704 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 août 1791.J Voix diverses : La question préalable sur i’ar-ticle I — A demain ! à demain ! (L’Assemblée, consultée, renvoie la suite de la discussion à demain.) M. le Président lève la séance à trois heures un quart. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU MERCREDI 24 AOUT 1791. Opinion de M. de Bonneville, sur la renonciation proposée par M. d'Orléans , à la succession au trône. Messieurs, Si, comme on doit le supposer, et comme j’aime à me le persuader, la renonciation que propose M. d’Orléans au droit éventuel que sa naissance lui donne au trône, est l’effet du sentiment profond d’un patriotisme pur et désintéressé, c’est un acte de civisme dont l’histoire fournit sans doute peu d’exemples ; mais avant de me livrer à son apologie, qu’il me soit permis de l’examiner dans son principe et dans ses conséquences. Je sens qu’il est possible que la malignité qui s’attache à tout, suppose à cette action des motifs dont je repousse l’idée, pour ne l’apercevoir que dans son jour le plus favorable. Mais cette renonciation qui, à son premier aspect, paraît simple, et semble ne présenter qu’un résultat de principes philosophiques et de vertus civiques, me paraît cependant susceptible de plusieurs observations, desquelles découlent naturellement quelques questions que je supplie l’Assemblée de me permettre de mettre sous ses yeux. La première qui s’offre à mon imagination est de savoir si un membre de la famille royale qui, dans le moment actuel, n’est pas appelé au trône, peut renoncer au droit éventuel que sa naissance lui donne d’y parvenir, le cas échéant, afin de pouvoir partager, avec tous les autres citoyens, les droits politiques dont ils jouissent, et dont la sagesse exige que les membres de la dynastie régnante soient privés. L’idée qui se présente naturellement pour résoudre cette question, est que ce membre en a le droit. Mais, en adoptant ce principe, il en ressort une autre question sur laquelle il est nécessaire que l’Assemblée prononce. Si ce membre a des enfants, sa renonciation doit-elle avoir son effet par rapport à eux ? Je ne le pense pas ; et, dans ce cas-là, je supplie l’Assemblée de considérer à quel danger serait exposée la liberté, s’il pouvait être admis dans les Assemblées politiques de la nation, un individu considérable par le sacrifice même qu’il aurait fait de son rang, puissant par une grande fortune, et père d’un autre individu dont le droit éventuel au trône aurait été conservé. J’écarte, sans doute, toute supposition appli-(1) Cette opinion, commencée au cours de la séance, a été interrompue par l’Assemblée (Voir ci-dessus, page 702.) cable aux circonstances présentes, mais en généralisant ces idées, n’est-on pas naturellement porté à sentir combien il serait à craindre qu’un personnage qui se trouverait dans une pareille position, ne se servît de la popularité qu’il aurait acquise par son sacrifice et de son influence sur le corps politique dont il serait membre, pour préparer l’élévation de son fils aux dépens de la tranquillité de l’Etat, de la liberté publique et, peut-être, de la branche régnante? Je ne crois pas devoir donner un plus long développement à ces réflexions dont les conséquences n’échapperont sûrement pas à l’Assemblée ; aussi je me borne à demander que la renonciation proposée par M. d’Orléans ne soit pas admise; qu’il soit privé de tous les droits de citoyen actif, comme les autres membres de la famille royale, et que, comme eux, il ne jouisse d’autres droits politiques, que de celui de la succession éventuelle au trône. Si malgré ces observations, l’Assemblée croyait devoir admettre la renonciation que vient de lui offrir M. d’Orléans, alors je demande que, dans ce moment, sa pension apanage lui soit retirée, sauf à la transmettre à sa postérité masculine, s’il y a lieu. Mes motifs, pour appuyer cette demande, sont que la nation accorde cette rente aux membres de la famille royale, pour les mettre en état de soutenir avec éclat, le rang que leur donne leur naissance, et les droits qui y sont attachés. Or, lorsqu’on abdique ce rang, on ne doit plus prétendre à l’éclat qui l’environne ; ainsi, sous ce rapport, la pension apanagère doit être supprimée, et le prince, redevenu citoyen, ne doit plus prétendre d’autre traitement de la nation que celui auquel ses services lui auraient acquis des droits. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du jeudi 25 août 1791 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 21 août , qui est adopté. M. le Président annonce que, par le résultat du scrutin qui a eu lieu à l’issue de la séance du mardi 23 août, MM. de Tracy, Caslellanet, de La Rochefoucauld, Brostaret, Louis Monneron et Périsse-Duluc sont adjoints au comité des colonies. M. le Président. Je suis chargé, Messieurs, de vous demander une séance du soir pour samedi prochain; elle est nécessaire pour terminer plusieurs affaires pressantes. (L’Assemblée décrète qu’elle tiendra séance samedi soir.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Dupor-tail , ministre de la guerre , ainsi conçue : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. I Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [25 août 1791.] 