[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 novembre 1789.] auxquels il adhère de cœur et d’esprit, notamment à tous ceux qui intéressent les ecclésiastiques. . . . , , . ... Délibération du comité municipal de la ville de Pont-à-Mousson , où il représente que les onze maisons religieuses qui existent dans la ville lui rendent les plus grands services, soit parce qu’elles se consacrent à l’éducation de la jeunesse , soit parce qu’elles y répandent des aumônes abondantes. Il supplie l’Assemblée de les conserver. M. Alquier, député de la Rochelle. Je demande au nom de ma province que le président se retire vers le Roi, à l’effet d’obtenir qu’il y soit envoyé un nouveau délégué pour faire la répartition des impôts. L’intendant est absent, et des circonstances particulières font présumer qu’il ne se rendra pas à ses fonctions. Plusieurs députés font de semblables demandes. M. Deschamps, député de Lyon. Si la motion est appuyée, je propose, par amendement, d’y ajouter la suppression des intendants. M. MiSscent. Comme l’Assemblée ne peut se déterminer en n’entendant qu’une seule partie, je propose le renvoi au comité des rapports. M. le comte de Crillon. Nous n’avons pas besoin d’entendre les deux parties ; il suffit qu’un intendant soit haï dans la province pour qu’il ne puisse faire le bien qu’exige son institution. M. Fréteau. Il faut différer jusqu’à ce que nous ayons établi le nouveau régime. Si nous sollicitions l�nvoi d’un autre délégué, et que, par la suite, nous vinssions à les supprimer tous, notre démarche ne paraîtrait-elle pas avoir été inconséquente ? Le renvoi au comité des rapports est ordonné. M. le comte de Morge, député du Dauphiné, donne sa démission. M. Morel, cultivateur, député de Chaumonl-en-Bassigny, présente également sa démission. Ces deux démissions sont acceptées sans opposition. M. Camus reprend sa motion relative aux bibliothèques des maisons religieuses et en donne une nouvelle lecture. M. de Coulmiers, abbé d’ Àbbecourt. En se servant dans le décret du mot mobilier, on a implicitement compris les livres et les manuscrits ; il n’y a donc pas lieu à délibérer. M. Camus, Messieurs du comité des recherches savent très-bien qu’ils ont été obligés de prendre des précautions relatives à la bibliothèque de l’abbaye Saint-Germain : voilà le motif de ma motion; qu’on juge s’il y a lieu à délibérer. M. Grossia. La motion est très-importante pour les iettres et le droit public, dont les ordres religieux conservent les monuments les plus rares. La motion de M. Camus, mise aux voix, est adoptée et le décret suivant est rendu : « Dans tous les monastères et chapitres où il existe des bibliothèques et archives, lesdits monastères et chapitres seront tenus de déposer aux greffes des sièges royaux ou des municipalités les plus voisines, des états et catalogues des livres qui se trouveront dans lesdites bibliothèques et archives, d’y désigner particulièrement les manuscrits, d’aflirmer lesdits états véritables, de se constituer gardiens des livres et manuscrits compris auxdits états, enfin, d’affirmer qu’ils n’ont point soustrait et n’ont point connaissance qu’il ait été soustrait aucun des livres et manuscrits qui étaient dans lesdites bibliothèques et archives. » M. Lebrun, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les réclamations de la province d'Anjou concernant la gabelle. L’horreur qu’inspire la gabelle a excité les habitants de la province d’Anjou à proscrire cet impôt. Rassemblés en grande partie à Angers, ils l’ont remplacé par un impôt de 60 livres par minot ce qui fait 1,500,000 livres et ils offrent de porter cette somme à 1,600,000 livres. Quelques villes n’ont pas voulu adhérer à ce remplacement très-avantageux sous plusieurs rapports, mais qui a aussi ses inconvénients, car il faudra rembourser les cautionnements, rembourser les offices et d’ailleurs la contrebande se répandra dans l’Orléanais, dans la Touraine et fera refluer les cordons d’archers sur ces provinces. Cependant le comité des finances a pensé qu’il fallait accepter la