304 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.] d’hôtel du roi (art. 12 et 13, titre lee), ci ......... Quantin (Jean-Gabriel) , né le 12 août 1717. ' Concession pour service de valet de chambre de Madame Sophie de France (art. 13, titre Iîr), ci ..................... Quesnel ( Marie-Marguerite Gensay, veuve du sieur), née le 12 août 1717. Concession pour services de son mari, fourrier de la seconde compagnie desmousquetaires (art. 13 titre Ier)- ci ............. Londeix du Pintignon (Jean-Mathieu), Dé le 29 août 1717. Concession pourservice de brigadier des gardes du corps du roi, et pour retraite de ce service (art. 13, litre Ier), ci ..... Saint-Mesme (Pierre-Heetor-Marie),néle28août 1717. Services dans les gardes du corps du roi jusqu’à sa retraite, suivant simple déclaration, et sauf justification du titre (art. 13, titre Ier), ci ..... Séribe (Jacques), né le 16 septembre 1717. Service de confesseur des pages de la petites écurie du roi (art. 13, titre Ier), ci ...................... Allegrin de Dian ( Marc-René), né le 29 septembre 1717. Dernier service comme porte-manteau de Madame Louise de France, tante du roi ; concession tant j our ce service qu’à titre de remplacement d’antre pension, sans expression de motif pour ce dernier objet (art 12 et 13, titre Ier), ci ............. Savalte de la Motte (Jean), né le 28 septembre 1717. Service dans les gardes du corps du roi. Concession pour ce service (art. 13, titre 1er), ci. . ., Granval (Marie-Marthe deChérie, veuvedu sieur), née le 2 octobre 1717. Concession pour services de son mari dans les chevau-légers de la garde du roi (art. 13, titre Ier), ci. Dàlainvillf. (Henri-Louis), né le 3 novembre 1717. Service demaréchaldes logis du roi ; concession pour ce sevice (art. 13, 4,250 1 . » s . » d . 1,459 6 3 106 10 841 2 6 500 400 4 , 500 » » 531 5 266 5 titre Ier), ci ............ Montigny (Guillaume), né le 12 novembre 1717. Dernier service comme écuyer du roi et de Madame Victoire; diverses concessions toutes pour ceservice(art. 13, titre Ier), ci ..................... Bonnay de Bel vaux (Claude), né le 21 novembre 1717. Service dans les chevau-légers de la garde du roi; concession pour ce service et pour réforme du même corps (art. 13, titre Ier), ci ............ Saint-Christau (François), né en 1717. Service commencé dans les gardes du corps du roi, continué dans un régiment, repris et fini dans les gardes du corps; concession d’une partie pourchacune de ces deux espèces de services (art. 12 et 13, titre Ier), ci ...... Total .......... 1,037 1. 10 s. » d. 5,899 10 1,699 10 310 2 6 84,507 1. 15 s. 3 d. (Ce décret est mis aux voix et adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur la donation faite au cardinal Maza-rin, en 1659, du comté de Ferrette et des seigneuries de Belfort , Delle } Thann, Altkirch et lsenheim. M. Geoffroy, rapporteur. Messieurs, dans les divers rapports qui vous ont été présentés au nom du comité des domaines, vuus avez vu des ministres, tantôt faibles, tantôt prévaricateurs, ou autoriser par leur tolérance, ou favoriser par leur crédit, quelques-uns de ces actes collusoires, qui, sous le nom d’échange, de vente ou de donation, ont amené rapidement la ruine de nos linances et la dilapidation des domaines de la couronne; mais on ne vous en a pas encore montré abusant assez de la faveur des rois, pour s’approprier personnellement, par des donations directes, une portion considérable du patrimoine de l’Etat; et c’est contre un ancien abus de ce genre, trop souvent imité depuis, que les administrateurs du département du Haut-Rhin, et ceux des districts de Belfort et d’Altkirch, invoquent votre justice. La donation qu’ils vous dénoncent, et dont nous vous entretiendrons dans ce rapport, est celle faite au cardinal Mazarin, premier ministre de Louis XIV en 1659, immédiatement après la signature du traité des Pyrénées, du comté de Ferrette, et des seigneuries de Belfort, Delle, Thann, Altkirch et lsenheim, situés dans la ci-devant province d’Alsace, et réunis à la couronne en 1648, par le traité de Westphalie. Quelque importante que soit cette affaire, il ne faut pas s’attendre qu’elle vous offre, dans ses détails, d’autre intérêt que celui de l’immensité et de l’illégalité du don; jaloux d’économiser votre temps, si précieux pour la chose publique, j’ai dû écarter avec soin tous les épisodes aux- [Assamblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.] 3Q5 quels le sujet n’invilait que trop peut-être; et vous ne trouverez, dans le compte que le comité m’a chargé de vous rendre, que les faits et les principes nécessaires pour éclairer, motiver et déterminer votre décision. Le comté de Ferrette, les seigneuries de Belfort, de Delle, Thann, Altkirch et Isenheim, composant en partie ce qu’on appelait autrefois le Suntgaw, ont été cédés à la France en même temps que la haute et basse Alsace, par le traité de Munster, qui assura à l’Empire une Constitution, et à la France une province. A l’époque de la conquête, les fiefs que nous venons de rappeler, possédés par une branche impériale à titre patrimonial et héréditaire, formaient l’apanage de deux princes de cette branche, Ferdinand-Charles et Sigismond-François, désignés dans le traité sous le nom d’archiducs d’Inspruck. Ces princes, en renonçant, de concert avec l’empereur et les Etats de l’Empire, à toutes les parties distraites de l’association germanique au profit de la couronne, réclamèrent, comme propriétaires fonciers, et en qualité de possesseurs territoriaux, une indemnité; et cette indemnité fut fixée d’une part à la somme de trois millions tournois, payables pendant ie cours des années 1649, 1650 "et 1651, un tiers par chaque année dans la ville de Bâle. De l’autre, la France s’engagea à acquitter, à la décharge des archiducs, les deux tiers des dettes ou emprunts de la chambre d’Isenheim, espèce de tribunal de police, justice et finances, dont la juridiction s’étendait non seulement sur les biens patrimoniaux de la maison d’Autriche en Alsace, mais encore sur quelques parties des provinces voisines. Quoique nous n’ayons pas, sur la quotité de cette seconde partie de l’indemnité, des notions bien précises, la persévérance avec laquelle les plénipotentiaires