[8 décembre 1790 | [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 326 que les médailles en cuivre qui doivent être frappées, en mémoire de l’abandon de tous les privilèges, seront exécutées jusqu’au nombre de douze cents, y compris les cent trente qui sont déjà frappées; qu’à cet effet les coins, ainsi que des médailles, actuellement déposés aux archives de l’Assemblée nationale, en seront retirés pour être remis à la Monnaie et aux artistes chargés de l’exécution , jusqu’à l’entière perfection de l’ouvrage. Ces médailles seront distribuées à chacun de MM. les députés ; après quoi les coins seront brisés en présence de commissaires; ordonne, en outre, que le prix de ces médailles sera payé par une retenue faite sur le montant des premiers mandats à délivrer à chaque député. » M. le Président annonce qu’il vient de recevoir à l'instant, de la part du ministre de la justice et garde des sceaux, l’extrait d’une lettre écrite à M. de Montmorin , par M. le Prince, évêque deSpire, avec plusieurs pièces qui y sont jointes. (L’Assemblée en ordonne le renvoi aux comités diplomatique et de féodalité.) M. le Président annonce encore à l’Assemblée que les membres qui doivent composer le comité central dont elle a décrété hier l’etablissement sont MM. d’André, Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély), de Folieville, Bouche, de Richier et de Grillon le jeune. M. de Folieville propose de débaptiser ce comité et de l’appeler désormais comité de l'ordre du jour. (Cette motion n’a pas de suite). M. Ricard, député de Castres , demande et obtient un congé de trois semaines pour raison de santé. M. le Président lève la séance à trois heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 8 DÉCEMBRE 1790. MÉMOIRE SUR LA POLICE DE LA PÊCHE FRANÇAISE présenté à l'Assemblée nationale par les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Juridiction sur la pêche de Marseille. Parmi les juridictions établies à Marseille, il en existe une dont l’origine est aussi ancienne que cette ville, pour juger en dernier ressort tous les différends et contestations sur les faits relatifs à la pêche, entre tous pêcheurs établis en ladite ville, ou fréquentant les mers de Mar-séille, qui s’étendent depuis le cap de l’Aigle jusqu’à la Couronne inclusivement (1). Cette juridiction est exercée par quatre prud’hommes élus dans une assemblée générale des patrons-pêcheurs convoqués à la lin de chaque année, et tenue en présence du lieutenant et du procureur du roi au siège de l’amirauté. (1) La Couronne est un cap dans la Méditerranée. Ces quatre prud’hommes, choisis parmi les pêcheurs, ne peuvent remplir leurs fonctions qu’a-près avoir été installés par les officiers municipaux, et avoir prêté serment entre leurs mains. I. •— Ils ont un auditoire et salle commune où ils tiennentleursaudiencespubliques, le dimanche à deux heures. Rien de plus sommaire que la procédure usitée et constamment suivie de siècle en siècle. Le pêcheur qui a quelques plaintes à former contre un autre, pour contravention à la police de la pêche, ou quelque demande à lui faire à l’occasion de la profession, s’adresse à l’un des gardes ou valets des pêcheurs ; et en mettant deux sous dans une boîte qu’on nomme de saint Pierre, et destinée aux pauvres, il le charge de citer son adversaire, le dimanche suivant. Le défendeur, avant d’être écouté, met aussi deux sous dans cette boîte, et ce sont là tous les épices et vacations. Gela fait, les parties disent leurs raisons aux prudh’hommes assis sur leur tribunal, en manteaux et rabats ; ils les écoutent, les interrogent, entendent les témoins lorsqu’il y a lieu, et presque toujours ils concilient les parties. Toute cetle instruction ainsi que les jugements se passent en public, les portes sont ouvertes aux étrangers, aux curieux, et quoique la foule soit considérable, il est hors d’exemple qu’on ait manqué aux prud’hommes qui ont toujours été en vénération à Marseille (1). S’il n’y a pas moyen de concilier les parties, s’il faut absolument les juger, on appelle d’autres patrons-pêcheurs exerçant la profession qui a donné lieu au litige, qu’on appelle experts ou sapiteurs, et qui ont voix consultative. Les prud’hommes opinent, et le premier prononce en idiome provençal avec cette formule : La loi vous condamne. La partie condamnée paye sur-le-champ, et si elle s’y refuse, on fait séquestrer son bateau et ses filets par les gardes, et la plus prompte expédition suit le jugement le plus simple (2). Les parties plaident en personne, et la chicane est inconnue dans ce tribunal de pairs. Leur code est dans leur cœur et dans la pratique qu’ils ont des procédés de la pêche, il s’est transmis d’âge en âge, et leurs archives renferment d’ailleurs les règlements auxquels ils ont recours au besoin (3). II. — L’existence de cette juridiction tient à l’utilité publique. 1° S’il s’agit d’avoir des matelots pour l’armée navale, le bureau des classes a recours aux prud’hommes qui les ont sous la main, et qui les leur fournissent (4). 2° S’il faut envoyer des bateaux ou des tartanes pour approvisionner une armée, ou pour porter (1) Voyez : A. Lettre de M. Malouet, 27 octobre 1781. B. Lettre du consul d’Espagne à Marseille, 5 avril 1790. G. Lettre du consul de Gènes à Marseille, 7 avril 1790. 1). L ettre de la municipalité do Marseille, 12 mai 1790. (2) Au mois de mars dernier, le patron Mas, catalan, ayant réclamé des filets qu’il avait perdus en mer, d’un patron français, ils lui furent restitués sur-le-champ, et le jugement prononcé enjoignit à tout pêcheur, en pareil cas, de les déposer sans retard à la salle de juridiction, à peine de 50 livres d’amende. Voyez la lettre du consul d’Espagne aux prud’hommes (1. B). . (3) Voyez le recueil en manuscrit relie. (4) A et B. Voyez les deux réquisitions du bureau des classes de Marseille. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. des dépêches, on trouve encore cette ressource auprès des prud’hommes (1). 3° Lors des désarmements à Toulon, le bureau des classes de Marseille est obligé d’occuper les matelots misa terre sans secours, pour prévenir leur émigration, et c’est encore aux prud’hommes qu’ils s’adressent; ce sont eux qui les distribuent sur les bateaux et tartanes de pèche de Marseille: c’est là où ces malheureux matelots, aux dépens des pêcheurs marseillais, restent jusqu’à un autre armement, ou à ce qu’ils puissent s’embarquer sur des navires de commerce, et c’est là enfin où ces mêmes matelots trouvent leur subsistance et celle de leurs familles. 4° Ce sont les prud’hommes qui placent sur les bateaux, tartanes et autres bâtiments pêcheurs les volontaires-matelots pour les habituer à la navigation, et servir ensuite sur les vaisseaux de la marine royale (2). 5° S’il arrive un incendie dans le port, les prud’hommes obligent tous les pêcheurs d’aller au feu et fournissent à ce sujet, au moins 110 hommes (3). 6° Si les navires du commerce sont en danger, les prud’hommes sont encore chargés de fournir les secours les plus prompts (4). 7° Si un navire fait un signal de détresse, il trouve toujours près de lui des pêcheurs qui lui fournissent des pdotes, qu’on lui refuserait peut-être sans l’existence des prud’hommes et leur surveillance à tout ce qui peut intéresser l’utilité publique. 8° C’est à eux que le bureau de la santé s’adresse pour prévenir toute communication avec les navires venant des pays suspects (5). Depuis l’heureuse révolution de la France, la municipalité a fait élever une garde dans le port de Marseille. La chambre de commerce en supportait les frais s’élevant, pour toute l’année, au delà de 18,000 livres. On y employait des matelots de toutes les nations ; mais cet établissement éprouva bientôt un changement heureux, dû encore aux prud’hommes. Ils convoquèrent tous les patrons-pêcheurs, et offrirent, d’après leur vœu, de faire cette garde gratuitement. La municipalité accepia les offres (6), et il en résulta ce double avantage d'épargner annuellement 18,000 livres à la chambre de commerce, et de placer dans des mains patriotiques et fidèles un dépôt, à la conservation duquel la France entière est intéressée. Chaque jour, les prud’hommes emploient à cette garde précieuse vingt-quatre pêcheurs marseillais; et c’est à la surveillance des uns et au patriotisme de tous, qu’est dû le zèle qui soutient ce service. 10° On doit également aux prud’hommes le don de 2,000 livres faits par les pécheurs à la nation et une délibération qui soumet leur trésorier à porter ses rentrées à celui de la ville et à les échanger avec des assignats de 200 et 300 livres que la municipalité, ensuite de sa proclamation, (1) A et B. Voyez les deux états du bureau des classes de Marseille, 1144, 1778. (2) Voyez l'instruction, 1779. (3) Voyez l’ordre du commandant de la marine, en vertu de l’ordonnance du roi de 1719. (4) Voyez A. la proclamation de la chambre de commerce, 1778. — B. la délibération de ladite chambre, pour les secours donnés à plus de quatre-vingts navires eu 1786. — C. satisfaction de Sa Majesté, témoignée aux prud’hommes à ce sujet. (5) Voyez le dossier des papiers relatifs au bureau de la santé. (6) Voyez la lettre de la muaicipalité. )3 décembre 1790.) 3�7 retire des ouvriers, ce qui contribue à rétablir le même numéraire dans la caisse de la maison commune, et tend à augmenter la circulation des assignats et à soutenir le crédit public. 11° On doit enfin à ces mêmes prud’hommes la garde extraordinaire qu’ils ont fournie, à la demande du maire de Marseille, au port de cette ville sur le sort de laquelle on avait conçu des craintes et l’ordre qui y a régné ia veille et le jour de la fédération (1). Ces différents genres d’utilité, reconnus de tous les temps, ont aussi déterminé le gouvernement à confirmer (2) une juridiction nécessaire, et sur laquelle repose le salut d’une classe de citoyens dont l’Etat ne peut se passer. Véritablement, en 1776, partie de cette juridiction leur fut ravie. L’exercice, par rapport aux étrangers , leur fut suspendu par un arrêt du conseil, et la connaissance en fut renvoyée à l’intendant de Provence. Instruits de cet arrêt les pêcheurs de Marseille crurent qu’il était de leur devoir de manifester au conseil la surprise qui venait de lui être faite. Ils députèrent, à cet effet, deux prud’hommes à Paris. L’agrément de l’intendant leur était nécessaire, mais ils ne purent l’obtenir. A leur arrivée l’intendant de Provence, pour lors à Paris, les fit mettre en chartre privée dans leur appartement, par le ministre de la marine (M. de Sartine), avec ordre de vider la ville sous huit jours. Après cet acte d’autorité, ils ne leur fut plus permis de douter que l’arrêt de 1776 ne fut le fruit de l’intrigue du commissaire départi, avide d’attribution. Ils attendirent un temps plus heureux pour porter leurs justes réclamations. Dix années s’écoulèrent, et enfin, en 1786, par conséquent après le plus mûr examen, un arrêt du conseil reconnut l’insuffisance de l’intendant, proclama l’utilité de la police des prud’hommes, et leur restitua la partie de la juridiction dont l’exercice leur avait été suspendu. Cet arrêt ne fut pas plus tôt affiché à Marseille, que les pêcheurs étrangers cherchèrent à en croiser Y exécution ; ils s’adressèrent au siège de l’amirauté de Marseille, et quoique incompétent et inférieur, il leur accorda une surséance. Elle ne fut pas aussitôt connue que cassée le 18 novembre, par un arrêt du conseil, avec défense à cette amirauté d’en rendre à l’avenir de pareilles, à peine d interdiction. La nécessité de cette juridiction douce et paternelle, si ancienne et si souvent confirmée, ne saurait être plus certaine, et si elle a jamais été exposée à la censure, ce n’est que de la part des auteurs de cette attribution et de cette surprise meurtrière pour la profession de quelques pêcheurs étrangers, qui ne veulent connaître ni règle ni subordination, et contre lesquels l’intendant lui-même, pendant son attribution, fut forcé de sévir (3). Ce n’est que de la part de ces étrangers qui ne restent qu’une partie de l’année à Marseille, qui la fuient pendant six mois consécutifs, avec un numéraire assez considérable, et qui, sans parler de plus de 10,000 quintaux de sardines que nous leur fournissons pour les appâts, et en fixant à (1) Le 8 août 1790, ils ont fourni gratuitement quinze bateaux et une tartane, pour transporter au château d’If 200 soldats du Vexin, avec leurs armes, bagages et lits. (2) Voyez le dossier des lettres patentes et arrêts du conseil, intitulé : Titres justificatifs. (3) Voyez le dossier de la procédure et ordonnance de l’intendant. 328 [Assemblée nationale.] 