[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |3 août 1789.] bienfait du créateur, et la religion lui apprendra à bénir déplus en plus la Providence qui a veillé sursoit salut, confondu les méchants, et anéanti leurs complots . L’on craint pour les propriétés ; fausse alarme : le peuple veut vivre en société, et il ne peut ignorer que si les propriétés ne sont fermement consolidées, la société est nulle, ou n'est dans le fait qu’une guerre perpétuelle. En état de nature, l’homme a droit à tout ce que la force peut lui procurer. En état de société, l’homme n’a de droit qu’à ce qu’il possède. Voilà les maximes : or, n’est-il pas intéressant, nécessaire, d’apprendre à l’homme ce qu’il doit ou ne doit pas posséder ? Ne doit-on pas craindre dans tous les sens les effets de son ignorance? Il est donc indispensable de faire une déclaration des droits pour arrêter les ravages du despotisme. Si nos ancêtres nous eussent laissé ce grand ouvrage, nous ne nous occuperions pas de le procurer à nos neveux. La déclaration est indispensable afin que si le ciel, dans sa colère, nous punissait une seconde fois du fléau du despotisme, on pût au moins montrer au tyran l’injustice de ses prétentions, ses devoirs et les droits de ses peuples. M. Slalouet. Peut-on dire au peuple qu’il est libre, quand les lois, les coutumes, les usages, mettent de tous côtés des entraves à la liberté! M. le comte de (Justine et M. le comte de Virleu s’expliquent laconiquement; ils paraissent ne vouloir pas fatiguer l’Assemblée par des répétitions, et développent, avec un avantage que leur précision n’a pas affaibli, la nécessité de la déclaration. M. Hardi s’élève contre la déclaration ; il répète, d’après plusieurs autres, qu’il n’y a pas de déclaration de droits à faire pour l’homme en état de nature. M.Mounier. D’après le système du préopinant, il ne s’agirait que d’une dispute de mots; tout le monde reconnaît l’utilité d’une déclaration des droits; mais l’on n’est pas d’accord sur le nom; M. Crinière l’adopte sous la dénomination de constitution; M. Hardi emploie les mêmes raisonnements; dès lors il est facile de leur faire voir que ce qu’ils voient comme constitution n'en est pas une, et qu’elle n’est qu’une déclaration des droits. Cette discussion est ajournée. M’**, curé de.,.. Je demande l’indulgence de l’Assemblée pour un timide débutant qui parle pour la première fois et peut-être pour la dernière. Il ne faut pas porter ses regards au delà de sa chaussure, et je vais parler d’une affaire de mon métier. (On rit.) Avant la réunion des ordres, ne devait -on pas élever un autel dans la chapelle de l’Assemblée nationale ? Eh 1 à quel dieu aurait-il été consacré? serait-ce à un dieu inconnu, deo ignoto? (On rit.) Non, Messieurs, nous sommes toujours les vrais enfants de l'Eglise catholique, apostolique et romaine. (On écoute en silence.) M. le Président. Je rappelle M. le curé à l’ordre et au fait. Il ne s’agit pas ici de questions de religion. 335 M. le curé. Eh! mais, monsieur le président, Brevis esse laboro, obscurus fio. M. Thouret. Je ne trouve pas mauvais que M. le curé cite Horace à propos de l’Eglise catholique, apostolique et romaine; mais: Non erat hic locus... M. le curé, sans se déconcerter, reprend le fil de son oraison, et affirme que l’Assemblée nationale est et doit être catholique, apostolique et romaine. Puis, après une très-savante transition, il parle des députés trépassés , sur la tombe desquels son éloquence jette des fleurs. Enfin il parle d’un aumônier pour la salle... M. le Président observe qu’il est tard, et que le comité des rapports ayant différents objets à mettre sous les yeux de l’Assemblée, on se réunira à sept heures et demie. La séance est levée à deux heures, et remise à ce soir six heures. Séance du soir. M. 1© Président annonce que le résultat des suffrages, sur 945 votants, est en grande majorité en faveur de M. Chapelier. Les applaudissements répétés et réitérés prouvent combien l’Assemblée est sensible à ce choix. M. le duc de Clancourt. Messieurs, vous avez exercé pendant quinze jours, sans relâche, la bienveillante indulgence qui vous avait portés à m’élever à la place la plus honorable du monde entier. Vous m’avez comblé de faveursel de bontés ; les sentiments profonds dont je me sens pénétré sont si fort au-dessus de toute expression, que j’ai l’honneur de vous supplier, Messieurs, de permettre que je me borne, dans ce moment, à vous assurerque les occasions les plus belles de ma vie, les plus désirées pour mou cœur, seraient celles par lesquelles je pourrais convaincre l’Assemblée nationale de ma sensible et respectueuse reconnaissance et de mon dévouement sans réserve. M. Chapelier. Vous venez de m’honorer de la distinction la plus flatteuse que puisse recevoir un citoyen. Ni mon zèle, qui est un devoir, ni mes trop faibles moyens, n’ont pu me mériter une si grande marque d’estime. Je dois en faire hommage à la province dont j’ai l’honneur d’être député; elle a conservé, dans un temps où la France n’avait plus que le souvenir de ses droits, des restes précieux de liberté; elle a souvent eu l’avantage d’éclairer les rois et de lutter avec succès contre le despotisme des ministres qui trompaient leur bonté et compromettaient leur pouvoir. Vous avez voulu, Messieurs, reconnaître dans la personne d’un des représentants de cette province les services qu’elle a quelquefois, et tout récemment encore, rendus au royaume par sa courageuse résistance. Je sens combien votre choix et le motif qui l’a dicté m’imposent d’obligations, et je m’excuserais