬ noncerez que l’obéissance a un point central, que l’exécution sévère des arrêtés du gouvernement national peuvent seules assurer la victoire; (1) Moniteur universel [n° 67 du 7 frimaire an II (mercredi 27 novembre 1793), p. 270, col. 3 et n° 68 du 8 frimaire an II (jeudi 28 novembre 1793), p. 274. col. 3j. Le Moniteur universel reproduit à peu près inté¬ gralement le document imprimé; néanmoins, en plusieurs endroits, il présente avec ce document des divergences sensibles qui semblent attester que Barère, après avoir donné au rédacteur du Moniteur le texte lu en séance, remania son rapport après coup avant de le livrer à l’imprimerie nationale. Nous avons donc cru devoir publier les deux ver¬ sions, afin que le lecteur puisse comparer. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-j ™"”bran 1793 *23 vous verrez que le succès a couronné l’exécution de nos arrêtés, et que les revers sont le fruit de la non-exécution de ces mêmes arrêtés. Inactivité des agents ministériels, incertitude, timidité, mauvaise volonté ou trahison des géné¬ raux, mésintelligence ou excès de pouvoir des représentants, voilà les obstacles que le gouver¬ nement central de la République doit vaincre sans cesse et qu’il n’a pu toujours surmonter. Le système militaire du comité est celui au¬ quel l’histoire raconte que les succès ont été toujours attachés; celui que tous les grands gé¬ néraux ont suivi, celui qui appartient plus parti¬ culièrement à un peuple libre, à une nation belli¬ queuse et énorme, qui peut tout écraser par sa masse, le système des grandes armées, système qu’ont exécuté constamment les puissances coa¬ lisées, tandis que nous nous obstinions à dissé¬ miner nos forces sur des frontières étendues, et à tout garder sans pouvoir rien défendre. Le comité avait arrêté comme base de l’ins¬ truction des représentants et des généraux, et des opérations du ministre, que l’on agirait en masse, et jamais partiellement; que pour grossir l’ar¬ mée active, on retirerait des garnisons tout ce qui n’était pas rigoureusement nécessaire à leur sûreté. On a suivi un système contraire. Presque partout on a laissé des garnisons énormes, on a cédé à la crainte que venaient témoigner les communes. Il en est résulté un morcellement funeste dans nos armées. L’ennemi a attaqué successivement les différents postes, et les a forcés presque partout. L’événement malheureux de la garnison de Cambrai justifie les plaintes du comité, et prouve les dangers attachés à l’inexécution de ses arrê¬ tés. Il en a été de même des attaques partielles qui ont été faites dans la Flandre maritime. Qui n’a pas applaudi aux espérances données par le général Vendame? Espérances qui étaient fon¬ dées, si le système du comité, qui crie sans cesse aux généraux de marcher et d’attaquer par masse, eût été suivi. Que firent les divers généraux sur la Flandre maritime? Ils forcèrent, à la vérité, les cinq postes avancés; ils les eurent tout à la fois; mais ensuite ils furent repoussés par l’ennemi, qui suivait le système de masse trop négligé par les généraux de la République. Telle a été la cause des échecs éprouvés à Mar-chiennes et à Orchies. Le sang du soldat, le sang républicain, prodi¬ gué à l’impéritie ou à un faux système dans ces deux actions, crie vengeance et appelle la sévé¬ rité des représentants de la nation, en même temps qu’il prescrit la nécessité des peines sé¬ vère contre ceux qui n’obéissent pas aux ordres émanés du centre du gouvernement. Parcourons rapidement les événements de cette campagne qui devait être si désastreuse pour la République, si l’on s’en était rapporté aux sinistres présages qui résultaient des trahi¬ sons successives de Dumouriez, de Custine, de Houchard, sur la frontière la plus menacée et la plus malheureuse, la frontière du Nord. Je ne vous parlerai pas de la reddition de Condé, de la lâcheté de Valenciennes et de la faiblesse du