BAILLIAGE DE CAMBRAI. CAHIER Du clergé de Cambrai et du Cambrésis. Nota. Ce cahier ne se trouve pas aux Archives de l'Empire. Nous le faisons demander à Cambrai et à Lille; mais afin de ne pas interrompre notre publicaiion, nous prévenons nos souscripteurs que cette pièce sera insérée dans le Supplément qui terminera le recueil des cahiers. CAHIER De la noblesse de Cambrai , et du Cambrésis précédé du discours de M. le marquis d’Estourmel , grand bailli du Cambrésis; suivi du discours de clôture par le même (1). Discours prononcé par M. le marquis d’Estour-NEL, GRAND BAILLI DU CAMBRESIS EN L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE LE 14 AVRIL 1789. Messieurs, chargé par le Roi de la couvocation de votre assemblée, je ne dois cette marque de confiance de Sa Majesté qu’à celle que votre administration m’a témoignée, lorsqu’elle m’a choisi pour porter ses représentations au pied du trône. Mais quelque flatteuse que soit pour moi la commission dont le Roi m’a honoré, je ne l’aurais pas acceptée, si j’avais cru que les droits de . la province du Cambrésis pussent éprouver la moindre atteinte dans le conseil national, dont Sa Majesté va s’entourer. Loin de nous, Messieurs, toute crainte sur les résultats de cette auguste assemblée; nous savons qu’elle n’a pour objet que d’aider le Roi à surmonter toutes les difficultés où il se trouve relativement à l’état de ses finances, et à établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties de son vaste empire. Nous savons que le Roi ne veut créer aucun impôt nouveau, ni même en proroger aucun , sans le consentement des Etats généraux. Nous savons que le Roi veut déterminer les époques successives de convocation des Etats généraux, et leur donner une stabilité durable, d’après Vavis de ceux qui vont s'assembler ; Qu’il veut aviser aux moyens à prendre pour parer aux désordres causés par l’inconduite ou l’incapacité des ministres; qu’il veut fixer les dépenses , sans distinguer celles qui tiennent plus particulièrement à sa personne; Qu’il veut avoir Vavis des Etals généraux sur les lettres de cachet ; Sur la liberté de la presse ; Sur l’établissement d’Etats provinciaux dans les parties de son royaume , qui gémissent depuis longtemps sous un jong arbitraire ; sur les moyens de former des liens durables entre lesEtats provinciaux et les Etats généraux. Nous savons, Messieurs, que Sa Majesté veut établir la plus juste répartition des impôts (et sur cet article, la perception du Cambrésis n’est-elle pas citée comme modèle?), en conservant les égards à cette portion de noblesse , qui, tout en défendant l’Etat, se livre à la culture de ses champs ; (1) Nous reproduisons ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. Que son intention est de proscrire ces dénominations de tribut, qui rappellent h chaque instant au tiers-état son infériorité ; en conservant toutefois les prérogatives seigneuriales et honorifiques, qui, distinguant les deux premiers ordres dans leurspro-priétés ou dans leurs personnes, sont une propriété aussi respectable qu’aucune autre, d’autant que plusieurs d’entre elles tiennent à l’essence de la monarchie. Nous savons, Messieurs, que le Roi ne permettra jamais qu’on donne à aucune de ces prérogatives la plus légère atteinte ; qu’il s’en rapportera aux Etats généraux sur le choix de la délibération par ordre ou par tête. D’aprèsdes assurancesaussi positives, montrons-nous, Messieurs, des enfants soumis à un tendre père, en réclamant auprès de lui les droits que nos capitulations avec son auguste bisaïeul nous ont réservés. Faisons-lui connaître, par l’organe des députés que nous choisissons, notre zèle pour concourir au bien général du royaume. Prouvons à la nation que notre assemblée est constamment guidée par les mêmes principes qui dirigent notre administration sous les auspices de son illustre président et avec le concours des magistrats éclairés qui surveillent les intérêts de cette antique cité où nous sommes rassemblés. Oublions les petites dissensions qui ont pu s’y élever, pour ne porter à l’assemblée de la nation qu’un vœu réuni, celui des trois ordres de la province de Cambrésis. CAHIER De la noblesse de Cambrai et du Cambrésis. La noblesse du Cambrésis, pénétrée des témoignages d’amour et de confiance