SÉANCE DU 5 THERMIDOR AN II (23 JUILLET 1794) - N',s 34-35 441 mention honorable, et l’insertion au bulletin du bienfait anonyme dont il s’agit, charge son président d’en faire l’envoi à la municipalité de Maubeuge, qui le remettra à la famille du brave citoyen de Lechaux(l). [Applaudissements] 34 LOZEAU, au nom du comité d’aliénation et domaines réunis : Le citoyen Jean-Baptiste Perné s’est rendu, le 27 frimaire dernier, adjudicataire au district de Bourg, département de l’Ain, d’un domaine national, consistant en une tour, avec une coupée et demie de terre; le prix de son acquisition s’est élevé à 1,850 liv. ; il a payé à compte 222 liv. Le 8 pluviôse, le représentant Albitte a arrêté que tous les châteaux-forts et tours situés dans le département de l’Ain seraient démolis. Le citoyen Perné observe que l’arrêté du représentant est postérieur de quatre décades à son acquisition; que s’il avait pu le prévoir, il n’aurait pas porté si haut son enchère. Il demande en conséquence la résiliation de l’adjudication passée à son profit, le remboursement de la somme de 222 liv. qu’il a payée à compte, et que les objets qui subsisteront après la démolition de la tour soient remis en vente. Votre comité d’aliénation et domaines réunis n’a pas pensé que cette demande pût être accueillie ; il a considéré qu’un adjudicataire de domaines nationaux ne doit pas être traité plus favorablement que les citoyens qui ont acquis des particuliers. En devenant adjudicataire, il n’a point entendu se soustraire aux lois générales qui seront rendues pour la république; il court les mêmes chances que les autres citoyens; et comme la république n’aurait point droit de lui demander compte de l’accroissement qu’aurait produit à son acquisition le creusement d’un canal, l’établissement d’un grand chemin, ou autre chose semblable, de même il n’a aucun motif valable de solliciter ou une indemnité, ou la dissolution de son contrat, sous prétexte qu’une mesure de sûreté générale diminue la valeur de l’objet qu’il a acquis. Une autre considération a frappé votre comité; c’est que la loi du 28 vendémiaire a autorisé les représentants du peuple dans les départements et près les armées à faire démolir les tours et châteaux-forts des ci-devant seigneurs. Cette loi étant antérieure à l’adjudication du citoyen Perné de deux mois entiers, il a dû calculer sur son exécution dans l’offre qu’il a faite de la tour et de la coupée 1/2 de terre qu’il a acquises; il n’est donc point fondé aujourd’hui à vous demander la résiliation de son acquisition et le remboursement de la somme qu’il a payée à compte. D’après ces motifs, votre comité vous propose le projet de décret suivant : [adopté] (2). (1) P.V., XLII, 129. Mon., XXI, 295; Débats, n° 671 ; J. Fr., n° 667. -J. Perlet, n° 669; -J. Paris, n° 570; Mess. Soir, n° 703; F.S.P., n° 384; M.U., XLII, 91 ; -J. Lois, n° 664; -J. Sablier, n° 1455; Audit, nat., n° 668; -J.S. Culottes, n° 524. (2) Mon., XXI, 296. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [LOZEAU, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Jean-Baptiste Porné, tendante à obtenir la résiliation de l’adjudication faite à son profit le 27 frimaire dernier, au district de Bourg, d’une tour et d’une coupée et demie de terre, et le remboursement de la somme de 220 liv. qu’il a payée à compte. « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer » (l). 