Quesnoy. La liberté, que ces places ont menacée, les transformera bientôt en tom¬ beaux pour les corrupteurs Anglais et les fé¬ roces Autrichiens qui en occupent les fortifica¬ tions déshonorées. Je me transporte aux événements de Dun¬ kerque. Le port de Toulon, pour l’achat honteux duquel le perfide gouvernement britannique n’a pas craint de sacrifier 160 millions, c’est-à-dire le prix des sueurs, de l’industrie et des contributions du peuple anglais, le port de Toulon donnait à Georges la clef de la Méditer¬ ranée, l’anéantissement du commerce et des manufactures du Midi, le droit de tyranniser et d’asservir les petits gouvernements de l’Italie, et de tromper la puissance ottomane. Il fallait encore à l’ambition du cabinet de Saint-James une forteresse et un port sur l’Océan pour despotiser la Baltique : le siège de Dunkerque est résolu. Au commencement de septembre, près de 40,000 hommes sont envoyés par les puissances coalisées pour attaquer ce point important. Des intelligences étaient ménagées à Bergues et à Dunkerque, de nombreuses familles anglaises servaient ces projets perfides; le pays est inondé de hordes étrangères. Aussitôt le comité forme un plan de défense dans ces villes, et un plan de campagne pour en¬ velopper l’armée ennemie en se portant sur Fûmes, Ostende et Nieuport. Ce plan de campagne n’a été exécuté que très imparfaitement ; au lieu d’envelopper l’ennemi, on l’a attaqué de front, et l’on peut juger par la perte qu’il a faite dans cette attaque partielle, de l’échec décisif qu’il aurait dû éprouver. Le comité, voyant l’inexécution de son ar¬ rêté, et qu’une trahison seule avait pu en être la cause, arracha Houchard à la tête d’une ar¬ mée victorieuse, refondit subitement son état-major, et ne vit que la trahison manifeste qui l’a conduit à l’échafaud. Cependant dans la Convention notre conduite fut attaquée; avant que les mesures sur Hou¬ chard et son état-major fussent effectuées, on voulut que le comité en rendît compte, et c’est ainsi que par un excès de zèle, ou que par une inquiétude aussi précoce que mal fondée, on divulguait à notre ennemi notre marche hardie, pour lui apprendre quelle devait être la sienne. Les mesures du comité étaient si bien prises que, trois semaines après, cette même armée, dont la trahison de Houchard avait paralysé le triomphe à Bergues et à Hondschoote, a battu une autre armée formidable sur les bords de la S ambre. L’ennemi, chassé de Dunkerque, a cherché à faire diversion du côté de Maubeuge. La prise du Quesnoy lui inspira cette insolente audace. L’Autrichien avait aggloméré ses troupes bar¬ bares autour de Maubeuge. 90.000 esclaves cer¬ naient déjà cette place et la bloquaient entiè¬ rement. Qu’a fait le comité de Salut public? Il est encore revenu à son système des masses. Il a pris un arrêté pour faire marcher sur-le-champ toutes les forces disponibles dans les armées du Nord et des Ardennes. Il a bravé les malédictions des villes et les clameurs des intrigants, qui, cédant à une sorte d’esprit de fédéralisme, réclamaient v des forces sédentaires pour - chaque place, pour chaque commune. Mais, en entendant ces clameurs perfides ou imprudentes, le comité a envoyé le citoyen Car¬ not, un de ses membres, pour exécuter par lui- 12i4 [Convention nationale.] ARCRIVES PARLEMENTAIRES. même son arrêté, et surveiller de plus près une opération aussi essentielle. .Le succès a répondu à l’attente du comité; la bataille a été donnée, et le combat a été un des plus opiniâtres et des plus décisifs de toute la campagne. L’ennemi, battu, s’est retiré derrière la Sambre, et l’horrible espérance qu’il avait con¬ çue d’envahir la frontière du Nord a été dé¬ truite par la force de nos armes. Nous avions publié que nos forces étaient im¬ menses. Ce bruit était nécessaire à nos succès, pour encourager l’armée républicaine et effrayer l’armée étrangère. Cependant, nous n’avions