8.422 quintaux 61, le produit de leur pêche en 1788(1) ,c’e�t-à-dire à 14 quintaux et 3 livres (2), ou leur travail réduit à six mois à 28 quintaux et 6 livres par jour, veulent s’attribuer la gloire de répandre l’abondance dans une ville qui consomme journellement au moins 250 quintaux de poisson, relativement à sa grande population, sans comprendre ce que son territoire, la Provence, le Dauphiné, le Languedoc, Lyon même, viennent y puiser. Ce n’est que de la part de ces pêcheurs étrangers, dont plusieurs arrivent au port ou débarquent sur la côte sans avoir fait leurs déclarations au bureau de la santé (3), et qui peuvent jeter dans le royaume le fléau de la peste, dont serait la première victime une ville où ils viennent chercher leur nourriture dans le temps où leur patrie la leur refuse. Ce n’est enfin que de la part de ces mêmes pêcheurs, qui ne présentent à l'Etat ni espérances ni ressources, qui tendent par leur concours et leur introduction à ruiner les pêcheurs français, la pépinière et l’école permanente des matelots, et qui par des procédés abusifs, condamnés pendant l’attribution de l’intendant même, détruisent l’espèce (4); qui excitent les réclamations de tous les pêcheurs de la Méditerranée (5), qu’ils chassent de leurs côtes, qu’ils repoussent même en vertu des lois du pays (6), et qui ont dédaigné les faveurs dont le gouvernement a voulu les combler (7), de devenir même prud’hommes, en un mot d’être traités comme Français en refusant de reconnaître la juridiction (8), à laquelle ils ont élé soumis, pour la cinquième fois, par l’arrêt du conseil du 20 mars 1786, et dont l’impartialité est reconnue par les conseils de leur nation (9) en refusant enfin de s’inscrire au bureau des classes au défi de l’article 3 du même arrêt (10). III. — Cette juridiction n’est pas d’ailleurs conforme aux principes actuels. Le peuple pêcheur nomme et choisit dans son sein ces juges; le premier est toujours pris parmi ceux qui ont été prud’hommes, on y traite, on y juge les affaires promptement et sans épices, en un mot les prud’hommes, sous cette dénomination honorable, sont les juges de puix des pê-(1) Page 52 du mémoire des Catalans, eu 1789, et pages 2 2 et 23 du mémoire servant de supplément aux. doléances des pêcheurs de Marseille. (2) Voyez aussi les observations à la fin de ce mémoire, sur le préjudice de la pêche du palangre. (3) L’article 2 do l’arrêt du conseil de 1786 soumet les pêcheurs étrangers à faire déclaration de leur arrivée à la salle commune des pêcheurs de Marseille. On y tient un registre de ces déclarations, lequel, comparé à celui du bureau de la samé, prouvera certainement l’assertion. (4) Voyez le dossier des pièces justifiant les procédés abusifs des pêcheurs étrangers. (5) Voyez entre autres les attestations des pêcheurs de la Ciotat et de Martigues. (6) Décret de l’in tondant de Barcelone du 23 septembre 1765, envoyé dans le temps au ministre de France, qui refusa aux. patrons Gaultier et Achard, de Martigues, de faire la pêche sur les côtes, disant que cela est défendu par les lois du pays, excepté aux pêcheurs du lieu, immatriculés, et leur enjoint de se retirer avec leurs filets. Voyez aussi l’attestation des pêcheurs de Martigues. (7) Voyez l’arrêt du conseil de 1786, au dossier des titres justificatifs. (8) Voyez le dossier des lettres des ministres, et autres. (9) Voyez leurs lettres. (10) Il n’y en a eu que deux. Voyez le certificat du commissaire des classos, 1786. [8 décembre 1790.] cheurs, des vrais arbitres appelés et placés par la confiance générale et la volonté libre. IV. — Il n’y a point d’inconvénient de laisser subsister une pareille juridiction. Les prud’hommes sont amovibles, leurs fonction ne durent qu’une année; les étrangers ont l’avantage de se faire assister aux audiences par eurs interprètes ou leurs consuls. Enfin ces juges ne font que passer dans les charges, et ont intérêt d’administrer avec intégrité la justice, soit pour ne point perdre de la considération dont ils ont toujours été jaloux, et sur laquelle est fondée l’estime publique, soit pour ne pas être exposés pour ainsi dire, le lendemain, à être mal jugés par ceux dont ils auraient été les juges la veille. V. — Nécessité de continuer une pareille juridiction aux pécheurs de Marseille. Cette nécessité est impérieuse : 1e Les pêcheurs ont un langage particulier, et des expressions qui leur sont propres. Chaque pêche a sa forme de procéder, ses limites, ses filets permis et réglés et ceux qui sont prohibés. Il est donc évident qu’il faut être pêcheur pour juger pareille matière, et on conviendra bien plus facilement de cette nécessité si l’on considère qu’il faut encore connaître les anses de la côte que les pêcheurs fréquentent, les lieux en pleine mer qu’on ne désigne souvent que par la citation d’un rocher caché au fond des eaux, et qui n’en a pas moins son nom; les places où l’on a droit de prendre poste, et celles où il n’y en a point de convenu; la distance qui doit être observée entre b s filets respectifs et sur laquelle le juge ne peut être instruit que par des mesures propres aux pêcheurs seuls et que toute la théorie de la profession serait incapable de lui apprendre; 2° G’est le dimanche que se tiennent les audiences publiques, et ce ne peut-être que le dimanche, car tous les autres jours de la semaine sont consacrés à la pêche que ne permettent pas de suspendre l'approvisionnement d’une grande ville et la conservation des matelots qui n’ont d’autre salaire qu’une portion aux bénéfices de cette profession; 3° La pratique de la pêche est tellement indispensable que les prud’hommes eux-mêmes sont (quelquefois forcés d’appeler des sapiteurs; 4° Les raisons d’utilité publique ci-dessus développées et qu’aucune considération ne peut ni affaiblir ni faire oublier. Dans ces circonstances les patrons-pêcheurs de Marseille et leurs députés à Paris sollicitent de la justice de l’Assemblée nationale la conservation d’une juridiction dont l’origine est la plus ancienne de tous les tribunaux du royaume, d’une juridiction qui est également établie dans presque tous les autres ports de la Méditerranée, qui s’est acquise la vénération de tous les citoyens, et à l’existence de laquelle est évidemment attachée l’assurance de secours que le commerce, la navigation, la marine royale et une province entière exigent. Les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Signé: TûURNON, prud'homme. FLOUX, ancien prud' homme. PONSARD, archiviste desdits pêcheurs. PROJET DE DÉCRET sur la police de la pêche française. L’Assemblée nationale, instruite que, depuis un temps immémorial, il existe dans plusieurs ports ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790. | 329 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. du royaume des juges sur les faits et police de la pêche et dont l’exercice ne dure qu’uoe année ; Que des juges appelés prud’hommes sont choisis parmi les patrons-pêcheurs français et par eux élus à la pluralité absolue des suffrages dans une assemblée générale présidée par les officiers de l’amirauté; Que ces prud’hommes, après avoir prêté serment, sont installés, soit par les officiers de l’amirauté, soit par les officiers municipaux ; qu’ils sont chargés de la manutention des règlements faits à l’occasion de la pêche, et qu’ils décident, chacun dans son ressort, sans épices, sommairement et en dernière instance, sans forme ni figure de procès et sans appeler avocats ni procureurs, tous les différends et conslestations sur le fait, forme et manière de la pêcherie entre tous pêcheurs établis dans lesdits ports, ou fréquentant leurs mers respectives; Qu’auprès de ces juges, et aux frais desdits patrons-pêcheurs, il existe un secrétaire pour la rédaction des jugements, et des gardes ou valets chargés de les exécuter et de faire comparaître les parties aux audiences publiques qui se tiennent les seuls jours de dimanche dans une salle commune à portée de leur habitation et du siège de leur profession ; Et convaincue que pareilles juridictions, soit parce qu’elles sont entièrement gratuites, soit parce qu’elles sont exercées par des gens de l’art élus par les justiciables eux-mêmes, ne peuvent qu'être favorables aux pêcheurs français, qui sont la pépinière et l’école permanente dés matelots; Considérant qu’il était de la sagesse des représentants de la nation de s’occuper de ces hommes si précieux à l’Etat et si propres à en assurer la force, et de rendre constitutionnels et communs à tous les pêcheurs du royaume des établissements qui, conciliés avec les principes du nouvel ordre judiciaire, leur rapprocheront toujours la justice, et les attacheront à une profession dont les plus grands intérêts sollicitent l’accroissement ; Après avoir entendu son comité de Constitution et de marine réunis, a décrété et décrète ce qui suit : Art. lor. Les prud’hommes des patrons-pêcheurs des différents ports de royaume actuellement en possession de ladite juridiction, continueront, jusqu’à la lin de la courante année, de cunnaîtreet juger dans leurs ressorts respectifs et en dernière instance, suivant les formes et usages de leur juridiction, tous les différends et contestations sur les faits et police de la pêche entre tous pêcheurs établis dans lesdits ports, ou fréquentant leurs mers respectives. Art. 2. Aux fêtes de Noël de chaque année, les patrons-pêcheurs français ou devenus français aux termes du décret du 30 avril, sanctionné le 2 mai dernier, s’assembleront dans leurs ports respectifs et dans la salle de leur juridiction, qui est, ou sera à cet effet, par eux et à leurs frais établie, devant un des officiers municipaux et le procureur de la commune ou son substitut, pour nommer, à la pluralité absolue des suffrages et au scrutin individuel, quatre prud’hommes dont le nombre de voix, ou, en cas d’égalité, l’âge régleront le rang. Le premier sera le juge de paix, et les deux suivants les assesseurs pour juger à la pluralité des voix, en première instance, tous les différends et contestations sur les faits et police de la pêche entre tous pêcheurs établis, ou fréquentant les mers desdits pêcheurs, et en dernier ressort celles qui n’excéderont pas 50 livres. Le quatrième prud’homme pourra assister aux jugements qui seront rendus pour s’instruire des motifs et de la discussion. Art. 3. Les prud’hommes ainsi nommés seront installés, le premier jour de l’année, dans la salle ordinaire de la juridiction, par l’officier municipal, à leur réquisition ou à celle du procureur de la commune, ou de son substitut, et ils prêteront le serment de ............................ Il sera du tout dressé procès-verbal par le secrétaire greffier de la commune pour la première fois, et ensuite par le secrétaire particulier desdits patrons-pêcheurs, dont il sera ci-après parlé. Art. 4. Le secrétaire écrira, en présence de l’officier municipal et du procureur de la commune, ou son substitut, le bulletin de tout patron-pêcheur qui ne pourrait l’écrire lui-même, et il ne sera reçu aucun autre bulletin, que ceux qui auront été écrits ou par les membres ou dans la forme ci-dessus dans l’Assemblée même et sur le bureau (1). Art. 5. Le quatrième prud’homme en exercice et les quatre plus anciens prud’hommes, suivant l’ordre et la discussion du tableau qui a été ou sera à cet effet dressé, composeront le tribunal d’appel où le quatrième prud’homme en exercice présidera, et où seront portées et jugées en dernier ressort les causes dont l’objet excédera 50 livres; et dans les lieux où il n’y a pas eu jusqu’à présent de pareils établissements, il sera de plus nommé quatre anciens patrons-pêcheurs, conformément aux articles 2, 3 et 4. Art. 6. Dans la même assemblée, et en la forme de l’article 2, les patrons-pêcheurs éliront à leurs frais un secrétaire qui sera chargé, sous dû inventaire à double original de tous leurs papiers, d’écrire les bulletins, de dresser les tableaux ou états des patrons-pêcheurs, , et de ceux éligibles, de rédiger les procès-verbaux d’élection et de serment, les instructions et jugements des procès tant en première qu’en dernière instance, dans un livre qui sera paraphé par les officiers municipaux, et il prêtera serment de remplir fidèlement les fonctions à lui confiées, devant ladite assemblée et entre les mains de l’officier municipal qui la présidera. Art. 7. Il sera élu en la même manière deux gardes ou valets au plus, qui feront les fonctions d’huissiers auprès desdits juges et prêteront le même serment. Art. 8. Le secrétaire et les gardes ci-dessus pourront être continués et confirmés chaque année à la volonté desdits patrons-pêcheurs. Ils ne pourront prétendre aucun droit particulier des justiciables, à peine de restituer et de concussion. Art. 9. Les juges de paix ou prud’hommes et ceux qui composeront le tribunal d’appel ne pourront être choisis que parmi les anciens prud’hommes ou les patrons-pêcheurs, français ou devenus français commandant un bateau ou bâtiment de pêche, armé au moins de trois hommes, tout compris : seront aussi éligibles ceux desdils patrons-pêcheurs, qui, sans avoir été prud’hommes, et avoir un pareil armement, serviront gratuitement par eux-mêmes ou leurs préposés dans la garde nationale maritime desdits ports, et dont il sera justifié par le registre qui sera à cet effet tenu par le secrétaire desdits pêcheurs. Art. 10. Le tribunal de paix et celui de der-(1) Décret, 2 février 1790. 330 �Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nière instance ne pourront jamais être vacants; en cas d’absence ou empêchement, ils seront remplis par les plus anciens pêcheurs; suivant l’ordre et la discussion du tableau, et qui auront les qualités déterminées par l’article précédent. Art. 11. Le secrétaire fera sur-le-champ lecture, à la partie condamnée, du jugement rendu en première instance par le juge de paix; et si elle ne déclare pas .de suite en être appelante, l’appel ne sera plus reçu. Art. 12. Toutes les affaires, soit en première et dernière instance, seront traitées et jugées sommairement et sans épices, le dimanche qui suivra la demande ou appel; et les jugements seront exécutés sur-le-champ, après due lecture, par la séquestration, s’il y a lieu, des bateaux, agrès et filets. Art. 13. Dans les ports où il n’existe point de prud’hommes ou juges sur les faits et police de la pêche, il sera procédé, immédiatement après la publication du présent décret, en conformité des articles précédents, à la formation desdits juges de paix et de dernière instance, pour l’exercice des premiers élus cesser néanmoins à la fin de l’année 1791. Art. 14. Lesdits palrons-pêcheurs présenteront incessamment au Corps législatif leur projet respectif de lois et règlements sur les faits et police de la pêche, et jusqu’alors lesdits juges de paix et de dernière instance réunis feront observer les lois et les règlements actuellement en vigueur dans leur ressort pour l’utilité, la conservation, 1 accroissement des pêches, et le maintien de l’égalité parmi les pêcheurs, et ils pourront même ordonner l’exécution provisoire de tous règlements délibérés sous ces considérations, à la pluralité des voix, dans une assemblée générale. Art. 15. Lesdits juges de paix, joints à ceux de dernière instance, veilleront à la perception et à l’emploi des impositions qui seront délibérées en la forme ci-dessus et homologuées par les municipalités, et de celles qui l’ont été par le passé, sous due autorisation, pour subvenir aux frais de l’administration et des établissements qui viennent d'être déterminés, ainsi qu’à l’extinction des dettes légitimement contractées, à la charge, par eux, de justifier de l’emploi, à la fin de chaque année, par un état qu’eux ou leur secrétaire certifieront véritable, et remettront aux-dites municipalités, et d’être personnellement et par corps responsables de tout divertissement, pour lequel ils pourront être poursuivis, au nom du procuieur de la commune ou de sou substitut : et cependant il ne sera rien innové aux impositions actuellement existantes dans certains ports, et que les