136 lAesemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 mars 1791.} d’environ 7 à 800 cotes, ce qui peut faire porter à cinq millions de plus les cotes des contributions mobilières. Gela ne doitpas paraître effravant pour ceux qui seront dans le cas de payer cette contribution. Je prie Monsieur le Président de mettre aux voix le premier article; le voici : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « La contribution mobilière sera, pour l’année 1791, de 66 millions, dont 60 pour le Trésor public, 3 à la disposition de la législature, pour être employés conformément aux articles 6 et 7 du décret du 13 janvier 1791, et 3 millions à la disposition des administrations de département, pour être employés par elles en décharges ou réductions, remises ou modérations, conformément aux mêmes articles. » (Get article est adopté.) M. Defermon fait lecture de l’article 2 qui est ainsi conçu : Art. 2. « La contribution foncière sera, pour l’année 1791, de 240 millions, qui seront versés en totalité au Trésor public. » M. Gombert. Messieurs, l’affaire qui nous occupe aujourd’hui est un des principaux objets de notre mission; les ennemis delà Révolution critiquent nos opérations dans toutes les parties du royaume ; ils s’efforcent de persuader aux peuples que l’impôt foncier va accabler les propriétaires : c’est pour démentir toutes ces assertions que j’ai demandé la parole; honorez-moi d’un instant d'attention, et je me charge de vous démontrer : 1° qu’en portant l’impôt foncier à 280 millions, il sera de plus de 60 millions au-dessous de celui que les peuples payaient dans l’ancien régime; 2° Que si l’Assemblée nationale n’avait pas fait des réformes salutaires, il aurait faLu imposer sur les peu pies une somme de 924 millions, pour acquitter le déficit qui se trouvait entre la recette ordinaire, avec la dépense ordinaire, et pour rembourser l’arriéré et les sommes dépensées à l’avance. Dans l’ancien régime, les terres supposaient en vingtièmes, tailles, corvées, décimes .............. 190 millions. Les dîmes, suivantles connaisseurs, montaient à .................. 100 Les corvées, les bannalités, les droits représentatifs de la mainmorte, supprimés, au muins à.. 10 L’impôt foncier qu’auraient dû supporter les villes privilégiées, le clergé et la noblesse, doit être porté ici à .................... 40 Total ......... 340 millions. L’impôt foncier montait donc dans l’ancien régime a 340 millions au moins; je dis au moins, parce que, dans les 100 millions auxquels j’évalue la dîme, je ne comprends point les frais d’exploitations, qui coûtaient beaucoup aux décimuteurs et qui étaient nuis pour les cultivateurs. Ge dernier n’a pas besoin de | auliers ou de dîmeur, il n’a pas besoin de voituriers, parce qu i! ne lui en coûte pas plus d’amener six douzaines et six gerbes, que de n’en amener que six douzaines ; enfin les frais de battage deviennent nuis pour le cultivateur, parce qu’il bat l’biver, à son temps perdu; si vous ajoutiez à cela le bénéfice que faisaient les fermiers de la dîme, vous trouveriez qu’il faudrait ajouter au moins une somme de 40 millions à celle de 100 millions, qui fait le prix auquel les dîmes étaient relaissées. Tout ce que je vous dis, Messieurs, est dans la plus grande exactitude, il n’y a que des gens peu instruits ou des ennemis du bien public qui puissent révoquer eu doute ce que j’ai l’honneur de vous avancer. Mais, Messieurs, tout ce que je vous ai dit pour l’impôt foncier n’est pas sans observations. Il est intéressant de faire remarquer à l’Assemblée que l’impôt que vous allez faire supporter aux propriétés foncières porte sur la récolte de 1790; que celte récolte a acquitté la dîme, qui est portée dans mon calcul à 40 millions seulement. 