35 [Le c" Pionin] : Citoyens Représentans C’est dans cette enceinte auguste, où, toujours sévère au coupable et propice à l’innocent, la justice de la Convention manifeste sans cesse les vertus qu’elle a mis a l’ordre du jour, que j’ose élever la voix et détourner un moment l’attention des repre-sentans des grands interests de l’etat, pour l’occup-per du sort d’un individu qu’on voudroit isoler de la grande famille. un département étranger voisin de celui que j’habite, où je n’ai jamais eu aucun domicile, jamais exercé aucune fonction, a ordonné ma déportation, sur la demande de citoyens qui ne me connoissent pas même de vue, et qui n’ont articulés aucun fait d’incivisme contre moi. Je n’ai pas besoin de rapeler aux législateurs qu’aucune loi ne lui donnoit ce pouvoir, il a sans doute été induit en erreur; mais un simple apperçu de ma conduite peut faire voir que les dénonciateurs agissoient sans connoissance de cause. Si j’eus le malheur d’appartenir a une corporation gangrenée, j’eus aussi (pour me servir des expressions du rapporteur de votre Comité) j’eus le courage d’en détester les principes contagieux et la nature surmonta bientôt les vices de l’éducation à Paris, au commencement de la Révolution, le tocsin de la liberté électrisa aussi mon ame; je me réunis aux citoyens du district des Cordeliers pour la defense commune et je contribuai suivant mes facultés pour les besoins de la patrie De retour dans ma commune par la volonté de mes parents qui avoient contribués plus par leur industrie que par leur fortune à une éducation dispendieuse, je remplis les fonctions de vicaire en me conformant aux loix, en prêtant le serment prescrit aux ecclésiastiques. Les lumières naturelles, et le peu d’exercice que j’en avois fait, me montrèrent bientôt le néant de ma profession; et j’y renonçai entièrement en 1792 : aussi fus-je le premier à le déclarer au directoire de mon district en lui envoyant mes titres cléricaux. Retiré dans le sein de ma famille, je me fis enregistrer dans la garde nationale, recevoir à la Société populaire de mon canton, et les bans de mon mariage furent publiés dans le mois de frimaire dernier Si l’on ne peut pas regarder ces faits comme des actes de patriotisme, ils prouveront du moins que je (l) P.V., XLII, 129. Minute de la main de Lozeau. Décret n° 10 060. Débats, n° 671. SÉANCE DU 5 THERMIDOR AN II (23 JUILLET 1794) - N',s 34-35 441 mention honorable, et l’insertion au bulletin du bienfait anonyme dont il s’agit, charge son président d’en faire l’envoi à la municipalité de Maubeuge, qui le remettra à la famille du brave citoyen de Lechaux(l). [Applaudissements] 34 LOZEAU, au nom du comité d’aliénation et domaines réunis : Le citoyen Jean-Baptiste Perné s’est rendu, le 27 frimaire dernier, adjudicataire au district de Bourg, département de l’Ain, d’un domaine national, consistant en une tour, avec une coupée et demie de terre; le prix de son acquisition s’est élevé à 1,850 liv. ; il a payé à compte 222 liv. Le 8 pluviôse, le représentant Albitte a arrêté que tous les châteaux-forts et tours situés dans le département de l’Ain seraient démolis. Le citoyen Perné observe que l’arrêté du représentant est postérieur de quatre décades à son acquisition; que s’il avait pu le prévoir, il n’aurait pas porté si haut son enchère. Il demande en conséquence la résiliation de l’adjudication passée à son profit, le remboursement de la somme de 222 liv. qu’il a payée à compte, et que les objets qui subsisteront après la démolition de la tour soient remis en vente. Votre comité d’aliénation et domaines réunis n’a pas pensé que cette demande pût être accueillie ; il a considéré qu’un adjudicataire de domaines nationaux ne doit pas être traité plus favorablement que les citoyens qui ont acquis des particuliers. En devenant adjudicataire, il n’a point entendu se soustraire aux lois générales qui seront rendues pour la république; il court les mêmes chances que les autres citoyens; et comme la république n’aurait point droit de lui demander compte de l’accroissement qu’aurait produit à son acquisition le creusement d’un canal, l’établissement d’un grand chemin, ou autre chose semblable, de même il n’a aucun motif valable de solliciter ou une indemnité, ou la