impériaux insistèrent sur cette clause nous autorise à penser que l’obligation que contracta la France à ce sujet ne fut pas moins onéreuse que la première. Mais , quelle que soit l’op'.nion que l’on veuille adopter à cet égard, les détails où nous venons d’entrer suffisent pour se faire une idée de l’importance des fiefs pour lesquels on ne craignait pas, dans un temps de détresse, de sacrifier des sommes aussi considérables que cinq à six millions (1). Le premier payementdevaitcommencer, comme nous l’avons dit, en 1649; mais plus de 10 années encore s’écoulèrent avant qu’il s’effectuât; l’empereur et l’Empire, en traitant à Munster, s’étaient obligés de rapporter une renonciation de la cour d’Espagne à toutes ses prétentions de famille sur l’Alsace; et le roi d'Espagne, malgré la défection de ses alliés, s’opiniâtrait à continuer une guerre malheureuse, que les troubles de la France firent durer jusqu’en 1659, qu’il consentit enfin, par l’arlicle 61 du traité des Pyrénées, de donner son accession à celui de Munster. On prit dès lors des mesures avec les archiducs pour les solder; ils ont été exactement payés, et c’est tout ce qu’il importe que vous sachiez de ce point d’histoire, que nous n’avons dù vous rappeler que pour vous faire connaître la valeur immense des fiefs que vous verrez bientôt passer entre les mains du cardinal Mazarin, à une époque où sa fortune, insultant à la misère des peuples (1) L’argent était alors à 26 livres le marc; ainsi ce n’est pas trop évaluer l’indemnité que de la porter ci 10 millions de nos livres actuelles. lre Série. T. XXVIII. et surpassant les trésors des rois, semblait l’inviter, sous ce double rapport, à épurer la source de ses richesses par le bon usage, et à couvrir, sous les dehors de la modération, les taches dont une ambition sans mesure et une avarice sans exemple avaient flétri jusque-là le cours d’une vie recommandable d’ailleurs par de grandes actions et d’utiles services; mais la cupidité et la soif de l’or écoutèrent-elles jamais les conseils de la prudence et de la raison? Les fiefs du Suntgaw avaient appartenu à une maison souveraine, ils étaient devenus la partie la plus précieuse des domaines de la couronne; c’en était assez pour que le cardinal ministre en désirât passionnément la possession. Ensuite de ses vues, il forma donc son plan de conquête; et pour en assurer le succès, il commença par écarter un surveillant incommode, en ôlant le gouvernement de l’Alsace et la préfecture d’Haguenau au comte d’Harcourt; et son successeur, dans ces deux emplois, fut le cardinal Mazarin lui-même. Ce premier pas fait, nul obstacle ne paraissait plus devoir arrêter ce ministre dans ses desseins; arbitre absolu des grâces, disposant de tout souverainement par l’ascendant qu’il avait acquis sur l’esprit d’un roi jeune et sans expérience, il suffisait qu’il demandât pour obtenir; mais il est, hors du cercle des cours, une autorité que les rois et les ministres ne méprisent pas toujours impunément, et cette puissance redoutable, c’est l’opinion publique : le cardinal, quoique despote, quoique tout-puissant, sentit le besoin de la ménager, et il se résolut d’attendre qu’une occasion favorable rendit l’envahissement des domaines nationaux d’Alsace moins odieux; elle se présenta quelque temps après dans la conclusion de la paix avec l’Espagne. Le roi et la reine mère s’étaient avancés, dans le courant d’octobre 1659, jusqu’à Toulouse, pour suivre de plus près les progrès des négociations; dès qu’elles furent terminées, le cardinal se hâta de les venir rejoindre dans cette ville; il y arriva le 21 novembre. Les honneurs qui lui furent rendus par le roi, la servitude habituelle des courtisans et l’enthousiasme des peuples qu’un jour de bonheur console si aisément d’un siècle d’oppression, l’avertirent que le moment était venu de s’emparer des biens d’Alsace. La donation qu’il s’en fit faire est du mois de décembre de la même année 1659. Elle est datée de Toulouse, que la cour ne quitta que le 27, pour se rendre en Provence. L’exposé des lettres de don contient, comme c’est l’usage dans ces circonstances, un éloge pompeux du donataire. Telle fut toujours en France l’heureuse destinée des hommes puissants, qu’ils n’ont pu être enrichis sans être en môme temps loués! 18 à 20 mois s’étaient à peine écoulés, depuis que le cardinal s’était mis en possession des fiefs d’Alsace, lorsque la mort vint mettre un terme à ses prospérités et à ses jouissances. Des remords, avant-coureurs de sa fin prochaine, troublèrent ses derniers moments et l’engagèrent à donner ses biens au roi. Il fallait les restituer au peuple, et le peuple eût béni sa mémoire : c’était sans doute le meilleur moyen de calmer ses scrupules; mais le peuple n’eût pas repoussé la donation, et le monarque le fit. Il permit au cardinal de disposer de sa fortune; et le ministre scrupuleux ne manqua pas d’y comprendre et les gouvernement et offices vacants, et ceux 1 dont il était pourvu. Il les distribua à ses nom-20 [14 juillet 1791.J 306 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. breux parents, et il acheva ainsi de prouver qu’un premier ministre en France ne peut pas moins pour l’exaltation de sa famille, que le souverain pontife le plus entêté des idées de népotisme. Telle était la prodigieuse fortune d’un homme obscur, qui avait débuté dans le monde par s estimer heureux et honoré de posséder un cano-nicat de Saint-Jean de Lalran, que, mettant à part ce qu’il lui en avait coûté pour doter et établir ses nièces mariées au prince de Conti, au duc de Modène, au comte de Soissons, au duc de Mercœur, au connétable Colonne, etc. et prélèvement fait de legs immenses à ses neveux et nièces, au pape, au roi, à la république de Venise, à des maisons de charité, etc., il laissa à Hortense Mancini, sa nièce favorite, et à Charles de La Porte, son époux, ses légataires universels, un revenu de plus de 1,500,000 livres de rente, tant en argent qu’en duchés, terres et gouvernements. Cet immense héritage, qui comprenait les biens d’Alsace, fut grevé, avec l’agrément du roi, qui approuva le testament dans deux occasions différentes, soit avant, soit après la mort du cardinal, d’une substitution indéfinie, qui embrasse tous les sexes