148 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Sov�bre�raa fortunée que le hasard doit associer, en quelque sorte, à mon existence. « M... rue des Grands-Augustins, section de Marat. » Plusieurs pétitionnaires sont admis à la barre : leurs réclamations sont renvoyées aux divers co¬ mités qu’elles concernent (1). Un membre [Forestier (2)] expose que dans le département de l’Ailier un des représentants du peuple près l’armée du Centre et de l’Ouest (3) a pris, les 29 et 30 septembre dernier (vieux style), un arrêté tendant à obliger tous les ci¬ toyens qui possèdent de l’or ou de l’argent mon¬ nayé, ainsi que de l’argenterie, soit en lingots, soit en vaisselle, soit en bijoux, etc., à porter ces objets au comité de surveillance de leur district, dans le délai de quinzaine, à peine d’être déclarés suspects; et sur sa motion, « La Convention nationale décrète : Art. 1er. « Que l’arrêté ci-dessus mentionné demeure provisoirement suspendu, et qu’il ne puisse être donné aucune suite à son exécution jusqu’à ce qu’elle ait pris pour tous les départements une détermination uniforme et générale sur cet objet d’une importance majeure. " Art. 2. « Que le ministre de la justice fera partir, dans le jour, un courrier extraordinaire pour porter ce décret au directoire du département de l’Ai¬ lier, qui l’enverra, sans délai, à tous les districts de son arrondissement (4). » Extrait du procès-verbal de la séance du 29-30 sep¬ tembre des autorités constituées et de la Société populaire de Moulins, tenue en présence de Fouché de Nantes, représentant du peuple, député par la Convention nationale près les départements du Centre et de V Ouest (5). Un membre a dit que la loi qui abolit tout signe de féodalité n’obtiendra jamais son entière exécution, tant qu’il sera permis aux citoyens de conserver quelque argenterie mar¬ quée du sceau flétri des préjugés nobiliaires; Que l’oubli des despotes qui ont avili le peuple français, ne sera jamais assez loin de nous, tant qu’on ne prendra pas les mesures les plus efficaces pour anéantir, sans espoir de les revoir un jour, toutes les monnaies qui portent encore l’empreinte et le nom des tyrans qui en ordonnaient la fabrication. Il est temps que l’idole des riches et des avares soit brisée ; il est temps que ces vils mé¬ taux, dont ils faisaient un emploi si criminel, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 199. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 278, dossier 732. (3) Ce représentant est Fouché. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 199. (5) Archives nationales, carton AFii 85, pla¬ quette 629, pièce 4. rentrent enfin dans la main de la nation qui saura les rendre utiles à la chose publique. Sur ce, ouï le procureur général syndic, et sur la réquisition du représentant du peuple, L’Administration du département, consi¬ dérant : • 1° Que les richesses ne sont entre les mains des individus qu’un dépôt dont la nation a le droit de disposer quand ses besoins l’exigent, et que la plupart des riches, en méconnaissant cette vérité, se refusent constamment aux sacri¬ fices qu’aurait dû leur inspirer l’exemple des braves sans-culottes, qui exposent leur vie chaque jour pour assurer la liberté de leur pa¬ trie ; 2° Considérant que l’argent et l’or enlevés par les riches à la circulation, et que ces avares entassent pour avoir sous leurs yeux longtemps encore l’image des tyrans, ne doivent plus servir à alimenter nos ennemis, à accaparer nos sub¬ sistances et à payer les assassins des plus ardents défenseurs de la liberté et de l’égalité; 3° Considérant que ces égoïstes, en accumu¬ lant de vils métaux, n’ont cherché à se les pro¬ curer qu’en nourrissant l’odieux espoir d’une contre-révolution; que ces esclaves de l’or ne l’ont acheté à si haut prix que pour détruire le crédit d’une monnaie fondée sur des biens réels, et plus encore sur la loyauté d’une grande nation, et qu’il faut enfin les convaincre que les patriotes qui méprisent leurs trésors, mais qui surveillent toutes leurs démarches, ne lais¬ seront plus à leur disposition aucuns moyens de leur nuire; 4° Considérant que la liberté, qui est deve¬ nue le bien unique et la seule propriété des Français, exige que tous également concourent à son établissement, et qu’il est de toute justice que les riches, les égoïstes, qui, depuis la Révo¬ lution n’ont travaillé que pour eux, réparent aujourd’hui les maux qu’ils ont causés, et dou¬ blent les sacrifices qu’ils auraient dû faire; 5° Considérant enfin que nos ennemis cher¬ chent moins à nous combattre qu’à nous cor¬ rompre; que la République ne peut s’établir qu’en mettant un terme à la cupidité et à la corruption, arrête ce qui suit : Art. 1er. « Tous les citoyens qui possèdent de l’or ou de l’argent monnayé, ainsi que de l’argenterie, soit en lingots, soit en vaisselle, soit en bijoux autres que ceux qui servent à la parure des femmes, ou qui n’ont de valeur que par leur forme et leur travail, tels que les montres, les pendules, sont obligés de les porter au comité de surveillance de leur district, qui leur en délivrera un reçu signé de trois membres au moins, et payable par le receveur, ou à valoir sur leur imposition révolutionnaire, suivant le prix du marc qui sera fixé par la Convention. Art. 2. « Ceux qui, dans quinze jours à dater de la publication du présent arrêté, n’auront pas obéi, seront déclarés suspects. Art. 3. « Quiconque recèlerait ou cacherait, n’im¬ porte en quel endroit, de l’or, de l’argent ou de l’argenterie, sera regardé et puni comme un contre-révolutionnaire. