[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.] 449 Voici cette lettre : « Sainte-Menehould, le 22 juin 1791, « Messieurs, j’ai l’honneur de vous annoncer que le roi, la reine et la famille royale sont partis d’ici à 2 heures du matin pour se rendre à Châlons et de suite à Paris. Le roi et la reine m’ont fait promettre qu’il ne leur arriverait aucun accident ni dans leur route, ni dans leur arrivée à Paris, non plus qu’aux personnes de leur suite. Je leur ai promis et j’en ai répondu sur ma tête; pour les en assurer, je les ai accompagnés et leur ai promis de ne pas les abandonner dans toute la route. « Je vous prie de vouloir bien prévenir les citoyens delà capitale et j’espère que vous voudrez bien prendre toutes les mesures convenables et toutes les précautions nécessaires pour que notre promesse soit accomplie, que la tranquillité publique ne soit pas troublée. « J’aurai l’honneur de vous avertir du moment de leur arrivée autant que cela me sera possible. « J’ai l’honneur d’être, etc ..... « Signé : Baudin, envoyé de la municipalité. » Aussitôt que le conseil a reçu cet avis, il n’a eu rien de plus pressé que de nommer trois de ses membres pour venir apporter cette lettre à l’Assemblée et prendre ses ordres. M. le Président. L’Assemblée nationale voit avec satisfaction votre empressement à lui communiquer ce qui peut intéresser le bien public; elle vous engage à donner avec le même zèle tous vos soins pour la tranquillité de la capitale. M. Démeunier. Je demande que le directoire du département de Paris soit tenu de se concerter dans le plus court délai possible avec le maire et le commandant général de Paris sur les précautions à prendre pour assurer le retour du roi et de sa famille. Un membre : L’Assemblée a rendu un décret sur cette matière dans la séance d’hier. ( Oui ! oui !) M. Démeunier. Si vous pensez que votre décret d’hier pourvoit suffisamment aux circonstances, je demande qu’il soit inséré dans le procès-verbal; qu’après avoir entendu la lecture de la lettre qui vient de vous être communiquée, l’Assemblée n’a pas statué sur les dispositions demandées, parce qu’elle avait pourvu dès la veille aux précautions que la municipalité et le directoire du département avaient à prendre. (Cette dernière proposition est adoptée.) Un membre : Le directoire du département de Paris a reçu le décret de l’Assemblée à 2 heures du matin; il s’est concerté sur-le-champ avec la municipalité de Paris; toutes les précautions sont prises. (L’Assemblée ordonne de consigner ces détails dans le procès-verbal.) M. Muguet de Manthou. 11 est extrêmement important que le décret que vous avez rendu hier pour l’envoi de commissaires dans les départements frontières soit exécuté sur-le-champ. Vos commissaires ne sont pas encore partis, parce qu’ils ont pensé que peut-être il y aurait lieu à d’ultérieures instructions. Je crois qu’il serait essentiel que les commissaires arrivassent dans lre Série. T. XXVII. les départements au moment où l’on annoncera le départ du roi et je demande qu’il leur soit enjoint de partir sur-le-champ. (Cette motion est adoptée.) M. de Menou. J’ai l’honneur d’annoncer à l’Assemblée qu’il m’a été remis dans l’instant par M. le commandant général de la garde nationale parisienne une lettre qui lui a été adressée par la société des amis de la Constitution de Valenciennes. Cette lettre est la même que celle qui vous a été adressée et dont vous avez entendu la lecture. M. le Président. En raison de la fatigue de l’Assemblée et de la nécessité où seront un très grand nombre de membres de veiller la nuit prochaine, je suppose de suspendre la séance pour 2 heures. ( Oui ! oui!) (La séance est suspendue à deux heures ; elle est reprise à cinq heures du soir.) M. Danchy, ex-président , prend place au fauteuil et fait lecture d’une lettre de MM. Barnave , Pétion et de La Tour-Maubourg, ainsi conçue : « À la Ferlé-sous-Jouarre, le jeudi 23 juin 