(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (9 juin 17J1.J 93 féaux se révolta, et le capitaine en conçut un tel chagrin qu’il en mourut au bout de 4 jours; une populace effrénée attenta aux jours de M. de Campan, capitaine au régiment du Port-au-Prince, commandant pour le roi dans cette ville, officier distingué par son patriotisme et son mérite : il lut obligé de se sauver dans les bois. Tonte la colonie n’apprit qu’avec la plus vive indignation la nouvelle de cet assassinat et les circonstances qui l’avaient accompagné. Tels sont, Messieurs, les forfaits dont nous avons été témoins et que nous vous affirmons. Il serait dangereux de ne pas punir d’une manière frappante les bataillons de Normandie et d’Artois, et le régiment qui s’est souillé de l’assassinat de son chef. L’Europe, le monde entier seront instruits de ces détails; tous les regards se tourneront sur cette auguste Assemblée dans laquelle la France a déposé sa volonté et sa puissance. Nous ne vous présenterons pas nos vues particulières : votre prudence prendra sûrement le seol parti qui soit à prendre. C’est dans cette confiance que des victimes échappées aux fers de leurs assas>ins attendent de vous justice. (L'Assemblée applaudit à plusieurs reprises.) M. Se Président. L’Assemblée nationale a entendu votre récit avec un : sensibilité profonde. Pourquoi faut-il qu’une Révolution qui doit assurer la gloire et la prospérité de l’Empire n’ait pu s’opérer sans de grandes agitations, et que le bonheur général ait coûté tant de larmes particulières I Un seul espoir peut adoucir la peine des représentants de la nation : un jour viendra, et j’ose dire que ce jour n’est pas loin, où les tramer de tous les complots seront mises à découvert, où l’on distinguera celui qui fut animé d’un véritable patriotisme de ceux qui n’en ont eu que l’apparence, où l’on séparera les séducteurs de ceux qui n’ont été que faibles ou trompés, et les instigateurs du crinm de ceux qui n’en ont été que d’aveugles instruments. Alors l’opinion publique assignera à chacun les sentiments qui lui seront dus ; et, pendant que le bon citoyen pourra s’honorer de l’estime et de la reconnaissance de la nation, l’homme faible tombera dans l’oubli, et ks méchants seront voués à la boute et à l’exécration qu’ils auront méritées. L’Assemblée nationale se fera rendre un compte plus particulier des événements malheureux dont vous venez de l’entretenir, et vous devez compter sur toute sa justice. Elle vous accorde l’honneur de la séance. ( Applaudissements .) Plusieurs membres demandent le renvoi de cette adresse au comité colonial pour en rendre compte à l’Assemblée. (Ce renvoi est décrété.) M. Le Déist de Bolidoux. Lorsque M. Dé-siiles se sacrifia à son devoir, l’Assemblé1 décréta que son président écrirai* au père de M. Désilles. Je demande que l’Assemblée charge M. le Président d’écrire au père de M. Maudu'it. M. Coroller du Mousloir. La question préalable, quant à présent. (La motion de M. Le Déist de Botidoux est renvoyée au comité colonial.) M. Ueferinon, au nom du comité de la marine. Messieurs, vous avez ordonné l’armement de deux gabares pour aller à la recherche de M. de La Pérouse, et pour faire en même temps les découvertes qu’on peut se promettre de cette expédition ; cet armement a été exécuté en conformité de votre décret. Il s’agit maintenant de faire remettre au département de la marine les fonds nécessaires; c’est l’objet du projet de décret que je suis chargé de vous présenter. M. l’abbé llaury. Avant que M. le rapporteur entre dans le détail des dépenses que l’on doit faire pour exécuter le décret de l’Assemblée nationale relatif à l’armement ordonné pour découvrir M. de La Pérouse, j’observerai à l’Assemblée qu’elle a suivi assurément un mouvement très généreux, très digne de la nation française, eu ordonnant cet armement. Mais, depuis le voyage de Télémaque qui allait chercher son père au milieu des mers, je n’en connais aucun de plus manifestement et de plus malheureusement inutile. Vous allez vous exposer à perdre encore de très braves gens qui iront à la recherche des premiers et qui ne les trouveront pas, parce que, dans quelque port du globe q-e M. de La Pérouse ait abordé, il est évident que vous