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Sombre 1793 1 49 Art. 4. « Les orfèvres ne pourront recevoir ou ache¬ ter de l’or, de l’argent ou de l’argenterie, sous peine d’être mis dans la maison d’arrêt, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. Arc. 5. « Sont néanmoins exceptés de l’article 1er, tous les instruments de chirurgie et de phar¬ macie, d’or ou d’argent, qui, par la nature de leur service, ne peuvent être composés d’aucune espèce de métaux. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Forestier. Citoyens, toutes les fois que la Convention nationale a été avertie que des arrê¬ tés particuliers, pris dans les départements, pouvaient inquiéter les administrés, et répandre quelque alarme sur le sort de leurs propriétés, même mobilières, elle s’est empressée ou de casser, ou de suspendre, ou de modifier sim¬ plement ces arrêtés. C’est dans cet esprit que tout récemment la Convention nationale a cassé deux arrêtés du comité de surveillance de la ville de Mon-tauban, tendant, arbitrairement et sans une loi précise à ce sujet, à obliger tous les posses¬ seurs de numéraire à le déposer à la caisse du district, pour être ensuite versé à la trésorerie nationale. (1) Moniteur universel [n° 55 du 15 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 222, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 421, p. 31 1 ) et l'Auditeur national [n° 418 du 24 brumaire an II (jeudi 14 novem¬ bre 1793), p. 3] rendent compte de la motion de Forestier dans les termes suivants : I. Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets. Un membre dénonce un arrêté du département de l’Ailier qui, comme deux arrêtés précédents de deux autres départements, ordonnait la remise de l’ar¬ genterie. Il propose d’en suspendre l’exécution. Merlin (de Douai). Si vous ne cassez pas cet arrêté, vous érigez les administrateurs en autant de législateurs. Charot. J’appuie la simple suspension. L’annu¬ lation semblerait préjuger une opinion que nous n’avons pas, car il viendra sans doute un jour où nous rendrons cette mesure générale. Son utilité sera surtout démontrée à la paix, où nous nous oc¬ cuperons avec suite du système de nos finances. La suspension est décrétée. IL Compte rendu de l’ Auditeur national. Par un arrêté, le département de l’Ailier a enjoint aux citoyens d’échanger pour des assignats, non seulement l’or et l’argent monnayé, mais encore la vaisselle et autres objets de ces mêmes métaux, à l’exception néanmoins de ceux qui servent à la parure des femmes. Le membre qui a rendu compte de cet arrêté a demandé que son exécution fût suspendue jusqu’à ce que la Convention ait pris à cet égard une mesure générale. Merlin (de Douai) voulait que l’arrêté fût cassé comme attentatoire à la représentation nationale; mais sur les observations de Chabot, la Convention s’est bornée à suspendre l’exécution de cet arrêté. L’arrêté que je vous dénonce aujourd’hui ne s’est pas borné à dépouiller les habitants du département de l’Ailier du numéraire dont ils peuvent être restés possesseurs ; il s’étend à l’ar¬ genterie, soit en lingots, soit en vaisselle, soit en bijoux, autres que ceux qui servent à la parure des femmes (cette exception a quelque chose de remarquable), ou qui n’ont de valeur que par leur forme et leur travail. Cet arrêté, citoyens, est des 29 et 30 sep¬ tembre dernier (vieux style). C’est un des repré¬ sentants du peuple, près l’armée du Centre et de l’Ouest, qui a cru devoir le prendre. Le comité de Salut public n’en a pas été plu¬ tôt informé, qu’il a dépêché un courrier extra¬ ordinaire à notre collègue, pour l’engager à sus¬ pendre de lui-même cet acte au moins préma¬ turé. Il ne paraît pas que ce collègue, envoyé depuis à Ville-Affranchie, se soit occupé, ou bien qu’il ait eu le temps de déférer à l’invitation offi¬ cieuse du comité de Salut public. Cependant les délais accordés par cet arrêté, pour y satisfaire, à peine d’être déclarés sus¬ pects, sont au moment d’expirer; et une mesure d’autant plus fâcheuse, qu’elle n’est pas parti¬ culière, va s’exécuter, si la Convention nationale n’y met un juste obstacle. Citoyens, voûs ne souffrirez pas que l’on enlève prématurément l’argenterie des habitants de l’Ailier, tandis que, dans les autres départe¬ ments de la République, il sera encore permis d’en user comme d’une propriété qu’aucun décret n’a encore rendue illégitime. Je demande donc : 1° Que l’arrêté que je vous dénonce soit, non pas cassé comme l’ont été les arrêtés du comité de surveillance de Montauban, mais que son exécution en soit simplement suspendue jusqu’à ce que la Convention nationale ait pris, pour tous les départements, une détermination uniforme et générale, sur un objet d’une impor¬ tance si majeure. 2° Que le ministre de la justice fasse partir, dans le jour, un courrier pour porter le décret que vous allez rendre. Merlin (de Douai). Je demande la cassation de cet arrêté. Chabot. J’appuie la suspension; il viendra un jour, au moins à l’époque de la paix, où il faudra généraliser la mesure; car, comme il y aura une trop grande masse d’assignats, le gouvernement sera, pour ainsi dire, obligé de se rendre accapareur de toutes les matières d’or et d’argent possédées par les particuliers. Il faudra que cette mesure soit générale, instan¬ tanée, dans toute la République. La suspension est décrétée. Liste des membres adjoints aux comités réunis d’ Agriculture, Commerce et Ponts et Chaus¬ sées (1). Jay (Sainte-Foy, Girard (Girard-Villars) (de la Vendée ), Thibaudeau, Chauvin (Chauvin-Her-sault), Maragon (Marragon), Fayau, Haussmann, Villers, Thabaut (Thibault), Venard, Grosse-du-Rocher. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 200.