patrons-pêcheurs, sous due autorisation, lèvent sur le produit de leur profession, lesquelles continueront d’étre perçues sur tous indistinctement, et au même taux, nonobstant tous abonnements particuliers, qui seront de nui elïet et valeur. Art. 16. Aucun ne pourra exercer la profession de patron-pêcheur en France, qu’il ne soit Français ou devenu Français, ou qu’il ne soit enregistré avec son équipage dans ies bureaux des classes, et auprès desdits juges de paix des pêcheurs au greffe de commerce et de mer, et qu’il n’ait déclaré avec son équipage vouloir s’établir en France, et jouir, à l’expiration du terme porté par le décret du 30 avril aux conditions y contenues, du droit de citoyens français, et de celui de vuter dans les assemblées de pa*trons-pêcheurs, à peine, à défaut d'interruption dans leurs demeures, lors des levées des matelots, d’être dé-[8 décembre 1790.] chus de la faculté de faire la pêche, de saisie et confiscation de leurs bateaux, filets et agrès, et de telles amendes qui seront prononcées par ledit juge de paix, au profit desdits patrons-pécheurs. Art. 17. L’Assemblée nationale déclare que les pêches sont des propriétés nationales; en conséquence les met sous la sauvegarde de la nation, de la loi et du roi, et ordonne que les gardes nationales et troupes de ligne, à la réquisition des municipalités ou des juges sur la pêche, seront tenus de prêter mainforte pour l’exécution du présent décret. Observations sur le projet de décret remis au comité de Constitution par les prud’hommes des patrons-pêcheurs de Marseille. Rien n’est plus intéressant pour la France commerçante, et plus digne du zèle et de l’attention de l’Assemblée nationale, que l’objet du mémoire que nous avons remis au comité de Constitution. L’Etat a besoin de matelots, il est donc pressant de s’occuper des pêches naiionales qui sont la véritable pépinière et l'école permanente de ces hommes, soldats toute leur vie , sans être à charge à l'Etat en temps de paix. C’est en protégeant et multipliant les pêches que l’Angleterre travaille sans cesse à augmenter ses forces navales : ce ne sera ja nais que par la même voie que nous pourrons parvenir à lui en imposer. Notre mémoire et l’ouvrage sur les pêches maritimes de France, publié en 1777, par le sieur Le-moyne, ancien maire de Dieppe (l), où nous avons puisé cette grande vérité, ne permettent pas de douter de l’avantage de notre profession. Il est général pour tout le royaume par son utilité au commerce et à la marine royale; il est particulier h Marseille par les provisions que nous fournissons à cette ville, puisque les Catalans, les plus nombreux de tous les pêcheurs étrangers fréquentant ses mers, n’y restent qu’une partie de l’année, et ne leur procurent de leur aveu qu’environ neuf mille quintaux de poisson, aux dépens de plus de dix mille que nous leur cédons pour ies appâts en sardines et autres poissons. Mais l’utilité particuliè-e n’existàt-elle point, et fût-il certain que les pêcheurs etrangers procurent l’abondance du poisson à Marseille, cette utilité devrait toujours être sacrifiée au bien général de l’Etat. La France a un commerce étendu et des flottes destinées à le protéger; et comment favoriser l’un, et faire mouvoir les autres, si on cède à de misérables considérations d’une abondance imaginaire, et à des déclamations qui ne peuvent avoir que l’erreur ou l’anlipatriotisme pour base; si on ne prévient pas que le nombre des pêcheurs diminue, si on n’embrasse tous les moyens pour en faciliter l’accroissement? Ces moyens résident évidemment dans le projet de décret mis sous les yeux du comité, et essentiellement sous une loi qui donnera à tous les pêcheurs du royaume une juri Lotion de famille et une justice purement gratuite à laquelle tous les pêcheurs indistinctement soient soumis (2). Le renvoi des différends sur les faits de la pêche à d’autres juges qu’à des gens de l’art ne (I) Ce mémoire de l’imprimerie royale a été remis au comité de Constitution. (2) Articles 2 à 13. [8 décembre 179D.J [Assemblée nationale.] ferait que perpétuer les maux qu’ont éprouvés jusqu’à ce jour tous les pêcheurs français obligés de recourir à des tribunaux dispendieux et ignorant les formes et la manière des pêcheries, et reproduirait pour Marseille le préjudice qu’a causé à sa pêche l’arrêt du conseil du29 mars 1776, qui attribuait à l’intendant la connaissance des affaires (1), où les pêcheurs étrangers seraient parties , préjudice qu’a voulu faire cesser l’arrêt du conseil du 20 mars 1786. L’Assemblée nationale a bien reconnu la nécessité d’attribuer la connaissance des affaires de commerce et de mer à un tribunal mercantile, à des juges élus par les commerçants et les marins: elle ne traitera donc pas moins favorablement la police des pèches non moins utile, et ne nous refusera pas une juridiction à. part et des juges élus par des pêcheurs. Il a fallu là des hommes qui eussent l’expérience de la profession ; il est donc nécessaire pour les pêches qu’il y ait des juges qui en aient la pratique et la théorie. Les marchands et les marins ont un langage propre; nous avons aussi des expressions relatives et particulières. Les affaires civiles peuvent être traitées et jugées tous les jours, à tous les instants. Un pareil régime pourrait encore moins nous convenir qu’aux différends mercantiles et maritimes. A notre police, on ne peut consacrer que le jour de repos (le dimanche); au commerce, que telle heure et tels jours, à moins qu’on crût indifférent de détourner des pêcheurs de leurs travaux, qui doivent être continuels pour leur subsistance, pour l’accroissement des matelots et l’apprivisionnement de la majeure partie du royaume, et d’arrêter des négociants Nota. — Il y avait, avant la dernière guerre, sur la côte de Marseille, sous la juridiction des prud’hommes 35 ou 40 bateaux de pêche : en 1786, il n’y en avait que i4 ou 15. 331 au milieu de leurs opérations de cabinet et de magasin qui font la prospérité du commerce. Ici la position du tribunal est indifférente; pour les pêches, il est nécessaire qu’elle soit à portée des pêcheurs, au milieu, pour ainsi dire, de notre demeure et au voisinage de nos bateaux et bâtiments que nous ne pouvons guère perdre de vue. Auprès des juges ordinaires, résident des huissiers qui découvrent sans peine la demeure des parties qu’ils sont chargés d’assigner auprès de nous. Les difficultés seraient incroyables; presque tous les pêcheurs ne sont pas connus sous leur nom patronimique ; un surnom ou un sobriquet les distinguent, et nous n’éprouvons point ces difficultés par le soin que nous avons de choisir pour gardes ou valets faisant les fonctions d’huissiers, des anciens pêcheurs qui vivent et travaillent au milieu des justiciables. Ces moyens résident aussi dans l’exécution provisoire des règlements (1) qui ont l’assentiment de tous les pêcheurs français, et dans la proclamation prochaine, de la part du Corps législatif, d’une loi définitive sur les filets et les procédés de la pèche dans chaque port du royaume. Ils résident encore dans l’égalhé des impositions et dans la suppression de tout abonnement accordé aux pêcheurs étrangers (2), ce qui n’était qu’un privilège et une distinction, non seulement inadmissibles en leur faveur, mais encore inconstitutionnels parmi les nationaux, égalité contre laquelle peuvent s’élever contre nous les pêcheurs étrangers établis ou fréquentant les mers de Marseille, que c’est à eux que nous devons la continuation de ces impositions, et aux procédures qu’ils nous font soutenir depuis au delà de soixante ans pour les amener à la même police, aux mêmes règles et aux mêmes obligations. Ces moyens résident dans plusieurs dispositions du ressort particulier du comité de la marine, et que nous ne rapporterons par conséquent pas ici, et enfin dans la teneur de l’article du projet de décret (3), qui n’admet à l'exercice de la profession de patron-pêcheur français, que le Français ou le pêcheur étranger qui se soumet à le devenir. Cet article peut seul opérer entre la France et ses voisins une juste réciprocité et la réparation des pertes qu’occasionnent les émigrations respectives, et conséquemment à ia nation française l’exportation de notre numéraire (4); d’ailleurs les Français ne peuvent aller faire la pêche sur aucune côte étrangère, et particulièrement en Espagne, sans s’y faire naturaliser, puisqu’on repousse partout les pêcheurs français, puisqu’eu Espagne la pèche n’est permise sur ses côtes qu’aux pêcheurs du lieu immatriculés (5), en vertu des lois du pays invoquées par l’E-pague, et consenties sans connaissance par la France (6) dans l’article 3 du traité du 2 janvier 1768. L’Assemblée nationale ne fera donc aux étrangers que ce qu’ils exigent de nous; elle ne fera aux Espagnols, en les soumettant au service de la France, que ce qu’ils ont consenti par le même traité. Avant et après lui, nos pêcheurs ont été employés (1) Arlicle 14. (2) Arlicle 15. (3) Arlicle 16. (4) En 1788, l’exportation des seuls Catalans fut de 369,408 liv. 12 s. Voyez leur mémoire, page 52. (5) Voyez notre mémoire, l'attestation des pêcheurs de Martigues, jointe audit mémoire et déclaration du sieur Aussan, remise au comité. (6) Elle ne prit pas communication des ordonnances auxquelles l’Espagne se rapporte dans cet article. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 332 [8 décembre 1790. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] Sur les vaisseaux de la marine, et les Espagnols ont promis, par le même article, d’être assujettis aux lois, statuts et pragmatiques qui se trouveront établis pour les pêcheurs nationaux ; la franchise du port de Marseille ne s’y oppose même pas. Elle a eu en vue d’y attirer les négociants de tous les pays et le commerce de tout l’univers, mais jamais les pêches particulières n’ont présenté l’idée d’un commerce; il n’en existe point sans échange; jamais les pêcheurs, et encore moins ceux des côtes, n’ont eu la vanité de se ranger dans la classe des négociants. Au reste, partout les pêches sont des véritables propriétés nationales, pourquoi donc les laisserait-on encore partager à ceux qui ne supporteraient pas les charges de l’Etat? Si le pêcheur est obligé de servir la nation en temps de guerre, la nation à son tour doit protéger le pêcheur en temps de paix, lui conserver sans cesse les fruits de son industrie et empêcher que les étrangers les lui ravissent. C’est dans cette protection que le pêcheur français trouve retracées toutes ses obligations et tous les services que l’Etat a droit d’ex ger de lui ; c'est dans, elle seule où la nation peut en puiser la réclamation. Ce n’est |ias seulement l’intérêt privé des pêcheurs qui sollicite le décret proposé; l’intérêt général de la France le provoque encore, parce qu’il n’y a pas sûreté pour le commerce où il n’v a pas de pêcheur, parce qu’il n’y a plus de marine où il n’y aura plus de matelots. L’introuuction des étrangers nous prépare ce sort, et nous présente cette triple perspective. Avant elle, les pêcheurs de Marseille auraient pu fournir 2, OUI) matelols à la marine royale, aujourd'hui nous serions en peine d’en présenter 800 (1). Avant elle, le Martigues et la Ciolat avaient un nombre considérable de bateaux, aujourd'hui leur nombre est réduit à moins de la moitié (2); il en est de même de tous les autres ports de la Méditerranée. Partout les pêcheurs étranget s viennent enlever la place aux pêcheurs nationaux (3); partout ils vivent dans l’indépendanne et au milieu des exemptions dont cous sommes privés. Et qu’on ne soit plus étonné de la diminution que nos pèches éprouvent, de la perle que Je commerce et la marine essuient. En vain, depuis plus de soixante ans, nous demandons justice et protection; en vain nous avons obtenu à grands frais cinq arrêts du consul; il n’a pas encore été possible de soumettre les pêcheurs étrangers à une égalité de droits et d’obligations. De là nos pêcheurs se découragent, abandonnent la profession et en éloignent leurs enfants. On les a vus même en dernier lieu réduits au desespoir et sur Je point (1) Voyez les dénombrements de 1786. (2) Voyez les deux attestations remises au comité. (3) Etat des bâtiments cPs pêcheurs étrangers établis à Marseille, produit au gouvernement en 1786 : 187 1.543 de fuir une demeure (1), où iis ne rencontraient que des peines et des amertumes. S’ils ont été retenus dans leurs foyers, on le doit à l’existence de l’Assemblée nationale, à l’espoir dont ils ont été flattés qu’elle s’occupera de leur sort, et à la confiance entière qu’ils ont mise dans sa justice. Les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Signé : ToüRNON, prud’ homme. FlOux, ancien prud'homme. PONSARD, archiviste desdits patrons-pécheurs. Observations justifiant le préjudice que porte à Marseille la pêche du palangre. Les pêcheurs catalans palangriers prétendent procurer à Marseille l’abondance du poisson. Eclaircissons une fois pour toutes ce fait, et ne cherchons que dans leur aveu les preuves de celte supposition. D’abord il faut savoir: Ce que c’est qu’un palangre ; Le nombre des bateaux employés à cette pêche ; La durée du séjour de ces pêcheurs à Marseille; Qui leur fournit les appâts; Quelle en est la quantité ; Et quelle quantité leur est nécessaire. 1° Le palangre est une ligne-mère, composée de 4,800 bras de ligne (2) ayant chacun un hameçon, qu’on garnit ordinairementde sardines, formant l'appât avec lequel on prend le merlan et autres poissons. Mais les pêcheurs catalans n’emploient tout au plus crue 3,000 hameçons (3); 2° Les Catalans ont souvent 80 bateaux palangriers à Marseille (4). Ils aiment à en imposer par le nombre; mais il leur serait trop défavorable, parce que plus ce nombre serait grand, plus serait petite l’idée qu’ils veulent donner de l' importance de leur pêche (5). Nous réduirons donc ce nombre à 60 bateaux, sans craindre d’être démentis. 3° ils ne restent qu’une partie de l’année à Marseille. Ils disent ; La plupart de nous ont fait une absence de trois mois (6). 4° Les fournisseurs des appâts sont les pêcheurs marseillais (7). 5° Les Catalans n’ emploient ordinairement à ces appâts que la sardine (8). 