et toutes les branches, jusqu’à l’extinction totale de tous les individus de la famille mazarine. C’est en vertu de cette disposition qui appelle les ü I les au défaut des mâles, que les biens d’Alsace (car nous ne devons nous occuper que d’eux), après avoir circulé, par le mariage de l’héritière du dernier duc de La Meilleraye, dans les familles de Duras et d’Aumont, sont passés à M. de Valen-tinois, du chef de son épouse, fille unique d’Elisabeth de Duras, et de N... ci-devant duc d’Aumont. Amenés par le récit des faits comme en présence des parties intéressées, c’est devant elles que je vais établir : 1° Que la donation de 1659, que le comité vous propose de révoquer, a été surprise sur un faux exposé; 2° Qu’elle est contraire aux lois fondamentales de l’Etat; 3° Qu’elle fut, de la part du cardinal, le fruit d’une cupidité indiscrète dans ses motifs, et dangereuse dans ses effets. § 1er. La donation de 1659 est nulle pour avoir été surprise sur un faux exposé. Je ne me propose pas de disserter ici, ni sur le mérite et les services du cardinal Mazarin, ni sur les éloges qu’il lui a plu de se faire donner par les commis expéditionnaires du bureau des grâces; c’est vers des torts plus essentiels, plus graves, plus nuisibles à la chose publique, que des écarts de vanité, que se dirige ma critique, et que doit se porter votre attention. J’élague même sans regret les faits qui ont précédé la donation; et quoique vous ayez pu déjà y apercevoir des indices remarquables de la marche insidieuse du principal ministre, c’est dans la donation elle-même, c’est dans la donation seule que je puiserai la preuve complète de la félonie du cardinal et de la surprise par lui faite à la religion du monarque. Cette surprise et cette félonie résultent de ce que le principal ministre a fait insérer, dans les lettres de don, des énonciations fausses qui ne pouvaient que compromettre la majesté royale, en mettant en opposition le langage du prince avec des actes authentiques eties lois fondamentales de l’Etat. Elles résultent de ce que ces énonciations mensongères n'avaient pour objet que de faciliter le don, en détruisant les obstacles que le droit public du royaume apportait à ses vues ambitieuses. Elles résultent de ce qu’il avait, comme ministre, une connaissance personnelle, intime et particulière de la fausseté des faits qu’il ne craignait pas de placer dans la bouche du monarque. Enfin cette surprise et cette félonie résultent de ce que, dépositaire unique et exclusif de son autorité et de sa confiance, il ne s’en est servi que pour le tromper avec plus de facilité pour son profit particulier, et au grand détriment de la chose publique. Il a trompé le prince, en lui dissimulant que les fiefs d’Alsace avaient été réunis à la couronne par le traité de Westphalie en 1648, et qu’ils étaient par là devenus inaliénables. 11 a trompé le prince, en lui présentant ces mêmes fiefs non seulement comme non réunis, mais même comme disponibles à sa volonté. J’aurai occasion, dans le paragraphe suivant, de combattre en fait et en principe ces erreurs graves qui détruisent la donation au fond; mais, comme elles ne me semblent pas moins propres à caractériser l’obrepiion des lettres de don, et à constituer le ministre en mauvaise foi, c’est sous ce rapport unique que je les considère en ce moment, et je conclus de l’existence de ces erreurs, qu’elles sont l’ouvrage du ministre. J’ai jusqu’ici raisonné dans cette hypothèse, il s’agit de l’établir. En droit, toute dissimulation frauduleuse en un acte est censé l’œuvre de celui qui profite du dol. Celte présomption de la loi accuse le cardinal à la fois donateur et donataire. L'histoire et les faits parient plus haut encore. A l’époque où les lettres de don furent expédiées, on ne connaissait en France d’autre autorité que la sienne, d’autre loi que sa volonté; tout se faisait, se donnait ou s’achetait par son influence; il avait aboli l’usage des conseils, et seul il tenait les rênes de l’Empire. Ce n’était plus le temps où, incertain de sa destinée et des bornes de son crédit, il cherchait un asile en terre étrangère, contre des arrêts de proscription : sa patience avait lassé les haines ; victorieux de toutes les factions, il régnait sur la France en despote, au nom d’un roi destiné à de grandes choses, mais jeune, et dont il caressait les passions pour le tenir écarté des affaires; la seule à laquelle il ne lui permît pas de se livrer étaitle besoin qu’il éprouvait déjà de faire des heureux. Le prince accordait-il quelque grâce, quelque emploi, le minisire en disposait autrement, et censurait le monarque en lui disant : vous n'y entendez rien, laissez-moi faire; et que faisait le ministre? Il vendait ce que le roi avait donné (1). (1) Le roi s’abandonna tellement à tout ce qu’il voulait, qu’il ne se mêlait de rien du tout. Le cardinal ne venait jamais chez lui, mais il allait plusieurs fois chez le cardinal, auquel il faisait la cour comme un simple courtisan... 11 recevait le roi sans se contraindre ; à peine se levait-il quand il entrait et sortait, et jamais il ne le conduisait hors de sa chambre. Quand le roi accordait quelque grâce sans lui en parler, _ il le gourmandait comme un écolier, et lui disait qu'il ne [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lli juillet 1791.] Je ne cite que ce trait : je pourrais en citer raille. Seul, il doit vous faire sentir combien il fut facile au cardinal de circonvenir le prince, et certes il n’en était pas besoin; le faible trompe, le puissant envahit : le ministre avait par sa position le choix des moyens; il les employa tous, sans craindre des réclamations. D’où auraient-elles procédées? Du conseil!... Mais je l’ai déjà dit, il n’y avait plus de conseil ; comme Louis XI, Mazarin en avait secoué le joug... Du parlement?. .. Et qu’ont jamais fait les parlements contre un ministre en crédit, pourvu que celui-ci, content d’opprimer le peuple, ait eu l’art de ménageries gran !s et de respecter les privilèges des cours supérieures? Aussi, vit-on ces mêmes magistrats qui, dans un temps de troubles, de minorité et de régence, seules époques de leur apparition politique dans l’Etat, avaient mis à prix la tête du cardinal, courbés sous la main qui les