1791, à 9 heures du matin. Monsieur le Président, « Nous apprenons que le roi et les personnes qui l’accompagnent ont passé la nuit dernière à Châlons, où ils ont été conduits et escortés par une armée de gardes nationales, accourus des départements voisins au moment où la nouvelle de la présence du roi à Varennes s’y est répandue : nous espérons le joindre ce soir. Nous avons donné sur notre passage les ordres les plus précis pour la sûreté et la tranquillité de son retour, et nous avons été parfaitement secondés par les dispositions des citoyens. Partout, l’impression du départ du roi a été la même qu’à Paris. La contenance du peuple a été tranquille et fière. Nous n’avons cessé de recueillir les témoingnages de sa confiance et de son respect pour l’Assemblée nationale. ( Applaudissements .) « Nous avons l’honneur d’être, M. le Président, vos très humbles serviteurs. « Signé : Pétion, La ToüR-Mau-bourg, Barnave. » M. Rewbell. Les ennemis publics comptaient que le roi, en se retirant dans un département que l’on a peint comme contre-révolutionnaire, se verrait bientôt entouré d’une armée de mécontents : la France s’est montrée, et elle est sauvée -les 'gardes nationales se sont conduites avec le plus grand patriotisme. Mais, comme les ennemis de la patrie pourraient encore exciter les troubles, il est important de faire imprimer sur-le-champ la lettre de MM. les commissaires, et de l’envoyer dans tous les départements. (L’Assemblée décrète cette impression et cet envoi.) (La séance est suspendue à cinq heures et demie; elle est reprise à six heures.) M. le Président. Messieurs, voici une lettre que je reçois à l’instant ; elle est du directoire du département de Seine-et-Marne. Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue ; 29 450 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.) « Messieurs, « Dans ce moment où le salut de la patrie est eu danger, il importe que vous connaissiez le vœu des corps administratifs du royaume et des citoyens de l’Empire. « La nouvelle de l’enlèvement du roi et de la famille royale n’était point encore arrivée officiellement au département de Seine-et-Marne et à la municipalité de Melun, lorsque les administrateurs se sont réunis de concert pour proposer les dispositions que la certitude de cet événement pouvait rendre nécessaires.Hier, à deux heures du matin, le courrier est arrivé : alors les corps administratifs ont pris l’arrêté joint à cette lettre. Ensuite le directoire, convaincu que, dans la circonstance actuelle, la loi doit avoir plus que jamais son exécution, a ajouté de nouvelles mesures à celles déjà prises par la convocation des électeurs, qui avait été fixée au 25 de ce mois. Dès la nuit même, tout a été prêt; et des courriers dépêchés dans les chefs-lieux de canton y ont porté les décrets du 21 de ce mois, notre arrêté et la circulaire du directoire. « Des députations nombreuses de gardes nationales des différentes municipalités du voisinage sont venues, le 21 au soir, et dans la journée du lendemain, offrir leurs secours aux corps administratifs. Dans les municipalités les plus éloignées, les corps municipaux ont manifesté le même zèle pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, en envoyant de leur propre mouvement des courriers au département. Partout régnent maintenant l’harmonie, le concert de toutes les autorités, pour faire respecter les lois et garantir les personnes et les propriétés. (Applaudissements.) « Nous avons fait ensuite, dans les districts du département, la répartition des fusils que le ministre avait fait parvenir au directoire, et déterminé le contingent de chaque municipalité, d’après sa position sur les grandes routes, ou dans le voisinage des bois. « Dans le nombre des mesures essentielles à la circonstance, nos regards se sont tournés vers le recouvrement des impositions de l’année 1791. (Applaudissements.) Dans l’impossibilité où nous étions de faire marcher