3d6 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES; [25 mars 1790.] d& M. Lambert, contrôleur général des finances, relative aux mesures ordonnées par l’Assemblée pour la prompte confection du rôle des tailles ; M. le contrôleur général explique les principales causes du retard de ces rôles, et il annonce une plus prompte expédition, d’après la nouvelle organisation des municipalités. M. Alexandre de Lameth fait une motion portant que M. le Président présentera les décrets à la sanction dans deux fois 24 heures après qu’ils auront été prononcés, et que M. le garde des sceaux sera tenu de répondre à l’Assemblée dans la huitaine. M. de Jllontlosler croit convenable de porter à un mois le délai fixé au ministre. M. de Toulon�eon propose de faire déclarer par le Président, chaque jour, après la lecture du procès-verbal, quels sont les décrets rendus qui ont été sanctionnés et quels sont ceux qui ne sont pas sanctionnés. La motion de M. de Lameth est adoptée avec amendement et décrétée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale ordonne que ses décrets seront constamment présentés par son président, à l’acceptation ou à la sanction du roi, dans le délai de trois jours au plus, après celui où iis auront été rendus ; et que, dans la huitaine après ladite présentation, M. le garde des sceaux instruira M. le président de l’Assemblée, soit de la sanction donnée par le roi, soit des raisons qui auraient pu porter à la différer ; enfin, que les commissaires de l’Assemblée, ci-de-vant nommés pour surveiller l’expédition et l’envoi des décrets sanctionnés, seront chargés de veiller à l’exécution de la présente disposition. » M. le Président lève la séance à 4 heures. ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 25 mars 1790. nota. Nous insérons ici une opinion de M. le vicomte de Mirabeau qui n’a pas été prononcée, mais qui a été distribuée à tous les députés et qui fait partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale constituante. M. le vicomte de Mirabeau. Opinion sur la dénonciation faite le 25 mars 1790, à l’Assemblée nationale , de paiements prétendus faits en contravention de ses décrets, à LL. AA. SS. Nosseigneurs le prince de Condé et le duc de Bourbon. La nation française a toujours été caractérisée par son. amour pour ses rois, et son respect profond pour leur auguste sang; ce sentiment, qui a longtemps fait sa gloire, serait-il anéanti? Toutes les lois que i’ai interrogé mon cœur, j’ai été bien éloigné de l’imaginer, il est électrisé par le seul nom de Bourbon; mais lorsque j’ai entendu le récit de ce qui s’est passé ce matin au sein de l'Assemblée nationale, j’ai été saisi, je l’avoue d’une juste indignation, et j’ai regretté qu’une légère indisposition m’ait empêché de m’y trouver, et de me joindre à l’honorable membre” qui s’est élevé contre l’irrespectueuse déclamation qu’on s’y est permise contre deux princes du sang absents et fort au-dessus des reproches qu'on a imaginé pouvoir leur faire. Il s’agit d’un Condé, d’un Bourbon ; je suis gentilhomme, chef de l’une des phalanges de l’armée française, et membre de l’Assemblée nationale; chacun de ces titres m’impose le devoir sacré d’afficher hautement, et de publier ma façon de penser sur un événement aussi bizarre; je vais le remplir de mon mieux. Examinonsd’abord ce qu’on reproche à ces princes ; et lorsque i’aurai prouvé ce qui me sera facile, que ces reproches n’ont aucun fondement, quand j’aurai traité le fond de la question, je dirai ce que je pense sur la forme irrévérencieuse, je ne craindrai pas même de dire coupable, qu’on a employée pour faire cette dénonciation. L’Assemblée nationale a rendu le 23 janvier, un décret qui défend de faire aucun paiement sur les arriérés. Ce décret, quoique non sanctionné par le roi, a eu son plein et entier effet, Hier, M. Camus dénonça plusieurs paiements faits en contravention de cette loi ; il cita MM. les princes de Condé, duc de Bourbon, et plusieurs particuliers parmi lesquels un membre de l’Assemblée nationale; il n’administra point les preuves, mais il les promit; on établit sur-le-champ une espèce de bureau