6° La quantité qui leur est nécessaire est facile à fixer ; il faut au moins la moitié d’une sardine à chaque hameçon ; or, chaque palangre catalan, composé de 3,000 hameçons, a besoin de 1,500 sardines pesant, à raison de 15 sardines la livre, un quintal poids de table. Or, les 60 palangriers catalans, consomment, chaque jour, aux appâts 60 quintaux de poisson. Maintenant il s’agit de connaître le produit de leur pêche et le temps qu’ils y emploient. Ils ont dit (9); La plupart cle nous ont fait une (1) Voyez les pièces remises au comité de Constitu tion. (2) Mémoire des Catalans, page 32. (3) Mémoire des Catalans, page 38. (4) Voyez le dénombrement fait en 1786. (5) Mémoire des Catalans, page 52. (6) Mémoire des Catalans, page 52. (7) Mémoire des Catalans, pages 64 à 69. (8) Mémoire des Catalans, page 45. (9) Mémoire des Catalans, page 52. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790. | 333 absence de trois mois , ce qui présente au moins, les uns dans les autres, un séjour de dix mois. Déduisons-en quatre (et c’est leur faire beau jeu) pour les fêtes, les dimanches et les jours de mauvais temps, il restera alors, de leur part, un travail de six mois. Eh bien ! dans six mois ils ont pris, un jour dans l’autre, vingt-huit quintaux et six livres de poisson et leurs appâts s’élevaient journellement à soixante quintaux. Eh bien! leur pêche a produit (1) huit mille quatre cent vingt-deux quintaux soixante-une livres de poissons en six mois; et dans ce même temps les appâts par eux employés ont été portés à dix mille huit cents quintaux, c’est-à-dire 2377 quintaux 39 livres en sus du produit. Où est donc l’importance d’une pêche qui présente une perte aussi considérable? Nous osons soutenir que, sous ce seul point de vue., il n’en est pas de plus nuisible, et que, d’un autre côté, elle oblige le public d’acheter deux poissons dans un et lui enlever une provision assurée et à bas prix, pour ne lui présenter qu’une incertitude ou un aliment à un prix excessif. En vain voudrait-on faire douter de cette vérité et de cette perte incontestables, que les Catalans ne soumettront jamais à l’épreuve, en disant qu’ils ne continueraient pas cette pêche, si cette perte était réelle. On s’est déjà trop abusé sur le compte de ces pêcheurs étrangers. Il est de fait qu’ils achètent communément l’appât à quatre sous la livre et qu’ils vendent leur poisson, que l’on prendrait, sans le palaogre, entièrement au filet, toujours à quatre sous et souvent, à six à huit, à dix et à onze sous en sus. La pêche du palangre est tellement préjudiciable: 1° qu’elle ne peut jamais faire recouvrer aux habitants à quatre sous la livre le poisson employé aux appâts ; 2° que les sardines que les Catalans obtiennent île nous par la contrainte (2) font porter à un plus haut prix celles qu’ils ne consomment pas et qui sont envoyées au marché, et certes ceci est incontestable, car ils l’avouent eux-mêmes dans leur mémoire (3); 3° que l’enlèvement de nos sardines pour les appâts, porte encore atteinte au commerce de la salaison française et laisse alors à l’Espagne la faculté exclusive de verser la leur sur nos côtes. La perte publique que le palangre occasionne n’est donc que trop certaine, et peu importe à des étrangers qu’elle continue de frapper principalement sur nos pauvres concitoyens auxquels le patriotisme et la misère de notre état nous attachent, pourvu que les étrangers trouvent dans leur pêche un bénéfice et l’avantage continuel d’emporter à nos dépens leur numéraire en Espagne. En vain diraient-ils encore ces pêcheurs étrangers, qui ne partagent ni nos obligations ni nos services, nous n’avons employé pour prendre ces 8,422 quintaux 61 livres de “poisson, que trois mois de travail et par conséquent moins d’appâts; nous les démentirions bientôt par l’attestation des peseurs que nous serions eu droit de leur faire représenter. Mais dans cette supposition nous aurions l’avantage de leur prouver qu’ils ont encore usurpé et égaré l’opinion publique dont ils se prévalent. Vous avez employé, leur dirions-nous, ou six ou trois mois à cette pêche. Eh bien, optez. Dans (1) Mémoiro des Catalans, page 52. (2) De par le roi, signé : Chardon. Et plus bas, le maréchal de Castries. (3) Mémoire des Catalans, page 63. le premier cas, au lieu de fournir les provisions à notre ville, il est démoniré que vous les lui enlevez. Dans le second cas, puisque vous ne procurez à Marseille que pendant trois mois un aliment qui fait, suivant vous (1 ),une partie considérable de sa subsistance , cessez donc de dire que sans vous (2) cette grande ville manquerait presque de cet aliment essentiel, et convenez (et vous y êtes contraints par la force de la vérité) que Marseille, dont nous sommes les premiers pères, nous doit cet avantage en entier au moins les trois quarts de l’année, qu’elle nous le doit même pendant votre séjour, parce que sans nous et nos appâts, vos palangres n’auraient rien produit, et enlin que nos concitoyens ne retirent d'autre utilité que de nos pêches. Les députés des patrons-pêcheurs de Marseille , Signé : Tournon, prud'homme ; FloüX, ancien prud'homme ; Pünsard, secrétaire-archiviste desdits patrons-pécheurs. Projet de décret et Mémoire au soutien présentés aux comités de commerce et de marine de l'Assemblée nationale , par les députés à Paris, des patrons-pêcheurs de la ville de Mar~ seille. projet de décret. Art. 1er. Les articles 1 et 2 (3) de l’arrêt du conseil du 20 mars 1786 seront exécutés suivant leur forme et teneur; en conséquence, les pêcheurs étrangers établis ou fréquentant les mers de Marseille seront tenus de payer au trésorier des pêcheurs de ladite ville l’imposition dite. demi part (4) à laquelle ceux-ci sont soumis, à la charge, par ledit trésorier, d’en employer le produit à la libération des dettes et charges légitimes desdits pêcheurs, et de rendre public, à la fin de chaque année, son compte par la voie de l’impression, sauf les débats qui seront portés devant la municipalité de Marseille, et jugés en dernier ressort et sans fruit par les officiers municipaux, sans pouvoir, par les pêcheurs soit français, soit étrangers, exciper d’aucun abonnement ni exemption, qui sont de nufie valeur; et, moyennant ladite imposition, les pêcheurs étrangers pourront faire teindre leurs filets à la même teinture, aux mè nés prix et avantages des pêcheurs marseillais, et jouir, à leur tour, comme ces derniers, dans leurs domaines et terrains, de (1) Mémoire des Catalans, page 53, (2) Mémoire des Catalans, page 53. (3) Voyez à la fin les dispositions de ces deux articles. (4) Exemple de la liquidation de la demi-part d’un bateau palaugrier armé de 6 persouues : Le produit de la pêche est pour une semaine de. 601. 10s. Prélèvement pour la dépense ............... 20 v 401.10s. 3 parts pour le bateau, filets, etc. 131.10s. 1 part pour le patron ........... 4 10 4 paris pour 4 matelots à la part. 18 » Demi-part pour le mousse ....... 2 5 Demi-part pour les pêcheurs de Marseille ..................... 2 5 En tout 9 parts Total... 401.10 s. 334 l Assemblée nationale.] la faculté de sécher leurs filets sans payer aucun louage. Art. 2. H sera permis à tous pêcheurs étrangers d’amener leurs bateaux à Marseille et de s’v fixer, après, toutefois, qu’ils se seront fait inscrire , comme les pêcheurs français, au bureau des classes et au greffe de l’amirauté; et, après cinq années de domicile non interrompues, ils seront considérés comme français. Art. 3. Tous les patrons-pêcheurs étrangers et leurs équipages seront assujettis aux mêmes services des pêcheurs nationaux, sans pouvoir, les uns et les autres, exciper de l’exemption portée par les articles 3 et 5 dudit arrêt de 1786, auxquels il est expressément dérogé. Art. 4. Les pêcheurs français et étrangers seront soumis à faire viser, sans frais, le certificat de leur enregistrement aux prud’hommes des pêcheurs de Marseille ou à leur secrétaire, et de le leur représenter toutes les fois qu’ils en seront requis; à défaut ou refus, et en cas de fuite du service, qui pourra être réclamé de leur part pour le port, le commerce et la marine, les prud’hommes feront saisir et confisquer, au profit de la généralité des pêcheurs, les bateaux, filets et agrès des contrevenants ou réfractaires, même à leur retour, le besoin de leur service ayant cessé; à la charge par les prud’hommes, dans tous les cas, de donner sur-le-champ connaissance des contraventions aux commissaires des classes. Art. 5. La vente et la livraison des appâts (1) en mer, à laquelle les sardiniers avaient été soumis depuis 1786, sera entièrement libre, sauf aux pêcheurs palangriers de s’entendre avec eux; et, en cas de contestations, elles seront portées par les prud’hommes et par eux vidées suivant les formes de leur juridiction. Art. 6.11 nesera donné à chaque palangre (2) que 4,800 brasses (3) de longueur et employé tout au plus que 4,800 hameçons (4) au moins, des nos 13 et 14, et la longueur ne pourra être étendue sous prétexte d’une moindre quantité d’hameçons. Il sera libre à tous pêcheurs palangriers de donner à leurs bras de ligne la distance et la longueur qu’ils trouveront convenables, et de diviser la ligne-mère ou principale de leur palangre en lignes particulières de 1,200, 300 et 120 brasses de longueur chacune, pour être placées dans des canestaux (5) ou couffins , à leur choix, de manière, cependant, que celui qui se servira de canestaux ne puisse en porter que 4 de 1,200 chaque, et mmx qui auront des couffins, et 16 de 300 ou 40 de 120 chacun. Artr 7. Les pêcheurs qui usent de filets ne pourront employer que quatre battudes de 80 brasses de longueur et six brasses de hauteur, et 25 tys de 33 brasses chaque, en se conformant pour les lieux où on tendra ces filets aux règlements sur la pêche; et de ne pouvoir s’en servir que pendant la nuit, afin de ne point gêner pen-(1) L’appât est ordinairement ia moitié d’une sardine au moins, qu’on crocliè'e à l’hameçon, et auquel on prend le merlan et autres poissons. (2) Le palangre est une ligne principale, ou un fil fait avec du chanvre à trois brins, d’une longueur déterminée, de laquelle pendent, de distance en distance, de petites lignes nommées bras de lignes, garnies d’hameçons. (3) La brasse est une mesure des pécheurs; elle a cinq pieds et demi. (4) L’hameçon se mesure par lignes, et le chiffre du numéro désigne Le nombre des lignes. (5) Corbeilles [8 décembre 1790.] dant le jour les tartannes et les essangues (1) qui font la pêche. Art. 8. Tous les pêcheurs français ou étrangers seront tenus de représenter, toutes les fois qu’ils en seront requis leurs palangres et filets aux prud’hommes, pour vérifier et reconnaître leur longueur et leur hauteur. Art. 9. Il sera loisible aux pêcheurs palangriers de s’établir en dedans ou hors l’enceinte de Marseille, de sortir du port ou du lieu de leur établissement, pour aller à la pêche tous les jours et aux heures qu’ils trouveront à propos, à l’exception toutefois des dimanches et fêtes, où ils ne pourront mettre en mer qu’en partant du port de Marseille au soleil couchant, et lorsque le fanal des pêcheurs sera éclairé. Art. 10. Aucun pêcheur ne pourra pêcher à la lumière, ni au feu, ni faire aucune autre pêche reconnue destructive de l’espèce; et de plus, les palangriers ne pourront caler en pendis (2), pendant la nuit, ni dans les abissi (3) et se servir d’instruments et d’appâts prohibés. Art. 11. Tous tes susdits articles seront observés par lous les pêcheurs, sous les peines portées par les règlements sur la police de ia pêche. mémoire. Déjà les sentiments qui nous dirigent sont connus ; divers écrits, anciens et modernes, en déposent, et ont dissipé depuis longtemps les déclamations qu’on s’est permises contre nous. Nous n’avons cessé de demander contre les pêcheurs étrangers égalité de droit, égalité d'obligation. Plus de soixante années de procédure n’ont pu nous en faire jouir; cinq arrêts du conseil ont même été insuffisants et illusoires; et nous eussions desespéré de nos réclamations, abandonné bientôt une profession qui soutient le service de la marine, si la Révolution de la France n’eût abattu l’intrigue et le despotisme dont nous avons été et lesjouets et les victimes, et qui détruisaient chaque jour, au mépris des lois, notre utile existence eu faveur des pêcheurs étrangers accourus dans nos mers, fuyant souvent le service de leur pays pour ne porter que des préjudices à lu nation qui les accueillait. Nos précédents écrits constatent la triste diminution des matelots (4), qu’a occasionnée en majeure partie i’introduction en France des pêcheurs étrangers, toujours plus favorisés que nous. Marseille ne l’a pas seule éprouvé. Tous les autres ports de la Méditerranée, depuis le nôtre jusqu’à Antibes et depuis Coilioure jusqu’à Marseille, en ont ressenti les cruels effets (5). Ce n’est donc pas seulement notre cause particulière que nous défendons, c’est encore celle de tous les autres pêcheurs de ia Méditerranée ; c’est celle en (1) Espèces de bâtiments de pêche de la Méditerranée et particulièrement de la ville de Marseille. (2) C’est tendre le palangre entre deux eaux. (3) Abissi ou abymes : c’est ainsi que les pêcheurs appellent un réservoir à huit lieues de Marseille, au large ou en pleine mer, ayant une profondeur extraordinaire, où les merlans et les autres poissons se mettent à l’abri du mauvais temps. (4) Voyez le mémoire sur la juridiction, dénombrement de Marseille, 1776 et 1785. (5) Voyez entre autres les attestations des pêcheurs de Martigues et de la Ciotat, villes sur les bords de la Méditerranée. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 déeembre 1790.] 