dont Sa Majesté vient de donner de nouvelles preuves à ses peuples, en les appelant auprès d’elle pour coopérer a la régénération de la chose publique ; et désirant répondre à ses vues bienfaisantes déjà annoncées dans une partie du résultat de son conseil du 27 décembre 1788, s’empresse d’exprimer à la nation les sentiments qui l’animent pour fixer d’une manière invariable les principes de la constitution française, rétablir l’ordre dans les finances, et réprimer les abus : En conséquence, elle charge son député d’exposer ses vœux et ses souhaits en demandant premièrement : Maxime fondamentale. Que les Etats généraux s’occupent d’abord de concerter et d’arrêter, avec Sa Majesté, un corps de lois constitutionnelles, inscrites immuablement dans un registre national ; et il ne sera délibéré sur aucun objet d’impôt ou d’emprunt que toutes les parties constituantes du code ne soient définitivement arrêtées, rédigées et promulguées comme la base de la constitution fran-I çaise. Art. 2. Qu’il soit posé pour maximes fondamen-! taies que le gouvernement du royaume est mo- K{8 [États géû. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Cambrai.] narchique; que la couronne est héréditaire, et que les filles sont exclues du trône. Les Etats généraux sont priés de statuer en même temps, dès à présent, sur l’article de la régence en cas d’événement. Art. 3. Lois constitutionelles. Etablissement de V assemblée nationale, et retour périodique. Qu’il soit déclaré que les assemblées nationales sont de l’essence du gouvernement; qu’en conséquence elles seront et demeureront composées des trois ordres distingués entre eux, et que leur retour périodique sera invariablement fixé tous les trois ans. Art. 4. Convocation des assemblées nationales. Que la forme de convocation des assemblées nationales, le nombre des députés de chaque province, enfin ce qui tient à leur organisation, soit réglé par elles, suivant les changements que les abus de la tenue actuelle pourraient faire remarquer, et suivant les circonstances que le temps rendrait nécessaires. Art. 5. Qu’aucune loi ne prendra le caractère et le rang de loi constitutionnelle, qu’avec le consentement de la nation. Art. 6. Voter par ordre. Que dans toutes les délibérations, les voix seront comptées par ordre, et non par tête. Art. 7. Renonciation aux exemptions et privilèges. Ges objets préliminairement remplis, la noblesse du Gamnrésis, sacrifiant tout intérêt pécuniaire, et se soumettant très-volontiers à la répartition la plus égale des impositions, se borne à demander la conservation et le maintien des constitutions et privilèges de la province, stipulés et jurés par nos rois. Art. 8. Conservation de propriété. Que le droit de propriété soit déclaré inviolable, de façon que l’intérêt public ne puisse même pas servir de prétexte pour y porter atteinte, qu’en dédommageant de suite sur le prix le plus haut. Art. 9. Liberté personnelle. Que les sujets français étant libres, les lettres de cachet soient abolies; et que par une suite de la même liberté individuelle, toute ouverture de lettres missives doit être proscrite comme une chose oppressive et qui ôte toute la confiance de la société. Art. 10. Consentement de la nation pour les impôts. Qu’il ne pourra être établi ni prorogé aucun impôt direct ni indirect, sans le consentement des Etats généraux. Art. 11. Leur durée. Que la durée des impôts sera limitée à l’intervalle d’une tenue d’assemblée des Etats généraux à l’autre. Art. 12. La répartition proportionnelle. Que l’impôt consenti par la nation devra être réparti dans une justé proportion sur toutes les propriétés généralement quelconques, revenus, industrie et commerce. Art. 13.. Recouvrement des impôts. Le recouvrement des impôts sera confié aux soins de chaque province, pour être directement versé dans la caisse nationale, ou employé à son acquit. Art. 14. Commission intermédiaire. Il ne sera établi aucune commission intermédiaire, que celles ordinaires des pays d’Etats ou des Etats provinciaux, résidentes dans la province. Art. 15. Liberté de la presse. \ Quant à la liberté de la presse, elle peut être autorisée, sous la caution des auteurs, libraires et imprimeurs. JUSTICE. Art. 16. Nouveau Code civil. Un nouveau code des lois civiles, qui