que 65,000 hommes, en y comprenant la garni¬ son de Maubeuge, composée de 15,000 hommes, qui n’ont ni agi, ni coopéré à la victoire, et ce¬ pendant l’ennemi avait une armée énorme. Français, faut-il donc être si nombreux pour vaincre les hordes étrangères? Non, le génie de la liberté, et le souvenir que vous l’avez créée et que vous avez voté la République, vous suffi¬ ront toujours. Votre tactique est dans votre cou¬ rage; votre victoire est écrite dans le cœur des hommes; votre invincible force est dans votre réunion. Le comité a été accusé de s’être reposé sur le champ de bataille et de s’être borné à ce premier succès de Maubeuge. Que nos détracteurs à la journée apprennent donc que le comité était bien loin de s’arrêter, et qu’il avait formé un projet vaste, hardi, qui devait, en très peu de jours, nous restituer la portion du territoire français, envahie ou achetée à Condé, à Valenciennes et nu Quesnoy. (Le rapporteur lit l’arrêté du Ier brumaire, re¬ latif à la campagne à faire sur le' territoire en¬ nemi.) Nos détracteurs avaient voulu diviser le co¬ mité et le général, en répandant dans le public que nous arrêtions sa marche et que nous en¬ travions ses opérations. Le général les réfuta en répondant en ces termes au ministre de la guerre, qui lui avait envoyé l’arrêté du comité : n° 20. Le citoyen Jourdan, général en chef de V armée du Nord, au citoyen Mouùhotte, ministre de la guerre. Au quartier général à Maubeuge, le 5e jour du 2e mois. « Le comité de Salut public m’avait envoyé, il y a quelques jours, l’arrêté dont vous m’avez fait passer copie dans votre dernière. Je l’ai mé¬ dité, et me suis pénétré des intentions qu’il con¬ tient; elles cadrent parfaitement avec les mien¬ ne». Je sais qu’il est essentiel de profiter de la vict oire que je viens de remporter sur T ennemi ; il ne l’est pas moins de l’expulser du �territoire -de la République. Il s’agit donc de trouver les moyens de réussir. C’est à quoi je pense mainte¬ nant. » Mais ee projet était combiné avec les opéra¬ tions de la division de l’armée du Nord, destinée à agir sur la Flandre maritime. Qu’a fait cette partie de l’armée pour le complément de nos succès? Rien. Au contraire, elle les a détruits. Le général Davesnes a si peu exécuté les ordres du -général en chef à cet égard, qu’il a été des¬ titué et mis en état d’arrestation par les repré¬ sentants du peuple. Chacun a morcelé ses f erees, Davesnes à Cassel, Vendame à Nieuport; un autre se faisait battre partiellement à Mar-1S frimaire an U SS novembre 1793 chiennes, un quatrième prêtait le flanc à Qrchies, et un cinquième se laissait surprendre à Menin. Voilà le résultat inévitable et malheureux du morcellement des forces. Ces échecs partiels ont occasionné du retard dans la marche du général en chef, qui ne se trouvait pas secondé. Les mauvais temps sont venus, et il n’a plus été possible d’exécuter une entreprise grande et audacieuse, qui, exécutée au moment où la terreur accablait l’ennemi, nous aurait rendu cette partie de la Belgique; notre territoire eût été évacué, et de riches magasins qu’il avait sur les bords de la Sambre auraient appartenu à la République. Ainsi donc deux fois le comité a fait marcher de grandes forces réunies vers des places blo¬ quées par l’ennemi, et deux fois la victoire a couronné ses opérations, à Dunkerque et à Maubeuge. Si Custine eût suivi ce système, Valenciennes et Condé ne seraient pas tombés au pouvoir de ce duc d’Yorck, qui vient mendier sur le con¬ tinent une couronne avec la famine et la ca¬ lomnie. Si Bouchard eût été fortement attaché à ee système, l’armée anglaise aurait été jetée dans la mer, et l’armée hollandaise taillée en pièces. Nous avons enfin trouvé des généraux qui sont décidés à exécuter les arrêtés du comité de Salut public. Vous vous le rappelez, des intelligences cou¬ pables et multipliées avaient presque assuré à l’ Autriche