333 un mot, de toute la marine du département de Toulon. De tous les pêcheurs étrangers, nous n’avons qu’à combattre le' Catalans palangriers, qui prétendent avoir donné les premiers chefs à notre juridiction (1). Serait-ce parce que nous avons des anciens titres dans leur idiome; mais que ne se jactaien t-ils aussi d’avoir produit les premiers officiers publics : car dans leur temps on ne parlait et on n’écrivait à Marseille qu’en catalan. Ils ont longuement écrit pour prouver qu’ils étaient des pêcheurs habiles et intrépides, et qu’ils procuraient seuls l’abondance du poisson à Marseille. Nous avons détruit par leurs propres aveux (2) cette dernière prétention ; et nous aurons le même avantage à réfuter la première. Intrépides, disen t— ls avec le calme sans doute ; car ne conviennent-ils pas qu’il leur est impossible de résister au mauvais temps, en disant qu’ils n’ont que de frêles bateaux de la portée de trois tonneaux , 'peu profonds, n'ayant qu'un seul mât qui est très long, et une voile extraordinaire. Aussi en pareil cas, lorsque nos pêcheurs badinent sur les mers, les voit-on garder l’anse de l’ancien Lazaret, ou ils logent à Marseille, à moins que les vents orageux ne les surprennent à la pêche, et alors faut-il bien qu’au péril de leur vie, ils cherchent à aborder au port. Habiles : il n’y a certainement aucune science à faire la pêche à la ligne; un montagnard en saurait autant en une heure, que le palangrier le plus consommé. La pêche qui exige des connaissances est sans contredit celle des filets, et ce n’est pas celle que les Catalans possèdent, surtout aussi multipliée que nous (3). D'abord, il faut savoir monter toutes les espèces de filets, et quelle est la largeurdes oudres ou madles prescrites et nécessaires pour prendre telle ou telle autre qualité de poisson ; il faut ensuite connaître les fonds pour éviter les rochers. Mais cessons de nous occuper de toutes ces différences, etem pressons-nous de remplir l’objet renvoyé aux comités de la marine et du commerce (4), et auquel est attachée l’existence de nos commettants moins encore que 1 intérêt de la murine. Nous n’examinerons pas si l’avantage de la France exigerait d’exclure entièrement les pêcheurs étrangers de nos eôies; peut-être en re-connaîira-l-ou un jour la nécessité ; mais nous ne cesserons de sMiiciier avec la plus entière confiance la cessation des exemptions dont ils jouissent, et dont Us nationaux sont privés, et de soutenir en même temps que la conservation de la pèche, celle des matelots, et la paix parmi les pêcheurs, demandent que les étrangers soient soumis aux mêmes procédés que nous. Si Légalité forme la hase de notre projet de décret, s’il se concilie avec les principes de l’Assemblée nationale, le dire des pêcheurs étrangers eux-mêmes, et les conventions qui les lient à la France, nous aurons démon ré la justice de nos réclamations, et nous ne pouvons plus douter de leur succès. L’article premier de ce projet tead à soumettre (1) Page 10 du mémoire des Catalans. (2) Voyez nos observations sur le préjudice que cause à Marseille la pèche du palangrc. (3) Page 37 du mémoire des Catalans - (4) Voyez le recueil manuscrit des lois de notre pêche, remis au comité. (5) Décret de l’Assemblée nationale du 1er septembre. les pêcheurs étrangers aux mêmes impositions que nous. Une pareille obligation n’aurait pas besoin d’être justifiée, par cela seul qu’elle est fondée sur la plus parfaite égalité ; mais elle est encore légitimée d’abord envers les Catalans par la convemion (1) passée à la suite du pacte de famille, et qui porte, article 3 : qu'ils seront assujettis aux mêmes lois, statuts et pragmatiques que les pêcheurs nationaux; ensuite contre tous les pêcheurs étrangers, génériquement par une foule d’arrêts qui datent de l’année 1728, qu’ils ont eux-mêmes exécutés pendant trente-huit ans consécutifs, et qui n’ont pu être affaiblis par une interruption ministérielle (2). Cet article premier porte également la suppression de tous abonnements et exemptions; mais elle est une suite nécessaire de la première disposition, sans quoi il n’existerait point d’égalité; et d’ailleurs nous allons en démontrer toute la justice. I. — Sur l' abonnement. L’article premier de l’arrêt du conseil del786 soumettait les pécheurs étrangers aux mêmes impositions que les pêcheurs de Marseille, sans que lesdits pêcheurs étrangers pussent, en aucun cas, exciper de l’abonnement de trois livres par mois, fait par le commissaire départi en 1776. Nous avons fait connaître (3) ce que nous valut cet arrêt avant et après sa naissance. Avant : no3 prud’hommes furent mis en char-tre privée à Paris, et obligés de vider la ville sans pouvoir faire entendre leurs plaintes contre l’attribution surprise, accordée provisoirement en 1776 au commissaire départi, de toutes les affaires ou les pêcheurs étrangers seraient parties. Après : le tribunal de l’amirauté de Marseille se permit de surseoira l’exécution dudit arrêt; mais sa surséance fut cassée, arec défense d'en rendre à V avenir dépareille, à peine d'interdiction. Ce ne fut pas là le terme des contraventions auxquelles nous fûmes livrés. Le sieur Chardon fut envoyé à Marseille, en qualité de commissaire départi, pour tenir la main à V exécution de cet arrêt. Sa conduite était clairement tracée dans celte disposition ; il ne pouvait point accorder d'abonnements ; cependant il lâcha un de par le roi, signé par lui, et par Monseigneur de Saint-Julien , et abonna aux étrangers leurs impositions à quatre livres dix sous par mois. Le sieur Chardon pouvait d’autant moins se permettre cet abonnement, que, d’une part, il n’avait pas le droit de rendre illusoires les dispositions d’un arrêt, qu’un arrêt seul pouvait révoquer, ni de faire revivre entre les pêcheurs étrangers et nous cette ligue de démarcation que l’arrêt avait voulu brLer; et que, d’un autre côté, il dit dans son de par le roi , que c’est sous lebon plaisir de Sa Majesté : plaisir qui ne nous a jamais été manifesté; de manière que les pêcheurs étrangers ont joui jusqu’à ce jour de l’exemption d’une partie de leurs impositions, par cela seul que le sieur Chardon le voulut malgr é l’arrêt. II. — Sur V exemption. Elle fut établie pour trois ans par l’article 3 de l’arrêt du conseil de 1786, en faveur des étrangers et des pêcheurs français palangriers. (1) 1768. (2) M. l’intendant en Provence etM. Chardon. (3) Voyez notre mémoire sur la juridiction. (4) Pages 53 et suivantes, mémoire des Catalans. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790.] 336 [Assemblée nationale.] Mais elle fut accordée inconsidérément, et contre tous les principes de justice. Inconsidérément , elle privait la généralité des pêcheurs de la majeure partie des impositions, sur le produit desquelles est fondé le payement de leurs charges et de leurs engagements. Contre tous les principes de justice. H est convenu que le palangrier ne peut faire sa pêche sans les appâts qui lui sont fournis par les pêcheurs sardiniers, et cependant on l’exemptait pendant trois ans de ces impositions, tandis que le sardinier , bien plus favorable, y restait soumis. Pour justifier la conduite irrégulière du commissaire départi, les pêcheurs étrangers prétendent que cette imposition, dite demi-part , est oppressive, vexaloire, injuste et abusive. Oppressive. 1° Depuis 1728, nos pêcheurs la payent sans réclamation; et depuis 1738 jusqu’en 1776, les pêcheurs étrangers l’ont eux-mêmes acquittée sans se plaindre; 2° elle est si peu oppressive qu’elle est conformeaux principes de l’Assemblée nationale, car cette imposition, d’après les Catalans (l), est une portion de bénéfice sur te produit delà pêche , que fait chaque bateau pêcheur, et qui es t partagé chaque semaine. Or, si c’est une portion de bénéfice, elle ne peut pas être oppressive, puisque celui qui ne gagne rien ne paye rien. Vexatoire. Le poisson passe sous le poids, le prix est établi, les peseurs en délivrent une attestation ; et c’est sur sa représentation, à laquelle on doit ajouter foi, aux dépenses connues de la pêche, qu’est due la liquidation et le payement de la demi-part, lorsque la fraude est soupçonnée; autrement, et c’est presque toujours, on s’en rapporte à la déclaration du payeur, et on n’exige même de lui aucun détail, surtout lorsqu’il ne s’est jamais fait suspecter avec fondement. Injuste. Moins envers les pêcheurs étrangers u’envers nous, car nos engagements ne procè-ent que des poursuites judiciaires, qu’a nécessité, de notre part, l’introduction impolitique et meurtrière pour notre marine, des pêcheurs étrangers et leur injuste résistance, à la même police, aux mêmes taxes et procédés que nous. Abusive. Elle ne peut pas l’être par l’obligation imposée au trésorier d’employer le produit des impositions à la libération des dettes et charges légitimes des pêcheurs, de rendre public, par la voie de l’impression, le résultat de son compte à la fin de chaque année, et de le soumettre aux débats des parties intéressées et au jugement de la municipalité. Les autres dispositions de l’article premier du projet de décret, qui donnent la faculté aux pêcheurs étrangers de faire teindre et sécher leurs filets comme nous, ne peuvent être susceptibles de critique ; s’ils payent les charges de la profession, il est juste qu’ils en partagent les avantages. Le sieur Chardon dans son de par le roi, les avait soumis à supporter le loyer de l’emplacement qu’il nous obligeait de leur donner pour faire sécher leurs filets, sur le pied de la fixation qui en serait faite par l’intendant en Provence; mais, 1° il abusait singulièrement de ses fonctions, en déléguant lui-même un commissaire départi, en nous enlevant le droit de traiter de gré à gré sur ce loyer avec les pêcheurs étrangers, en dépouillant les tribunaux ordinaires, et en nous distrayant de nos juges naturels ; 2° nous sommes bien aises de prouver à la nation, que nous avons plus à cœur que le sieur Chardon, l’intérêt de la marine qu’il avait eu l’air de défendre; que nous sommes plus justes que ce commissaire départi en nous prêtant honorablement à une affiliation, que les circonstances, moins que la politique et l'accroissement des véritables matelots de l’Etat, paraissent exiger. L’article 2 oblige les pêcheurs étrangers à se faire inscrire avec leurs équipages au bureau des classes; et le faut-il bien, puisque les pêcheurs nationaux y sont et y ont toujours été soumis. Il y a plus, c’est que cette formalité est encore à leur égard indispensable pour connaître et le nombre et le nom de ces pêcheurs étrangers, afin de pouvoir les trouver, si jamais ils se permettaient de troubler la tranquillité publique. Cet article admet à devenir Français ceux qui auront un domicile non interrompu de cinq années; et certes on ne saurait critiquer une disposition toute favorable aux étrangers, et également conforme à nos principes. L’article 3 assujettit les pêcheurs étrangers aux mêmes services des pêcheurs français. Les Catalans doivent trouver leur obligation, et la nation française sa justification envers l’Espagne, écrites et consenties respectivement dans la convention de 1768. Cette soumission est d’autant plus nécessaire, que lors des levées des matelots chez nos voisins, le nombre des pêcheurs étrangers augmente à Marseille. Ce serait donc vouloir les attirer tous en France, priver de leurs bras nos alliés, sans utilité pour nous, et ruiner nos pêcheries que d’exempter les pêcheurs étrangers de l’enregistrement et de l’inscription sur les rôles de nos levées, tandis surtout qu’en Espagne on ne reçoit des pêcheurs français qu’ils ne soient immatriculés ou pour mieux dire naturalisés (1). Cet article troisième supprime l’exemption continuelle accordée aux patrons palangriers, exemption étendue à nos pêcheurs de 1$ même classe, et pendant les deux premières levées, à leurs équipages (2). Mais cette exemption irréfléchie et impolitique, ne tendait rien moins qu’à priver entièrement de matelots l’administration des classes de Marseille, parce que tous les pêcheurs se seraient livrés au palangre qui avait une franchise, de préférence aux autres pêches existantes sous le poids du service. Qui ne voit que cette exemption fut injuste envers les sardiniers, sans lesquels ne serait absolument rien la pèche du palangre, qu’on avait crue utile et qu’on voulait favoriser I Qui ne voit encore que le grand intérêt de la nation exigeait de ne point diminuer à la marine les bras que la pêche lui fournit! L’article 4 assure aux pêcheurs sans distinction l’égalité dans leurs services, et à la nation l’exécution d’une formalité véritablement utile pour elle. Ne pas en donner l’inspection aux prud’hommes, surveillant et suivant de nuit et de jour tous les pêcheurs, serait abandonner les rôles aux abus et aux prédilections des bureaux agissant jusqu’à présent, par un intérêt contraire à celui de la pêche et de la marine, ou dans l’impuissance de découvrir la retraite et suivre les pas des fuyards. (1) Voyez nos observations au soutien du projet de décret sur la poliee de la pêche française. (2) Articles 3, 4 et S de l’arrêt de 1786. (1) Page 59, mémoire des Catalans. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790.] La saisie des bateaux et filets de ceux qui éluderaient le service, est certainement nécessaire; nul ne doit jouir de l’avantage d’un Etat, lorsqu’il refuse d’en supporter les charges et d’en observer les lois. La confiscation est l’indemnité de ceux qui suppléeraient les fuyards au service ; la prononcer au profit de tous les pêcheurs, c’est se conformer aux règles exactes de la justice. L’article 5 rétablit la liberté dans la livraison des appâts. Nous avons vu de quelle manière et par quelle voie s’opéra l’abonnement des impositions accordé aux pêcheurs étrangers ; cet acte d’autorité ne fut pas le seul dont nous frappa le commissaire départi. Il nous soumit à livrer en mer, à un prix déterminé , nos sardines aux pêcheurs palangriers, sans les obliger à leur tour à les recevoir ; il nous força de leur vendre notre poisson, et n’ordonna pas aux pêcheurs étrangers de nous livrer le leur. Bientôt un nouveau de par le roi , signé le maréchal de Cas tries, changea le mode de la fixation du prix des appâts (1); mais il laissa subsister le vice de l’obligation qui nous avait été imposée par l’homme, non par la loi, et contre le droit des gens, puisqu’elle fut sans une juste réciprocité, qui seule légitime tous les engagements. Nous avons vu aussi que cette soumission fut prononcée contre l'utilité publique (2) : elle le fut encore sans nécessité; car depuis quarante-huit ans les palangriers catalans faisaient leur pêche, et s’entendaient avec nous sans réclamations et de bonne foi sur le prix et la livraison des appâts. Nous allons maintenant démontrer que la livraison ainsi ordonnée était impraticable : 1° Le prix des appâts devait absolument dépendre du plus ou moins d’abondance du poisson, du jour et de l’heure du marché. Or, le sieur Chardon n’avait pu fixer ce prix d’une manière invariable, sans livrer le fournisseur et l’acheteur des sardines à une perle à laquelle il ne pouvait point les exposer sans les contraindre ; 2° On n’eut pas plus de droit pour le mete de celte fixation d’indiquer le cours du marché , parce que ce cours ignoré en mer, où la livraison s’effectuait, nous obligeait à un crédit qui ne peut naître que de la confiance, et qu’on ne pouvait sans injustice nous forcer de faire à des étrangers sur leur parole, et par conséquent avec des risques, à des étrangers qui viennent nous ravir (nous tranchons le mot) notre propriété, car les mers sont aux pêcheurs ce que les terres sont aux laboureurs ; à des étrangers enfin qui se ressemblent tous, qui sont anonymes , qui pourraient nous tromper, surtout peudant la nuit, et dont nous avons été souvent les dupes. Il ue restait d’autre parti que de soumettre les palangriers hors de l’enlèvement des appâts, à garnir les mains du sardinier d’une somme quelconque ; mais ce moyen n’était pas moins vicieux. En diminuant la perte du vendeur, il laissait subsister entre lui et l’acheteur des motifs de discorde qu’auraient fait naître la plus ou la moins-value, et l’heure de la livraison sur laquelle on n’eût pas prévenu les contestations, (1) Il ordonna que ce prix serait déterminé le premier et le troisième dimanche de chaque mois, d’après le cours du marché. (2) Voyez nos observations sur le préjudice do la pêche du palangre. l" SÉRIE. T. XXI. 337 le sieur Chardon ou le ministre eussent-ils fait distribuer une montre à chaque pêcheur. Celte livraison forcée nous empêchait enfin de faire le compte du produit de notre pêche, et de le répartir à la fin de chaque semaine à nos matelots qui t’attendent avec impatience pour payer leur pain et celui de leurs enfants ; mais nous ne pouvions plus payer avec exactitude les impostions; de là nos équipages désertaient, nos créanciers généraux souffraient de leurs pensions, et nous ne vîmes plus dans cette injuste obligation que la misère et le désespoir. Nous le demandons, était-ce là cette reconnaissance que la nation nous devait, la récompense du sang que nous venious de répandre pour elle à la dernière guerre, où nous avons perdu sur 2,400, plus de 1,500 hommes (1) ! Aussi les ordres arbitraires exciteront nos plaintes, et éprouveront des obstacles; mais dix de nos pêcheurs furent victimes d’une juste ré-si-t mce, et emprisonnés par lettre de cachet. Après leur détention, ils osèrent en demander les motifs au ministre, et la menace d’une séquestration encore plus violente nous réduisit au silence. Ainsi donc, sous tous les rapports, L’article 5 ne peut manquer d’être adopté; les ordres ministériels sont intolérables, et la livraison doit être libre; elle n’a pu ni dû jamais être fondée que sur la volonté respective et la bonne intelligence qui doit régner parmi les pêcheurs; et on eu eût vu les effets si le commissaire Chardon n’eût totalement détruit les premiers signes de l’égalité que nous annonçait l’an êt de 1786, et n’eût déchargé les pêcheurs étrangers des obligations que cet arrêt leur imposait avec une foule d’avantages. L’article 6 règle la longueur de la ligne-mère du palangre à 4,800 brasses, et à 4,800 le nombre des hameçons. 1° Nous ne pouvons mieux justifier cette première disposition, que par les propres expressions des pêcheurs catalans. Le motif , disent-ils, est autant évident que sage (2) : c'est, ajoutent-ils, pour favoriser la concurrence entre tous les pêcheurs palangriers, et prévenir que les uns n'occupent un espace trop considérable de la mer au préjudice et à l’exclusion des autres. 2° Sa nécessité par les aveux de ces pêcheurs, car quelque fidèles qu'ils soient , suivant eux , aux lois de tous les pays où ils vivent (3), ils ne dissimulent pas leurs contraventions à la sagesse de cette fixation , eu déclarant qu'ils augmentent quelquefois d’un neuvième l'étendue des brasses (4). La seconde disposition, qui fixe le nombre des hameçons à 4,800, n’est pas susceptible de la critique des Catalans, puisqu’ils avouent qu'ils n’en emploient tout au plus que 3,000 (5). Le même article 6 détermine encore la grosseur de l’hameçon. Il doit être au moins de 13 ou 14. Ceux d’uu numéro inférieur sont interdits, parce qu’ils sont si petits qu'ils sont à la portée des menus poissons, et conséquemment destructifs de l’espèce. Ils doivent donc être également prohibés aux pêcheurs étrangers qui eu justifient eux-mêmes la nécessité; car ils disent (1) Voyez les dénombrements, en 1776 et en 1786, des pêcheurs de Marseille. (2) Voyez page 33, mémoire des Catalans. (3) Voyea page 2, mémoire des Catalans. (4) Voyez page 37, mémoire des Catalans. (5) Voyez page 38, mémoire des Catalans. 22 [Assemblée nationale»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 décembre 1790.] 3S8 que V expérience leur apprend que lorsqu'un petit poisson se prend à l'hameçon, il en vient bientôt un gros qui veut l’avaler, qui s'y prend lui-même (1). Or, s’ils prennent du petit poisson, et si petit qu’un autre l’avale, il est évident qu’ils emploient des hameçons au-dessous des numéros permis : il est évident qu’ils détruisent l’espèce, et il est indispensable deles soumettre comme nous à n’employer que des hameçons au moins des numéros 13 et 14, qui est notre plus petite espèce. Au reste, ici ils avouent qu’ils prennent du petit poisson (2); ailleurs, ils ne veulent en prendre que des gros. Que conclure donc de cette contradiction, si ce n’est que ces pêcheurs sont indignes de foi, et qu’il est toujours plus urgent deJes soumettre à la même police et aux mêmes procédés que nous. Le même article leur défend de donner une plus grande extension à leur ligne-mère sous prétexte d’une moins grande quantité d’hameçons; et cela est juste, parce que ce n’est jamais le nombre, de ces instruments de pêche, dont la plupart ne sont point productifs, mais la longueur de la ligne qui favorise la concurrence des pêcheurs palangriers. L’arrêt du conseil de 1776 ordonnait : 1° que les bras de ligne seraient placés sur la ligne-mère à la distance d’une brasse les uns des autres. Les habiles palangriers catalans, ces singuliers pourvoyeurs de poisson, qui en consomment plus pour leurs appâts qu’ils n’en envoient au marché, ont prétendu que cette règle avait des inconvénients. Eh bien, l’article 6 leur donne toute liberté : nous ne pouvons donc avoir avec eux aucune contestation à cet égard; 2° Que les lignes-mères et particulières des pa-langres seraient placées dans des cabas ou couffins, en sorte que celui qui aurait des cabas n’en eût que quatre, renfermant chacun 1,200 hameçons, et celui qui aurait des couflins n’en eût que 16, renfermant 300 hameçons. Cette forme était necessaire pour vérifier et constater la fraude avec facilité; car le paiangre est arrangé en diverses parties dans ces cabas ou couffins, de manière que les hameçons accrochés à l’entour se touchent et peuvent être comptés au doigt et à l’œil. Les pêcheurs catalans ne cessaient de crier que cette forme les gênait, quoiqu’elle fût établie par un arrêt qu’ils invoquent avec enthousiasme, et ils ne s’y soumirent point, eux qui prétendent être fidèles aux lois de tous les pays où ils vivent. Mais fallait-il au moins fixer les caractères auxquels on devait reconnaître la contravention ; entin, ils nous ont appris que leurs couffins avaient 1,200 brasses : eh bien, cet article 6 du projet de décret porte qu’ils ne pourront en avoir que 400, qui ferout ensemble 4,800 brasses prescrites, pour favoriser la concurrence, et s’ils se récrient, qu’ils s’en prennent à eux-mêmes, car la fixation de leurs couffins leur appartient (3). L’article 7 n’est point pour les pêcheurs à la ligne ou les palangriers catalans; il ne regarde que les pêcheurs qui usent de filets. L’arrêt de 1786 avait été rendu pour favoriser la pèche nationale ; le sieur Chardon était venu à Marseille pour tenir la main à son exécution. On a vu de quelle manière ce commissaire départi se conduisit et pour les impositions et pour (1) Voyez page 49, mémoire des Catalans. (2J Voyez page 46, mémoire des Catalans. (3) Voyez page 37, mémoire des Catalans* les appâts, etc., etc... Il ne voulut pas nous lais _ ser en si beau chemin. Une de nos ordonnances de 1557 veut que les patrons de battudes ne pourront porter que quatre rêts de 80 brasses de long chacun, à peine d’un louis d'or d’amende, et de confiscation du poisson. Deux autres ordonnances des 12 mars et 1er juillet 1617 fixent à 26 pièces de 33 brasses le nombre des tys. Ce n’est pas assez de nous avoir sacrifié aux palangriers catalans, le sieur Chardon nous immola encore aux pêcheurs avec de tels filets ; il porta le nombre des battudes au double, et celui des tys, à 35. « Rien ne peut justifier cette augmentation subile ; ceci ne tient pas au procédé de la pêche. Les étrangers n’ont pas la ressource de dire que telle est leur manière de pêcher, qu’ils ne peuvent ou ne savent pas faire autrement. Le nombre des pièces des filets n’a rien de commun avec l’usage qu’on en fait. Nos pêcheurs ne portent que 4 battudes et 25 tys, et ils ne profiteront jamais de la faculté que le sieur Chardon leur donna, ainsi qu’aux étrangers d’en avoir davantage, parce qu’ils en connaissent les inconvénients. « Nos anciens eurent de bonnes raisons lorsqu’ils limitèrent le nombre des pièces de battudes et de tys que les pêcheurs pouvaient porter. Us voulurent que le plus riche ne pût envahir tout l’espace, et priver celui qui aurait moins de moyens pécuniaires, de l’avantage de faire la pêche. » « C’est aujourd’hui, plus que jamais, le cas de soulager nos pauvres pêcheurs qui manquent de moyens, et il ne faut pas que ceux qui ne peuvent se procurer un plus grand nombre de filets, soient écrasés par les pêcheurs étrangers qui ont des facilités et des moyens qui nous manquent. Ils tirent de leur pays, où le cüanvre est plus abondant et à meilleur marché, les fils que nous n’obtenons à Marseille qu’à des prix excessifs. Ils ont presque tous dans leur patrie des compagnies et des croupiers qui viennent à leur secours, et nos pêcheurs, pauvres encore, accablés par les dettes contractées par leur famille pendant la dernière guerre, ne pourraient soutenir la concurrence, si cette augmentation de filets subsistait. Dans le fait, il n’y aurait que les étrangers qui pourraient en profiter, puisque les moyens mauquent aux nationaux. Eux seraient les maîtres de la mer : nous serions obligés d’abandonner notre poste, et par une conséquence nécessaire le but de la nation serait manqué. Nous avions la concurrence et l’équilibre assurés, nous en jouissions depuis des siècles : le sieur Chardon arrive, et en un instant il renverse notre sage Constitution, il abroge tous nos règlements à notre préjudice, et pour l’avantage seul du pêcheur étranger. 11 est évident que nos ordonnances se rapprochent mieux, que les ordres du commissaire départi, des principes de l’égalité et des facultés ordinaires des pêcheurs. Aussi, nous ne pouvons imaginer que le changement apporté parle sieur Chardon subsiste et que la réduction que nous avons faite du nombre des battudes et tys, dans son premier état, puisse souffrir des difficultés. Ce septième article renferme encore deux autres dispositions qu’on devrait croire justifiées, puisque le sieur Chardon les renouvela. Mais il faut instruire et convaincre qu’elles sont de toute justice. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [8 décembre 1790.] La première de ces dispositions oblige tous les pêcheurs de se conformer, au lieu où on tendra lesdits filets, aux règlements sur la pêche. Art. 1er. Sur les battudes (1). « Nous avons une foule de délibérations et d’ordonnances, qui datent depuis 1458, sur la police de cette pêche.» < Les uns règlent les lieux où il est permis de la faire, les estancis ou stations ; les autres défendent de croiser les blets calés. Il en est qui prescrivent les précautions à prendre par les pêcheurs, qui les premiers arrivés aux postes ou stations doivent les marquer, pour que d'autres pêcheurs ne viennent pas les occuper à leur préjudice (2). « Le premier bateau arrivé dans un estancis choisit le poste qui lui convient, et les autres en fontdemême, toujours dans l’ordre de leur arrivée. Après que tous les postes de V estancis sont pris, ceux qui arrivent sont obligés d’aller à un autre poste, s’ils n’aiment mieux caler leurs blets plus au large que les postes marqués, après cela on fait dans l’estancis un cri public, pour annoncer les postes des divers pêcheurs qui s’y trouvent, et c’est ce qu’ils appellent debourga. « Cette publication se renouvelle tous les jours, et dès que les pêcheurs ont tiré leurs blets, ils s’efforcent de voguer les premiers à l’estancis, c’est ce qu’ils appellent raquatta, pour jouir du privilège du choix. Les étrangers ne respectent aucune de ce3 lois justes et nécessaires, ils calent malgré nous contre les droits de notre primauté, ils croisent nos blets en disant que la mer est libre, et qu’on ne peut les empêcher de prendre le poste. « Mais, cette liberté de la mer est précisément la raison qui a déterminé cette règle en faveur de la primauté. Nos ordonnances et nos usages sont eu cela conformes à toutes les lois maritimes, et notamment à l’article 9 de l’ordonnance de la marine, au titre des diverses espèces de rôts ou filets. Faisons défense, dit cetarticle, aux pécheurs qui arriveront à la mer , de se mettre et jeter leurs filets en un lieu où ils puissent nuire à ceux qui se seront trouvés les premiers sur le lieu de la pêche, ou qui l'auront déjà commencée : à peine de tous les dépens, dommages et intérêts, et de 50 livres d’amende. » « La même ordonnance, au titre de la pêche du harang, article 2, porte que lorsqu'un équipage mettra ses filets à la mer pour faire la pêche, il soit tenu de les jeter dans une distance de cent brasses, au moins, des autres bateaux. » « La faveur accordée au premier occupant, le droit de choix, sont encore conbrmés par tous les articles, au titre de la pêche des morues, et d’une manière bien formelle. C’est le premier arrivé aux côtes de Terre-Neuve qui a le choix et qui peut prendre l'étendue du galet qui lui sera nécessaire. U est défendu à tous maîtres et mariniers de troubler les autres dans le choix qu’ils auront fait : à peine de 500 livres d'amende. « Nous avons donc l’avantage de voir que (1) « On cale les battudes dans les fonds d’algue ou de vase. On les jette à la mer en serpentant, de sorte que ces filets forment une espèce de labyrinthe, d’où le poisson ne peut sortir sans s’emailler, une fois qu’il y est entré. A chaque bout de ces iilets il y a une corde assez longue, à l’extrémité do laquelle on place plusieurs pièces de liège. Cette corde flotte et surnage toujours. Elle sert à retrouver les filets. On l’appelle aussière on signal. On cale ces filets à l’entrée de la nuit, et le sigual sert à les retrouver lorsqu’on les retire à la pointe du jour. (2) Voyez à la fin les ordonnances sur les battudes, avec l’ancien texte. 