aussi vite la collection des rôles des contributions foncière et mobilières, nous avons pris la résolution consignée dans notre arrêté, que nous avons l’honneur de mettre sous vos yeux, enfin nous avons arrêté d’être jour et nuit dans l’exercice de nos fonctions, tant que le bien public l’exigera. « Tels sont les faits d’après lesquels l’Assemblée nationale doit juger du dévouement des corps administratifs établis par la Constitution, et du dévouement des citoyens au maintien de cette Constitution, qu’ils doivent à la sagesse et à l’énergie des seuls et vrais représentants de la na-tton. » {Vifs applaudissements.) Plusieurs membres : L’impression ! M. le Président. Le département de la Somme a de même adressé à votre président une lettre que voici : Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, « Nous avons reçu, par un courrier extraordinaire, l’expédition des décrets que l’Assemblée nationale a rendus le 21 de ce mois, relativement à l’enlèvement du roi et de la famille royale. Nous en avons, sur-le-champ, donné connaissance aux corps administratifs et aux tribunaux. Les citoyens d’Amiens et ceux des campagnes voisines nous donnent des preuves de leur patriotisme, et tous les corps, de leur empressement à réunir pour le maintien de la tranquillité publique et de la liberté. Nous avons l’honneur de vous envoyer une expédition de l’arrêté que nous venons de prendre relativement à cet événement. « Nous sommes, etc. » M. Robespierre. Vous avez applaudi ce matin au zèle des citoyens qui ont arrêté le roi, mais ce n’est point assez ; il faut encore saisir l'occasion la plus utile qui se soit présentée à vous, de récompenser et d’encourager les vertus civiques. C’est dans le moment le plus critique de la révolution, où M. Mangin et ceux qui ont secondé l’action la plus patriotique ont rendu à la patrie le plus signalé de tous les services, que vous devez à ces citoyens une récompense digne à la fois de leur patriotisme, et du peuple libre qui doit les récompenser. Je demande qu’il soit décerné par l’Assemblée nationale une couronne civique au sieur Mangin ui a le plus contribué à l’arrestation du roi et e sa famille. ( Vifs applaudissements.) M. Rewbell. Le sieur Mangin n’est pas le seul à s’être distingué dans cette circonstance; le sieur Drouet, maître de poste àSainte-Menehould, est le premier qui a conçu des soupçons sur la qualité des personnes qui ont pris des chevaux chez lui et il s’est rendu à Varennes pour prévenir la municipalité. D’ailleurs, nous ne savons pas encore ce que c’est que des couronnes civiques ; les couronnes civiques sont le cœur des citoyens, mais une marque publique quelconque, et de quelque manière qu’elle puisse être décernée, ne peut l’être que par un décret constitutionnel; et il faut que la matière soit mûrement approfondie; il faut s’enquérir scrupuleusement des faits, les porter au comité, le charger de faire un rapport, où seront exprimés les cas dans lesquels un citoyen mérite le signe distinctif que l’Assemblée nationale voudra décréter; car nous ne devons pas être de serviles imitateurs. Une nation libre doit être avare des marques distinctives, et ne pas faire comme ces peuples avilis qui ont prodigué les couronnes civiques. Plusieurs membres : Le renvoi au comité I M. Rewbell. Eh! Messieurs, on en a décerné à des poètes, à des histrions, enfin à des gens qui n’en méritaient pas. Plusieurs membres : Concluez ! M. Rewbell. La couronne civique, à mon sens, est la marque la plus glorieuse qu’on puisse mettre sur le front d’un citoyen... Plusieurs membres : Concluez ! concluez ! M. Rewbell... et si importante qu’il est impossible de la décerner sans le plus scrupuleux examen. Celui qui mériterait la première couronne civique en France serait, à mon avis, le plus glorieux citoyen de l’univers {Applaudissements.) ; au moyen de quoi je demande que la motion de M. Robespierre soit renvoyée au comité de Constitution.