SÉANCE Dü 6 PRAIRIAL AN II (25 MAI 1794) - N° 33 621 [. Maubeuge , 28 flor. Il] (1). « Citoyens collègues Les belles actions, tant civiles que militaires, ne peuvent rester ignorées, c’est une justice de vous les faire connaître parce que la Convention récompense la vertu, le courage et le patriotisme. Persuadé que c’est remplir ses vues que de l’instruire du zèle, de l’humanité et de la bienfaisance des défenseurs de la patrie, je m’empresse de lui transmettre quelques actions héroïques et civiques, bien faites pour augmenter l’émulation républicaine; mais c’est à vous, c’est à la Convention de payer à leurs auteurs le tribut de félicitations qui leur est dû, récompense la plus flatteuse pour des âmes pures et désintéressées. Jean-François Brocsole, natif de Coulommiers, tambour au premier bataillon de Seine-et-Marne, âgé de 19 ans, trouve dans une des cours de l’abbaye de Maroilles un enfant de 7 à 8 ans, qui lui parait abandonné et portant la livrée respectable de la misère; il l’interroge, il apprend de lui qu’il se nomme Joseph Deschamps, que son père avait été sergent au régiment de Vintimille-infanterie, qu’ayant été blessé au siège de Valencienne, il était venu à l’hôpital du Quesnoy, heu de naissance de son épouse; que dans l’intervalle de la maladie de ce dernier, elle vint à mourir; que son père commençant à se mieux porter, avait été tué par le feu de l’ennemi; que n’ayant plus aucun parent ni la moindre ressource au Quesnoy, il avait quitté la ville et avait erré dans différents corps jusqu’à ce moment, et avait vécu du superflu des soldats. La manière ingénue dont s’expliquait cet enfant, la misère dans laquelle il était plongé, et surtout la qualité d’enfant militaire, firent la plus vive impression sur l’âme sensible de Brocsoles; il propose au jeune Deschamps de lui servir de père; l’enfant verse des larmes et se jette dans les bras de son père adoptif. Broc-sole lui fait quitter ses haillons et lui achète des habits. Depuis ce temps, il ne cesse de lui procurer les secours et les soins d’un père. Il le nourrit de sa solde et de sa portion, il l’entretient proprement et le conduit lui-même à l’école en s’assurant qu’il n’y manque jamais. Le tambour qui n’a que sa paye a cependant refusé les secours qui lui ont été offerts, notamment par son capitaine qui avait offert d’habiller le jeune Deschamps. On a pris des rensei-nemens sur le récit de l’enfant et on a acquis la certitude qu’il n’avait dit que la vérité. Margey, volontaire au 5e bataillon des Vosges, de la brigade du général Duhem, lors de l’affaire qui eut lieu les 2 et 3 floréal près la forêt de Nouvion, était posté en tirailleur près la redoute située au bord de cette forêt. Il est frappé d’un boulet qui lui emporte la cuise droite et lui casse la jambe gauche. J’ai payé, dit-il au milieu des plus vives douleurs, le tribut que je devais à ma patrie; je mourrai satisfait... mais je plains ma pauvre mère si j’en reviens; mes deux bras me resteront pour la nourrir... Et il expire aussitôt. A cette même affaire, malgré 17 pièces de position de différens calibres et 3,000 hommes, (1) Bin, 7 prair. (suppl4) ; Débats, n° 613, p. 77; Mon., XX, 563. 600 républicains tinrent l’ennemi en échec pendant six heures, avec 4 pièces de 8 , 2 obusiers d’artillerie légère, quelques petites pièces de campagne, et prirent un caisson rempli de cartouches dont ils se servirent sur le champ de bataille. La proposition est faite à la garde nationale d’Avesnes qui fait le service intérieur et extérieur de la place, de recevoir la solde, la viande et le pain. Elle la rejette en s’écriant qu’elle n’ambitionnait que l’honneur de servir la patrie. Pour laisser la cavalerie à la disposition des généraux, des citoyens habitués à l’exercice du cheval, font le service des ordonnances. Des citoyennes de tout âge et les enfans, se portent aux hôpitaux; les unes font des bandes, des compresses, les autres font de la charpie. Je ne dois pas passer sous silence d’autres traits de bravoure et de républicanisme qui font l’éloge des défenseurs de la patrie composant l’armée du Nord. Le 23, au passage de la Sambre, les grenadiers du 49e régiment, ci-devant Vintimille, se sont