[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ 19 mai 1790.] fraction aux décrets, et que, d’ailleurs, nul citoyen français ne peut, au nom d’un prince étranger, agir contre la Constitution. Il demande la question préalable sur l’amendement de M. de Yirieu. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer sur cet amendement. M. le Président met aux voix le projet de décret proposé par M. le prince Victor de Broglie. Il est adopté en ces termes: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son président se retirera par devers le roi pour le supplier de donner incessamment tous les ordres nécessaires pmr' maintenir le calme et la tranquillité dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, et assurer aux commissaires qu’il a honorés de sa confiance pour la formation des assemblées administratives, le respect et l’obéissance qui leur est due ; « Déclare qu’elle improuve la conduite tenue, tant par le sieur Diétrich, notable de la commune de Strasbourg, que par le sieur Besnard, bailli de Bouxvillers; « Ordonne que les pièces du rapport seront remises, dans le jour, à son comité des recherches, qu’elle autorise à prendre tous les moyens qu’il jugera convenables pour se procurer les renseignements les plus étendus, tant relativement à l’assemblée illégalement tenue à Bouxvillers, qu’à la délibération qui y a été prise. » L’ordre du jour appelle ensuite la discussion sur une pétition de plusieurs Suisses-Fribourgeois , concernant une tonne de piastres arrêtée sur la frontière. M. de Folleville dit que les Fribourgeois ne sont pas accoutumés à voir leur argent rester longtemps inactif; le peuple Suisse étant faible, c’est une raison de plus pour que l’Assemblée s’empresse de rendre son décret sur cette affaire. Le rapporteur du comité déclare qu’il n’est pas prêt et demande le renvoi à demain. Le renvoi est prononcé. M. Anthotne, au nom du comité des rapports , fait F exposé d’une affaire qui concerne M. Danton , président du district des Cordeliers. Le rapporteur remonte à un décret décerné par le Châtelet de Paris, contre le sieur Marat, auteur du journal intitulé : l’Ami du peuple. Lorsque le comité de la commune envoya des troupes pour mettre à exécution le décret du Châtelet et arrêter Marat, le sieur Danton tint ce propos : « Si nous faisions sonner le tocsin, il descendrait vingt mille hommes du faubourg Saint-Antoine qui feraient blanchir ces troupes. » Puis il aurait ajouté que c'était une idée qu’il serait fâché d’inspirer à qui que ce fût, parce que quand on avait une bonne cause, il ne fallait pas la gâter et qu’il fallait toujours se conduire par la raison. Le Châtelet a informé de ce propos. Il y a eu décret de prise de corps du sieur Danton ; la majorité des districts a demandé la réformation du décret de prise de corps, puisqu’il n’a pour cause qu’une opinion, à la vérité erronée, mais prononcée dans une 'assemblée légale ; cette demande est appuyée sur un décret constitutionnel, accepté par le roi, qui défend aux juges et aux tribunaux, de rechercher aucun citoyen pour opinion proférée dans une assemblée” de citoyens. * 583 Celui qui opprime un citoyen actif dans une assemblée primaire attente à la liberté nationale, dit le rapporteur. Le Châtelet a erré dans la forme, parce qu’une rébellion à un arrêt d’un tribunal de justice ne peut pas être qualifiée de crime de lèse-nation ou de haute trahison ; que d’ailleurs le décret rendu par l’Assemblée nationale et auquel le district des Gordeiiers se réfère, doit faire considérer tout ce qu’il y a d’imprudent de la part de ce district, clans l’affaire du sieur Marat, comme oublié. M. Anthoine conclut à ce que la procédure du Châtelet soit anéantie comme contraire à la liberté des opinions dans les assemblées primaires ; il propose un décret en conséquence. Divers membres demandent la question préalable. D'autres membres proposent l’ajournement. L’ajournement est mis aux voix et prononcé. M. le Président lève la séance à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mercredi 19 mai 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. &a Bévelllère de Eiépeaux, secrétaire , donne lecture du procès-verbal 'de la séance du mardi au matin. M. Cliabroud, autre secrétaire , lit le procès-verbal de la séance du mardi au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Bcsecoutes, député de Meaux , annonce que sa sauté ne lui permet pas de continuer les travaux de son mandat et demande à se faire remplacer par M. Ménager, son suppléaut. La démission de M. Desecoutes est acceptée. M. Ménager, dont les pouvoir sont été vérifiés et trouvés eu bonne forme, est admis à prêter le serment civique et est déclaré membre de l’Assemblée nationale. M. le duc de Luynes, député de Touraine, demande la permission de s’absenter quinze jours pour raison de santé. Ce congé est accordé. M. Bouche propose le décret suivant qui est adopté sans contestation : « L’Assemblée nationale ayant, par son décret du 6 mars dernier, laissé à la commune de Gé-ménos en Provence, département des Bouches-du-Rhône, la faculté d’opter le district auquel elle désirerait être unie, et voyant par sa délibération du 10 de ce mois, qu’elle a choisi le district d’Aix, décrète que ladite commune de Géménos sera (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 584 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mai 1790. réunie au district d’Àix, et appartiendra, suivant son vœu, au canton dont Roquevaire est à présent le chef-lieu.) M. le comte de Crillon, secrétaire , fait lecture d’une adresse de la communauté des lingères de Paris ; elle contient leurs protestations de soumission et de respect pour les décrets de l’Assemblée nationale; elles jurent d’élever leurs enfants dans ces sentiments. Elles offrent un don patriotique, indépendamment de leur contribution patriotique qu’elles annoncent avoir déjà réalisée en grande partie, et s’être élevée fort au delà du quart de leurs