rende l’instruction plus simple, plus brève, moins dispendieuse. et qui restreigne à deux instances les degrés de juridiction. Art. 17. La confirmation des justices seigneuriales en Gambrésis, comme faisant partie de l’inféodation, avec l’attribution en dernier ressort jusqu’à concurrence de 500 livres au principal, sauf l’appel au Parlement pour les sommes excédantes; en conséquence, la suppression des juges intermédiaires. Art. 18. Réformation du Code criminel. La réformation du Gode criminel et l’exécution de l’édit du mois de mars 1772. Art. 19. Les attributions et évocations. Que les attributions de juridiction et les évocations, soit en matière fiscale, domaniale ou autre, soient totalement supprimées. Art. 20. Pour empêcher les faillites, qui sont devenues si communes, il doit être ordonné que du moment de la faillite, les biens sont dévolus aux créanciers; et' il ne devra y avoir aucun acte d’atermoiement qu’il ne soit fait par les juges des lieux. Si la faillite est frauduleuse, le défaillant doit être déclaré incapable d’exercer aucune charge, ni aucune branche de commerce. Art. 21. Surséances. Les arrêts de surséance portant un préjudice considérable aux créanciers, et bien loin d’être utiles au commerce en bannissant la bonne foi, doivent être abolis. 11 devra en être de même des arrêts du conseil, du propre mouvement du Roi. FINANCES. Art. 22. Consolidation de la dette nationale. Les États généraux s’occuperont de constater toutes les parties de recettes et celles des dépenses, pour fixer le déficit et pouvoir déterminer l’impôt général. Art. 23. Caisse d’amortissement. Pour parvenir à l’extinction de la dette nationale, tant en intérêts qu’en remboursements de capitaux, il sera formé une caisse nationale de l’excédant de la dépense des départements, qui sera fixé par les Etats généraux, et du produit des impositions. Art. 24. Régie de la caisse. La caisse nationale sera régie par un certain nombre d’administrateurs choisis par les Etats généraux, qui leur rendront compte directement ; et on ne pourra en détourner aucun denier pour être employé à tout autre service qu’aux intérêts et aux remboursements des capitaux. 4rt. 25. Si cependant les circonstances d’une guerre imprévue forçaient à recourir à des moyens extraordinaires, les Etats généraux y pourvoiraient suivant leur sagesse et leur prudence. Art. 26. Fixation des dépenses. Responsabilité des ministres. Reddition des comptes. La dépense des départements des ministres étant fixée, ils seront comptables de la gestion de leurs fonds aux Etats généraux, et les comptes rendus publics. Art. 27. Administration des domaines et dr domaniaux. L’administration des domaines et droits doma-ir exige pas moins l’attention des Etats gô- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Cambrai.] 549 nér�ux, soit pour la rendre moins vicieuse, soit pour prendre tout autre parti à cet égard. Art. 28. Le changement des barrières. Dans le pas où les barrières et les douanes seraient reportées aux extrêmes frontières du royaume, la noblesse de Cambrésis demande que la province soit affranchie des droits de gabelle et autres de cette espèce qui pourraient la remplacer. Art. 29. Clergé. Que les pensions sur les abbayes, à la mutation des abbés réguliers, soient appliquées par préférence aux ecclésiastiques de la province ; et que dans aucun cas, la commende ne puisse être introduite dans cette province, même en faveur des cardinaux. AGRICULTURE ET COMMERCE. Art. 30. Suppression des entraves nuisibles au commerce. L’anéantissement des entraves dans l’importation des productions, et que les marchés soient libres ; de façon qu’on soit le maître d’y porter ses grains et de les remporter s’ils ne sont pas vendus. Art. 31. Les moyens de faciliter l’augmentation des bestiaux à la campagne, en ôtant toute imposition sur ces animaux; en conséquence, qu’il ne soit plus accordé de défrichement de commune et de marais utiles à la paisson, dont on reconnaît l’abus depuis quelques années. Art. 32. La liberté du commerce et de la navigation. Que la liberté du commerce étant établie dans l’intérieur du royaume, les rivières et canaux soient également libres ; de façon que, notamment en Cambrésis, les bateliers ou tout autre commerçant de cette province, de