de comptabilité dans l’Assemblée même. On manda le caissier, qui eût bientôt prouvé qu’il avait rempli ses devoirs. On manda M. de Biré, trésorier de l’extraordinaire des guerres, qui n’arriva qu’au moment où l’on venait de lever la séance; il a comparu aujourd’hui; il a répondu avec franchise et simplicité, aux interpellations diverses d'un honorable membre; il a d’abord prouvé que l’ordonnance sur laquelle il avait payé le 18 janvier les arrérages dus... jusqu’au mois de mai 1789, à MM. les princes de Condé et duc de Bourbon, sur les appointements attachés à leur gouvernement de Bourgogne et de Champagne, était datée du mois de mai 1789, et par conséquent antérieure de huit mois au décret rendu à la fin de janvier sur les arriérés ; il a ajouté que le paiement lui-même était antérieur au décret ; il a, au reste, exhibé une lettre de M. Mélin, pour faire connaître la forme dans laquelle se faisaient ces sortes de paiements; le membre qui l’interrogeait l’a interpellé de dire s’il eut payé les princes sur une simple lettre de M. Mélin ; il lui a dit que oui. On lui a demandé ensuite s’il aurait payé les princes en juillet ou août 1789, s’ils eussent présenté leur ordonnance; il a répondu que oui. Sur quoi un autre membre ayant établi que M. de Biré était parfaitement en règle : On vous trompe 1 s’écria le dénonciateur, qui est ensuite monté à la tribune, pour expliquer cette espèce de dénégation peu usitée entre gens honnêtes. « Je ne dirai pas, a-t-il ajouté, que M. de Biré ait tort; mais qui pourra s'imaginer que ces ordonnances n’eussent pas été acquittées l’année dernière, si elles eussent été entre les mains des princes? C’est donc, en les antidatant qu’on a trouvé le moyen d’éluder les dispositions du décret. » M. Camus me permettra de lui dire que c’est bien gratuitement soupçonner, et même accuser de faux des personnes, que leur rang, leur caractère, leur loyauté connue, devaient mettre à l’abri d’être accusées sans preuves. M. Camus peut-il ignorer qu’on garde fort souvent une année entière une ordonnance, ou parce que les fonds ne sont pas faits, ou parce qu’elle est passée en paiement? On observera d’ailleurs qu’il existe un registre [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 357 qui constate l’instant où ont été délivrées les ordonnances, et sur lequel il serait impossible d’antidater. Au reste, si la simple et franche loyauté de M. de Biré a étonné le membre qui J 'interrogeait, comment se serait-U tiré du labyrinthe où il s’était égaré si le trésorier lui eût parlé le langage de la comptabilité, qu’il ne me paraît pas entendre? Je crois qu’il eût été un peu embarrassé de son rôle au lieu qu’il ne l’a été que de sa dénonciation. Pourquoi M. Camus a-t-il passé sous silence ou du moins pallié un paiement de trente mille francs fait, le Ie*- février, à un membre de l’Assemblée qui s'est trouvé sur la liste, et qui eût pu être cité avec plus d’avantage, puisque le décret avait précédé le paiement? Je crois avoir suffisamment démontré qu’il n’y avait matière à aucune dénonciation contre les princes. Il ne me le sera pas davantage de prouver qu’on s'est écarté du respect qui leur est dû dans la forme de la dénonciation ; car je me fie plus à mon âme, sur l’énergie de laquelle on peut compter pour défendre une bonne cause, qu’à mon calcul, qui n’est rien moins que sûr. J’avais entendu, dès hier, M. Camus répéter plusieurs fois le prince de Condé , le duc de Bourbon, et ne pas daigner, même ajouter le mot de monsieur si généralement accordé que personne ne s’est jamais avisé de le lui disputer à lui-même. Mais aujourd’hui c’est un prince du sang de son roi, c’est le seul de nos princes qui ait gagné une bataille à la tête d’une armée française, qui ait pris sur l’ennemi des canons qui sont aujourd’hui consacrés à la défense d’un district ; c’est Condé et son fils, victimes l’un et l'autre d’une prévention aveugle et injuste. Ce sont des princes absents et malheureux que M. Camus choisit pour l’objet d’une dénonciation sans fondement, d’une accusation fausse; mon cœur frémit ! Français! peuple qu’on peut égarerun moment, mais qui fûtes toujours idolâtres du sang de vos rois, écoutez un chevalier français ; car je ne connais aucun décret qui ne puisse me faire renoncer à cet indélébile caractère; sachez-lui gré de chercher à vous éclairer sur les torts qu’on impute à des absents; sur la défaveur qu’on cherche à verser sur l’innocent ; et souvenez-vous que le sang des Bourbons coule dans les veines de mes augustes clients. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du vendredi 26 mars 1790 (1). M. le Président ouvre la séance à 9 heures précises du matin. L’Assemblée ne se trouve pas en nombre pour délibérer. M. le marquis de Donnay, secrétaire , fait lecture de diverses adresses dont la teneur suit: Adresse de la ville de Marseille, qui présente à l’Assemblée nationale l’hommage de sa vive reconnaissance au sujet du décret qu’elle a rendu le 8 de ce mois sur les colonies. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [26 mars 1700.] Adresse des officiers municipaux et habitants de la paroisse de Saint-Hilaire-de-Gondilli en Berri, qui annoncent qu’après avoir entendu au prône la lecture du discours du roi, avec les transports de la joie la plus vive, ils ont prêté, sur l’autel du Dieu vivant, le serment civique. Délibération du conseil général de la commune de Bordeaux, contenant adhésion à l’adresse que l’armée patriotique bordelaise a présentée à l’Assemblée, concernant la traite et la servitude des noirs. Adresse de la ville de Guéret, qui fait le don patriotique du produit de la contribution sur les ci-devant privilégiés. Adresse de dévouement de la compagnie des chasseurs de la ville de Lougnion en Lorraine ; elle demande des armes. Adresse du bourg d’Allauch, près de Marseille, contenant adhésion à l’adresse présentée par la nouvelle municipalité de cette ville, à l’Assemblée nationale, contre le prévôt-général de Provence. Adresses des nouvelles municipalités des communautés de Saint-Hilaire-sur-Erre, de Precy-sous-Thil en Bourgogne, de la Rochepot, de Pru-niers-sur-Sauldre, de Villard, Saint-Pancra.ee en Briançonnois, de Saint-Goazec en Breiagne, de Misme, de Montpont, de la Motte-Saint-Jean, de Gesson en Bretagne, de la Vacherie, de Gourbiliac en Mareuil, du Faget en Languedoc, de l’Isle en Albigeois, de Saint-Christophe près de Limoges, du Taur, de Loubens, d’Auvroy-le-Suq, de la Sone en Dauphiné, de Filstroffe en Lorraine, de Diénai, de Bargeon en Bourgogne, de Campagna, au Pays de Foix, de Baulon, de la Bruyère, d’Asabaux, d’Ëssert-la-Grange en Dauphiné, de l’Herme, de Montlaur et la Bastide, de l’Herme en Foix, des villes de Massat en Gouserans, de Pierrelatte en Dauphiné, du Pont-Saint-Esprit, du Fouet en Bretagne, de Saint-Junien en Limousin, d’Etablesen Bourbonnois, et de Homorentin. De la communauté de Maulléges en Provence; elle demande que la ville de Saint-Rerai soit le siège d’un tribunal de district. Des communautés de Dammarie, Ghampoulet, Bastilly, Thou, et de la ville d’Ussou ; elles forment la même demande d’un tribunal en faveur de la ville de Bonny-sur-Loire. De la communauté de Monterhausen en Lorraine allemande, qui annonce que sa contribution s’élève à la somme de 800 livres. De huit communautés composant la terre de Colonne en Franche-Comté ; elles demandent avec instance la restitution des biens communaux qui leur ont été usurpés. De la communauté d’Arconsat, quartier d’Au; vergne et de Forez. En suite de l’option qui lui a été déférée par l’Assemblée, elle choisit la ville de Thiers pour son chef-lieu de district. De la communauté de Verpillièreen Champagne; elle demande si les religieux de Molême peuvent traiter validement avec elle pour des dépens qui leur sont dus, et se les approprier. Des communautés de Fremel-la-Grande, de Mousin en Lorraine, et des villes de Corrèze en Limousiu, et de Juillac, département de Tulle. Ces deux villes sollicitent un tribunal de district. De la communauté de l’Hôpital-Saint-Lié en Bourgogne; elle fait le don patriotique de la somme de 200 livres. Du bourg du Pont de Beauvoisin ; il fait hommage à la patrie du produit de la taxe sur les ci-devant privilégiés, montant à la somme de 335 livres.