avait humiliés, s’empresser d’enregistrer une donation qui pouvait motiver la résistance la plus légitime et la plus honorable pour eux ; une donation proscrite à la fois par notre droit civil et par notre droit public. Par notre droit civil ; comme l’effet nécessaire du dol et de dissimulations artificieuses. C’est ce que je viens de prouver. Par notre droit public; comme contraire au dogme de l’inaliénabilité des domaines de la couronne. C’est ce que je dois démontrer maintenant. § 2. La donation de 1659 est contraire aux lois fondamentales de l’Etat. Le développement que j’ai donné à la proposition auxiliaire que j’ai traitée la première me permet de serrer davantage la discussion péremptoire de celle-ci. En matière de domanialité et de réunion, les principes sont si connus et ont été si souvent exposés dans l’Assemblée, que ce serait abuser de ses moments que de multiplier les citations pour prouver que le prince en France n’a jamais pu, sans excéder les bornes de sa prérogative, disposer des domaines de la couronne par vente ou autrement. Ce point de droit public, reste précieux et unique de nos anciennes institutions, étant constant (1), les faits seuls demandent à être expliqués. Si donc j’établis qu’avant la donation s'entendait pas à ces choses-là : si bien que celui à qui le roi l’avait donnée n’avait rien, et le cardinal la redonnait à un autre, sans que le roi osât gronder. Lorsqu’il était malade, la reine l’allait voir tous les jours dans son lit, et y demeurait longtemps. Il la traitait comme si elle eût été une chambrière, et quand on venait lui dire qu’elle montait pour aller chez lui, il refrognait les sourcils, et disait en son jargon : Ah : cette femme me fera mourir, tant elle est importune ! Ne me iaissera-t-ello jamais en repos? Il poussa si loin son ingratitude... qu’on en levait les épaules, et qu’on disait, en ces termes : qu'on n’avait jamais vu faire litière de la royauté comme il faisait. ( Monglat t. IV, p. -253.) (1) Nous avons à cet égard l’aveu du cardinal Mazarin lui-mèm-', consigné dans les lettres patentes portant confirmation en sa faveur du titre de duché et pairie de Nivernais et Donziois. M. Àubery, qui a publie ses mémoires, lui attribue la rédaction de ces lettres patentes : voici comme le cardinal y fait parler le roi sur la loi de l’inaliénubilité : « Ainsi, il n’y a pas lieu de s’étonner, si après tant de services et publics et particuliers, rendus à nous et 307 de 1659, les tiefs du Suntgaw, cédé? au cardinal Mazarin, avaient été réunis deux fois solennellement au royaume et à la couronne de France et qu’ils formaient ainsi partie intégrante du domaine public à l’époque du don, il en résultera invinciblement que l’acte qui a distrait ces fiefs de la masse commune où ils reposaient sous la sauvegarde de la loi tutélaire de l’inaliénabilité, fût-il d’ailleurs exempt, autant qu’il l’est peu, de tous soupçons de fraude et de machiavélisme, est nul et essentiellement révocable. Or, tontes les preuves, que peut et doit désirer sur ce point l’Assemblée nationale, sont aussi faciles à produire que décisives, et il suffira, pour rassurer sa justice et écarter les doutes de la malveillance, de mettre sous ses yeux les parties du texte du traité de Munster et, par surabondance de moyens, l’article 61 du traité des Pyrénées, qui contiennent la clause de réunion de l’Alsace et du Suntgaw, des domaines et liefs en dépendant, au royaume et à la couronne de France. On lit dans le traité de Munster ou de Vest-phalie, conclu le 24 octobre 1648 par les soins et sur les instructions du cardinal Mazarin, au paragraphe 3, Imperator : « En troisième lieu, l’empereur et l’Empire, tant en son nom propre, qu’en celui de toute la sérénissime maison d’Autriche, comme aussi l’Empire, cèdent tous les droits, propriétés, domaines, possessions et juridictions qui ont jusqu’ici, appartenu tant à lui qu’à l’Empire et à la famille d’Autriche, sur la ville de Brisack, le landgraviat de la haute et basse Alsace, Suntgaw, et la préfecture provinciale des 10 villes impériales ..... et tous les villages ou autres droits qui dépendent de ladite préfecture; et transportent tous et chacun d’iceux, au roi très chrétien , et au royaume de France... « Item. Ledit landgraviat de l’une et de l’autre Alsace et Suntgaw, comme aussi la préfecture provinciale des 10 villes nommées et leurs dépendances. « Item. Tous les vassaux, sujets, hommes, villes, bourgs, châteaux, maisons, forteresses, forêts, taillis, minières d’or, d’argent et d’autres minéraux, rivières, ruisseaux, pâturages, en un mot tous les droits, régales et appartenances, sans réserve aucune, appartiendront au roi très chrétien, et seront incorporés à perpétuité à la couronne de France , avec toute sorte de juridiction et souveraineté. » On lit dans le t-ailé des Pyrénées, dont le cardinal Mazarin fut l’un des rédacteurs, article 61 : « Sa Majesté catholique renonce par ce traité, tant en son nom, que de ses hoirs successeurs et ayants cause, à tous les droits et prétentions, sans rien réserver ni retenir, qu’elle peut ou pourrait ci-après avoir, sur la haute et basse Alsace, le Suntgaw, le comté de Ferrette, Brisack et les dépendances, et sur tous les pays, places et droits qui ont été délaissés et cédés à Sa Majesté très chrétienne, par le traité fait à Munster, le 24 octobre 1648, pour être unis et incorporés à la couronne de France. » Voilà assurément des stipulations de réunion bien formelles et bien précises ! Elles sont très importantes dans la cause. à notre Etat par notre dit cousin le cardinal Mazarini, nous demeurons d'accord que la loi fondamentale de l'Etat, qui en rend le domaine inaliénable, fait obstacle à notre reconnaissance et nous empêche de lui en donner des marques proportionnées à nos intentions. 