revenus. M. le dnc de Liancourt, député du Clermon-tois, lit une adresse d’adhésion, de sou mission et de respect pour les décrets de l’Assemblée nationale de la communauté de la Chalade : il ajoute qu’il est chargé de déclarer de la part de cette communauté, que son don patriotique, provenant de la libéralité des habitants, se monte aune somme de 5,521 livres 15 sols 3 deniers, dont 184 livres 7 sols 6 deniers, en deniers comptants, déposés entre les mains des personnes chargées de recevoir les dons patriotiques ; 86 livres 6 sols 6 deniers, qui restent à lever sur les différents particuliers qui en ont fait leur promesse, et 5,521 livres en contrats de constitution, y compris les intérêts échus, offerts et adressés audit député par les religieux de l’abbaye de la Chalade, pour leur tenir lieu, tant de contribution, que de don patriotique; ce que l’Assemblée n’accepte pas, attendu que lesdits religi.ux ne peuvent disposer d’un objet qui fait partie des fonds de ladite maison delà Chalade, qui appartient à la nation; au moyen de quoi, ledit don patriotique est réduit, pour le moment, à ladite somme de 184 livres 7 sols 6 deniers, qui est acceptée par l’Assemblée nationale. M. de Cernon, membre adjoint du comité de Constitution , fuit un rapport sur la question de savoir si le faubourg d’Alençon appelé Monifort, doit continuer à faire partie du département de l’Orne ou être rattaché à la Sarthe. Le comité est d’avis de faire émettre un vœu par les habitants en présence d’un des commissaires du roi. M. Goupil de Préfeln, député d'Alençon , fait remarquer que ce serait contrevenir aux décrets généraux précédemment rendus sur pareilles questions; il fait la motion de maintenir les décisions antérieures. Cette proposition est adoptée en ces termes: « L’Assemblée nationale décrète que, conformément à son décret du 16 février dernier, le faubourg Monfort d’Alençon continuera de faire partie du département de l’Orne. » M. de Cernon présente ensuite, au nom du comité de Constitution, un projet de décret relatif à une demande des électeurs du district de Guise et de Vervins. Plusieurs membres demandent l’ajournement de cette affaire à la séance du soir. L’ajournement est prononcé. L’Assemblée passe à son ordre du jour qui est la cominuation de la discussion sur la question constitutionnelle du droit de paix et de guerre. M. Le Pelletier de Saint-Fargeau. Pour établir, dès ce moment, la grande et importante délibération qui vous occupe, il est nécessaire de séparer deux questions indépendantes ; savoir: la question constitutionnelle du droit de guerre et de paix, et la proclamation qu’on vous a proposée pour manifester à tous les peuples du monde votre renonciation à tout esprit de conquête. Le premier point de la question est celui de savoir auquel des deux pouvoirs il est plus convenable pour la nation de déléguer le droit de traiter les rapports politiques; le second est l’intérêt delà nation dans ses rapports extérieurs. Après avoir séparé de la délibération ce qui me semble ne pas lui appartenir, je réunirai plusieurs questions qui se rallient au même principe. Je joindrai au droit de faire la paix et la guerre celui de faire des alliances ou des traités de commerce. Le pouvoir auquel l’un sera délégué doit réunir les autres. En accordant au roi le premier de ces points, le refus du second devient illusoire; de même en donnant au roi le droit exclusif de faire des alliances et de conclure des traités, il sera encore arbitre de la guerre et de la paix, car tel traité peut nécessiter une guerre, soit parce qu’il est contraire aux intérêts de la nation, soit entin sous le prétexte de violation de ce même traité. S’il est démontré que l’un de ces pouvoirs doive être délégué à l’un ou à l’autre, le second doit nécessairement être confié au même dépositaire. Le roi, en sa qualité de chef suprême de la nation, a le droit dérégler les opérations de la guerre : pour reconnaître un autre droit indépendant du premier, je dis qu’il peut aussi conclure des trêves. Gomme modérateur suprême des mouvements des troupes, U peut presser les hostilités ou arrrêter l’impulsion de la force publique, selon les circonstances. Après avoir ainsi distingué tous les points étrangers à la question, dégagée de tout intérêt particulier, je vais l’aborder avec le sentiment profond de son importance. Le droit de déclarer la guerre ne peut être définitivement délégué qu’au Corps législatif. Je chercherai les tempéraments nécessaires pour arrêter des inconvénients de cette attribution. Si l’on considère les reiatiens politiques, on ne pourra pas révoquer en doute que ce serait compromettre la liberté de la nation de déléguer au roi le droit de faire la guerre. Que n’auriez-vous pas à redouter de celui qui pourrait mettre sur pied des troupes nombreuses pour les diriger d’abord vers l’ennemi; mais qui, les ramenant eusuites victorieuses au sein de soa empire, pourrait s’en servir pour porteries coups les plus funestes à la liberté publique'. Il faut calculer toute l’étendue de ce droit dangereux de déclarer la guerre. Ebranler le crédit national, épuiser les finances, changer les dispositions, absorber la force des esprits par l’idée d’un danger prochain, tels sont les moyens qu’on pourrait mettre en œuvre pour se soustraire à la souveraineté du peuple. C’est ainsi que l’on conduisait le peuple romain au siège de Yeies lorsqu’il osait réclamer ses droits. Combien ce pouvoir ne serait-il pas plus dangereux encore si l’on voyait d’un côté le peuple demander la paix, et le monarque ordonner la guerre! Pendant la paix, les ministres, toujours arrêtés par cette responsabilité à laquelle vous les avez si sagement assujé-tis, ne trouvent pas de moyens faciles de déprédations; mais vient-on à déclarer la guerre, alors la promptitude des mesures, et le secret que l’on suppose nécessaire dans toutes les opérations, servent à voiler leurs rapines . Je ne suis rassuré ni par la fâculté qu’a la na-