proposition de l’Anjou et légitimer par un décret de l’Assemblée nationale la délibération tumultueuse de la province. Je vais donner lecture du décret que nous vous proposons. Décret. Art. 1er. Le pouvoir exécutif cet autorisé à accepter le remplacement de l’impôt du sel, proposé par la plupart des communautés de l’Anjou, a raison de 60 livres par minot, sans qu’il soit fait aucune délivrance de sel. Art. 2. Le remplacement de cet impôt ne pourra être cependant pour la province, moindre de 1,600,000 livres par années, 800,000 livres pour six mois, ainsi de suite, jusqu’à ce que la gabelle soit supprimée. Art. 3. La répartition des sommes sera faite par l’administration de la province, sans distinction de personnes et à raison des facultés. Art. 4. Les contestations qui seront relatives aux rôles seront portées devant les tribunaux qui connaissent de l’impôt. Art. 5. La perception sera faite tous les mois et le versement au Trésor royal se fera également tous les mois. Art. 6. Les sommes qui auront été versées dans les caisses particulières seront nécessairement versées dans les caisses respectives. M. le marquis de Ferrières. Je déclare que la sénéchaussée de Saumur n’a pas adhéré aux réclamations de la province d’Anjou parce que la contribution a été portée à un chiffre trop élevé, attendu que l’abolition du régime actuel des gabelles procurera une économie dont les contribuables doivent profiter. M. Lebrun produit un tableau des opérations du comité des finances à l’aide duquel il établit que les frais de perception ont été distraits de la somme à laquelle l’Anjou va être assujetti. M. Dupont établit par des calculs économiques, qu’il appelle arithmétique politique, qu’il est de la justice de fixer le prix du sel à 51 livres le quin- 56 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 novembre 1789.] tal, et non à 60 livres, selon la proposition faite par l'Anjou. Il pense qu’il serait convenable d’étendre - l’abonnement à toutes les provinces où la gabelle est établie. Vous arriveriez, ajoute-t-il, sans doute à la réforme, par le moyen très-dur de ramener le cordon terrible d’employés sur les provinces qui ne seraient pas abonnées, et qui dans leur effroi demanderaient bientôt à imiter l’Anjou; mais faut-il faire cette réforme les armes à la main, et par la voie trop sûrement victorieuse de l’irruption de l’armée fiscale? L’orateur fait la motion suivante : Que la proposition de la province d’Anjou soft adoptée à la charge que l’abonnement qu’elle offre ne sera réglé que sur le pied de sa consommation actuelle, évaluée à 51 livres le minot; Que la même opération sera étendue à toutes les provinces de grandes et petites gabelles et aux provinces de salines, en faisant à celles qui sont sur les frontières la remise d’un sixième sur leur contribution et à celles de l’intérieur la remise d’un tiers; Que les provinces rédimées soient tenues en même temps d’abandonner les droits de convoi sur le transport des sels, auxquels elles sont actuellement soumises; Que les commis actuellement employés au service des gabelles soient portés sur les frontières pour perfectionner la perception des droits de traite et réprimer l’exportation des grains. M. Defermon. Dans le décret qui contient les dispositions relatives au remplacement de la gabelle en Anjou, le comité des finances propose de faire juger les contestations par les juges des élections. Je crois cette clause contraire à l’esprit de l’Assemblée. En matière d’impôt, les juges compétents doivent être élus librement. Je propose en conséquence de renvoyer aux assemblées de district ou de département toutes les contestations relatives au remplacement de la gabelle en Anjou. M. Chassebæuf deVoIney, député d'Anjou , adhère à celte observation, au nom de sa province. M. Jouye des Roches. L’offre excessive de l’Anjou est une offre patriotique qui ne peut tourner au détriment d’un tiers; cependant, en reculant les barrières de l’Anjou, vous les rejetez sur le Maine. Cette dernière province ne peut se soumettre à l’évaluation excessive de 60 