308 lAssembléeBationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.] Elles servent d’abord à justifier le reproche de perfidie et d’infidélité encouru par le cardinal, pour avoir nié, comme donataire, une clause de réunion qu’il a signée et consentie, comme ministre. Elles servent ensuite à attaquer, clans son principe, la donation de 1659, en ce qu’elles établissent la non-disponibilité des fiefs du Suntgaw, résultant de leur réunion au domaine. Elle existe donc cette réunion, si astucieusement désavouée par Mazarin; consacrée par deux de ces actes qui, chez tous les peuples, ont obtenu le plus grand respect ; elle ne saurait plus être un problème, même pour les parties intéressées. Préexistant à la donation, elle en nécessite l’anéantissement : et vous ne verrez dans sa longue durée et dans la clause insolite d’une substitution indéfinie, qui attestent l’une et l’autre l’oubli des lois, et le règne des abus, qu’un motif de plus de la révoquer promptement. Les autres moyens que nous vous avons présentés jusqu’ici, à l’appui de cette conclusion, sont : 1° que cette donation a été surprise sur un faux exposé; 2° qu’elle est contraire aux lois fondamentales de l’Etat. J’ajoute enlin qu’elle fut, delapart’du cardinal, le fruit d’une cupidité indiscrète dans ses motifs, et dangereuse dans ses suites. § 3. La donation de 1659 fut le fruit d'une cupidité indiscrète dans ses motifs et dangereuse dans ses suites. En effet, lorsque le cardinal Mazarin s’empara des fiefs cl’Alsace, il était déjà couvert des grâces de la cour. Pourvu de plus d’abbayes et de bénéfices que n’en avait jamais possédé le cardinal de Lorraine, dont le faste égalait celui des rois; plus riche que d’Amboise, qui se flattait d’emporter la tiare à l’encan ; il réunissait à ces moyens de puissance, tous émanés de la libéralité de Louis XIII, d’Anne d’Autriche et de Louis XIV, de grandes charges et de grands gouvernements. Après tant de bienfaits, quels que fussent ses services, pouvait-il, sans injustice, prétendre à de nouvelles récompenses ? S’il avait bien fait les affaires de l’Etat, il avait encore mieux fait les siennes avec le prince. Sans doute il fallait bien sous l’ancien régime, qui avait amené les hommes à tout peser au poids de l’or, accorder des encouragements pécuniaires aux citoyens qui se distinguaient dans la carrière des emplois publics; et puisqu’on ne pouvait avoir à la tête des affaires des Régulus et des Gâtons, payer des Périclès et des Alcibiades; mais, dans cet ordre même de choses, il est de certaines limites que la prudence et la raison de l’Etat n’ont jamais dû permettre de dépasser. Par exemple, je crois que, pour récompenser le cardinal Mazarin, il n’était pas nécessaire que ses nièces fussent doté s assez richement pour être recherchées quelquefois inutilement par des rois. Je crois qu’il n’était pas nécessaire d’accumuler sur lui tant de faveurs, que ses trésors dispersés, pur une prévovance soupçonneuse, dans plusieurs places fortes du royaume, devinssent pour lui un objet d’inquiétudes continuelles. Je crois qu’il n’était pas nécessaire qu’il pût jouer par séance 4,000 pistoles, tandis que la reine, sa bienfaitrice, pouvait à peine tirer du Trésor public la somme de 1,000 écus par mois. Je crois qu’il n’était pas nécessaire d’enfreindre les lois du royaume, pour enrichir un ministre qui vendait publiquement les charges de l’Empire et se liait d’affaires avec tous les vampires du peuple (1). Je crois enfin qu’il n’était ni nécessaire ni politique de lui donner en Alsace plus de 200 villages, villes ou châteaux forts, utiles à la défense de l’Etat, et qui pouvaient, par la suite, passer en des mains suspectes. Toutes ces considérations, que je ne fais qu’esquisser, avaient déterminé, sur la fin du règne de Louis XV, M. Fréteau, inspecteur des domaines, magistrat aussi recommandable par son intègre probité, que par ses lumières, à demander, à l’occasion d’un procès existant au conseil entre les héritiers du cardinal Mazarin et leurs censitaires d’Alsace, le retrait des fiefs concédés en 1659. Il ne reçut point alors le prix de son courage, dans l’accomplissement du bien qu’il voulait faire à l’Etat. Vous achèverez son ouvrage en révoquant le don : et environnés des bénédictions des peuples des départements du Haut et du Bas-Rhin, qui sollicitent avec instance ce décret, par la voie de leurs administrateurs, vous mépriserez les clameurs impuissantes de ces hommes qui appellent attentat à la propriété des réformes justes et utiles, exécutées, non en vertu de vos propres dispositions, mais d’après le vœu de la loi la plus ancienne de la monarchie, celle de l’inaliénabilité. Messieurs, il ne me resterait qu’à vous lire le projet de décret arrêté au comité des domaines, si, depuis la publicité de mon rapport, M. de Va-lentinois n’avait fait paraître un mémoire, dont un des principaux objets est de sonner l’alarme contre les opérations du comité, et d’appeler à une défense commune, non seulement ceux qui, sous l’ancien régime, ont profité des libéralités d’un gouvernement prodigue, mais encore les citoyens qui, possesseurs à titres différents de biens domaniaux, ont des intérêts absolument dissemblables. Si l’écrivain chargé de la défense de M. de Va-lentinois eût borné là sa défense; s’il se fût contenté d’emprunter d’un mémoire de M. de Galonné les attaques qu’il a dirigées contre l’As-(1) Le cardinal Mazarin avait amassé des richesses immenses, surtout pendant les dernières années de son ministère. Il prenait en partie, dit le marquis de Monglat, la dépense de la maison du roi, les munitions, l’artillerie, les vivres, la marine et tout le reste, dans le dessein d’y gagner; et quand quelqu’un faisait quelque profit, il croyait qu’on lui volait. Il vendait les charges, les bénéfices, il faisait commerce de tout. La charge de premier président au Parlement de Bretagne étant venue à vaquer peu de temps avant sa mort, la reine mère la demanda pour le sieur ldargouges, qui avait cté son intendant, et le cardinal promit de la lui donner. Dargouges étant venu l’en remercier, il lui dit qu’il était vrai qu’il avait promis à la reine de lui faire avoir cette charge, mais qu’il ne l’aurait pas s’il ne commençait par lui donner 100,000 écus. Dar-gourges lui ayant répondu qu’il n’était pas assez riche pour payer une telle somme, le cardinal lui répliqua qu’il n’aurait donc pas la charge. Dargouges alla aussitôt rendre compte à la reine mère de ce que le cardinal lui avait dit ; elle en parut étonnée : « Ne se lassera-t-il jamais, dit-elle, de cette sordide avarice ? Sera-t-il toujours insatiable, et ne sera-t-il jamais saoul d’or et d’argent ? « Daniel, Histoire de France , t. XVI, p. 