705 « Paris, le 24 août 1791. « Monsieur le Président, » L'Assemblée nationale est instruite de l’état de résistance à la loi dans lequel persévèrent le 38e régiment d’infanterie, ci-devant Dauphiné; le 17e, ci-devant Auvergne ; et le 26 bataillon du 68e régiment, ci-devant Beauce; je lui en ai adressé les détails dans divers temps. Les chefs militaires ont fait depuis tous leurs efforts pour rappeler ces corps à leur devoir : toutes leurs représentations sont restées sans effet; ces soldats enivrés de licence n’entendent plus la voix delà raison; il n’y a donc plus à employer que la rigueur des lois. Mais c’est en vain, Monsieur le Président, que le pouvoir exécutif cherche celle applicable à de pareils cas. « L’Assemblée nationalea fait des lois militaires qui peuvent servir à juger un certain nombre d’individus : les cours martiales remplissent cet objet. Mais comment tenir des cours martiales contre des bataillons, des régiments entiers ? Il faut donc ici d’autres lois. Il y a d’ailleurs le plus grand inconvénient à ce que des affaires de cette nature traînent en longueur; en paraissant balancer sur la punition du crime, on donne lieu au coupable de douter s’il a vraiment commis un crime; et c’est ainsi que, par l’impunité, on les voit se répéter de tous côtés. Il est donc extrêmement urgent de prononcer sur les corps en question. « Ce serait bien inutilement, Monsieur le Président, que nous travaillerions à rétablir nos forteresses, que nous préparerions des camps; ils nous défendraient mal, si nous n'avions à y rassembler q>e dts troupes livrées à l’indiscipline, et par conséquent (car telles sont les suites de l’indiscipline) sans instruction, sans ensemble, sans volonté constante, et rendues bientôt, par le libertinage, incapables de soutenir avec patience et résignation les fatigues, les travaux de la guerre, et les privations de toute espèce. Il nous faudra donc toujours craindre, comme à présent, non pas les efforts nés puissances de premier et de second ordre, mais les mauvaises dispositions des princes les moins considérables; les projets (insensés dans toute autre circonstance) d’une poignée de transfuges, tiendront tout l’Empire dans de continuelles alarmes. « Il faut sortir de cet état humiliant, et le moyen est de rétablir la discipline dans notre armée, et de lui rendre les qualités qui peuvent seules lui mériter ce nom; avec ce moyen fondamental, tous tes autres que nous employons sont bons et utiles ; sans lui, ils sont insuffisants, illusoires. « Permettez-moi, Monsieur le Président, de le dire; s’il est des hommes qui désirent, ou qui du moins, voient sans peine la dissolution de notre armée, ce ne peut être que des gens malintentionnés, qui croient trouver leur avantage dans la subversion totale de l’Etat ; des gens sans jugement, incapables de prévoir l’avenir et de profiter des leçons de l’histoire de tous les pays et de tous les temps. « Je suis, etc. « Signé : DüPORTAlL. » Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire ! M. de Hoailles. On ne peut pas se borner au simple renvoi au comité militaire; je demande qu’il lui soit enjoint de faire demain un rapport sur ces régiments. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de 1" Série. T. XXIX. la lettre du ministre de la guerre au comité militaire et lui enjoint d’en faire le rapport demain.) M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d’une lettre de M. Boullé, commissaire de l’Assemblée, dans le département du Nord, ainsi conçue ; « Valenciennes, le 21 août 1791. « Monsieur le Président, « J’ai reçu avec soumission la nouvelle marque de confiance dont l’Assemblée nationale a daigné m’honorer, et qu’elle vous a chargé de me transmettre. Depuis que, par les suffrages du peuple, j’ai été revêtu du caractère de représentant de la nation, j’ai dû m’oublier moi-même, et j’ai fait à ma patrie le sacrifice de toute mon existence. L’Assemblée nationale vient de prolonger et d’étendre la commission dont elle m’avait chargé, et elle m’impose par là des devoirs bien au-dessus de mes forces : mais elles seront du moins consacrées tout entières à les remplir ; c’est le seul engagement qu’il soit en mon pouvoir de contracter. Déjà l’on m’avait laissé seul chargé d’un fardeau trop pénible, et le moment où la suspension du décret relatif à l’envoi de nouveaux commissaires dans les départements, me fit perdre l’espoir du prompt retour de mes collègues, aurait été celui de mon départ, si le général de l’armée du Nord ne m’avait témoigné le plus vif désir de me retenir, et si je n’avais été convaincu moi-même que ma présence dans son commandement pouvait encore être utile. J’avais vu la manière dont l’Assemblée nationale avait accueilli les demandes de M. de Rochambeau, qui lui avaient été transmises par mes collègues ; je partageais ses dispositions et ses sentiments pour ce général, je crus m’y conformer par ma déférence. Il m’en coûtait d’être séparé de l’As emblée, lorsque l’acte constitutionnel allait lui être soumis; mais il ne devait être que la collection de ce qui avait déjà été divisément décrété, et je devais me reposer sur nos serments. N’était-ce pas, d’ailleurs, participer encore à ce nouveau travail sur la Constitution, que de concourir de tout mon pouvoità assurer le succès des mesures qui doivent en affermir l’établissement? C’est vers ce but que mes efforts se sont constamment dirigés : ce n’est pas à moi d’apprécier ce qu’ils ont produit; j’ai seulement rendu compte au comité militaire de quelques incidents dont il pouvait être utile que l’Assemblée nationale fût informée. « L’Assemblée nationale m’a environné de toute la confiance qui lui est due; j’en ai fait mon principal moyen : c’est le seul que je me plaise à employer, et je dois lui rapporter tout le bien qui a pu s’opérer par mon ministère. « L’infatigable activité de notre général rend chaque jour plus respectable l’état de défense de cette frontière, et nous ne connaissons rien au-dehors qui puisse en altérer la sécurité. C’est jusqu’à présent, dans l’intérieur que se trouvent nos plus dangereux ennemis. Ce n’est pas qu’on n’y ait étouffé bien des germes de désorganisation; que le patriotisme n’y ait fait de grands progrès, et que l’ordre public ne tende partout à se rétablir ; mais on n’est pas encore toujours assez en garde contre les vaines terreurs, contre les injustes défiances, contre les faux bruits que la malveillance ne cesse de répandre, et contre les perfides insinuations. L’on s’apercevra enfin qu’elle ne cherche que la confusion et l’anarchie; on achèvera alors de se rallier autour de la loi, 45