élancés à l’eau pour aller au secours des tirailleurs qui étaient aux prises avec l’ennemi qui s’avançait dans la forêt sur l’autre rive, méprisant de passer sur les pontons qui retardaient leur marche. Le 24, ce même régiment a résisté à la cavalerie ennemie, et a mis la légion du nom proscrit de Bourbon en déroute, devant laquelle légion le 22e de cavalerie a eu la lâcheté de fouir. Le 27, le 68e régiment, ci-devant Beauce, a seul, sur un pont, soutenu l’attaque des Autrichiens qui étaient en nombre supérieur, et l’a conservé à la République, quoique les boulets sillonnassent les rangs de ces braves défenseurs. En général, l’armée de Desjardin a donné, dans l’affaire qui vient d’avoir lieu ces jours derniers, les preuves du plus grand courage. Elle répondait et criait à l’ennemi, en allant au pas de charge sous le fer de ses batteries : Vive la République ! Un trait d’un autre genre doit aussi avoir sa place dans ma lettre. C’est le désintéressement républicain des quatre premiers capitaines du 2e bataillon du 56e régiment. J’avais promu le citoyen Gelly, leur camarade, au grade de général de brigade, officier d’un patriotisme et d’une bravoure reconnus. Ces quatre braves se défiant de leurs talens pour commander à une place qui revenait de droit au premier d’entre’eux, refusèrent généreusement, afin de mettre à leur tête le citoyen Mi-quet, que ses talens militaires appelaient à ce poste. S. et F. » Laurent. 33 La municipalité de Tours (1), organe de tous les citoyens, exprime sa reconnaissance pour le mémorable décret du 18 floréal. Mention honorable, insertion au bulletin (2). (1) Indre-et-Loire. (2) P.V., XXXVIII, 112. Bin, 10 prair (1er suppl‘) ; J. Sablier, n° 1340; J. Fr., n° 608. SÉANCE Dü 6 PRAIRIAL AN II (25 MAI 1794) - N° 33 621 [. Maubeuge , 28 flor. Il] (1). « Citoyens collègues Les belles actions, tant civiles que militaires, ne peuvent rester ignorées, c’est une justice de vous les faire connaître parce que la Convention récompense la vertu, le courage et le patriotisme. Persuadé que c’est remplir ses vues que de l’instruire du zèle, de l’humanité et de la bienfaisance des défenseurs de la patrie, je m’empresse de lui transmettre quelques actions héroïques et civiques, bien faites pour augmenter l’émulation républicaine; mais c’est à vous, c’est à la Convention de payer à leurs auteurs le tribut de félicitations qui leur est dû, récompense la plus flatteuse pour des âmes pures et désintéressées. Jean-François Brocsole, natif de Coulommiers, tambour au premier bataillon de Seine-et-Marne, âgé de 19 ans, trouve dans une des cours de l’abbaye de Maroilles un enfant de 7 à 8 ans, qui lui parait abandonné et portant la livrée respectable de la misère; il l’interroge, il apprend de lui qu’il se nomme Joseph Deschamps, que son père avait été sergent au régiment de Vintimille-infanterie, qu’ayant été blessé au siège de Valencienne, il était venu à l’hôpital du Quesnoy, heu de naissance de son épouse; que dans l’intervalle de la maladie de ce dernier, elle vint à mourir; que son père commençant à se mieux porter, avait été tué par le feu de l’ennemi; que n’ayant plus aucun parent ni la moindre ressource au Quesnoy, il avait quitté la ville et avait erré dans différents corps jusqu’à ce moment, et avait vécu du superflu des soldats. La manière ingénue dont s’expliquait cet enfant, la misère dans laquelle il était plongé, et surtout la qualité d’enfant militaire, firent la plus vive impression sur l’âme sensible de Brocsoles; il propose au jeune Deschamps de lui servir de père; l’enfant verse des larmes et se jette dans les bras de son père adoptif. Broc-sole lui fait quitter ses haillons et lui achète des habits. Depuis ce temps, il ne cesse de lui procurer les secours et les soins d’un père. Il le nourrit de sa solde et de sa portion, il l’entretient proprement et le conduit lui-même à l’école en s’assurant qu’il n’y manque jamais. Le tambour qui n’a que sa paye a cependant refusé les secours qui lui ont été offerts, notamment par son capitaine qui avait offert d’habiller le jeune Deschamps. On a pris des rensei-nemens sur le récit de l’enfant et on a acquis la certitude qu’il n’avait dit que la