83.) [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791.J 309 semblée en soutenant son incompétence, contre le comité en l’accusant d’attaquer les propriétés, contre le rapporteur en lui reprochant des déclamations et des omissions, ma tâche serait bientôt remplie, et je croirais y répondre suffisamment en disant : les peuples ont aussi des droits. Mais, au milieu des phrases indiscrètes dont ce mémoire est parsemé, j’ai dû rechercher, avec plus d’attention, les objections qui touchent au fond de l’affaire; et voici celles qui ont paru au comité mériter une discussion particulière. De ces objections plus nombreuses que solides, les unes tendent à affaiblir les preuves sur lesquelles nous avons établi la domanialité et l’inaliénabilité des terres données au cardinal; les autres ont pour but d’écarter le projet de décret du comité par une fin de non-recevoir, résultant de l’article 13 du titre II de la loi du 1er décembre dernier, sur la législation domaniale. On prétend ainsi opposer le comité à lui-même, et le mettre en contradiction avec une de vos lois. Mais il nous sera facile de vous démontrer que cet article 13, uniquement relatif aux aliénations à titre onéreux, ne s’applique point aux dons et concessions à titre gratuit. Cet article porte : «Aucun laps de temps, aucune fin de non-recevoir ou exceptions, excepté celles résultant de l’autorité de la chose jugée, ne peuvent couvrir l’irrégularité connue et bien prouvée des aliénations faites sans le consentement de la nation. » Le défenseur de M. de Valentinois part de là pour nous faire, avec complaisance, le récit de trois contestations privées que l’héritier immédiat du cardinal Mazarin a portées au conseil, et qu’il y a gagnées; et il en conclut que l’autorité de la chose jugée rend la dunation de 1659 invulnérable, et qu’elle doit être maintenue. Je n’examinerai point, en cet instant, si l’on est fondé à attribuer aux décisions du conseil l’autorité de la chose jugée en matière de domanialité. Je n’examinerai point encore si ces contestations privées ont eu lieu avec le légitime contradicteur; il me paraît plus simple de faire évanouir la difficulté par une analyse raisonnée de la loi du 1er décembre. Cette loi est divisée en 6 paragraphes ou sections : Le premier traite de la nature du domaine; Le second des conditions auxquelles il peut être aliéné ; Le troisième des apanages; Le quatrième des échanges ; Le cinquième des dons et concessions ; Enfin le sixième comprend les articles généraux, communs à tous les paragraphes. De cette division, qui place dans un cadre séparé les dispositions particulières à la matière d’une section, il résulte qu'on ne peut étendre les articles de la seconde à la troisième ; de celle-ci à la quatrième, et vice versa; et l’intention du législateur à cet égard est d’autant mieux marquée, qu’il a pris soin de réunir, dans un titre distinct, les articles généraux qui embrassent l’ensemble des dispositions classées sous différents paragraphes. Il est donc vrai que l’Assemblée nationale n’a pas voulu que l’on pût protéger, par l’exception de la chose jugée, les donations et concessions à titre gratuit. Gela est encore évident en fait, cela est encore fondé en raison. Cela est évident en fait ; depuis la loi du premier décembre, elle a révoqué des donations importantes, quoique les donataires, infiniment plus favorables que le représentant du cardinal Mazarin, eussent en leur faveur l’autorité de la chose jugée. Elle a révoqué les apanages, quoique les apa-nagistes eussent aussi des arrêts en foule, et, ce qui valait mieux que des arrêts, l’aveu formel des lois alors existantes, lois qui ont toujours été contraires aux concessionnaires à titre gratuit. Gela est fondé en raison; car il serait contre toute justice de placer sur la même ligne, et de vouloir traiter avec la même indulgence les donataires qui se sont emparés des domaines nationaux sans bourse délier, et par la seule dépense de l’intrigue; et des acquéreurs qui ont fourni au gouvernement, dans des temps de détresse, le prix des fonds que ce même gouvernement leur a aliénés. Si les moyens puissants que je viens de déduire, pour prouver que l’article 13 ne s’applique point aux donataires, avaient besoin de plus de développement, je dirais, qu’avant votre législation, les acquéreurs môme d’un bien domanial, réputé et jugé patrimonial, n’avaient eu jusqu’à vous qu’une possession incertaine et précaire, et que c’est pour faire cesser les inquiétudes qui résultaient d’une jurisprudence aussi rigoureuse à leur égard, que vous vous déterminâtes à adopter en leur faveur l’exception de la chose jugée ; ce qui manifeste de plus en plus l’esprit de l’article 13, dont la véritable latitude est d’ailleurs inébranlablement déterminée par la place qu’il occupe au titre II des aliénations, absolument étranger à celui des dons, comme à celui des apanages. J’insiste sur ce point; ce n’est pas que les défenseurs de M. de Valentinois aient un aussi grand intérêt qu’ils le pensent à nous faire prendre le change sur cette question ; car, quand nous nous prêterions à leur accorder que les fins de non-recevoir, résultan de l’autorité de la chose jugée, concernent aussi les donations , il resterait encore à examiner si les décisions du conseil intervenues en faveur de l’héritier immédiat du cardinal Mazarin, avant même que son titre fût revêtu de toutes les formes requises, peuvent constituer l’exception de l’autorité de la chose jugée, et le comité des domaines ne le pense pas. Chacun sait que le conseil du roi n’avait, en matière de domaine, qu’un pouvoir d’administration; chacun sait que le contentieux de cette partie, sur la demande des états de Blois de 1579, avait été rendu aux parlements, seuls juges compétents. Toutes les fois donc que le conseil s’est permis de juger les contestations domaniales, il a usurpé une juridiction qu’il n’avait pas, il s’est attribué une autorité qui avait été déléguée à d’autres cours par les lois du royaume; or, comme il ne peut exister de plus grand vice dans un jugement que l’incompétence du tribunal, les arrêts que M. de Valentinois invoque ne sauraient lui être d’aucune utilité. Dans l’usage, le conseil lui-même ne regardait pas ses arrêts comme judiciaires, ni comme opérant l’exception de la chose jugée. Il ne les regardait pas comme judiciaires, car sans requête civile on plaidait devant lui 5 ou 6 fois de suite pour le même fait, avec l’espoir de revenir à la charge suivant les circonstances. 