et à la Prusse les places importantes du Bas-Rhin. A une époque donnée, Landau, Ritche, le fort Vauban et Strasbourg devaient tomber an pouvoir de l’ennemi. Pleins de confiance dans le succès de leur système de corruption, ils se sont engagés entre les défilés des Vosges et le Rhin. Ils ne tarde¬ ront pas à s’en repentir, si nous en jugeons par les premiers événements qui nous ont été annoncés. Le comité de Salut public a pris un arrêté pour la défense de cette partie intéressante de la frontière du Rhin, et il a envoyé deux repré¬ sentants, qui ont, en peu de jours, ranimé l’espoir des patriotes, déjoué les complota, fusillé les traîtres à la tête des troupes, rallié les forces disséminées, ravivé l’esprit public et fortement imposé l’avarice et l’égoïsme. Déjà les premiers mouvements de cette armée sont marqués par la victoire, et dans peu, nous espérons vous apprendre l’expulsion des ennemis de cette partie de la République, et la défaite de cette armée étrangère, qui ne s’approche jamais de nos places, que quand les trahisons et la vénalité lui en ont préparé la route. (Ici Barère fait lecture d’une lettre des repré¬ sentants du peuple Saint-Just et Lebas. En voici l’extrait :) « Un émigré, qui avait été ingénieur à Bitche, et qui connaît tous les secrets de la défense de cette place, était le principal agent de la. cor¬ ruption qui devait la livrer à l’ennemi. Le com¬ mandant était d’intelligence avec lui. Il n’avait ni barricadé les portes, ni fait lover les ponts-levis. Déjà l’ennemi qui entourait la ville, au nombre de 10,000 hommes, avait pénétré dans les premières rues. Le seul bataillon du Cher a sauvé le fort. Chaque soldat ne prit comman¬ dement que de son courage. Les canonniers fl- [Convention nationale. J ARCHIVES PARLSISEMAHIES. 125- reat des merveilles. L’ennemi fut accablé par les grenades et assommé par nos volontaires à coupa de bûche. Nous avons vu les fossés, les glacis, les murs et les escaliers des maisons par où F ennemi avait pénétré, teints de son sang. « Une commission militaire va juger sur l’heure les émigrés faits prisonniers. Les autres émigrés, au nombre de 4 à 500 seront conduits à Strasbourg. L’ennemi avait choisi pour ce coup de main ce qu’il avait de plus robustes soldats; un de nos républicains, âgé de lô ans, a désarmé 15 Autrichiens. Nous avons de¬ mandé les noms des braves qui ont sauvé ce fort; nous vous lés ferons passer, afin que la Convention récompense les auteurs de la plus belle défense qui ait été faite depuis le com¬ mencement de cette guerre. La République a la fortune de César, et elle la mérite. Nous espérons que le courage de nos soldats ne se ralentira pas que l’enneini ne soit exterminé. « Signé : Saint-Jtjst et Lebas. » Que reste-t-il maintenant à la sollicitude de la Convention nationale, alors que le Rhin sera libre, que l’Autrichien a été arrêté dans le Nord, que F Espagnol a perdu l’espoir d’envahir les Pyrénées, que Lyon a fait place à Ville-Affran¬ chie, que les Piémontais ont jonché de cadavres le pays qu’ils avaient voulu souiller de leur pré¬ sence, que l’armée de Nice s’est maintenue malgré les trahisons de Brunet et le dénûment où elle s’est trouvée par le crime des Lyonnais qui avaient intercepté tous les secours? Que reste-t-il à la sollicitude de3 représen¬ tants? Les brigands fugitifs de la Vendée, transplantés dans la Manche, et poursuivis dans leur fuite; les acheteurs étrangers de l’infâme Toulon et les possesseurs cruels de Valenciennes, de Coudé et du Qnesnoi. Trop longtemps les forces de la République ont été disséminées dans l’exécrable Vendée. On eût dit qu’un génie infernal assistait aux conseils, soit pour en publier d’avance les ré¬ sultats devant nos ennemis, soit pour diviser l’opinion des chefs, soit pour s’acharner à la division et au morcellement des forces. A quelle époque ont commencé nos véritables succès ? C’est lorsque le