516 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791.J s’ôtait transportée la municipalité; elle me répéta qu’elle désirait que je ne partisse pas, que les habitants étaient prêts à m’en empêcher par la force, et j’entendis battre la générale dans la ville. « Alors je ne balançai pas à faire mettre pied à terre à ma troupe ( Rires ironiques.) et à renvoyer les dragons dans leurs quartiers. Perdant ce temps, le bruit s’est répandu que e s voitures avaient été arrêtées à Varennes, qu’on avait envoyé des courriers. Autant par curiosité que par l’espèce de soupçon que j’avais moi-mêmè, je me décidai à aller sur la route pour avoir plus tôt des nouvelles. (Rires ironiques.) Je n’avais avec moi qu’un capitaine du régiment et un maréchal-des-logis. J’appris en route que ces voitures contenaient la famille royale et étaient arrêtées à Varennes. Je pris le parti d’y aller... (Il y a ici 4 ou 5 mots barrés.) « ... Je suis arrivé à Varennes, et je me suis aussitôt transporté à la municipalité, qui m’a mené chez le roi. Lorsqu’il est monté eu voiture pour retourner, la municipalité ordonna qu’on me fit venir; je restai en arrière sur ma bonne foi. Quelques personnes ont eu l’idée de m’arrêter; je ne lis aucune difficulté d’attendre les ordres de la municipalité pour ordonner mon départ. Le peuple de campagne, arrivé en foule, s’y est opposé; j’ai été mené en prison, aujourd’hui amené a Vemun, je n’ai rien à me reprocher. J’ai exécuté des ordres dont j’ignorais l’objet. Je demande ma liberté. « Je supplie, Monsieur le Président, de vouloir bien me pardonner ces détails, qui sont d’une exacte vérité. Je demande avec instance l’élargissement de M. de Floriac, capitaine du régiment, qui m’a accompagné, sans savoir où il allait, et celui de M. Remy, quartier-maître, qui allait au logement avec uu maréchal-des-logis, un fourrier et un dragon, et qui a été arrêté en passant à Varennes. « Je suis avec respect, Monsieur le Président, 6tC* « Signé : DE Damas. » M. le Président. Le paquet contient encore 2 lettres que voici ; elles ne sont pas cachetées et l’adresse me paraît avoir été écrite par la même main. Elles sont adressées l’une : à M. de Simiane, l’autre à Mme de Gramont. L’Assemblée veut-elle que lecture en soit faite ? M. Fréteau - Saint -Just. Je demande que M. le Président cachèle ces lettres et les fasse parvenir à leurs adresses. ( Oui ! oui !) M. Muguet de üanthon. Je demande le renvoi des diverses pièces émanant de la municipalité de Verdun aux comités des rapports et des recherches réunis. (Ce renvoi est décrété.) M. Papin, au nom du comité des assignats. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée que nous avons reçu ce matin 100 rames de petits assignats de 5 Livres imprimés, soit une valeur d’un million. Ils doivent être livrés aujourd’hui pour être timbrés et numérotés, et j’espère que la semaine prochaine ils seront mis en circulation. Je demande, en conséquence, que le ministre des linances nous présente très incessamment un décret sur le mode de répartition. Quant à la monnaie, ou m’a assuré qu’on n’en manquerait pas. {Applaudissements.) M. d’Estonrmel. Nous avons reçu hier de Cambrai un extrait des registres du tribunal de ce district , relativement à la procédure qu’il instruit au sujet de l’émeute qui a en lieu dans cette ville le 13 de ce mois. Il résulte des informations qui nous sont parvenues, qu’il y a déjà 30 témoins d’entendus, et que le tribunal continue avez zèle. Je demande que ce document soit renvoyé au ministre de la justice. (Ce renvoi est ordonné.) M. Fofdel, au nom des comités des rapports et des recherches réunis. Le département et la municipalité sont venus consulter vos comités des rapports et des recherches sur la levée des scellés du château des Tuileries. Vos comités ont cru unanimement qu’il est très possible que l’on trouve des pièces de conviction dans les papiers qui se trouvent au château des Tuileries. Ils demandent, en conséquence, que vous vouliez décréter, par addition au décret de ce matin, que le département est autorise à mettre sous un scellé particulier et sons son cachet et celui de l’intendant de la liste civile, tous les papiers que l’on trouvera dans les appartements du château. {Oui! oui!). Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter. « L’Assemblée nationale, ajoutant aux dispositions de son décret de ce matin, décrète que le département de Paris est autorisé à faire mettre sous un scellé particulier tous les papiers qui seront trouvés dans le château des Tuileries, sous le sceau de la municipaiiié et de l’intendant de la liste civile, et que lesdits papiers seront à l’instant transportés aux archives nationales. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, archiviste , rend compte de ce qu’il a fait en exécution du décret du 21 de ce mois, pour la réunion des cachets ou sceaux pariant ces mots : Assemblée nationale , 1789, la Loi et le Roi; il observe, à ce sujet, que plusieurs cachets et sceaux de ce genre se trouvent entre les mains de membres de l’Assemblée. Un membre : Il faut charger le comité de Constitution de vous présenter le modèle d’un autre sceau pour l’Assemblée et statuer que quiconque s’en servira hors des bureaux de l’Assemblée nationale et sous la signature des officiers de l’Assemblée, sera poursuivi comme contrefacteur et faussaire, car sans cela, il y en aurait bientôt autant dans Pans qu’il y en a de l’ancien modèle. M. Pierre Dedelay ( ci-devant Delley d’A-gier). Il faut en outre défendre à tout graveur u’en graver. Un membre : Voici le décret que je propose : « L’Assemblée nationale décrète que sou comité do Constitution lui présentera incessamment un projet, tant sur la forme du sceau de l’Assemblée, que sur les précautions à prendre pour prévenir la contrefaction du sceau qui sera décrété. » (Ce décret est adopté.) M. Thouret, au nom du comité de Constitution. Messieurs, le travail du comité de Constitution, sur le grand événement qui nous occupe, a trois périodes de temps différentes: la première concernait des dispositions purement provisoi- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791.] 517 res, convenables à l’état des choses, jusqu’au moment de l’arrivée du roi à Paris ; la seconde contient les dispositions relatives au no uvel état des choses, qui s’ouvre par le retour et la présence du roi à Paris; la troisième concernera l’examen approfondi des mesures que l’Assemblée aura à prendre pour la sûreté de l’Etat. Les articles qui nous ont été présentés hier se rapportaient à cette première période. Il pouvait paraître prudent alors de ne nas lever encore sur la fuite du roi, car qui peut se dissimuler que ce n’est qu’une fuite, le voile que vos précédents décrets n’avaient pas encore soulevé, et c’est sur ce peu de mots que les dispositions, et je dirai même le langage des articles était approprié ; mais il deviendra nécessaire de les abandonner au moment où le roi sera rentré, parce qu’on ne peut laisser subsister les relations qui existaient entre l’Assemblée nationale et lui. Est-il possible par exemple de compromettre de nouveau les décrets en les exposant à de nouvelles sanctions sujettes à désaveu? Il est impossible encore de laisser l’exercice du pouvoir exécutif à des intentions évidemment et nettement déclarées contre la Constitution. Le comité a donc pensé sur-le-champ à la seconde partie de son travail. Son projet de décret renferme les mesures qui doivent être prises pour mettre en pleine sûreté la personne du roi et celle de l’héritier présomptif de la couronne, et les mesures qui doivent être prises pour recueillir toutes les connaissances essentielles sur la complicité de la fuite du roi, sur toutes les circonstances qui serviront à déterminer la nature de cet événement, à l’égard de toutes les personnes qui y ont part. Le projet de décret renferme aussi des dispositions convenables, afin que le travail de l’Assemblée soit commué de la même manière qu’il l’a été depuis l’absence du roi, et que le pouvoir exécutif soit rempli d’après les décrets rendus en cette semaine. Ces mesures sont encore purement provisoires, sans rien préjuger sur l’état des choses et laissent à l’Assemblée nationale le moyen de prendre, après examen ultérieur, toutes les résolutions qui lui paraîtront utiles pour la sûreté de l’Etat. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « Art. Ier. Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuileries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne. « Art. 2. Il sera provisoirement donné à l’héritier présomptif de la couronne une garde particulière, de même sous les ordres du commandant général, et il lui sera nommé un gouverneur par l’Assemblée nationale. » ( Les tribunes applaudissent.) M. le Président. Je rappelle aux tribunes qu’elles doivent se tenir dans le silence et attendre avec confiance les décisions de l’Assemblée nationale. M. Thouret, rapporteur , continuant la lecture : « Art. 3. Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d’arrestation et interrogés, le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations ; le tout sans délai, pour être pris ensuite par l’Assemblée nationale les résolutions qui serout jugées nécessaires. « Art. 4. Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine. « Art. 5. Jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, le décret rendu le 21 de ce mois, qui enjoint au ministre de la justice d’apposer le sceau de l’Etat aux décrets de l’Assemblée na tionale, sans qu’il soit besoin de la sanction ou de l’acceptation du roi, continuera d’être exécuté dans toutes ses dispositions. « Art. 6. Les ministres et les commissaires du roi, préposés à la caisse de lVxtraordinaire, à la trésorerie nationale et à Iq direction de liquidation sont de même autorisés provisoirement à continuer de faire, chacun dans son département et sous sa responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif. » J’observe sur cedernier article que l’Assemblée a rendu dans le décret dont il s’agit, mais que de fait ce décret ne subsiste pas; il n’a point été recueilli dans le procès-verbal et cependant les ministres ont opéré. M. Merle, secrétaire. J’observe à l’Assemblée que le procès-verbal n’a pas été rédigé par ses secrétaires ordinaires, mais parles commissaires qu’elle a nommés à cet effet. (La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité de Constitution.) M. Malouet. Messieurs, les mesures qui vous sont proposées sont d’uue si haute importance dans l’état actuel des choses, et pour les suites qu’elles peuvent avoir, que je ne pense pas que J’Assemblée les adopte sans la plus mûre délibération. Ces mesures, que je n’ai pas eu le temps de réfléchir, puisque je les entends pour la première fois, ces mesures sont hors de la circonstance ; elles changent dans un moment et dès ce moment-ci la nature du gouvernement; et cependant votre Constitution avait prévu le cas de l’absence du roi, et avait déclaré sa personne sacrée et inviolable. Les mesures que l’on vous propose constituent le roi prisonnier dans la capitale, les mesures que l’on vous propose transportent et circonscrivent dans le sein de l’Assemblée nationale tous les pouvoirs souverains. Dans le premier instant de la fuite, l’Assemblée nationale était la seule puissance publique, elle pouvait prendre les mesures néces>aires au salut de l’Etat, aucun pouvoir ne pouvait lui être contesté ; mais le roi revient, le roi va paraître dans quelques heures. Plusieurs membres : Au fait I au fait ! M. Malouet. Il peut être très pénible d’ouvrir une opinion dans une telle circonstance. Il faut avoir le besoin impérieux d’obéir à sa conscience pour vous expliquer franchement sa pensée. Quiconque la trahit, même dans des circonstances aussi graves, est un lâche. Celui qui vous en rend compte respectueusement, franchement, même en vous fâchant, mérite votre indulgence. ( Applaudissements .) Messieurs , je ne me dissimule pas qu’une circonstance aussi nouvelle, aussi grave, aussi embarrassante exige des mesures extraordinaires; mais encore une fois, je ne concevrai pas comment, après une simple lecture, vous pourriez adopter des mesures qui dénatureraient absolument le gouvernement que vous avez; constitué. (Murmures.)