361 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 juin 1791. J lez donc à l’ordre ceux qui entourent le bureau. M. Gombert. Messieurs, agissons donc. M. le Président. Messieurs, on vient de m’annoncer qu’un des aides de camp du commandant général de la garde parisienne, qui avait été envoyé pour savoir quelle route le roi et la famille royale avaient prise, a été arrêté par le peuple; il demande à être entendu par l’Assemblée; il est ici, voulez-vous l’entendre? ( Oui ! oui !) M. Raumeuf, aide de camp du commandant de la garde nationale parisienne , est introduit à la barre et dit : Messieurs, je ne m’attendais pas d’être conduit devant cette auguste Assemblée. On vient de me conduire au comité des Feuillants; et le peuple a demandé que je fusse conduit à l’Assemblée nationale. Voici ce qui s’est passé : M. de La Fayette, ayant appris le départ du roi et de la famille royale, a pris sur-le-champ toutes les précautions qui sont en son pouvoir, afin de savoir quelle était la route qui avait été prise, quels étaient ceux qui les avaient enlevés. En conséquence, il m’a expédié un ordre, qui est actuellement entre les mains de M. le Président, qui porte que je partirai sur-le-champ pour avertir tous les bons citoyens que le roi vient d’être enlevé par les ennemis du bien public, et pour leur ordonner de tâcher de s’opposer à ce départ par tous les moyens possibles, et de le ramener s’il est possible. Au moment où je partais, j’ai été arrêté au bout du pont Louis XVI, par les ouvriers de ce pont. Ils m’ont descendu de cheval malgré moi, ont maltraité également un de nos camarades, M. Curmer, sur le sort même duquel je suis fort inquiet, car il ne m’a pas suivi. Je ne me suis échappé qu’à l’aide de plusieurs bons citoyens qui m’ont environné, et qui m’ont évité quelques coups de pied et de bâton. M. le Président fait lecture de l’ordre donné aux deux aides de camp, par M. de La Fayette; cet ordre est accueilli par de vifs applaudissements. Il ajoute : L’Assemblée nationale m’autorise-t-elle à ajouter à l’ordre que M. le commandant général avait pris sur lui de donner, un ordre particulier de l’Assemblée nationale? ( Oui ! oui !). M. Ranmeuf, aide de camp. Je demande que l’Assemblée pourvoie à la sûreté de mon camarade, qui peut-être en a grand besoin dans ce moment-ci. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angêly). Il faut envoyer deux commissaires de l’Assemblée avec un huissier. M. le Président. L’Assemblée m’autorise-t-elle à envoyer deux commissaires avec un huissier pour mettre les deux aides de camp du commandant de la garde nationale dans le cas de continuer leur mission ? (Oui ! oui ! ) Dans ce cas, je désigne MM. de Biauzat et de La Tour-Maubourg. Un membre : Expédiez donc l’ordre, Monsieur le Président. Un membre : On dit M. de La Fayette arrêté à la Grève par le peuple. Il faudrait envoyer des commissaires. M. le Président. L’Assemblée nationale m’autorise-1- elle à envoyer 6 commissaires pour appeler M. le maire de Paris et M. le commandant de la garde nationale dans J’Assemblée? (Oui ! oui ! ) Je nomme MM. Duport, Le Pelletier-Saint-Fargeau, Salle, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angêly ), Dauchy et Ricard de Séalt. M. de Follevüle. Il serait aussi utile que vous fissiez proclamer, à sonde trompe, le décret que vous venez de rendre et que MM. les officiers municipaux se partageassent dans les différents quartiers, afin que le peuple, voyant votre vigilance, soit rassuré et se contienne. (Applaudissements.) Voici la rédaction de cette mesure : « L’Assemblée nationale décrète que le décret rendu par elle pour la sûreté de l’Etat, et par lequel l’Assemblée nationale a ordonné l’arrestation de tout individu, sera proclamé à l’instant dans tous les quartiers de Paris, par les officiers municipaux, qui se disperseront à cet effet et qui notifieront au peuple que l’Assemblée nationale veillera, sans aucune intermission de séance, afin de concourir au salut de la chose publique, et que le peuple doit, par sa volonté, y concourir et ne gêner... » (Murmures.) Voix diverses : Ce n’est pas cela! •— Si c’est celai (Bruit.) M. Tarbé, ministre des contributions publiques , est introduit dans l’Assemblée. M. Rewbell. Je prie l’Assemblée nationale de conserver le courage qu’elle a toujours montré. M. de La Fayette va paraître ici. Je prie M. le Président de lui demander s’il n’a pas donné, il y a environ un mois, aux officiers de la garde chez le roi la consigne de ne laisser sortir personne après minuit. II y a un officier qui prétend avoir été de garde et avoir reçu cette consigne. Certainement cette précaution était fondée sur quelque motif, et il faudrait savoir si ..... (Murmures à gauche.) M. Rarnave. Je demande la parole avant tout. Plusieurs membres : Faites place, Monsieur Rew-bell. M. Rewbell. Je crois, Messieurs, que vous avez peur... (Murmures prolongés à gauche.) M. Rarnave. J’arrête l’opinant sur les doutes qu’il a paru vouloir répandre. L’objet qui doit nous occuper dans le moment actuel, c’est de sauver la chose publique, de réunir toutes nos forces, et d’attacher la confiance populaire à ceux qui la méritent véritablement. Je demande que l’Assemblée ne laisse pas continuer le discours de l'opinant et qu’il ne soit pas permis d’élever des doutes injurieux contre des hommes qui n’ont pas cessé de donner des preuves de patriotisme.il estdes circonstancesdanslesquelles il est facile de jeter des soupçons sur les sentiments des meilleurs citoyens. (Le calme se rétablit.) Il est des hommes sur lesquels ces circonstances malheureuses pourraient appeler des défiances que je crois profondément, que je jurerais à la face de la nation entière qu’ils n’ont pas méritées. (Applaudissements.) C’est donc en attachant sur ces personnes la confiance du peuple comme elles ont la nôtre