vérité. Margey, volontaire au 5e bataillon des Vosges, de la brigade du général Duhem, lors de l’affaire qui eut lieu les 2 et 3 floréal près la forêt de Nouvion, était posté en tirailleur près la redoute située au bord de cette forêt. Il est frappé d’un boulet qui lui emporte la cuise droite et lui casse la jambe gauche. J’ai payé, dit-il au milieu des plus vives douleurs, le tribut que je devais à ma patrie; je mourrai satisfait... mais je plains ma pauvre mère si j’en reviens; mes deux bras me resteront pour la nourrir... Et il expire aussitôt. A cette même affaire, malgré 17 pièces de position de différens calibres et 3,000 hommes, (1) Bin, 7 prair. (suppl4) ; Débats, n° 613, p. 77; Mon., XX, 563. 600 républicains tinrent l’ennemi en échec pendant six heures, avec 4 pièces de 8 , 2 obusiers d’artillerie légère, quelques petites pièces de campagne, et prirent un caisson rempli de cartouches dont ils se servirent sur le champ de bataille. La proposition est faite à la garde nationale d’Avesnes qui fait le service intérieur et extérieur de la place, de recevoir la solde, la viande et le pain. Elle la rejette en s’écriant qu’elle n’ambitionnait que l’honneur de servir la patrie. Pour laisser la cavalerie à la disposition des généraux, des citoyens habitués à l’exercice du cheval, font le service des ordonnances. Des citoyennes de tout âge et les enfans, se portent aux hôpitaux; les unes font des bandes, des compresses, les autres font de la charpie. Je ne dois pas passer sous silence d’autres traits de bravoure et de républicanisme qui font l’éloge des défenseurs de la patrie composant l’armée du Nord. Le 23, au passage de la Sambre, les grenadiers du 49e régiment, ci-devant Vintimille, se sont élancés à l’eau pour aller au secours des tirailleurs qui étaient aux prises avec l’ennemi qui s’avançait dans la forêt sur l’autre rive, méprisant de passer sur les pontons qui retardaient leur marche. Le 24, ce même régiment a résisté à la cavalerie ennemie, et a mis la légion du nom proscrit de Bourbon en déroute, devant laquelle légion le 22e de cavalerie a eu la lâcheté de fouir. Le 27, le 68e régiment, ci-devant Beauce, a seul, sur un pont, soutenu l’attaque des Autrichiens qui étaient en nombre supérieur, et l’a conservé à la République, quoique les boulets sillonnassent les rangs de ces braves défenseurs. En général, l’armée de Desjardin a donné, dans l’affaire qui vient d’avoir lieu ces jours derniers, les preuves du plus grand courage. Elle répondait et criait à l’ennemi, en allant au pas de charge sous le fer de ses batteries : Vive la République ! Un trait d’un autre genre doit aussi avoir sa place dans ma lettre. C’est le désintéressement républicain des quatre premiers capitaines du 2e bataillon du 56e régiment. J’avais promu le citoyen Gelly, leur camarade, au grade de général de brigade, officier d’un patriotisme et d’une bravoure reconnus. Ces quatre braves se défiant de leurs talens pour commander à une place qui revenait de droit au premier d’entre’eux, refusèrent généreusement, afin de mettre à leur tête le citoyen Mi-quet, que ses talens militaires appelaient à ce poste. S. et F. » Laurent. 33 La municipalité de Tours (1), organe de tous les citoyens, exprime sa reconnaissance pour le mémorable décret du 18 floréal. Mention honorable, insertion au bulletin (2). (1) Indre-et-Loire. (2) P.V., XXXVIII, 112. Bin, 10 prair (1er suppl‘) ; J. Sablier, n° 1340; J. Fr., n° 608. 622 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Tours, 19 flor. II] (1). « Citoyens, représentans, Votre décret du 18 de ce mois prouva, au grand étonnement et à la grande douleur de tous les ennemis de notre glorieuse révolution, que vous avez mis en effet toutes les vertus à l’ordre du jour. Quoi de plus propre à les faire naître que les principes que vous manifestez, à les faire aimer et pratiquer que les fêtes que vous leur décernez ! O toi, Etre Suprême ! toi dont le pervers seul peut nier, ou du moins désirer de pouvoir nier l’existence, le peuple français assez vertueux pour ne pas craindre, la reconnaît aujourd’hui d’une manière solennelle par l’organe de ses représentants. Tu vas donc enfin recevoir un culte digne