310 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 juillet 1791. J Il ne les regardait pas comme opérant l’exception de la chose jugée; c’est le sentiment de d’Aguesseau, qui a fait une étude profonde de la matière. 11 serait en effet étrange que le roi donateur pût, dans son conseil, rendre irrévocable une donation, comme juge de son propre fait: cela implique contradiction aux yeux de tout ami, je ne dis pas de la liberté, mais de la justice. D’après ces diverses remarques, dont une seule suffit pour repousser la fausse application de l’article 13 et la prétendue exception delà chose jugée, il devient inutile d’examiner, si, dans les trois procédures que rapporte M. de Valentinois, on a contesté la validité du titre de ses auteurs ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’on n’y a pas abordé la question de front, comme nous le faisons aujourd’hui ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’intention des parties, avec qui M. le duc de Mazarin fut en instance, n’était point d’opérer la ruine entière de la donation, mais de se soustraire à certaines charges et à certains droits, ou d’obtenir le relâche de quelques parties de cette immense propriété : on a jugé les titres de M. de Mazarin meilleurs que ceux de ses compétiteurs ; on a défendu aux juges compétents d’en connaître, et voilà tout ce qu’on peut conclure de ces arrêts, qu’il était si facile à un homme en crédit d’obtenir sous l’ancien régime. M. de Mazarin, quoique vainqueur dans les trois contestations dont il s’agit, fut loin de se regarder comme à l’abri d’attaques nouvelles. Sentant les vices de son titre, il prit, sur la fin de l’année 1707, des lettres de surannation à l’effet de faire enregistrer la donation de 1659 à la chambre des comptes, et elle n’y a été enregistrée qu’en décembre 1707. Lorsque des arrêts du conseil en ont ordonné l’exécution, elle était donc aussi incomplète dans sa forme que vicieuse au fond ; que peut-: 1 y avoir de plus insigni fiant que de pareils arrêts? Tant de considérations accumulées ne permettent pas de penser que vous vous arrêtiez, Messieurs, à une fin de non-recevoir qui n’existait point dans l’ancienne jurisprudence domaniale; à une fin de non-recevoir que vous n’avez créée que pour les possesseurs à titre onéreux de biens domaniaux jugés patrimoniaux ; à une fin de non-recevoir dont on n’excipe que par une extension abusive donnée à votre loi du 1er décembre; à une fin de non-recevoir qui ne serait favorable qu’aux donataires avides qui auraient plaidé pour augmenter leurs droits; à une lin de non-recevoir qui ne peut être constituée par de simples arrêts du conseil, et surtout par ceux dont argumente M. de Valentinois. Je me suis refusé à faire l’analyse de ces arrêts pour ne pas compromettre, par une question de fait très indifférente, une question de droit très claire, et ne pas surcharger de détails superflus une affaire qui se réduit aux seuls points que j’ai discutés dans le rapport imprimé. On a élevé des doutes sur un seul de ces poinls, c’est-à-dire sur la réunion des biens patrimoniaux des archiducs à la couronne, réunion opérée par la conquête, réunion opérée par deux traités solennels, réunion telle qu’il n’en existe pas de plus positive pour aucun domaine de la couronne, et l’on a dit que ces traités étaient conditionne's, parce que la somme promise aux archiducs d’inspruek n’a été payée que postérieurement à ces mêmes traités : cette objection est pitoyable ; c’est comme si l’on disait que l’acquéreur d’une maison n’en est pas propriétaire parce qu’il a des termes pour en acquitter le prix et qu’il ne l’a pas soldé comptant. On a dit encore que la réunion à la couronne n’était pas la réunion au domaine, et qu’il fallait une déclaration postérieure d’incorporation ; il ne manque à cette objeclion qu’une loi qui l’appuie, et le moindre reproche que l’on puisse lui faire, c’est qu’elle est en opposition avec les ordonnances anciennes et avec vos propres décrets. Avec les ordonnances anciennes, celle de 1566 définit ainsi le domaine delà couronne. « Le domaine de notre couronne est entendu celui qui est expressément consacré uni et incorporé à notre couronne. » Avec vos propres décrets, car tous les dons que vous avez révoqués vous ne l’avez fait qu’en vertu du seul principe que les biens ou conquis, ou cédés par traités, forment partie du domaine de la couronne. Il y a plus : la déclaration spéciale d’incorporation que nous demandent les défenseurs du prince héréditaire de Monaco existe dans des lettres patentes ad hoc, qui autorisent les commissaires du roi à prendre possession en son nom de tout ce qui appartenait à la maison d’Autriche en Alsace. Ces leitres patentes, en date de 1657, antérieures par conséquent de deux ans à la donation de 1659, complètent la réfutation des moyens divers par lesquels on a essayé de combattre le projet de décret du comité, que je vais avoir l’honneur de vous présenter. Depuis l’impression du rapport, on y a joint deux nouveaux articles arrêtés de concert avec le comité des impositions. Par l’un on pourvoie, de la même manière que vous avez jugé à propos de le faire pour les employés des apanagistes, au sort des agents de M. de Valentinois dans les terres d’Alsace. Cette disposition est à la fois juste et politique. Par l’autre, on vous propose d’ordonner que le remboursement des offices seigneuriaux sera fait par le Trésor public; et nous avons encore pour guide, dans cette circonstance, un de vos décrets. Il serait trop rigoureux d’assujettir M. de Va-lentiuois, dont la position particulière mérite des égards, et qui n’a joui personnellement que fort peud’années des biens compris dans la donation, à un remboursement, qui, quelque léger qu’il fût, ajouterait aux privations que commandent le vice de son titre, l’intérêt des lois et de la société. Voici le projet de décret que nous vous proposons (1) : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, annule et révoque la donation, faite au