dissolution de son contrat, sous prétexte qu’une mesure de sûreté générale diminue la valeur de l’objet qu’il a acquis. Une autre considération a frappé votre comité; c’est que la loi du 28 vendémiaire a autorisé les représentants du peuple dans les départements et près les armées à faire démolir les tours et châteaux-forts des ci-devant seigneurs. Cette loi étant antérieure à l’adjudication du citoyen Perné de deux mois entiers, il a dû calculer sur son exécution dans l’offre qu’il a faite de la tour et de la coupée 1/2 de terre qu’il a acquises; il n’est donc point fondé aujourd’hui à vous demander la résiliation de son acquisition et le remboursement de la somme qu’il a payée à compte. D’après ces motifs, votre comité vous propose le projet de décret suivant : [adopté] (2). (1) P.V., XLII, 129. Mon., XXI, 295; Débats, n° 671 ; J. Fr., n° 667. -J. Perlet, n° 669; -J. Paris, n° 570; Mess. Soir, n° 703; F.S.P., n° 384; M.U., XLII, 91 ; -J. Lois, n° 664; -J. Sablier, n° 1455; Audit, nat., n° 668; -J.S. Culottes, n° 524. (2) Mon., XXI, 296. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [LOZEAU, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Jean-Baptiste Porné, tendante à obtenir la résiliation de l’adjudication faite à son profit le 27 frimaire dernier, au district de Bourg, d’une tour et d’une coupée et demie de terre, et le remboursement de la somme de 220 liv. qu’il a payée à compte. « Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer » (l). 35 [Le c" Pionin] : Citoyens Représentans C’est dans cette enceinte auguste, où, toujours sévère au coupable et propice à l’innocent, la justice de la Convention manifeste sans cesse les vertus qu’elle a mis a l’ordre du jour, que j’ose élever la voix et détourner un moment l’attention des repre-sentans des grands interests de l’etat, pour l’occup-per du sort d’un individu qu’on voudroit isoler de la grande famille. un département étranger voisin de celui que j’habite, où je n’ai jamais eu aucun domicile, jamais exercé aucune fonction, a ordonné ma déportation, sur la demande de citoyens qui ne me connoissent pas même de vue, et qui n’ont articulés aucun fait d’incivisme contre moi. Je n’ai pas besoin de rapeler aux législateurs qu’aucune loi ne lui donnoit ce pouvoir, il a sans doute été induit en erreur; mais un simple apperçu de ma conduite peut faire voir que les dénonciateurs agissoient sans connoissance de cause. Si j’eus le malheur d’appartenir a une corporation gangrenée, j’eus aussi (pour me servir des expressions du rapporteur de votre Comité) j’eus le courage d’en détester les principes contagieux et la nature surmonta bientôt les vices de l’éducation à Paris, au commencement de la Révolution, le tocsin de la liberté électrisa aussi mon ame; je me réunis aux citoyens du district des Cordeliers pour la defense commune et je contribuai suivant mes facultés pour les besoins de la patrie De retour dans ma commune par la volonté de mes parents qui avoient contribués plus par leur industrie que par leur fortune à une éducation dispendieuse, je remplis les fonctions de vicaire en me conformant aux loix, en prêtant le serment prescrit aux ecclésiastiques. Les lumières naturelles, et le peu d’exercice que j’en avois fait, me montrèrent bientôt le néant de ma profession; et j’y renonçai entièrement en 1792 : aussi fus-je le premier à le déclarer au directoire de mon district en lui envoyant mes titres cléricaux. Retiré dans le sein de ma famille, je me fis enregistrer dans la garde nationale, recevoir à la Société populaire de mon canton, et les bans de mon mariage furent publiés dans le mois de frimaire dernier Si l’on ne peut pas regarder ces faits comme des actes de patriotisme, ils prouveront du moins que je (l) P.V., XLII, 129. Minute de la main de Lozeau. Décret n° 10 060. Débats, n° 671.