comité vous a proposé de réunir sous un même général, l’armée des côtes de Brest et celles des côtes de la Rochelle, sons le nom de l’armée des côtes de Brest. C’est au moment où le comité a envoyé Hentz et Prieur, de la, Côte-d’Or, pour concerter F exécution du décret qui réunissait, toutes les forces de l’Ouest dans la même main. A quelle époque avons-nous éprouvé de nou¬ veaux revers? C’est lorsque l’armée de l'Ouest, s’est divisée en deux parties, indépendante l’une de-F autre; l’une à Nantes, l’autre à Château-Gontier, où elle a éprouvé un échec dont l’influence a été si funeste. A quelle époque revoyons-nous la victoire sous nos drapeaux? C’est lorsque le système des masses et des réunions a pu se reproduire; au moment où les brigands fugitifs de la Vendée traversaient; en courant, les départements d-’ Indre-et-Loire, de Mayenne et autres* Dans le département de la Manche, on a dû les succès de Granville à la valeur de la garnison de Granville, à l’énergie du représentant du peuple Leearpentier. Qu’eût-ce été, si tandis que la garnison de Granville s’honorait par une brillante défense, les armées de Brest et de l’ Ouest réunies, étaient venues les secourir et si l’armée du Calvados avait pu arriver à temps ? Qu’eût-ce été, sans la défection des deux ba¬ taillons de la première réquisition, sur lesquels nous prenons des renseignements et des me¬ sures ; et que nous dénoncerons bientôt à; la sévérité de la Convention nationale. Mais le besoin d’agir en masse se fait sentir par la résistance des-brigands, quand on refuse de l’effectuer par la force des principes. Les représentants du peuple, Thureau et Bourbotte, ont bien senti l’avantage d’agir eu masse, et d’après un plan arrêté par le comité Voici leur lettre : Extrait de la lettre des représentants. « Rennes, le 26 brumaire. « Deux heures après notre entrée à Rennes,. un conseil de guerre a été tenu entre tons les généraux des deux armées; vous verrez par la copie ci -jointe du plan qui y a été arrêté, com¬ bien les vues du comité de Salut public, quoi-qu’à des grandes distances, s’accordaient avec eelles que le conseil de guerre jugea les plus propres à assurer le sueeès de nosarmées contre les rebelles fugitifs ; ce qui prouve évidemment que quand on désire tons le bien public, on ne diffère jamais d’opinion sur les vrais moyens de l’établir. t> Cependant, malgré nos arrêtés, malgré des lettres pressantes pour n’agir qu’en masse et par des forees réunies, nous comptons la petite armée du Calvados, celle de l’Orne, celle, de Granville, celle de Cherbourg, celle des côtes dé Brest, et celle des côtes de l’Ouest; et à-chaque armée il y a un représentant ! et tontes les forces sont disséminées ! et c’est ainsi que des brigands réunis par leur crime et par leur désespoir, sont quelquefois victorieux ! Nous vous avons appris hier la nouvelle du 30, annoncée par Jean-Bon-Saint-André, d’après les avis reçus de la commune de Cancale. Le lendemain, le succès a été pour les brigands En voici la nouvelle arrivée le matin. Le comité se trouve presque toujours l’on-gane de cette succession singulière de nouvelles; qui paraît contradictoire, et qui ne lùi laisse apercevoir que le vice inhérent aux disposi¬ tions militaires, et quelquefois à la nature des diverses troupes ; le vice de l’inexécution dès . arrêtés émanés du centre du gouvernement. Voici les nouvelles des 2 et 3 frimaire : Poehblle, représentant du peuple dans le départe - ment d'IUe-et-Vilaine, à la Convention natio¬ nale. Rennes, du 2 frimaire. « Citoyens collègues, je désire être le pre¬ mier à vous annonce*' une nouvelle qui doit combler de jpié toute la République. Les bri¬ gands viennent d’être battus complètement1 près de Dol. Leur bande scélérate est tonte dis¬ persée; ils fuient dans les marais cacher leur- 126 [Convention nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 33�0 vSbre 1793 honte et