339 nos ordonnances et nos règlements particuliers, bien plus anciens que l’ordonnance de la marine (1681), sont dictés par le même esprit, et ne présentent rien de contradictoire avec la police générale de la pêche. » Mais il est encore essentiel de faire connaître la nécessité qu’il y a pour tout pêcheur de battudes d’aller d’abord raisonner à l’estancis, parce que c’est là que, dans l’ordre de leur arrivée, les pêcheurs choisissent le poste, le lieu où ils vont caler, et que l’un ne peut entreprendre sur le choix de l’autre. C’est au moment de l’espèce de ban qui s’y publie, que chacun fait son choix, toujours dans l’ordre de l’arrivée à l’estancis, et on ne doit pas confondre le droit du premier occupant à la mer, avec le droit du choix qu’on fait à V estancis : c’est là que se règle la division des pêcheurs, et nous voyons que cet usage est eu tout conforme à l’ordonnance de la marine, au titre « la pêche des morues. » « Un autre inconvénient à prévoir est celui de l’occupation des postes, lorsque les bateaux pêcheurs ne sont poin t entrés dans le port le dimanche. Le choix ne vaut que du lundi au samedi, encore faut-il chaque jour observer, ce que nous avons déjà dit, venir à l’estancis pour suivre l’ordre de l’arrivée dans le choix des postes où les blets doivent être placés le soir, sans quoi le pêcheur tardif perd son rang, et il est obligé d’aller caler plus au large, ou d’aller raisonner à un autre estancis pour prendre un nouveau poste; et quand nous disons que dans co cas le pêcheur qui trouve les postes de l' estancis occupés, peut caler plus au large, cette faculté n’est point sans bornes. Elles sont fixées par nos usages, constamment observés et fondés en raison. Nos pêcheurs ne peuvent occuper que deux postes, en avant l’un de l’autre, et celui qui est le plus au large, s’interdit de mettre un signal à la sommité la plus avancée de son blet, par ce motif, qu’en laissant aux pêcheurs la liberté de caler ainsi à la ble, et toujours en avant, ils occuperaient tout l’espace du golfe, ou du moins les signaux avancés ne manqueraient pas de porter préjudice aux pêcheurs sardiniers, dont les blets allant, comme on dit, entre deux eaux, au gré des courants, seraient déchirés et mis en pièces par les signaux des battudes, qui venant à être rencontrés par ies filets du sardinier en sens contraire ; l’effet de la pression du signal et de la corde est de nécessité la perte du blet qui se croise. » « Il ne faut pas croire que l’existence de ces signaux soit nécessaire d’une manière absolue, et tenant d’une manière absolue aux procédés de la pêche. Ce n’est qu’un moyen plus commode de retrouver le blet, et on peut y parvenir facilement sans signal extérieur au moyen du cram - pin, qui est un instrument en fer, avec lequel nos pêcheurs raccrochent le filet qui est tendu au fond. » Art. 2. Sur les tys. — On fait, avec cette espèce de filets, la pêche de loutes sortes de poissons, et principalement des jerles (1), qui n’abordent nos côtes que dans une certaine saison de l’année, principalement dans le mois de juin. Les jerles se reposent sur des fonds d’algue, où ces poissons trouvent une nourriture convenable, où ils reposent leur frai; et comme ils ne s’écartent guère de certains endroits connus pour être le dépôt ordinaire de cette espèce de poisson, il (1) Nos pêcheurs, dans leur idiome, les appellent les cagatèles. 340 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 de'cembre 1790.] faut nécessairement que tous les pêcheurs qui emploient les lys, et qui veulent faire la pêche des jerles, calent leurs filets dans le même endroit; le peu d’espace ne leur permettrait pas de les caler à la file horizontalement, et ils dépasseraient l’espèce de réservoir où ce poisson est amassé. Il faut donc nécessairement caler les tys en perpendiculaire, et voici comme on procède ou comme on doit procéder : Le premier bateau arrivé au lieu de la pêche, met ses tys à la mer et le plus près du fond qu’il lui est* possible ; le second cale au-dessus, et ainsi des autres. On laisse ainsi les tys calés du soir au matin, et il est sensible que pour les tirer dans le bateau, il faut user du procédé inverse à celui pratiqué, pour mettre les filets à l’eau, sans quoi celui qui est au-dessous, s’il était retiré le premier, entraînerait les autres, qui sont au-dessus, ils se croiseraient, et les filets seraient perdus ainsi que la pêche. Pour prévenir ces inconvénients, on observe que le pêcheur qui a mis ses filets au-dessus et le plus près de la surlace de h mer, les retire le premier; les autres en font de même: de sorte que le premier calé est le dernier retiré. La dernière disposition de l’article 7 du projet de décret défend aux pêcheurs des battudes et tys de tendre leurs filets pendant le jour, afin de laisser aux Tartannes ou Eissaugues , la liberté de faire leur pèche. Jamais une prohibition ne fut plus nécessaire pour maintenir l’égalité entre tous les pêcheurs, tous doivent jouir des mêmes mers ou des mêmes postes ou stations : les Tartannes ou Eissaugues, qui ont les équipages les plus nombreux, et qui, sous ce point de vue, sont plus particulièrement utiles à la marine, n’ont que des filets traînants (1). Ils ne pourraient donc pas les placer au même lieu où l’on tend les autres filets, parce qu’ils les uéchiieraieiit et endommageraient aussi les leurs, et c’est ce qui a fait établir, avec juste raison, que les Tartannes et Eissaugues travailleraient le jour aux fieux où il y a des stations convenues juqu’au soleil couchant, où doit commencer la pêche des autres filets. Cet article 7 est donc, dans toutes ses dispositions, fondé en justice ; c’est de son exécution que dépend la conservation de la pêche, et la paix parmi les pêcheurs. Les étrangers ne peuvent demander rien de plus que d’être en société avec nous. Art. 8. On vient de voir que les deux articles précédents déterminent la longueur des palangres et filets pour favoriser la concurrence. Celui-ci soumet tous les pêcheurs de les représenter aux prud’hommes, pour reconnaître et vérifier les contraventions ; ainsi, l’un t stjustitié par lesautres : îi n’en est, pour mieux dire, que l’accessoire et l’exécutiou. Art. 9. Cet article contient deux dispositions differentes : La première est une simple faculté accordée aux pêcheurs palangricrs, toute à leur avantage, et contre laquelle ils ne pourront par conséquent pas réclamer. La seconde est véritablement obligatoire contre eux; mais elle est juste en ce qu’elle n’a d’autre motif que de conserver l’égalité parmi les pêcheurs au palangre. (1) Voyez le recueil des lois justifiant que ces filets ne sont pas nuisibles à la pêche, et c’est dans cette vue que nos pécheurs de tartannes prennent la précaution de placer des pièces do liège entre leurs filets et le fond de la mer. En effet, s’ils n’avaient pas un seul point de départ, les pêcheurs catalans, qui habitent hors le port, auraient un avantage sur les pêcheurs français, qui demeurent dans son enceinte, et, ceux-ci, qui auraient plus de mer à parcourir, ne pourraient jamais avoir à la pêche les premiers postes ou les plus avantageux. Nous avons fait voir, eti expliquant les ordonnances sur les battudes, que les pêcheurs avec ces filets ne pouvaient faire le choix du poste lorsqu’ils n'étaient pas entrés dans te port le dimanche. La pêche du palangre exige la même règle, sans quoi les uns et les autres pêcheurs resteraient à la mer, travailleraient les fêtes et dimanches, contre la prohibition des lois, donneraient du scandale parmi nous, et se perpétueraient, par une conduite répréhensible, dans la possession des postes les plus poissonneux, et qui doivent être joués chaque semaine, et gagnés par les pêcheurs, soit par Ja célérité de la marche de leurs bateaux, soit par le secours des vents ou la force des rameurs. D’ailleurs, les pêcheurs catalans répugneraient-ils a cette obligation: eux qui, d’après leurs jactances, n'auront jamais à craindre notre concurrence ; eux qui ont leurs bateaux si bien taillés et marchant si bien , à la constitution desquels, ainsi qu’à la nature de leur armement presque autant qu'à leur intrépidité et à la constitution vigoureuse de leurs ma telots, ils prétendent devoir la célérité de leur marche, et l'avantage d'aller pêcher à une plus grande distance, avec plus de succès (lue nous (1). Ainsi donc le point de départ est de toute nécessité pour les fêtes et dimanches ; bien loin d’être nuisible et un ombrage aux pêcheurs étrangers, il tend à flatter leur orgueil, à aiguillonner l’émulation de tous, en rendant le public témoin et juge de la prétendue intrépidité des Catalans et de la modestie des pêcheurs français. Fixer le point de départ au port, c’est l’indiquer au chef-lieu de tous les pêcheurs de Marseille, et certainement les Catalans (étrangers) n’exigeront pas qu’il soit porté ailleurs, et n’oseront pas nous imposer des lois, eux qui disent être soumis à celles de tous les pays où ils habitent. De la règle du point de départ dérivent deux autres fixations également nécessaires. Le moment et la manière de le rendre invariablement commun à tous les pêcheurs. Le moment, on ne peut en choisir de préférable ni de pins louable que celui où les services divins doivent être finis, celui du couchant du soleil. Il est l’horloge ordinaire des pêcheurs, qui les avertit journellement du principe, de la durée et du terme de lents obligations. Le rendre invariablement commun : on ne peut y atteindre ni mieux prévenir toutes les contestations, qu’au moyen d’une règle générale, et elie réside certainement dans l’etablissement du fanal placé à la fenêtre de la juridiction située sur le quai, à l’entrée du port, et au milieu de tous les pêcheurs. L’article 10. Cet article contient d’abord la défense à tous les pêcheurs, indistinctement de faire la pêche à la lumière ou au feu, ni faire aucune pêche desiructive de l’espèce. La pêche avec le feu attire à la vérité le poisson ; mais le feu cessant, les poissons restent, prennent l’épouvante et fuient loin de la côte. Ceci est un fait sur lequel l’expérience combat tous les raisonnements qu’ou pourrait se permettre, et (l) Page 35, mémoire des Catalans. [8 ciccembro 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. un fait d’autant pins certain, que l’ordonnance de la marine a reconnu et prononcé la même prohibition. Les antres pêches reconnues destructives de l’espèce, sont celles faites avec des filets dont les oudres ou mailles sont plus petites que celles prescrites par les règlements ; celles dans lesquelles on emploie des herbes ou des drogues qui étourdissent les poissons, et qui laissent une telle odeur, qim des lieux où on pratique de tels procédés, ils n’en approchent plus ; le bruit qu’on fait et qu’on renouvelle avec, un bâton au fond des eaux, pour effrayer les poissons cachés dans les rochers, et que nos pêcheurs appellent boula; les lances et jambins (1) garnis d’appâts et de différentes odeurs qui attirent et détruisent le poisson ; le tartannon (2), qui est prohibé par l’ordonnance de la marine, et qui le fut par une ordonnance de l’intendant de Provence, pendant le cours de son attribution, etc., etc... Nos pêcheurs observent scrupuleusement ces défenses, parce qu’ils reconnaissent que leur infraction conduit à la ruine de la profession; ils ne se permettent que des procédés naturels, qui ne laissent aux poissons aucun souvenir; car il eu est de ces animaux comme de toutes les antres espaces. On s’éloigne ordinairement des lieux où on a été trompé, ou qui annoncent des risques; et ils se gardent bien de dégrader le fond de la mer, et (îe le dépouiller de tout ce qui peut le rendre agréable aux animaux qui fournissent à leur subsistance. Les pêcheurs étrangers, au contraire, respectent peu nos règles; ils n’ont à cœnr que l’intérêt du moment, et ils ne cherchent qu’à abuser d’une liberté qui ne saurait trop être restreinte et observée pour la conservation de la pêche. Le même article 10 porte diverses défenses relatives aux palangriers. 1° De caler en pendis (pente), c’est-à-dire entre deux eaux, et pendant la nuit. Les Catalans prétendent que le palangre en pendis n’est pas une pêche destructive ; ils l’ont tellement répété qu’ils firent insérer dans le règlement provisoire du 29 mars 1776 (3), que parmi les pêches des - tructives , n'était point comprise la manière, usitée par les pêcheurs catalans, de caler le palanqre en pendis. Heureusement cette permission est le fruit de la surprise ; et nous espérons qu’elle n’aura plus son effet. La manière de caler le palangre en pendis est destructive, en ce qu’elle fait fuir le poisson ; et voici comment cela arrive : l’hameçon qui se trouve entre deux eaux, laisse le poisson qui s’y prend suspendu, et si l’on suppose seulement la dixième partie des hameçons garais de poissons gros et moyens, ces poissons, par le mouvement de leur queue, par les secousses qu’ils donnent, par leur trémoussement, excitent dans la mer une écume, un vrai phosphore qui épouvante le poisson et le fait fuir de nos côtes. C’est un fait constaté par l’expérience, et les Catalans nous en donnent la certitude à la page 39 de leur mémoire. Eu parlant de la distance d’une brasse donnée, de tous les temps, au bras de (1) Les lances et jambins sont des paniers d’osier ovales, qu’on place au milieu des eaux, et auxquels on attache une corde, ayant à sa sommité un signal de liège pour les retrouver. (2) Le tartannon est un filet traînant, qu’on tire du bateau lorsqu’il est à l’ancre et près du rivage. (3) Ils avaient alors pour ambassadeur, M. d’Aranda. 