de toi, c’est la Raison qui le dictera, après les différentes pratiques, plus atroces, plus absurdes au moins les unes que les autres, par lesquelles les hommes jusqu’à ce jour ont cru l’honorer. Si tu étais un être susceptible d’orgueil, tu serais fier de ce culte que te préparent les français. Tu en serais satisfait du moins. En est-il un qui pût te plaire davantage que l’amour et la pratique de toutes les vertus dont tu as mis le germe dans le cœur de l’homme. Citoyens représentans, le conseil général de la commune de Tours vous témoigne en son nom et en celui de tous ses concitoyens l’admiration et la reconnaissance avec lesquelles il a reçu votre mémorable décret du dixhuit de ce mois, relatif aux fêtes nationales et décadaires à célébrer dans la République. S. et F. » Blanchet, Touchard, Fournier, Lebrun, Jac-qhemin, Philippe, Léonard, David, Thomas [et 12 signatures illibles] . 34 La municipalité, le Comité de surveillance et la Société populaire de Montoire (2) invitent les fidèles représentans du peuple à rester au sommet de la Montagne pour écraser de la foudre les traîtres, les rois et leurs satelites. Mention honorable, insertions au bulletin (3). [Montoire, 1er flor. II] (4). « Citoyens représentans, C’est au milieu des plus grands orages, c’est à l’instant où la patrie était dans le danger le plus éminent, que vous vous êtes montrés dignes de représenter le peuple français; grâce au Comité de salut public la République est encore une fois sauvée des conjurations tramées et ourdies depuis longtemps contre elle; vous l’avez encore une fois délivrée des conjurés, des rois, des triumvirs, des dictateurs. Qu’ils périssent donc les traîtres chargés de la confiance du peuple souverain et qui en ont abusé en sacrifiant sa liberté et son bonheur à leurs ambitions, et cherchant à la plonger dans (1) C 305, ni. 1143, p. 12. (2) Loir-et-Cher. (3) P.V., xxxvm, 112. (4) C 305, pl. 1143, p. 15. de nouveaux fers, que les mandataires perfides et infidèles du premier peuple du monde soient donc exterminés. Et vous, Montagnards et fidèles représentans, que la corruption ne peut atteindre, à qui le bonheur du peuple est confié, ne quittez point le sommet de la Montagne que tous les traîtres ne soient anéantis, que les rois et leurs satellites armés contre nous ne soient forcés d’apporter à vos pieds tous leurs attributs tyranniques, qu’ils voient leurs sceptres se briser aux pieds de la Montagne, qu’ils voient la Montagne de la liberté s’appesantir sur eux; qu’ils disent, ces scélérats, «le peuple français a conquis sa li-« berté et celle de tous les peuples du monde ». Point de paix ni de trêve avec les despotes que la liberté et la tranquillité nationale ne soit assurées pour toujours; le vaisseau de la République est en vos mains, vous seuls en êtes le pilote, vous l’avez déjà sauvé de beaucoup de naufrages, ne l’abandonnez pas qu’il ne soit arrivé au port de la liberté, et la reconnaissance nationale sera la récompense que vous devez attendre de vos glorieux travaux. Vive la République française, indépendante, une et indivisible. » Alleu (maire), Vaudrondurocher, Perthins, Bataille, Villars [et 15 signatures illisibles]. 35 Le conseil-général de la commune de Rouen envoie le procès-verbal de la fête célébrée dans le temple de la Raison, le 1er décadi floréal. Insertion au bulletin, renvoi au Comité d’instruction publique (1). [Rouen, 13 flor. If] (2) . « Citoyens représentants, C’est pour nous une bien douce satisfaction de vous faire connaître le bon esprit de nos concitoyens; aussi nous empressons-nous de vous faire passer le procès-verbal de la fête civique que nous avons célébrée dans le temple de la Raison le premier décadi de floréal présent mois. S. et F. » Vande (maire), Guionard (secret.). 36 L’agent national près le district de Lauzoun (3), écrit que l’extraction du salpêtre est à l’ordre du jour, et que la commune de Sou-mensac envoie un premier essai de fabrication de poudre. Mention honorable, insertion au bulletin, renvoi à la commission des poudres et salpêtres (4). (1) P.B., XXXVIII, 112. Bln, 10 prair (1er suppl1). (2) F17-4 1010®, pl. 2, p. 2791. (3) Lot-et-Garonne. (4) P.V., XXXVin, 112. B