cardinal Mazarin, des ci-devant comté deFerrette et seigneuries de Belfort, Delle, Tant:, Altkirch et Isenheim, par lettres patentes du mois de décembre 1659, lesquelles demeurent (1) Le projet primitif du comité était ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, annule et révoque la donation faite au cardinal Mazarin, des ci-devant comté de Ferrette et seigneuries de Belfort, Delle, Thann, Altkirch et Isenheim, par lettres patentes du mois de décembre 1659, lesquelles demeurent aussi révoquées, comme tout ce qui s’est ensuivi. « En conséquence, décrète que les domaines corporels et incorporels, droits et objets quelconques dépendant des ci-devant comté et seigneuries sus-mentionnés, seront en conformité de l'article 10 du décret du 22 novembre dernier, sur la législation domaniale, régis, administrés et perçus, suivant leur nature, par les préposés des régies et administrations nationales. » [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Io juillet 1791.] 311 aussi révoquées, comme tout ce qui s’est ensuivi. « En conséquence, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les domaines corporels et incorporels, droits et objets quelconques dépendant des ci-devant comté et seigneuries susmentionnés, seront, en conformité de l’article 10 du décret du 22 novembre dernier sur la législation domaniale, régis, administrés et perças, suivant leur nature, par les préposés des régie et administration nationales. Art. 2. « Pourront les agents actuellement chargés du soin et de la manutention desdits biens, être conservés provisoirement dans leurs places, par l’administration, et ils seront susceptibles d’obtenir un remplacement dans les nouvelles régies, en concurrence avec les anciens employés des fermes en régie supprimées, et avec les préposés à la perception des droits jadis levés au prolit des apanagistes. Art. 3. « Pourront les titulaires d’offices de judica-ture, officiers municipaux, greffier, huissier, dans l’étendue des ci-devant comté et seigneuries, qui ont acquis lesdits offices des successeurs et ayants cause du cardinal Mazarin, présenter leurs titres et quittances de finances au commissaire du roi, directeur de la liquidation; et le remboursement leur en sera fait par le Trésor public dans la même forme et au taux décrété pour les offices de même nature étant à la charge de l’Etat. » (L’ Assemblée décrète l’impression du rapport de M. Geoffroy.) La discussion est ouverte sur le projet de décret présenté par le comité. M. llartineau. Sans entrer dans le fond du projet, sans traiter de la validité ou de l’invalidité de l’aliénation, j’observe à l’Assemblée que la matière ne peut être de la compétence du Corps législatif et qu’il faut renvoyer l’affaire aux tribunaux. Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que son comité des domaines lui fera, dans 8 jours, un rapport sur le choix du tribunal qui sera chargé de l’examen et jugement des revendications des domaines nationaux indûment aliénés,; en distinguant les grands et les petits domaines, et qu’il lui présentera ses vues sur l’attribution de la connaissance de ce qui concerne les petits domaines aux tribunaux de district. » Un membre appuie cette motion. M. Pison du Gala ml, au nom du comité des domaines. Il faut distinguer dans la révocation des aliénations domaniales ce qui appartient à la législation ou à l’administration, de ce qui est ou peut être contentieux : la faculté de révoquer ne peut jamais être contentieuse, parce que la révocabilité perpétuelle de toutes les aliénations du domaine de la couronne faites sans le consentement spécial des représentants de la nation, en est une condition inséparable, et l’exercice de cette faculté, étant un acte de la volonté nationale, ne peut émaner que d’elle. C’est d’après ce principe que, dans l’ancien régime, les révocations ou réunions, soit générales, soit particulières, étaient ordonnées par des actes en forme législative, ou par des arrêts du conseil du propre mouvement, et il est peut-être sans exemple que le roi ou les ministres ou préposés, pour révoquer une aliénation domaniale, aient eu recours à une demande ordinaire, en revendication, par-devant les tribunaux. Il ne peut du reste s’élever de contestation dans l’exécution de la révocation, que si, par exemple, les préposés qui en sont chargés se mettent en possession de biens que l’aliénataire soutiendrait n’être pas domaniaux, ou ne pas dépendre de la concession ; si l’aliénataire a des impenses ou des finances légitimes à répéter avant la dépossession, etc; mais l’acte même ou la déclaration de révocation ne préjudicie à aucune de ces questions, dont la décision peut appartenir aux tribunaux ou à la liquidation. D’après ces motifs, je demande la question préalable sur la motion du préopinant. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Martineau.) Un membre propose l’ajournement du projet du comité, sous prétexte que M. de Yalenlinois n’a pas eu le temps de pouvoir compléter sa défense. Un membre fait observer que M. de Valentinois a eu de très longs délais pour le faire. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement.) M. Geoffroy, rapporteur , donne une nouvelle lecture du projet de décret du comité. (Les divers articles de ce projet sont successivement mis aux voix et adoptés sans modification.) M. I�avie. Je demande qu’aucune des séances du soir ne se passe sans un rapport du comité des domaines ; il est temps que nous fassions justice des déprédations de l’Etat. Je demande que nous commencions par l’affaire de Sancerre. (L’A -semblée décrète que l’affaire de Sancerre sera à l’ordre du jour de jeudi au soir.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETH. Séance du vendredi 15 juillet 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin, qui est adopté. M. Lianjuinais. Messieurs, les décrets des 21 et 25 juin dernier concernant la forme de promulgation des décrets de l’Assemblée nationale, qui ne seraient ni acceptés ni sanctionnés par le roi, ne sont pas exécutés par les ministres; il vient de sortir de l’imprimerie royale plusieurs exemplaires de décrets, qui ne sont pas intitulés du nom de loi. Je demande, en conséquence, que (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.