auriez de ses nouvelles s’il existait encore. Lorsque votre comité de la marine vous a proposé cet armement, je n’ai p as cru devoir m’y opposer, parce que, peut-être, dans le moment d’exaltation où se trouvait la nation française, une dépense inutile, un armement même imprudent, mais commandé par un mouvement de générosité bien louable, devait être hasardé. A présent que depu s 4 mo s notre décret est rendu, que toute l’Europe sait l’intérêt que la nation, les ec.ences, l'humanité prenaient à l’expédition de M. de La Pérouse, je vous annonce avec douleur que tomes vos lecherches seront superflues (Murmures.)] je demande donc que, vous livrant à quelques mo ne-ds de réflexion, au lieu de vous abandonner au sentiment, qui n’est pas un bon conseiller pour un corps délibérant, vous accordiez deux choses à la mémoire de M. de La Pérouse : 1° Que vous donniez à sa veuve la moitié des frais de l’armement qui était destiné à la recherche de son mari ; . . . Plusieurs voix : C’est la déshonorer. M. l’abbé llaury. 2° Qu’un monument lui soit érigé à Sainte-Geneviève. M. Befermon, rapporteur. Nous avons perdu du temps, parce que le préopinant n’a pas voulu me laisser lire le projet de décret. Je lui aurais observé que ce n’est pas seulement pour recher M. ne La Pérouse, vue cependant bien digne de l’Assemblée, mais encore pour augmenter les découvertes qui peuvent intéresser les sciences, les arts et la navigation. Voici le projet de décret de votre comité : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, décrète qu’il Sera mis à la disposition du ministre de la marine provisoirement et à la charge d’en rendre compte, la somme de 1 million pour les dépenses d’armement et d’acliats extraordinaires de l’expédition ordonnée pour la recherche de M. de La Pérouse, et la continuation des découvertes. » M. Milet de Slurean. Si Mme de La Pérou -e était ici, et qu’elle eût la permission de se faire entendre, je suis sûr qu’elle demanderait la question préalable sur la proposition de 04 l Assemblée nationale.] M. l’abbé Maury, et je la demande en son nom. (Applaudissements .) V ousavez pourvu, Messieurs, aux besoins indispensables du moment de Mm0 de La Pérouse; elle a quelque espoir dans le voyage projeté, et vous serez toujours à temps de déterminer ce que vous voudrez faire pour elle au retour de cette expédition. Quant à l’objet du voyage, il est étonnant que M. l’abbé Maury n’en sente pus toute l’importance ; car, si l’humanité a été le premier motif de votre décret, il n’est pas moins incontestable qu’il s’agit de découvrir un grand développement de côtes, objet de la plus grande importance pour la navigation. Ce voyage est un des plus intéressants qu’on puisse faire dans ce genre, non pas, comme on vous l’a dit, pour la gloriole de faire le tour du inonde, car il est plus que vraisemblable que vos bâtiments reviendront par la même route, c’e-t-à-dire par le cap de Bonne-Espérance, et non pas par le cap Horn. J’eu viens actuellement à la dépense qui a paru effrayer l’Assemblée, parce que M. le rapporteur n’en a pas détaillé l s motifs. Si l'armement des bâtiments é ait destiné pour une campagne ordinaire, la dépense ne serait que d’environ 600,000 livres ; vo ci ce qui occasionne la différence et ce qui la porte à un million. Il faut que les vivres et le vin soient de la première quaiilé, que les farines subissent une préparation particulière; il faut un ai provisionnement de drogues et d’élixirs de végétaux extrêmement chers qui préservent les équipages du scorbut; il faut acheter tous les instruments des savants qui s'embarquent; il faut un triple rechange de mâts de liune et de voiles : il faut avancer 18 mois de solde à l’équipage et à l’état-major, au lieu de 3 mois; enfin il faut un approvisionnement considérable en objets de traiie. Ces objets sont des quincailleries de toute espèce, même des orgues et des serinettes, car vous savez, Messieurs, qu’il est tel pays où, pour un petit o:gue qu’on donne au souverain ou chef de l’endroit, on obtient en échange 100 moutons ou 100 cochons ( Rires .); et vous sentez que l’argent même ne pourrait y suppléer. D’après ces considérations, je conclus en demandant que l’Assemblée adopte le projet de décret du comité. (Le