11 serait donc juste de diminuer l’impôt foncier de 40 millions; mais si les propriétaires et les cullivateurs envisagent le bien que vous leur avez fait, la tyrannie, les oppressions et les vexations de toutes espèces auxquelles ils étaient journellement exposes, et dont vous les avez mis à l’abri par vos sages décrets, ils regarderont les 40 millions comme un léger sacrifice fait au bien public. Tous les gens Intéressé-, tous les ennemis de la Révolution ne penseront pas comme moi; mais un honnête homme doit toujours être vrai et désintéressé. J’ajouterai une réflexion : Une autre observation qui est intéressante, c’est que les biens nationaux qui ont changé de main depuis l’année dernière sont susceptibles d’être imposés pour la récolte dernière; si la nation paye cet impôt, les propriétaires n'ont rien à dire; si, au contraire, elle ne le paye pas, voilà une surcharge considérable. Pour obvier à cet abus, je crois qu’il serait juste de diminuer l’impôt foncier au moins de 20 millions, parce que je crois que les biens nationaux doivent supporter au moins cette somme dans l’imposition foncière. La dîme était un impôt si accablant pour l’agriculture que je suis persuadé qu’un propriétaire cultivateur, en détournant le grain provenant de sa dîme, il trouvera une somme suflisante pour acquitter son imposition : cette vérité est si constante, qu’en ma qualité de cultivateur et de décimateur, je peux vous assurer qu’exploitant des dîmes dans un pays purement agricole, j’ai toujours vu que le produit de mes granges aux dîmes excédait de beaucoup le montant des impositions des municipalités où j’avais la dime. Les cullivateurs n’ont pas de meilleurs amis que vous, Messieurs; mais il ne faut pas tirer d’un bon ami tout ce qu’on voudrait bien. Il s’agit de vous démontrer maintenant que si les choses fussent restées dans l’ancien état, nous aurions été obligés de payer, pendant bien des années, 940 millions d’impôt annuel. Quand le gouvernement a rendu son compte, lors de l’Assemblée des notables, les impôts montaient à ....................... 575 millions. Les frais de recouvrement à ..... 58 La dîme, avec les frais d’exploitation et bénélice des fermiers à 120 Les droits seigneuriaux supprimés à ....................... 6 Le déficit annuel ou la différence entre la recette et la dépense à 181 _ Total .......... 940 millions. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1791.] Ces calculs sont si constants, qu’ils sont à la connaissance de tous ceux qui ont quelques notions en finances; si quelqu’un en doute, qu’il lise la critique du compte du gouvernement faite par M. Necker. Maintenant, que les ennemis de la patrie et de nos opérations disent partout comme ils le font que les fonds vont être écrasés, la réponse sera simple, et je leur dirai : si vous étiez restés dans Damien régime, que vous regrettez tant, vous auriez payé 940 millions d’impôts, ou il aurait fallu entasser emprunts sur emprunts, qui auraient immanquablement amené la banqueroute, au lieu que les représentants de la nation, que vous regardez comme des ignorants en finances, ont réduit cette masse énorme d’impôts à 570 millions. Dans l’ancien régime, les bons citoyens, les gens instruits gémissaient sur l’état des finances, parce qu’ils voyaient qu’il était impossible d’ac-uitter des impôts aussi énormes. Ils apercevaient evant eux un avenir accablant, au lieu qu’au-jourd’hui nous avons la perspective la plus consolante. Tout le monde sait que les rentes viagères dont la nation est grevée montent à 120 millions; que les pensions qui sont accordées au clergé supprimé montent au moins à 60 millions, ce qui augmente les impôts de plus de 180 millions; toutes ces sommes s’anéantiront et diminueront annuellement, ce qui fera diminuer l’impôt progressivement. Voilà de ces vérités qu’il faudrait que toute la Frauce connut. Je conclus donc : 1° Que l’impôt foncier soit réduit à 226 millions qui entreront net dans le Trésor public; 2° Que le comité d’imposition soit chargé de faire passer à toutes les municipalités une adresse qui contiendra l’ancien état et l’état actuel des finances. Nous devons cette satisfaction au peuple, nous nous la devons à nous-mêmes pour confondre tous nos ennemis; 3° Je fais la motion très expresse que toutes les diminutions qui surviendront par Us extinctions de rentes viagères et de