341 ligne du palangre, et qu’ils appellent méthode vicieuse, parce qu’ils leur donnent une brasse de plus; ils disent: ces bras de ligne ainsi rapprochés, il est clair que le poisson déjà pris fait prendre la fuite à tous ceux qui viennent mordre à l'hameçon. Or, si, d’après eux, le poisson déjà pris fait prendre la fuit - à ceux qui viennent mordre à l’hameçon, il est évident, il est convenu, et nous sommes d’accord que le pendis est nuisible, et qu'il doit être prohibé; et qu’ils ne disent pas que cet effet cesse par le soin qu’ils ont de donner deux brasses de distance à leurs bras de liurne ; cinq pieds et demi de plus que nous, ceci n’est pas un éloignement qui pui-se persuader, qui leur mérite la moindre foi, et qui affaiblisse l’aveu précieux qu’ils ont fait, et qu’ils ont cherché en vain de détruire à la page 49 de leur mémoire. D’un autre côté le pendis fait élever, du fond des eaux, le poisson, et alors la tartanne y passe son filet inutilement et sans fruit. Ces inconvénients n’arrivent point lorsque le palangre est calé au fond de l’eau ; rien n’attire le poisson au-dessus; et sou mouvement n’excite point d’écume; d’ailleurs, l’inégalité du sol, la vase et l’algue empêchent la direction de la lumière; et le poisson, qui n’est point frappé, ne fuit pas et reste dans nos parages. C’est pour la même raison qu’il a été défendu, même avant l’arrivée des Catalans à Marseille (1), de caler le palangre pendant la nuit, l’effet du phosphore étant plus sensible; c’est aussi pour que les autres arts de la pèche ne trouvent nas les stations occupées par les palangriers, et que ces pécheurs, dans nos vues d’égalité, n’aient pas le droit de travailler la nuit et le jour, et ne soient pas plus privilégiés que les pêcheurs aux filets, qui ne peuvent les caler, les uns que la nuit et les autres que le jour. 2° De caler dans les abys ( abissi , abîmes). Les ahvs sont des bas-fonds que nous avons à environ dix lieues au large de notre golfe; ils forment une espère de réservoir que nos pécheurs respectent, et que la nature a placé au voisinage de nos côtes, dans l’ordre de ses desseins, pour attirer le poisson, en lui offrant un point de repos et un asile sûr dans les temps orageux, et pour le dépôt de leur frai en août, septembre et octobre. Les Catalans auxquels il importe peu que nous manquions de poissons en hiver, époque à laquelle la majeure partie de ces pécheurs retournent en Espagne, n’observent pas notre méthode ; le profit du moment les décide ; ils n’ont pas la môme prévoyance, parce qu’ils n’ont pas les mêmes intérêts à ménager. Qu’en résulte-t-il ? Ils calent leur palangre dans les abys, ils y versent journellement une quantité prodigieuse d’appâts; les poissons se fixentalors dans un lieu où ils trouvent une nourriture continuelle ; pour peu qu’elle leur manque, ils s’entre-détruisent, et ne se répandent plus dans l’intérieur de notre golfe, sur nos parages, où ils multipliaient, où nous les prenions en abondance aux filets avaot l’arrivée des Catalans, et où nous ne les voyons plus depuis leur fréquentation à Marseille. 3° De se servir d'instruments et d’appâts prohibés. Les instruments sont les hameçons au-dessous des numéros 13 et 14. Nous en avons démontré (1) Extrait du livre des amendes de 1697. Un patron génois palangrier, pour avoir calé, de nuit, paya 6 livres. En 1708, Antoine Sigaud, pour avoir calé son palangre dans le golfe, paya 3 livres. 342 [Assemblée nationale.] l’inconvénient, en traitant et en justifiant l’article où il est parlé du palangre. Les appâts prohibés consistent en pourpres (1), sèches , carambots (2) et à la rezure. Les Catalans avouent (3) que dans leurs appâts, ils mêlent quelquefois les pourpres et les sèches, parce que, suivant eux, ces poissons sont des appâts plus avantageux : il en est de même des carambots; ils produisent le même effet. Il est évident, d’après l’aveu des Catalans, et dans lequel ils ont cherché à masquer le vice de leurs procédés, que ces sortes d’appâts doivent être prohibés, ne fussent-ils même qu’avantageux, parce que tous les palangriers n’auraient pas la facilité d’avoir des pourpres, des sèches et des carambots , attendu leur rareté ou leur peu d’abondance ; et alors ceux qui les accapareraient, feraient leur pêche d’une manière privilégiée, tandis que dans nos mœurs, dans nos usages, dans nos règlements, il n’existe, et ne doit s’en montrer que la plus parfaite égalité. En ce qui est de la rezure , nous avons reproché depuis longtemps aux Catalans de s’en servir, et d’en joindre leurs appâts, dans la vue d’étourdir le poisson prisa l’hameçon et au palangre en pendis, afin qu’il ne produise plusaucun phosphore, et n’occasionne pas ta fuite des poissons. Anciennement nous avions rapporté sur ce procédé, une attestation du sieur Dufruine, commissaire ordonnateur, mort depuis longtemps. Nous l’avions jointe à des demandes au conseilet certainement elle n’est pas perdue, mais comme nous ne l’avons pas produite, les Catalans ont crié à l’imposture (4). Iis nous mettent donc dans la nécessité de la communiquer, eh bien, ou nous nous en acquitterons, ou nous serons dans l’impossibilité de la représenter. Dans le premier cas, nous nous imposerons là-dessus un silence profond ; dans le second, la prohibition ne sera pas moins nécessaire, et incontestable, puisque les Catalans eux-mêmes regardent notre reproche comme une injure grave, et qu’ils prétendent ne point employer de pareils ingrédients. Au reste, ce qui doit justifier toutes nos réclamations, c’est qu’elles n’ont d’autre but que d’amener les pêcheurs étrangers aux mêmes règles que nous ; et croira-t-on, que si les leurs étaient préférables sans nuire à l’espèce, ni détruire l’égalité sur laquelle est fondée l’existence et l’accroissement des matelots, nous nous les interdirions? Si nous n’en usons pas, c’est que nous sommes physiquement sûrs du préjudice qu’elles porteraient à la pêche nationale, et que nos mers deviendraient bientôt stériles comme celles de nos voisins, et de la manière que les pêcheurs étrangers ont rendu les leurs; car on ne doit à aucune autre cause leur introduction sur nos parages, et l’abandon de leurs côtes. L’article 11 a pour objet la peine à laquelle les contrevenants doivent être soumis. On a vu que i’ordonnauce de la marine les punissaient par des amendes considérables. Notre police est infiniment plus douce : ce sont des florins (5). En faveur de la généralité des pêcheurs, ou des hôpitaux, lorsque le droit public de la pêche est violé, c’est la confiscation du poisson envers un pêcheur, lorsque le contrevenant l’a obtenu à son préjudice; ce sont enfin des condamnations (1) Pourpre ou polype de mer. (2) Carambots, c’esl une petite écrevisse. (3) Page 43 du mémoire des Catalans. (4) Page 45 du mémoire des Catalans. (5) Un florin vaut 12 sols. [8 décembre 1790.] douces et paternelles, qui sont le résultat des résultats et des délibérations consentis par la généralité; car rien, dans notre police, n’est fondé sur l’arbitraire; il n’y a jamais que la loi qui juge. Voilà nos onze articles réglementaires enfin justifiés. Si nous n’avions pas entièrement convaincu, s’il existait quelque incertitude, il n’y aurait pas, sans doute, à balancer entre des étrangers nuisibles et des Français évidemment utiles à l’Etat. Les députés des patrons-pécheurs de Marseille. Signé : ToURNON, prud'homme. Floux, ancien prud'homme. PONSARD, secrétaire-archiviste. PREMIÈRE NOTE. Teneur des articles premier et second de l'arrêt du conseil du 20 mars 1786. Art. 1er. Les arrêts, ordonnances et règlements relatifs aux prud’hommes de Marseille, aotam-ment ceux de 1723, 6 mars 1728, 25 février 1736, 16 mai 1738 et 11 février 1755, seront exécutés selon leur forme et teneur, dérogeant à cet effet Sa Majesté aux dispositions de l’arrêt du conseil du 25 mars 1776, en ce qu’il attribue à l’iuten-dant et commissaire départi en Provence, la connaissance des contestations nées et à naître sur le fait de la pêche, entre lesdits pêcheurs étrangers et nationaux. Veut et ordonne en conséquence Sa Majesté, que lesdits prud’hommes, élus en la manière accoutumée, connaissent seuls, comme avant ledit arrêt, dans i’étendue des mers de Marseille, de la police de la pêche, et jugent souverainement sans forme ni figure de procès, et sans écritures, ni appeler avocats ou procureurs, les contraventions qui pourront être commises par les pêcheurs étrangers fréquentant lesdites mers, ensemble les différends nés et à naître entre lesdits pêcheurs français et catalans , et autres pêcheurs étrangers, lesquels seront assujettis, lorsqu’ils viendront pêcher à Marseille, à la même police, aux memes règles et aux memes impositions que les pêcheurs de Marseille, sans que lesdits pêcheurs étrangers puissent en aucun cas exci-per de l’abonnement des trois livres par mois, fait par ledit sieur intendant commissaire, départi en 1776, pour tenir lieu de la demi-part à laquelle ils avaient été assujettis par les arrêts du conseil des 6 mars 1728, 28 décembre 1729 et 16 mai 1738. Art. 2. Tout pêcheur étranger qui arrivera à Marseille dans le dessein d’y faire la pêche, sera tenu de se rendreaussitôt son arrivée à la maison commune des pêcheurs français, à l’effet d’y déclarer son nom, celui de sonbateau, le nombre des hommes dont son équipage sera composé, le lieu où il établira son domicile; et enfin le nom de la personne qui sera chargée de la vente des poissons que lesdits pêcheurs étrangers exposeront en vente à Marseille, ou dans aucune autre ville ou lieu de la province, en contravention aux dispositions du présent article, et seront lesdites déclarations écrites sur un registre qui sera tenu à cet effet par le secrétaire des pêcheurs auquel il sera payé la somme de dix sols par chaque déclaration ; il en sera délivré gratis à chaque patron pêcheur étranger admis à faire la pêche dans les mers de Marseille, un certificat contenant l’extrait de ladite déclaration, signée ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [9 décembre 1790.] 343 du secrétaire des pêcheurs, pour être représentés par lesdits patrons aux prud’hommes lors de leurs visites, et toutes les fois .qu’ils le jugeront à propos, à l’effet de quoi, lesdits patrons étrangers seront tenus d’être toujours munis du certificat, à peine d’amende. SECONDE NOTE. Ordonnances sur les filets appelés battudes. Traduction. 1458. — De plus ordonnons que celui qui voudra caler un à la liie de l’autre, qu’il aille visiter les stations, pour qu’ils ne se fassent pas du dommage. Et pour le dommage qu’ils pourront se faire, nous comme prud’hommes élus et assermentés ès-mains de messieurs le Yiguier et consuls, faisons et ordonnons que tout patron qui voudra caler son filet, ira premièrement reconnaître les stations établies, qui pourront se reconnaître. 1575. — Celui qui arrivera le premier à la station, pourra choisir la place qu’il trouvera à propos. Les autres en traiteront de gré à gré. Ils ne pourront caler sans avoir visité ladite station, s’il n’y aurait aucune barque (bateau) première que la sienne sous peine de perdre le poisson qu’il aurait pris. 1531. — Celui qui calera au travers, qu’il aille à Marseille-à-Veire (l). 1575. — Item. Ordonnons qu’aucun pêcheur, à la battude, ne portera aucun dommage ni préjudice à aucun autre art, sous peine de dix florins pour chaque contravention, et de la confiscation du poisson qu’il pourra avoir, applicables les dix florins aux hôpitaux de Marseille. (1) Marscille-Veirc est une monlagne qui aboutit à la mer, où seulement il est permis de tendre des filets en travers. Ancien texte. 1458. — Item mas ordenmaque qui voir a callar un defora l’autre , que vo estar en los stancias, per que soson fach greougeo , e per le grougeo que si pourrien faire , comme prodomes elegis e juras en mande moussu lou Viguier et conses fasen e ordenam que tout patroun que voir a callar son arrêt ; que premier ament vagar reconnouisse los stancias que si paurran reconnouise. 1575. — A qtieou que sera lou premier arriba au poste pourra chausi lou poste que bouen li semblant , les autres de gra en gra. N’en pourran callar sense ave visita ladite s tanci, si y aurié degu-na barca première que ellou, sus la pene de perdre tout lou pey que aurié ave prés. 1531. — • Item que callara en en travers vague estar à Marseille-Veire. 1575. — Item que degun pescadour pescant à la battude n'en pour tara aucun intérêts ni prejudici à degun autre art, sus la pene de dex florins per chacune fes que eontrovcndra e de la counfiscatien dau pessoun que pourra ave, applicables leis susdits dex florins eis hespitaux de Marseille . ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. PÉTION. Séance du jeudi 9 décembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il s’élève à ce sujet une contestation relative au decret concernant les médailles , rendu dans lu séance d’hier. Diverses membres demandent que les coins soient déposés aux archives de l’Assemblée nationale. M. Bouche. Je demande qu’à la partie du procès-verbal relative à la distribution qui doit être faite aux membres de l’Assemblée d’une médaille frappée à l’occasion de la réunion des ordres, on ajoute que les poinçons seront brisés immédiatement après cette distribution. Nous avons bien le droit de l’ordonner, puisque la médaille est frappée à nos frais ; plus répandue, elle ne servirait qu’à perpétuer le souvenir d’une distinction qui n’aurait jamais dû exister. (La proposition de M. Bouche est adoptée et l’Assemblée décrète que les coins seront brisés en présence de ses commissaires.) M. d’IIodicq, député de Montreuil, demande et obtient un cûügé pour un mois ou six semaines. M. Gassin, rapporteur du comité de Constitution, dit : Messieurs, le département du Puy-de-Dôme demande l’établissement de quatre juges de paix à Clermont-Ferrand, dont trois à Clermont, et un à Montferrand. Votre comité pense que trois juges suffisent pour Clermont et Montferrand ; ses députés soutiennent que quatre juges de paix suffiront à peine à l’administration de la justice dans ces deux lieux; c’est à l’Assemblée à prononcer. Le département du Loiret demande l’établissement de cinq juges de paix dans le canton d’Orléans ; il contient une population de trente-sept milles âmes. Votre comité croit que quatre pourront suffire. Le département du Bas-Rhin demande l’établissement de six juges de paix à Strasbourg ; cette ville est peuplée de quarante-huit à cinquante mille âmes. Il a paru utile de lui en accorder cinq ; mais votre comité a adopté l’avis de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.