leur épouvante; nos braves répu¬ blicains les atteignent partout. Ce pays, dans lequel ils s’étaient 'flattés d’établir leur empire, est sauvé de leur fureur. Encore quelques jours, et il ne restera d’eux que leurs cadavres. « Signé : Pccholle. « P. S. On m’amène à l’instant l’un des chefs de l’armée catholique, nommé Puthod. La Com¬ mission militaire va en faire justice, après avoir tiré de lui toute les renseignements qui pourront être utiles. » Le lendemain 3 frimaire Pocholle écrit encore de Rennes : « Nos revers ont souvent suivi de près nos triomphes, et les dernières journées en four¬ nissent encore de trop tristes preuves. Rossi¬ gnol est rentré cette nuit dans Rennes, où il rallie son armée. L’ennemi occupe le poste d’Antrain. Boursault, qui part demain, vous donnera de plus amples détails; je n’ai pu encore en recueillir. Le courage des vrais répu¬ blicains n’est point abattu; il ne le sera ja¬ mais. « Signé : Pocholle. » Nous ne pouvons nous dissimuler que les rebelles cherchent l’impunité ou des secours dans l’océan; les diverses armées se réunissent enfin d’après un arrêté, et le comité a cru devoir encore tirer des autres armées de la Répu¬ blique un nombre considérable de troupes des plus aguerries pour exterminer enfin cette race de brigands, de fanatiques et de royalistes, pour soumettre à la République les départe¬ ments entachés de fédéralisme, et pour servir enfin sur les côtes de la mer à l’exécution de cette mesure hardie qui doit aller punir Pitt et G-eorge sur leurs propres foyers, et reprendre sur la Tamise les mêmes subsistances qu’ils ont dérobées au commerce et aux besoins des hommes. Oui, les crimes des hommes, comme ceux des gouvernements envers la nature, en¬ vers l’humanité, ne furent jamais' impunis sur la terre. Cette Vendée honteuse du midi, cette der¬ nière espérance des rois, Toulon, a formé plu¬ sieurs jours de suite la matière des délibérations du comité. Il s’est entouré de citoyens qui con¬ naissent les localités et les moyens d’attaque. Le brave Castagnier, dont les batteries flot¬ tantes ont déjà sauvé Dunkerque, va pour¬ suivre encore les Anglais sur les bords de la Mé¬ diterranée. Toutes les forces disponibles du midi, de la France, s’y rendent de toutes parts, l’artillerie, les munitions et les approvisionne¬ ments y arrivent tous les jours, et des ingénieurs habiles y sont envoyés. v C’est encore là que la réunion des forces va pro¬ duire son effet, qu’une masse de 60,000 hommes commandera à l’Angleterre et à l’Espagne cette fuite honteuse dont ils ont donné un si hono¬ rable exemple à Dunkerque, à Bergues, à An-daye et à Perpignan. Si les arrêtés envoyés par le comité sont exécutés, la Méditerranée, af¬ franchie du joug anglais, verra bientôt le3 triomphes de la République française. Que la Convention daigne jeter un regard sur la situation de la République, qu’elle ne cesse jamais de se soutenir à cette belle hauteur où la destinée de la République lui a commandé de s’élever pour être digne d’elle. Ce n’est point dans le temple de la liberté, dans le centre de la Révolution que la terreur doit habiter, que les courages doivent être glacés, que la parole doit être paralysée; ce n’est point ici que les âmes doivent être timides, l’énergie émoussée, où le caractère de l’homme libre doit être effacé. C’est de ce sanctuaire que la terreur doit partir pour comprimer les ennemis domestiques, les calomniateurs effrontés de la représentation populaire, les fauteurs innombrables du parti de l’étranger. C’est de cette tribune que doivent partir les récompenses et les encouragements pour les armées de la République, et l’effroi pour les cohortes étrangères. Où était la République au commencement de la campagne? Dans quelques décrets, dans le cœur d’un petit nombre d’hommes fermes et dévoués à la mort pour s’être élevés à la liberté. Où est aujourd’hui la République? Dans le vœu