livres, par minot. Je propose en son nom un abonnement à raison de 30 livres. M. le duc de la Rochefoucauld. Le décret que vous avez rendu sur la gabelle n’existera provisoirement que jusqu’au moment où, après un examen approfondi, vous prononcerez la suppression totale d’un impôt désastreux, déjà jugé depuis plusieurs années. L’Anjou a mieux aimé payer une somme considérable que de s’y soumettre : je ne vois pas qu’en acceptant cette offre, qui rejette les barrières sur les provinces voisines, vous commettiez une injustice. Ces provinces peuvent imiter cet exemple. Le préopinant vous propose pour le Maine un remplacement à raison de 30 livres par minot. Cette faveur deviendrait une charge pour d’autres provinces. Si la gabelle, qui est décrétée à 60 millions, n’en produit que 40, il se trouvera un déficit de 20 millions qui portera sur les provinces non assujetties à cet impôt : ne croyez pas que ces dernières, dans le mauvais gouvernement où nous avons vécu , fussent réellement soulagées. Le fisc, pour établir un équilibre parfait, les forçait sur des impositions d’une autre nature; plusieurs étaient même surchargées évidemment ; et si la méthode des sous pour livres a servi à aggraver la gabelle, elle a été employée d’une manière aussi aggravante sur la taille des provinces rédimées. Je pense donc que vous devez vous borner à accepter l’offre de la province d’Anjou, sans approuver la manière dont elle a été faite, et en invitant toutefois les provinces également soumises à la gabelle à vous présenter, dans le plus court délai, leurs propositions. On demande à aller aux voix. M. le Président. Je dois prévenir l’Assemblée que M. le ministre des finances demande à être reçu. Le ministre est introduit et l’Assemblée témoigne par de vifs applaudissements du plaisir qu’elle a de le voir dans son sein. Il prend séance dans l’enceinte au-devant de la barre où l’on place un fauteuil pour lui. M. Heeker apporte un mémoire ayant pour objet la conversion de la Caisse d’escompte en une Banque nationale (1). Le ministre, étant très-fatigué, ne lit que le commencement de son discours; la lecture, qui dure une heure et demie, est ensuite continuée, de l’agrément de l’Assemblée, par un de ses secrétaires. Yoici le texte du mémoire : Messieurs, c’est une pénible situation pour moi que d’avoir si souvent à vous entretenir des embarras et des difficultés des linancqg. Je n’ai eu que des inquiétudes et des déplaisirs dans cette administration, depuis l’instant où je l’ai reprise au mois d’août de l’année dernière. Le discrédit général à cette époque, l’existence d’un déficit immense, et l’extrême pénurie du Trésor royal ont déployé devant moi les premiers obstacles. Cependant les revenus de l’Etat étaient au moins dans leur entier, et les recouvrements s’exécutaient avec la ponctualité usitée. On ne prévoyait pas encore l’affreuse disette des subsistances dont nous étions menacés, et l’on ne soupçonnait pas les malheureux événements qui ont contrarié la perception des droits et des impôts, et qui, en jetant l’alarme dans les esprits, ont détourné le cours de toutes les affaires et ont fait disparaître, à la fois, l’argent et la confiance. Un avenir favorable se présente à nos regards, mais il n’est embrassé que par l’espérance, et les affaires de finances n’en éprouvent point encore la salutaire influence. L’Assemblée nationale, de concert avec le Roi, a cependant déterminé deux grandes dispositions pour l’encouragement du crédit, et pour le rétablissement de l’ordre dans les finances. Par l’une elle assure, à commencer du 1er janvier prochain, un parfait équilibre entre les revenus et les dépenses fixes, et par l’autre, elle autorise une contribution patriotique, dont elle a présumé que le produit pourrait être équivalent aux besoins extraordinaires de cette année et de l’année prochaine. Une immense difficulté reste à vaincre encore. Cette contribution patriotique ne fournira que des ressources graduelles, puisque le dernier (I) Le Moniteur ne donne qu’une courte analyse du mémoire de M. Necker.