pensions des membres du clergé supprimé, seront imputées sur l’impôt foncier et personnel. M. de Folleville. Je demande l’impression, Monsieur le Président, ma demande est appuyée; je vous prie de la mettre aux voix. (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression du discours de M. Gombert.) M. des Royes. Je demande que le comité d’imposition soit chargé de vous faire un rapport demain sur le mode nécessaire pour faire un rôle-matrice pour l’impôt territorial, en prenant 5 0/0 et en ne s’écartant pas des bases d’égalité déjà décrétées. M. de llontlosier. On a toujours présenté ceux qui monteDt dans cette tribune pour combattre les calculs de votre comité comme voulant s’opposer à toute espèce d’impôt. Non, Messieurs, les ennemis du bien public seraient ceux qui, en vous conseillant d’augmenter les impôts, vous conseilleraient d’augmenter 1a. somme de mécontentement déjà assez grande dans tout le royaume. Je ne suis pas cependant étonné de cette inculpation. Lorsque nous nous sommes oppo-és à quelques articles de votre Constitution, on nous a accusés de ne pas vouloir de Constitution. (Murmures à gauche.) M. Cigongne. Je demande si M. de Montiosier 137 est chef d’un parti, pour dire : « Nous nous sommes opposés. » M. de llontlosier. Les impositions arbitraires excitent les haines entre les citoyens surtout dans les campagnes; il en arrivera sûrement qu’un homme, dès qu’il sera imposé arbitrairement par son voisin, deviendra son ennemi. Si je parle ainsi, c’est que je sais bien que le bonheur simple et journalier des campagnes tient à ces petites inimitiés particulières. Je crois qu’en allégeant autant qu’il sera possible la masse de cette espèce d'impôt, vous rendez un grand service à la nation. Je pense, d’un autre côté, que, pour l’année 1791, on ne peut pas, comme ou vous l’a dit, employer toute la somme de 240 millions, sans en défalquer la dîme qui a été perçue en 1790; car il est vrai que les impôts de 1791 ne se payeront que sur les revenus de 1790. Je crois donc devoir adopter cet amendement de M. de Delley, et je demande que ta discussion soit rouverte sur le second article, et qu’on entende successivement les opinions pour et contre l’article 2, et j’appuie subsidiairement l’amendement de M. de Delley. M. Le Bois-Desguays. Sans me perdre dans des calculs hypothétiques, comme font fait tous les détracteurs du projet du comité, je ferai un raisonnement simple, fondé sur un calcul certain. Je suppose un petit propriétaire d’un fonds produisant 100 livres de rente. Ce particulier payait ci-devant de vingtièmes. 11 livres. Dans les pays où l’impôt indirect était le plus considérable et où, conséquemment, l’allivrement de la taille était le plus faible, il était de 2 sols du principal du revenu ............. 10 » Les accessoires excédaient un peu le principal ; c’était donc pour l’accessoire de ia taille ................ 11 » M. Rœderer. Et il aura la dîme. M. Fe Bois-Desguays. Il résulte de ce calcul, qui ne peut trouver de contradicteurs, que ce particulier payera 8 livres de moins qu’il ne payait ci-devant. 11 gagnera, en outre, la dîme et tout ce qu’il payait en impôts indirects sur les objets de consommation. Si, en adoptant le projet du comité, vous procurez une diminution aussi considérable aux habitants du pays où l’impôt indirect était le plus fort, et où le taux de la taille était le plus bas, je vous demande, Messieurs, si cette diminution ne sera pas bien plus sensible dans les pays qui ne payaient pas d’impôts indirects, et où le taux 138 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] excessif de la taille était accablant pour l’agriculture, puisque cette diminution portera, eu entier, sur l’impôt direct. Il est donc certain que la mauvaise foi ou l’ignorance peut seule combattre le projet du comité. M. de Delley. Je propose l’amendement suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que l’impôt de la dîme supporté par la cote de 1790, doit influer sur la quotité de la contribution foncière de l’année 1791, décrète que la partie de cette contribution foncière qui devra être versée au Trésor public pour les dépenses générales de 1791, sera fixée à une somme de 210 millions. » Vous voyez, Messieurs, que cet amendement laisse toute la latitude pour augmenter l’année prochaine. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.) Un grand nombre de membres demandent qu’on aille aux voix sur l’article 2. M. de Delley. L’Assemblée ne peut pas... M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur l’article 2 du projet de décret du comité. (L’épreuve a lieu.) M. de Delley. Avant que vous prononciez le décret, Monsieur le Président, je demande à observer que sur un article d’une conséquence aussi importante il est étonnant qu’une partie de l’Assemblée ne prenne point part à la délibération... Je dis qu’il y a du doute; je demande l’appel nommai. Pusieurs membres : A l’ordre ! M. le Président. Je vais faire une nouvelle épreuve. (L’article 2 du projet du comité est décrété à une grande majorité.) M. Defermon donne lecture de l’article 3 du projet de décret. M. dflEstourmel. Si vous établissez des sous additionnels pour iivre, il est certain qu’au lieu de faire payer le cinquième du revenu net, vous ferez payer le quart et peut-être le tiers. Je suis convaincu qu’il y a tel et tel département où l’imposition foncière sera plus considérable qu’elle ne l’était sous l’ancien régime. Je demande que l’Assemblée passe aux articles suivants et qu’elle renvoie celui-ci à la fin ; car il est véritablement le complément de nos travaux sur l’imposition. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : L’ajournement à demain ; éela est trop important. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. Doucher, député du Pas-de-Calais , demande un congé de six semaines pour vaquer à ses affaires. M-Iiucas, député des Côtes-du-Nord, demande une prolongation, de congé d’environ deux mois, temps que les médecins jugent nécessaire pour le rétablissement de sa santé. (Ces congés sont accordés.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre du ministre de la marine , ainsi conçue : « Paris, le 16 mars 1790. « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous prévenir que je viens de recevoir une lettre de M. de Sade, chevalier de Malte, lieutenant des vaisseaux de l’Etat, par laquelle je vois que cet officier, qui s’est retiré à Nice, paraît s’être déterminé à ne pas rentrer en France. .! Conformément aux dispositions du décret du 22 décembre 1790, je vais proposer au roi de faire supprimer M. de Sade des listes de la marine et de le remplacer à la première promotion. « Je suis avec respect, etc. .. « Signé : DE FLEURIEU. » M. le Président. J’ai reçu une lettre de M. de Curt, dont je vais donner connaissance à l’Assemblée : « Monsieur le Président, « Il a été dit hier matin, après la lecture du procès-verbal, que le décret rendu la veille sur les officiers des classes supprimées avait été surpris au commencement de la séance. « C’est moi qui l’ai présenté, par ordre du comité de la marine, où il avait été assez longuement discuté. « Non accoutumé à entendre de pareilles inculpations contre lesquelles la droiture de mes sentiments et l’amour de mes devoirs déposeront toujours, j’ose vous supplier, Monsieur le Président, de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale la protestation que je fais, au nom de l’honneur, contre tout ce qui pourrait atténuer la confiance qu’elle a daigné quelquefois m’accorder. « Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, etc. « Signé : DE CüRT. » M. le Président. L’ordre du jour pour demain sera la suite de la discussion du rapport du comité d’imposition sur les moyens de pourvoir aux dépenses publiques et à celles des départements pour 1791, le rapport du comité d’agriculture et du commerce sur le tarif des denrées coloniales, et la suite de la discussion sur les successions. (La séance est levée à trois heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MONTESQUIOU. Séance du jeudi 17 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.