constant des représentants, dans le cou¬ rage des armées, dans la volonté du peuple, dans les Sociétés populaires, dans les victoires de la Vendée et de Lyon, et dans le cœur de ces francs sans -culottes, dégagés des préjugés mo¬ narchiques et religieux, et ne connaissant plus que le dieu de la nature et de la liberté. Qu’avions-nous au commencement de la campagne? Des recrues faites au milieu de la guerre civile et des murmures produits par des malveillants ; Des armées dénuées et incomplètes, des fédé¬ ralistes en tête de tous les départements, et des royalistes effrénés ou des traîtres vénaux à la tête des armées. Une Vendée caressée par des administrations, nourrie par des levées aristocratiques, grossie par des paysans hébétés et des prêtres fana¬ tiques ; Une Convention déchirée de ses propres mains; une minorité républicaine vouée au poi¬ gnard et à la calomnie; Une ville industrieuse changée en un camp de rebelles; Des manufactures d’armes paralysées, ou d’un produit détourné ou insuffisant; Les subsistances portées à un prix exorbitant ; L9 Midi menacé d’une défection morale et d’une invasion militaire; Le Nord et le Rhin trahis, vendus à l’Au¬ triche et à l’Angleterre; L’esprit républicain dégradé, avili, tour-. menté, dénoncé même à l’opinion fédéraliste; Le Trésor public desséché, la fortune publique pillée, la monnaie républicaine avilie; Et enfin, tous les tyrans de l’Europe, de con¬ cert avec les prêtres, les nobles, les intrigants, les fripons, les calomniateurs, les fanatiques, les f Voies et les imbéciles. Quelle effroyable majo¬ rité, pour un pays sans Constitution et sans amour de la patrie ! Qu’avez-vous au moment où je parle? Une Constitution républicaine, où la sainte égalité est consacrée pour la première fois sur la terre. Douze armées en pleine activité, ou plutôt une nation immense devenue toute militaire; Une levée de 600,000 jeunes citoyens, com¬ mandée par un décret d’une ligne, exécutée par un mouvement spontané, presque à la fois, au moment où les subsistances étaient cachées et où les armes manquaient ; Le royalisme anéanti ou déporté avec la race qui pouvait le reproduire; [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j novembre 1793 127 Le fédéralisme mené à l’échafaud et livré à l’infamie dans toutes les générations; La Vendée arrachée de ses repaires, et taillée en pièces dans sa fuite; Une Convention purgée, mais rappelée enfin à sa dignité, à son unité et à l’énergie que doi¬ vent avoir les représentants d’une République; La superstition traduite à la barre avec ses trésors pour grossir le Trésor public. L’agriculture mise en état de surveillance; Le commerce contre-révolutionnaire mis en état d’arrestation, et l’esprit public déneutra¬ lisé et ramené enfin à la hauteur qu’il n’aurait jamais dû perdre; Les autorités constituées épurées partout, les représentants du peuple réduits à leur nombre, et ramenés au centre du pouvoir; les états-majors purgés; un gouvernement révo¬ lutionnaire fondé jusqu’à la paix; Lyon ramené violemment au sein de la Ré¬ publique; le parti de l’étranger connu, démas¬ qué et terrassé par l’opinion générale; le Trésor public grossi des richesses du fanatisme et des trésors que l’avarice préférait à la patrie; L’assignat remonté à sa valeur, qu’il n’eût jamais dû perdre. Avilis comme la boue, les métaux qui ont corrompu l’Europe, ces rivaux funestes de la monnaie républicaine, affluent dans la caisse nationale, apportés par la peur et l’avarice, pour effrayer ensuite les tyrans, contre qui nous aurons le dernier écu, le dernier pain, la dernière cartouche et le dernier coup de canon, c’est-à-dire, le droit de commander la paix et la liberté à l’Europe asservie. Après avoir comparé notre situation au com¬ mencement et à la fin de la campagne, com¬ parons donc avec cette sécurité républicaine qui nous sied si bien, comparons notre situa¬ tion avec