l’Artois, de la Flandre et du Hainaut, puissent aller charger librement toute espèce de marchandise à Coudé, même dans les Pays-Bas , sans qu’on puisse exiger d’eux aucun droit pour la libre navigation sur ces rivières et canaux. police. Art. 33. Mendicité. Faciliter les moyens d’extirper la mendicité, tant en ville qu’à la campagne , et de pourvoir à la subsistance des pauvres que l’âge et les infirmités rendent incapables de travail. Art. 34. La chasse. La suppression des capitaineries et de tous les droits de .chasse qui ne tiennent pas à la propriété. Àrt. 35- Qu’aucun officier ne puisse être destitué de son emploi, ou frustré de son avancement, sans être jugé par un conseil de guerre. Art. 36. Qu’il soit travaillé aux moyens les plus propres ppur rendre la considération due au militaire*, que tout officier parvienne, par son ancienneté, aux grades supérieurs. Art. 37. Que les opérations du conseil de la guerre soient examinées par les Etats généraux, et qu’ils jugent s’il est avantageux au bien de l’Etat. Art. 38. Qu’il ne soit plus accordé de lettres de noblesse, excepté pour des services signalés rendus à la patrie, et sur les attestations et demandes qui en seront faites par le corps de la noblesse des Etats de la province où sera sa résidence. Signe Marquis d’Estourmel. Gordier DE CaüDRY, secrétaire. DISCOURS DE CLOTURE Prononcé par M. le marquis d' Estourmel, grand bailli du Cambrésis , en l'assemblée générale, le 18 avril 1789. Vous venez, Messieurs, de procéder dans les trois ordres au choix important de vos représentants à l'assemblée de la nation. Les instructions qui leur sont confiées sont le résultat des sages délibérations que vous avez prises ; si elles ne les éclairent pas suffisamment sur les intérêts particuliers de la province , ils trouveront dans la députation nommée dans l’assemblée dernière de vos Etats, composée de leur illustre président, d’un gentilhomme dont le zèle est connu depuis longtemps, d’un membre du tiers à qui le travail journalier qui lui est confié procure les connaissances les plus détaillées, tous les renseignements qui pourraient leur manquer. Puisse la môme concorde qui a régné parmi vous, diriger les délibérations auxquelles vos députés vont participer! Puisse le serment qu’ils vont faire rester gravé dans les cœurs ! Puisse le concours des lumières qui vont être réunies dans le conseil national apporter un remède efficace aux maux de l’Etat , assurer la félicité publique et rendre particulièrement à , notre auguste monarque le calme et la tranquillité , dont il est d'autant plus digne , qu'il sent , d'après l'aveu qu'il en fait , le malheur d’en être depuis longtemps privé ! CAHIER D’instructions , doléances , plaintes , remontrances et demandes pour les députés du tiers-état de la province du Cambrésis (î). Le tiers-état de la province du Cambrésis, pénétré des sentiments de la plus vive affection pour la patrie, d’amour et de respect pour le Roi, d’un véritable zèle pour la gloire, la prospérité de la nation et l’intérêt public, et étant intimement persuadé des intentions bienfaisantes de son souverain pour le soulagement de ses peuples et la régénération entière de l’administration de son royaume , supplie très-humblement Sa Majesté d’ordonner : Àrt. 1er. Que les trois ordres se tiendront réunis et voteront par tête; qu’à cette fin il sera pris une voix du clergé, une de la noblesse et deux du tiers, lesquelles voix passeront à la pluralité des suffrages. Art. 2. Que les Etats généraux se rassembleront à cette époque qu’il plaira à leur sagesse de déterminer. Art. 3. Que la dette de l’Etat, étant constatée, sera consolidée. Art. 4. Qu’il ne pourra être établi ni accru aucun impôt sans le consentement des états généraux. Art. 5. Que les emprunts ne pourront avoir lieu que dans une urgente nécessité, et du consentement de la nation assemblée ; et dans ce cas ils seront hypothéqués sur l’engagement public. Art. 6. Que les impôts qui seront consentis par les Etats généraux, sous quelque forme et dénomination qu’ils puissent l’être, même par octroi, soient supportés également par tous les ordres, corporations et individus, proportionnellement à leurs revenus fonciers., pécuniaires et indus-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.