projet de décret du comité, mis aux voix, est adopté.) M. Defermon, au nom du comité de la marine. M. Lalande, astronome connu, a calculé des tables lierai i es pour la navigation; il a présenté le résultat de ces tables au comité de la murine; elles y ont été vérifiées, je ne dirai pas par moi, parce que je ne m’y connais pas, mais par ceux de mes collègues qui pouvaient le faim. M. Lalande ne demande pas que l’Assemblée fasse faire la dépense de l’impression, mais uniquement l’avance d’une somme de 5,000 livres, sauf à se faire remplir sur Je premier produit de la vente. Le comité de Constitution a senti la grande utilité de ce travail, et il n’a pas cru devoir balancer à vous faire cette proposition. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de .-on comité de marine, décrète que le département de la marine fera l’avance d’une somme de 5,000 livres pour l’impression de tables horaires calculées pur M. Lalande, et que le ministre de la manne sera chargé de poursuivie le remboursement de cette somme. » (Ce décret mis aux voix est adopté.) 19 juin 1791. J M. Defermon, au nom des comités de la marine, des colonies , de Constitution et d' agriculture et de commerce. Vous avez décrété, au mois d’avril dernier, que des matelots arrivés de Ja Martinique à Saint-Malo seraient en état d’arrestation dans leur quartier, et que des particuliers arrivés avec eux seraient également en état d’arrestation à Saint-Malo, et qu’ils y recevraient la rasion. Ce décret est resté sans exécution. La ville de Saint-Malo d’une part, ces malheureux de l’autre, ont sollicité de vos comités la disposition que je vais vous soumettre, et qui ne nous a pas paru souffrir de difficultés» vu l’état des choses. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « L’Assemblée nationale, sur le rapport fait au nom des comités réunis de la marine, des colonies, de Constitution, d’agriculture et de commerce, décrète que les matelots et les particuliers conduits de la Martinique à Saint-Malo seront r envoyés dans leurs départements et à leurs familles, sous leur soumission à la municipalité de Saint-Malo de se représenler aux premiers ordres qui leur en seront donnés. » M. IScgnaud (de Saint-Jean-d'A ngêly ) . Je demande, Monsieur le rapporteur, que vous supprimiez la seconde partie de votre décret; car je ne vois pas comment on peut faire rendre par l’Assemblée nationale un décret portant élargissement provisoire, à la charge de rester à l’état d’arrestation ; et je crois que Je temps est passé où l’on peut rendre de pareils décrets. (L’amendement de M. Reguaud (de Saint-Jean-d’Àngêly) est adopté.) Eu con équence, le projet de décret est mis aux voix dans Ls termes suivants: « L’Assemblée nationale, sur le rapport fait au nom des comités réunis de la marine, des colonies, de Constitution, d’agriculture et de commerce, décrète que les matelots et les particuliers conduits de la Martinique à Saint-Malo seront renvoyés dans leurs départements et à leurs familles. » (Ce décret est adopté.) M. JLebrun, au nom du comité des finances. Messieurs, les secrétaires du roi avaient fait des emprunts; les capitaux de ces emprunts ont été versés dans le Trésor public. Quand vous avez remboursé, vous n’avez pas remboursé ces capitaux; les rentes sont devenues par conséquent une dette de l’Etat : cependant, comme jusqu’à présent elles n’ont point été poitées sur les registres des caisses publiques, les liquidateurs pour les reconstitutions ne peuvent pas les admettre dans la reconstitution. Le comité des finances me charge de vous proposer que ces rentes seront payées par les payeurs des rentes, et susceptibles de la reconstitution. Voilà le premier objet. Les communautés d’arts et métiers ont été supprimées en 1776. Il a été établi une caisse particulière pour recevoir leur revenu et pour payer leurs rent s. La recette s’est élevée jusqu’à 2,182,000 livres au-dessus de la dépense. Ces communautés devaient 375,000 livres de rentes; il leur éiait où par l’Etat pour 283,000 livres. Les 2,182,000 livres reçut s de plus vous assurent que l’Etat n’a point souffert de cette opération. Le comité des finances me charge de vous proposer encore que ces reutes-là soient payées par ARCHIVES PARLEMENTAIRES.