celle des rois coalisés. Nous avons des armées nombreuses et renou¬ velées. Les rois ont leurs armées décomposées et à renouveler. Nous avons 600,000 hommes de plus par un simple décret. Les rois ne peuvent obtenir des recrues et des milices qu’avec des menaces, des violences et des chaînes. Nous avons de nouvelles troupes qui cou¬ rent aux frontières en chantant. Les rois font des prisonniers dans les villes, et traînent les hommes des campagnes pour renforcer leurs armées. Nous avons des richesses immenses dans les biens des fanatiques et des rebelles. Les rois ont épuisé le peuple d’impôts. Nous dépensons 400 millions par mois sans impôts nouveaux. Les rois n’osent pas réclamer des subsides des peuples desséchés ou asservis. Nous avons des trésors nouveaux dans les temples et chez les riches avares, et les rois ont épuisé leurs trésors.* Notre République est une et indivisible, les rois sont fédéralisés. Nous avons une nation de 27 millions d’hom¬ mes libres, énergiques, se battant pour leurs droits; les rois ont des prêtres, des nobles et des machines à fusil. Quel résultat le comité veut-il tirer de ce rapport? C’est de ramener tout à l’unité, à la centralité du gouvernement. C’est à l’unité de pouvoir que le comité vous propose de ramener fortement, par un décret solennel, les représentants du peuple, les mi¬ nistres, les généraux, et tous ceux qui sont chargés de l’exécution des lois ou des arrêtés pris par le gouvernement national révolu¬ tionnaire. L’unité est votre maxime fondamentale. L’unité est votre défense. L’unité est votre salut. Nous disons plus : quand même le pouvoir central se tromperait quelquefois, le résultat général de ses opérations serait toujours meil¬ leur que s’il était contrarié arbitrairement et tiré en sens contraire par les divers agents d’exécution. Les succès partiels ne pourraient jamais présenter autant d’avantages, que l’inexé¬ cution présente de dangers. Jamais des vic¬ toires locales ne pourraient compenser les maux résultant de la dissémination des moyens, de l’incohérence des mesures et des croise¬ ments des autorités. Le comité croit devoir terminer le tableau de cette campagne, par la proposition d’une loi qui assure l’exécution des mesures militaires de la part de tous les agents nationaux qui sont appelés à les faire réussir. Voici le projet de décret : ( Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus page 116 d’après le procès-verbal.) ~ Levasseur. U est certain que, si les arrêtés du comité de Salut public eussent été exécutés, nos ennemis depuis longtemps ne souilleraient plus le territoire de la République, et peut-être la paix serait faite. Le comité a toujours eu pour système de faire agir les armées en masse. Cette grande vue devait assurer le prompt triomphe de la liberté. Qu’ont fait nos géné¬ raux? Us ont sans cesse disséminé nos forces. Je les ai vus, étant commissaire à l’armée du Nord, violer impudemment les ordres du comité. J’ai vu Houchard risquer le salut de la patrie par sa coupable obstination dans ce système du morcellement des troupes; je l’ai vu, ayant en main une lettre du comité de Salut public, qui lui disait : « Marchez avec toutes vos forces en masse », ne requérir cepen¬ dant qu’une partie des troupes, et les dissé¬ miner en plusieurs colonnes, auxquelles il laissait couper la retraite. Qu’est-il résulté de cette inexécution des arrêtés de votre comité?... Plusieurs membres. Aux voix le projet de décret... Le comité n’a point besoin de justi¬ fication. Levasseur. Les revers que nous avons es¬ suyés dans la Vendée ne viennent que de ce que les sages mesures relatives au rassemble¬ ment des forces en grande masse n’ont jamais été exécutées; de ce que nous avions autant d’armées que de départements. Un membre. Barère a dit tout cela. Plusieurs voix : L’adoption du décret ! Le projet de décret présenté par Barère est adopté à l’unanimité.